2 août 2021

Je fais un peu d'anxiété sociale et j'ai un grand malaise concernant ma propre sexualité... Suis-je neuro-divergente?

Bonjour belles personnes! Je suis une femme de 25 ans et n’ai pas eu beaucoup d’expériences sexuelles, j’ai seulement eu un copain pendant 4 ans. Je me sens très prude quand je parle de ma sexualité, en entendre parler j’adore, mais parler de MA sexualité je bloque et je me ferme. Quand j’étais avec mon copain, je n’avais pas d’imagination et je n’étais rarement voire jamais excité envers lui, et je n’étais pas à l’aise vraiment de parler avec lui de ce qui me plaisait car je ne savais pas et les « on pourrait essayer ça » étaient seulement des hypothèses et ne se faisait jamais, la gêne aussi me bloquait complètement! (Aussi je n’étais pas réellement amoureuse de lui, mais j’essayais fort de me convaincre) Fourrer/faire l’amour, Je ne sais pas, je trouvais ça drôle et bizarre, mon cerveau n’est pas capable de voir ça comme quelque chose de naturel. Les fois que j’appréciais vraiment c’est lorsque c’était éducatif dans le sens ou ça devenait un jeu : si je touche là qu’est-ce que tu ressens et là et là et là, mais je n’étais pas excité par lui, mais j’appréciais le moment. Je ne suis pas capable de prendre ma sexualité comme quelque chose de sérieux, je trouve cela trop étrange et je ne sais pas pourquoi. Je me masturbe oui, mais c’est physique, je ne regarde pas de pornographie car ça me rend mal à l’aise et me fait sentir incompétente. J’adore écouter des podcasts et des trucs éducatifs queer/hétéro sur la sexualité, je trouve cela très intéressant. Cependant, je n’arrive pas à trouver ce qui m’excite ou appliquer les réflexions que j’ai développé à travers mon éducation dans ma propre sexualité. J’ai pensé à l’asexualité ou à la demi-sexualité, mais j’avais développé un lien fort avec mon copain, mais je n’étais pas excité par lui. Et je ne crois pas non-plus être asexuelle (je ne pense pas l’être). Et récemment, j’ai eu une date, on a fini par s’embrasser, mais même le french, ça m’a rien fait et c’était juste malaisant à la fin! Mais le gars je l’aimais bien, vraiment de mon goût et très beau, il était parfait, j’aurais pu tomber en amour drette-là avec! Je fais un peu d’anxiété sociale. J’ai peur d’avoir l’air immature et de pas comprendre les signes et c’est exactement ce qui se passe, mon radar sexu est brisé. Je ne comprends pas les codes sociaux de la sexualité. La question pourrait être suis-je neuro-divergente dans ce spectre?

Merci pour votre temps!

J.

Rose Dorian

Bonjour Fleur Épicée,

Merci de faire confiance à AlterHéros!

Je comprends que tu te demandes si tu pourrais être dans le spectre de la neurodivergence en raison des différences que tu remarques dans ton fonctionnement et ton profil de forces et de difficultés personnelles. Ces questionnements s’accompagnent de craintes par rapport au futur, particulièrement en lien avec la sexualité, l’intimité et les relations amoureuses. Je voudrais tout de suite te rassurer sur le fait que ton radar sexu n’est fort probablement pas « brisé », pour reprendre tes mots, et que nous sommes plusieurs à vivre des réalités similaires. Je me permets de parler au « nous » puisque je suis moi-même une personne neuroatypique qui a été assignée fille à la naissance. C’est un aspect important puisque, bien que chaque expérience soit unique, nous vivons bien souvent des réalités et des défis similaires et nous pouvons partager des trucs entre nous!

Pour répondre à ta première question, à savoir si tu es neurodivergente, j’ai envie de te dire que c’est à toi de voir si tu t’auto-identifies comme une personne dont le fonctionnement est différent de celui de la norme, le fameux fonctionnement « neurotypique ». Si on considère que la neurodiversité regroupe les réalités liées à l’autisme, au TDAH, aux troubles dys et aux difficultés de santé mentale pour n’en nommer que quelques-unes, il y a énormément de personnes qui apprennent, communiquent, bougent, ressentent et vivent d’une façon qui ne correspond pas au moule unique et rigide imposé par la société (par ex., être une personne blanche neurotypique cisgenre et hétérosexuelle sans handicap).

