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14 octobre 2021

Je suis prisonnier de mes pratiques de cruising gay et de sexe anonyme. Comment retrouver contrôle?

bonjour,
je découvre.votre site et les réponses particulièrement pertinentes et construites aux questions d internautes

j’ai 48 ans, marie depuis 23 ans, 2 grands enfants.(23 et 20 ans). je suis prisonnier de mes pratiques sexuelles depuis l’age de 20 ans. En clair, je fréquente depuis toujours les lieux de sexe (saunas, lieux de drague anonymes, aires autoroutes, forêt etc), consomme du sexe anonyme, bref, répond a la pulsion de la rencontre. Je baise comme un animal, les relations sont dénuées d’humanité. Parfois je me dégoûte. Seulement, après.10 ans de thérapie, Je n arrive.toujours pas a quitter ces.lieux. c.est devenu comme.un loisir, une activité occupationnelle, une obsession. parfois j annule des rdv pro pour me rendre sur des lieux. je suis aussi addict aux réseaux type grindr.

Suivi psy sérieux, tout est abordé, seulement Je n arrive.pas.a me séparer de ces pratiques ( qui ne construisent rien, n apportent rien à long terme si ce n est gérer mes.angoisses)

je me suis longuement interrogé sur mes pratiques homosexuelles. je.n arrive toujours.pas a définir une.orientation. .d’ailleurs est il besoin d en définir une ? j accepte une éventuelle homosexualité, bisexualité ou que sais je ?

Ma problematique : comment sortir de ces pratiques obsessionnelles, relations anonymes et déshumanisées, COMMENT RETROUVER DU CONTROLE ?
a.noter, que les relations sexuelles avec.ma.femme.sont devenues zero, au,fur et a mesure du temps (me.suis éloigne, honte, culpabilité etc….)

Au total 10 ans de thérapie sérieuse avec.psychiatres, psychothérapeutes etc et pas de.changement significatif dans mes pratiques, si ce n’est plus d.acceptation et moins de culpabilité, résignation

Dois je quitter ma femme, envisager.un nouveau mode de vie ? satisfaire une perversion ? j ai très tres peur de l abandon !!!!

Merci de me lire. Et encore félicitations pour votre investissement
Chrispi

Guillaume Perrier

Salut Chrispi!

J’aimerais te remercier d’un amour sincère et profond pour ta question. Tu soulèves ici, dans ton message, un vécu partagé par une très grande quantité de personnes et c’est tout à ton honneur de prendre le temps de le verbaliser à nos côtés aujourd’hui. Étant moi-même un homme qui a du sexe avec d’autres hommes, et ayant également des expériences personnelles avec les applications de rencontre pour hommes et les lieux de sexe, tu n’as absolument pas à être gêné de m’en parler en toute transparence! Par ailleurs, merci pour tes doux mots envers les services d’AlterHéros! On travaille fort à offrir un soutien individualisé et personnalisé à chaque personne qui nous écrit, et je suis content que cela peut être utile pour plusieurs. 🙂

Pour résumer ta situation, tu es un homme et marié avec une femme depuis plusieurs années. Vous avez notamment fondé une famille ensemble. Tu dis avoir l’impression d’avoir perdu le contrôle sur ta sexualité où ta consommation de sexe se fait en grande partie de façon anonyme via les applications de rencontre et les lieux de sexe, comme les saunas ou divers lieux de cruising.

Toutefois, tu décris cette consommation comme étant problématique dans ton quotidien, c’est pourquoi tu nous écris aujourd’hui. Il y a plusieurs éléments dans ta question, je vais donc y aller avec une dimension à la fois. Je suis certainement d’accord que toutes ces dimensions s’entremêlent au quotidien et peuvent complexifier ta situation. À tout moment, sache que tu es le bienvenu pour nous écrire de nouveau et que je comprends tout le sérieux de ta démarche. Tu n’es pas seul. <3 C’est tout un défi pour moi d’essayer de te fournir une réponse complète, à l’écrit, alors qu’il s’agit d’une situation unique et, par définition, complexe. Je tiens seulement à préciser que je ne peux point trouver une réponse pour toi, tu demeures l’expert de ta propre vie et l’expert de ta propre situation. Par conséquent, tu es l’expert de ta propre guérison et tu sais mieux que personne d’autre ce qui peut fonctionner pour toi et quels sont tes besoins pour la suite des choses. Je comprends entièrement que tu tentes de trouver une solution dans ta situation, une solution qui te permettrait de reprendre un certain contrôle sur tes habitudes de consommation de la sexualité. Dans cette présente réponse, je vais ainsi t’offrir des pistes de réflexions et des anecdotes personnelles, car l’intervention par courriel comme nous le faisons aujourd’hui porte certainement des limites.

