Je suis asperger et je me demande comment perdre un fétichisme du latex?

Comment perdre un fétichisme du latex ?
J’ai un fétichisme pour le latex. Ce qui me pose un sérieux problème.
Le latex, c’est un truc d’homosexuel et de maîtresses. Je ne devrais pas être excité par ça, pour moi ce n’est pas normal.
Je ne veux plus être excité par ça. Comment dois-je procéder ?
J’essaie de m’en priver dans l’espoir que ça passe, je ne réussi qu’a me frustrer.
Les seules personnes qui prétendent avoir la solution sont des fanatiques religieux aux traitements abusifs (homophobie, torture psychologique et parfois physique), non seulement le procédé est scandaleux mais en plus ça marche pas.
Bref, je ne sais pas quoi faire. Je suis face a cette me*** dont je voudrais me débarrasser et j’ai beau chercher sur google et poser la question sur des groupes spéciaux, personne ne semble avoir la solution. Auriez-vous des pistes ? Merci d’avance et bonne journée a vous.
PS : Je suis asperger si ça peux vous aider.

Jérémy
Rose Dorian

Note : dans l’optique de représenter les réflexions actuelles des communautés autistes, nous privilégions l’utilisation du terme autiste plutôt que « Asperger » à AlterHéros. Cependant, nous respectons l’auto-identification des gens comprenons que ce terme est encore parfois utilisé.

 

Bonjour Jeremy,

Merci de faire confiance à AlterHéros!

Avant toute chose, je m’excuse d’avoir pris un peu plus de temps que prévu pour te répondre. Tu amenais un sujet fort intéressant et j’ai voulu effectuer des recherches de mon côté pour mieux adresser ta question. Aussi, puisque tu mentionnes que tu es Asperger, j’en profite pour préciser que je le suis aussi. Je pense que c’est important de tenir compte de nos besoins comme personnes neuroatypiques d’autant plus lorsqu’il est question du grand thème de la sexualité!

Je comprends que tu te demandes comment arriver à te défaire d’un fantasme qui te cause des soucis. Tu as l’impression d’avoir fait le tour des autres ressources disponibles en ligne et on dirait que rien ne fonctionne. Je comprends que ce soit décourageant à la fin! Plus précisément, tu aimerais comprendre comment te défaire du fétichisme que tu as développé pour le latex.

J’aime bien commencer par m’assurer que nous partageons les mêmes définitions, mais je n’oublie pas ton besoin et je te reviens ci-dessous avec des trucs concrets pour répondre à ta question. Alors, déjà, qu’est-ce que le fétichisme? Mon collègue Guillaume explique justement la différence entre les sens clinique et culturel du terme fétichisme dans sa superbe réponse à Pourquoi est-ce que je refuse d’assumer mon fétichisme des pieds? Pour le citer, « [un] fétichisme, selon la définition clinique, renvoie à ce besoin ou cette obligation du fétichisme afin d’être excité·e ou d’avoir une relation sexuelle » tandis que « [le] fétichisme dans le langage populaire peut être défini comme tout ce qui est excitant dans l’imaginaire d’une personne ou dans l’imaginaire collectif d’une communauté ou d’une société ». Ainsi, « [si] on compare avec de l’alcool par exemple, ce serait la différence entre apprécier une bière froide à la fin d’une journée chaude d’été plutôt que d’avoir besoin d’une bière pour décompresser à la fin de chaque journée ».

Il n’y a absolument rien de mal à avoir des fétiches ou des kinks comme on dit en anglais pour parler de sexualité hors norme ou non-conventionnelle. Justement, chez AlterHéros, nous répondons régulièrement à des questions sur le BDSM et les fantasmes en tout genre en lien avec, par exemple, les petites culottes, les collants, les couches, l’urine, la scato, le cuir et oui… même le latex! La plupart de ces thèmes tournent justement autour de ce qui est tabou en société, ce qui n’est pas surprenant puisque leur aspect déviant ou interdit fait souvent partie intégrante de ce qui les rend excitants.

Tu n’as donc pas tort d’avoir ce réflexe d’associer le latex avec des pratiques sexuelles plus taboues ou marginalisées puisque c’est vrai qu’il s’agit d’une matière souvent associée à l’érotisme, voire à la luxure. J’ai trouvé un article bien intéressant qui détaille le fétichisme du latex et comment les particularités de cette matière peuvent stimuler les sens et l’imaginaire. C’est aussi important de souligner qu’il y a effectivement des sous-cultures gaies très kinky comme la communauté cuir.

J’aimerais donc commencer par te dire que tes désirs sont tout à fait normaux! Bien que les combinaisons de latex soient plus souvent associées aux communautés kinky, queer ou à l’industrie du sexe dans l’imaginaire collectif, il ne s’agit pas d’un lien exclusif. On peut très bien être un homme hétéro avec une vie plus « conventionnelle » et fantasmer sur la lingerie moulante portées par de belles personnes. Je dirais même que c’est très commun, pensons déjà aux magnifiques combinaisons portées en spectacle par Madonna ou Rihanna pour ne nommer que celles-ci. Je suis certain·e qu’elles en ont fait rougir plus d’un! En même temps, je trouve important de rappeler qu’il n’y a pas de honte à être homosexuel·le, kinky ou à faire du travail du sexe.