Malheureusement, nous avons souvent eu beaucoup de pression de la part des autres pour nous conformer à ce modèle au lieu de prendre le temps de comprendre notre propre fonctionnement. Même si c’est possible que tu aies réellement des difficultés en lien avec l’anxiété ainsi que la reconnaissance et l’interprétation des signaux sociaux, tu demeures une personne à part entière avec tes préférences, tes désirs, tes craintes, tes rêves et tes sensations corporelles! Bref, même si ce que tu ressens est différent de ce qui est « normalement attendu », tu as entièrement le droit de communiquer tes besoins et de t’affirmer.

Nous sommes plusieurs à avoir vécu des expériences au cours desquelles notre consentement n’a pas été respecté, que ce soit dans la vie de tous les jours, dans nos relations, à l’école, dans notre famille ou au travail. C’est particulièrement ardu de pouvoir bien interpréter les signaux de notre corps quand on a entendu si souvent des choses comme « c’est mieux pour toi », « tu n’as pas le choix », « c’est comme ça que ça fonctionne », etc. C’est pour cela que je mets l’accent sur l’importance de réapprendre à se respecter et à mettre ses limites. Juste au cas où, si cela te ramène à des expériences passées plus difficiles en lien avec la sexualité, n’hésite pas à communiquer avec la ligne Info-aide Violence sexuelle au 1 888 933-9007.

Puis, c’est justement pour répondre aux besoins de nos communautés que les membres neuroatypiques d’AlterHéros ont fondé le volet Neuro/Diversité, un programme qui permet à des jeunes neurodivers‧e‧s de 14 à 30 ans de mettre en lumière leurs besoins et points de vue en ce qui concerne, entre autres, l’éducation à la sexualité, la prévention des agressions sexuelles, et la création d’espaces sécuritaires ainsi que l’ouverture à la diversité sexuelle, à la pluralité des genres et à la neurodiversité. Un premier guide Explorer l’intersection entre neurodiversité et diversité sexuelle et de genre a été publié en 2017. Je t’invite à suivre l’évolution du projet Love-moé comme du monde qui a justement pour objectif final de créer une trousse ludique et éducative par et pour des personnes neurodiverses 2SLGBTQIA+. Tu peux aussi suivre d’autres organismes comme DAWN-RAFH Canada et la Maison des femmes autistes du Québec qui se concentrent plus spécifiquement sur les réalités des femmes et des personnes non-binaires neuroatypiques.

Je te suggère de lire les questions suivantes si tu souhaites en apprendre plus :

–       Avez-vous des tests pour savoir si je suis autiste?

–       Quels sont les impacts qu’un TDAH peut avoir sur la sexualité?

–       Est-ce qu’AlterHéros connait des ressources concernant l’éducation à la sexualité adaptée pour les jeunes sur le spectre de l’autisme?

–       Je ne sais pas différencier l’amour et l’amitié, est-ce que c’est lié à l’autisme?

Aussi, je constate en te lisant que tu n’abordes pas le fait d’avoir ou non des attirances envers des personnes qui ne sont pas des hommes (cisgenres). Je me permets ainsi de citer une partie de ma réponse à J’ai des fous rires à chaque fois que je vois un pénis, je trouve ça vraiment ridicule à voir! Mais je sais que ça peut être offensant pour mon partenaire… Comment arrêter de rire à chaque fois?  :

« Est-ce que ta réaction pourrait être liée en tout ou en partie à ton orientation sexuelle? C’est possible que ce soit une autre piste à explorer tout comme c’est possible que cela n’ait aucun lien, c’est bien difficile à dire! Je t’invite à lire l’article “Suis-je lesbienne” et autres questions autour de l’hétérosexualité obligatoire pour guider ta réflexion ainsi que les excellentes réponses de mes collègues Guillaume et Maxime à Suis-je lesbienne plutôt que bisexuelle et Je suis de plus en plus dégoûtée par tout ce qui touche aux relations sexuelles, suis-je asexuelle? »

J’espère que ces informations pourront t’aider à orienter tes réflexions et apprendre à mieux te connaître. C’est souvent bien plus facile de parler de la sexualité en général que de se pencher sur notre propre vécu, je confirme, mais en même temps c’est un chemin qui est souvent riche de découvertes et d’apprentissages!

N’hésite surtout pas à nous réécrire si tu veux continuer d’explorer le sujet ou si tu as d’autres questions. Tu peux aussi communiquer directement au neurodiversites@alterheros.com pour en savoir plus sur les offres de soutien individuel et de groupe.

Prends bien soin de toi!

Rose Dorian, intervenant‧e social‧e & bénévole pour AlterHéros

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