 

1.Orientation sexuelle 

Tu dis t’être longuement interrogé sur tes pratiques de sexe entre hommes, sans toutefois arriver à définir une orientation sexuelle en particulier. Tu as entièrement raison comme quoi il n’est d’ailleurs absolument pas nécessairement de définir une orientation. Les orientations sexuelles sont d’abord et avant tout des mots, des outils pour nous aider à définir la complexité de nos attirances. Mais ce n’est pas parce que certaines personnes ressentent le besoin de mettre des mots sur leurs vécus et leurs attirances que tout le monde doit le faire! C’est okay de choisir de ne pas mettre de mots sur notre orientation. Néanmoins, je prends la balle au bond pour te partager quelques informations supplémentaires concernant l’orientation sexuelle en reprenant un extrait de la réponse de ma collègue Marion : «L’orientation sexuelle se décline en trois aspects : les désirs, les comportements et l’identité. Les désirs, ce sont nos attirances et envers qui elles se déclarent (est-ce qu’on est plutôt attiré par tel ou tel type de corps, tel ou tel type de personne, qui on aurait envie d’embrasser, etc.). Les comportements, ce sont les actions que l’on pose réellement, à l’inverse des désirs qui renvoient à l’imaginaire (ex : avoir embrassé notre amie, avoir eu une relation sexuelle avec un homme, avoir regardé les fesses d’une personne dans la rue). Finalement, l’identité, c’est l’appropriation et le choix de mots pour se décrire par rapport à notre identité sexuelle (hétéro, lesbienne, pansexuel.le, etc.).» Certains hommes, par exemple, qui seraient en relation amoureuse avec une femme, mais qui auraient plusieurs expériences sexuelles avec des hommes, pourraient se définir comme bisexuels (se basant plutôt sur leurs comportements sexuels) ou comme hétérosexuels (se basant davantage sur leurs désirs amoureux) ou même d’autres termes s’ils lui conviennent mieux! L’identité, c’est vraiment propre à chaque personne, sa façon de se percevoir et son sentiment d’appartenance à une orientation sexuelle plutôt qu’une autre. C’est donc que toi qui peux définir ton orientation – si c’est quelque chose que tu souhaites -.

 

2. Drague et cruising

D’abord, jasons drague! Je comprends entièrement ton attraction envers les lieux de drague anonyme entre hommes! J’en garde moi-même de bons souvenirs, certains un peu moins bons, mais somme toute, je comprends cet intérêt envers ces endroits. Le cruisingpour reprendre l’expression anglaise, est tout de même très intégré à la culture gaie. Historiquement, il s’agissait d’une des seules façons que les hommes pouvaient se rencontrer, mais également pour avoir une sexualité anonyme et rapide. Il y a même un jeu vidéo qui a été créé dont l’objectif est d’accumuler les conquêtes anonymes dans une salle de bain publique. C’est clairement quelque chose de très excitant pour plusieurs et loin de moi l’idée de porter un jugement sur cette pratique!
Toutefois, pourquoi te sens-tu dégoûté de ces comportements sexuels? Je peux imaginer certaines pistes de réponses, mais c’est tout de même à toi d’y répondre. Je crois, d’une part, qu’il est important de se rappeler que ce qui se passe avec ces différentes conquêtes concerne des adultes majeurs et consentants. Il y a, en soi, aucun mal à cela. Toutefois, nos pratiques sexuelles s’inscrivent dans un système qui est beaucoup plus large qui nous dicte que la sexualité anonyme est mauvaise, que d’avoir du sexe avec une personne qui ne nous attire pas est quelque chose de mauvais, que d’avoir du sexe sans parler est quelque chose de mauvais, que d’avoir de la sexualité dans un lieu public est quelque chose de mauvais, que la sexualité en groupe est quelque chose de mauvais… et biensûr, la même société nous dit également que la sexualité entre hommes est quelque chose de mauvais. Pas étonnant que l’on puisse se sentir dégoûté de soi-même après avoir joué avec quelques hommes dans les bois lorsqu’il existe un système de valeur super important dictant ce qui est moral et immoral d’un point de vue de sexualité. Nous vivons après tout dans une société très judéo chrétienne et cet héritage influence encore aujourd’hui ce que l’on qualifie de bonne sexualité et de mauvaise sexualité. Mais je t’invite à réfléchir sur ce que la société nous impose, en termes de valeurs sexuelles, et ce que toi tu as envie de vivre, sur ce que tu définis comme une sexualité saine, positive et émancipatrice. Le concept de consentement nous permet d’établir une première base de cette nouvelle façon de définir notre sexualité à l’extérieur de ce cadre moral strict. Tant et aussi longtemps que le consentement est respecté, écouté et exprimé, alors il n’y en soi aucun mal. 
Si je prends le temps de faire cette introduction, c’est que je ne crois pas qu’une attitude de reproche ou de culpabilité par rapport à tes comportements ou ton passé puisse être productif dans ton processus de guérison. On peut bien évidemment travailler ensemble à atteindre tes objectifs visant à retrouver un contrôle, mais je trouvais important à te contextualiser que le cadre social dans lequel nos vivons en est pour beaucoup dans la construction de cette vision négative de notre sexualité. C’est ainsi tout un défi qui se pose à nous, soit de différencier notre propre perception personnelle associée à la sexualité versus la perception de la société…!