Ensuite, pour reprendre une partie d’une ancienne réponse, j’aimerais ajouter qu’un « aspect important de l’intervention en réduction des méfaits est la Loi de l’effet. En bref, l’effet de la consommation dépend de l’interaction entre trois éléments : l’individu, la substance et le contexte. Si on prends [sic] un exemple du quotidien, on peut penser au café. Est-ce que le fait de boire un café est une bonne ou une mauvaise chose? L’effet sera différent selon la personne (enfant, adulte, personne malade, etc.), selon la substance (décaféiné, espresso, avec ou sans sucre, etc.) et selon le contexte (repas, examen stressant, sport, etc.). Le fait de regarder un ecchi [ou des habits en latex!] ou de se masturber devant est aussi un comportement qui n’est pas bon ou mauvais en soi. Si on s’inspire des principes de la Loi de l’effet, on peut s’attarder à différents facteurs pour t’aider à faire un choix éclairé dans ta situation.

Tout d’abord, cela dépend de toi. Comment te sens-tu lorsque tu fais cette activité? Est-ce que c’est quelque chose d’agréable qui fait partie de ta routine? Est-ce que c’est un moyen que tu utilises pour te détendre ou pour te donner de l’énergie? Comment te sens-tu après? Est-ce que tu te sens calme ou enjoué? Au contraire, ressens-tu de la colère, de la honte ou de la culpabilité? Si c’est le cas, sais-tu pourquoi? Puisque le désir sexuel est aussi influencé par les émotions, c’est important de prendre cet aspect en considération. […]

De plus, le contexte dans lequel tu le fais a aussi un impact. Est-ce que c’est une activité que tu fais de temps en temps, presque tous les jours ou plusieurs fois par jour? Est-ce que c’est une partie de tes loisirs et de tes passe-temps ou est-ce que toute ta vie tourne autour de cela? Est-ce que ton désir sexuel augmente, diminue ou reste stable dans le temps? Si tu as des relations sexuelles ou romantiques avec une ou plusieurs autres personnes, est-ce que tu remarques si cette activité a des impacts? Quels sont-ils? »

Plusieurs personnes neuroatypiques présentent aussi un niveau de sensibilité sensorielle beaucoup plus ou beaucoup moins élevé que le reste des gens. J’ai l’impression que cela tombe sous le sens d’avoir une fascination pour les textures, les couleurs et les formes intéressantes quand on est autiste! Les vêtements moulants qui compriment le corps peuvent aussi avoir un effet très relaxant, un peu comme un « gros câlin » réconfortant.

Bref, tu n’as donc absolument aucune obligation de te défaire de ce fantasme s’il t’apporte de la joie et de la satisfaction! Mais bon, c’est aussi possible que tu veuilles diminuer l’intensité de la place qu’occupe ce fantasme dans ta vie. De la même façon, c’est possible que la sexualité devienne rapidement un moyen constant d’apaiser l’anxiété ou de se soustraire temporairement à des sensations désagréables. Entre nous, c’est vrai que le fait d’être neuroatypique vient souvent avec son lot d’anxiété… Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse ici, c’est une analyse vraiment personnelle. Comment faire dans ce cas pour se sortir de cette situation?

Malheureusement, comme tu l’as déjà constaté par toi-même, il n’y a pas de recette miracle pour trouver de l’aide sur Internet. Entre les thérapies de conversions, les discours qui diabolisent la sexualité et les approches spirituelles ou religieuses auxquelles on peut parfois ne pas adhérer, il y a en effet de quoi se perdre! Je parle ici autant par mon expérience professionnelle que personnelle. Je te fais confiance pour conserver l’esprit critique dont tu fais déjà si bien preuve si tu souhaites poursuivre tes recherches. En effet, je pense qu’il faut savoir retirer ce qui est bon pour nous et savoir mettre le reste de côté.

Je te propose ainsi quelques suggestions librement inspirées de la littérature du groupe Sex Addicts Anonymous, un groupe d’entraide du type 12 étapes pour la dépendance sexuelle. Que penserais-tu de commencer par adopter une approche bienveillante envers tes désirs? Déjà, le latex est un objet de désir tout aussi valide qu’un autre, et en plus, la meilleure façon de rester accroché sur quelque chose c’est de tenter de ne pas y penser. C’est vrai que c’est très frustrant!

Tu peux aussi faire l’exercice de réflexion suivant : dessiner trois cercles imbriqués (comme quand on regarde un tronc d’arbre par exemple). Dans le plus grand cercle, tu peux inscrire ce qui correspond pour toi à une sexualité saine. Dans le plus petit cercle, tu peux écrire les éléments que tu considères comme problématiques ou qui seraient à éviter. Puis, dans le cercle entre les deux, tu peux écrire ce qui demeure incertain ou qui peut changer selon le contexte.

Je trouve que c’est intéressant de prendre le temps de faire un diagramme du genre pour plusieurs raisons. Déjà, c’est souvent plus facile d’avoir un support visuel et c’est encore plus vrai pour les personnes neuroatypiques. Aussi, cela peut donner l’occasion de remettre nos perceptions en question et de réfléchir à notre définition individuelle d’une sexualité saine et positive. On peut aussi s’en servir pour alimenter des discussions, pourquoi pas en consultant des réseaux comme Fetlife, en joignant des groupes de soutien locaux ou en ligne ou en allant consulter des organismes communautaires locaux ou des professionnel·le·s qui offrent des services axés sur une vision positive de la sexualité?

J’espère que ces différentes ressources et suggestions te seront utiles pour progresser dans ton cheminement en lien avec ta sexualité! N’hésite pas à nous réécrire si tu as d’autres questions qui te viennent en tête par la suite!

Prends bien soin de toi,

Rose Dorian, intervenant·e social·e & bénévole pour AlterHéros

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