3. Une petite note sur les lois entourant les lieux de cruising extérieur en France

Loin de moi l’idée de porter un jugement à la pratique du cruising/drague extérieur. Je comprends entièrement à quel point cela peut emmener son lot de positif chez de nombreuses personnes, comment cela peut ajouter du piquant, à quel point une très grande mixité sociale d’hommes peuvent partager des espaces et socialiser de la sorte. Néanmoins, puisque cette réponse est publiée sur un site de ressources où de nombreuses personnes peuvent lire ceci, je me dois de faire une petite parenthèse sur les lois en France et de nommer que le fait de s’exhiber de façon sexuelle est puni par le code pénal français selon l’article 222-32 : «L’exhibition sexuelle imposée à la vue d’autrui dans un lieu accessible aux regards du public est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende». Bien que certaines personnes fréquentent des endroits publics, comme certains parcs, forêts ou certaines toilettes publiques, à des fins d’exhibitionnisme et de pratiques sexuelles, je me dois de nommer que ce type de pratique peut être criminalisé en France si ces personnes se font surprendre par la police ou par autrui. Je ne tiens pas à t’encourager à quoi que ce soit, je tiens simplement à te renseigner sur les différents risques et conséquences pouvant être associés au cruising dans l’espace publique, contrairement au cadre sécuritaire et légal offert par les établissements commerciaux à vocation sexuelle, comme les saunas.

 

4. Suivi en thérapie

Je suis certainement très content pour toi de savoir que cela fait dix ans que tu t’offres ce beau cadeau personnel que sont des suivis thérapeutiques avec des professionnel‧le‧s de la santé. Tu peux être fier de toi! Tu dis également que tu parles de tout avec ces personnes, notamment de tes habitudes concernant la sexualité, sans néanmoins avoir ressenti de changements dans ton quotidien. D’abord, le fait d’avoir des personnes à qui en parler est réellement important : tu n’as pas à rester seul avec tout ça sur tes épaules. Puis, des thérapeutes sont d’abord et avant tout là pour nous donner des outils. Il se peut que les outils proposés par ces thérapeutes ne soient pas adaptés à ta situation, ou il se peut que tu n’étais pas prêt à prendre ces outils pour faire ce travail sur toi. Il se peut aussi que ces thérapeutes n’avaient simplement pas les bonnes connaissances pour t’accompagner dans ce processus. Après tout… il y a très peu de thérapeutes qui ont des expériences personnelles avec les lieux de drague et qui puissent comprendre ce type de dynamiques. J’aime parfois dire qu’un‧e thérapeute, c’est comme une paire de bas. Ça peut être confortable dans certains moments, mais ça ne veut pas dire que c’est nécessairement un bon match avec nos pieds! En d’autres mots, des thérapeutes peuvent nous offrir un grand bien sur certains aspects de nos vies, mais peuvent laisser un angle mort sur d’autres aspects. Il n’y a donc aucun mal à magasiner un‧e thérapeute qui répond à des besoins particuliers ou à des facettes particulières de notre identité. Par exemple, pourquoi ne pas choisir un sexologue bisexuel ou homosexuel, histoire de ne pas se sentir jugé par le regard d’un‧e sexologue qui n’a jamais entendu parlé de la drague entre hommes dans les bois! Pour trouver un‧e sexologue gay friendly, tu peux par exemple écrire à l’association LGBT la plus près de chez toi qui tient généralement une liste des professionnel‧le‧s de la santé gay friendly dans leur région. AlterHéros étant un groupe basé au Canada, il m’est un peu difficile de pouvoir te donner moi-même des références en France. Je tiens, avant de poursuivre, à préciser que tu es loin d’être seul et que ton histoire est plus fréquente que ce que l’on peut imaginer. Il est aussi possible de contacter le bureau de l’Association AIDES le plus près de chez toi. Les intervenants travaillant dans ces bureaux sont spécialisés sur l’accompagnement positif et bienveillant d’hommes ayant du sexe avec d’autres hommes et dans l’accompagnement de diverses dépendance liée à la sexualité. Il y a même des groupes de soutien parfois d’hommes vivant des situations très similaires à la tienne! C’est par ailleurs un bel endroit pour avoir recours à des tests de dépistage pour les différentes infections transmissibles sexuellement ou par le sang (ITSS) ou pour te procurer la prophylaxie pré-exposition (PrEP), un médicament que, lorsque pris correctement, permet de se protéger de contracter le VIH. Ça peut être un bel outils à ajouter à nos différentes stratégies de santé sexuelle!

5. Sexualité & Guérison

Certes, le sexe peut être quelque chose de vraiment trippant pour plusieurs. Mais comme le sucre, la cocaïne ou le jeu, le sexe peut devenir addictif. Il n’y a en soi rien de mal à avoir une forte libido, de se masturber quotidiennement ou d’avoir une sexualité au quotidien. Il n’y a, non plus, aucun mal à avoir du sexe avec des gars, aucun mal à avoir une sexualité impliquant plusieurs partenaires. Là où ça peut devenir problématique, c’est lorsqu’il y a des répercussions négatives sur notre quotidien sans être capable de les contrôler, par exemple lorsqu’on doit s’absenter de rendez-vous professionnels pour avoir du sexe… D’autres indices pour savoir que l’on perd notre maîtrise sur notre sexualité sont proposés ici :

-Mes rencontres et activités sexuelles sont à haut risques et mes comportements puissent être autodestructeurs (non respect de soi et de ses propres limites);
-Mes efforts pour me maîtriser ne fonctionnent pas;
-Je néglige d’autres sphères de ma vie au profit de ma sexualité (sociale, relationnelle, professionnelle, etc.)
-Je passe beaucoup (trop) de temps à la recherche, aux rencontres, ainsi qu’à me remettre d’activités sexuelles;
-J’ai très souvent recours à la sexualité pour gérer mes émotions;
-Ma sexualité actuelle n’est plus suffisante, je recherche toujours plus (intensité, fréquence, sensations, etc.);
-Je remarque des changements importants dans mon humeur (avant ou suite à des rencontres sexuelles).

Est-ce que cela a un échos dans ton quotidien? Est-ce qu’il s’agit d’éléments dont tu as déjà discuté avec tes thérapeutes?

Je pense néanmoins que tu as déjà fait une grande partie du chemin en reconnaissant ta problématique et en tentant, en nous écrivant et à en discutant avec tes thérapeutes, de trouver des solutions qui répondront à tes besoins, à tes limites et à ton propre rythme.

Rentrons donc dans le coeur du sujet, c’est-à-dire abordons ce que tu sembles définir comme une perte de maîtrise sur ta sexualité. Est-ce que tu t’es interrogé sur les raisons ou certains déclencheurs qui te poussent à ces comportements? Certaines personnes utilisent la sexualité comme exutoire, pour s’échapper de son quotidien le temps de quelques instants. Est-ce qu’il y a des choses au quotidien qui te créent une anxiété et envers lesquelles tu tenterais de t’échapper de la réalité? Réfléchir à quels besoins tu viens combler par ces habitudes sexuelles peut être un bon point de départ. Je comprends, par ce que tu nous partages, que le geste sexuel en soi n’a peu d’importance pour toi. Que ressens-tu une fois l’acte terminé? Te sens-tu ravi, détendu et souriant après un orgasme? Ou demeures-tu insatisfait après l’éjaculation? Si je peux me permettre une hypothèse, serait-ce possible que ce que tu recherches une certaine forme de validation, ici et maintenant, que tu peux ressentir sur le moment en rencontrant tes partenaires? Et possiblement rechercher satisfaction dans la courte (et éphémère) connexion avec autrui qui s’y déroule? De sentir que l’on peut être désiré par autrui? Il est entièrement humain de chercher la validation des autres de temps en temps. Toutefois, certaines (ou beaucoup!) personnes peuvent avoir des enjeux d’estime personnelle et, dans ce contexte, le recherche d’une validation externe et ce besoin de connexion avec autrui deviennent un fils conducteur à ces comportements, ce qui semble alors un outils pour naviguer le quotidien, naviguer nos différentes anxiétés ou naviguer notre sentiment de solitude. La sexualité peut ainsi agir comme un mécanisme d’auto-régulation pouvant t’aider à mieux gérer la journée. Il s’agit donc d’un cycle, que l’on peut comparer à un cycle de dépendance, et ce qui vient contextualiser les raisons pour lesquelles il peut être si difficile de reprendre un contrôle sur notre sexualité. Tu me suis?

Pour reprendre l’infographie créée par le sexologue Patrice Bécotte, spécialisé sur le type de situations dont tu nous partages, il existe un Cycle de la perte de maîtrise de ma sexualité auquel je t’inviterais à jeter un coup d’oeil. Est-ce que c’est quelque chose qui te parle?

Comme l’on peut le voir dans cette infographie, il est possible qu’il y ait des déclencleurs qui influencent la tension sexuelle que tu peux vivre et qui t’invite par la suite à avoir les comportements sexuels que tu nous décris. Réfléchir à ces derniers et réfléchir à des plans d’action sur comme tu peux naviguer différemment ces déclencheurs, c’est-à-dire réfléchir à d’autres stratégies de gestion du stress, pourraient être à envisager. Tu pourrais discuter de ce schéma avec ton psychologue si tu penses que cela peut être intéressant! Tout le long de ce processus, je pense qu’il est très important que tu puisses cultiver l’auto-compassion, une graine à la fois! L’auto-compassion, c’est le fait de reconnaître sa propre souffrance et d’y répondre avec délicatesse et bienveillance. Il ne s’agit pas ici de se taper sur la tête à chaque fois que l’on perd le contrôle sur notre sexualité, mais bien d’être compréhensif qu’il peut s’agir d’une longue route, remplie d’embuches, mais que tu fais ce travail personnel sur toi afin d’améliorer ton bien-être, d’abord et avant tout. Puis, une solution qui peut souvent fonctionner chez les personnes naviguant des dépendances, notamment des dépendances sexuelles, c’est le fait de construire des liens sociaux significatifs avec d’autres personnes. En d’autres mots, c’est de construire des connexions positives avec certaines personnes. As-tu déjà envisagé te joindre à un groupe de soutien d’hommes vivant des enjeux similaires aux tiens? Il peut avoir un réel sentiment de solidarité, de compassion et d’entraide pouvant émerger de ces groupes! Cela peut aussi prendre la forme de t’impliquer dans diverses activités qui te font du bien et qui te permettent de rencontrer d’autres personnes, comme des groupes de randonnées pédestres, des clubs de lecture ou des activités d’art. Par ailleurs, est-ce qu’il y a d’autres personnes autour de toi à qui tu as partagé ta situation? Serait-ce une option d’en parler avec un‧e ami‧e de confiance ou même avec ta conjointe? Dans un premier temps pour pouvoir verbaliser tout ce que tu vis et nommer ta volonté de prendre soin de toi. Extérioriser cela peut faire partie d’un processus de guérison et de se sentir moins seul avec ce problème. Dans un deuxième temps, il est possible de demander de l’aider à tes proches en leur informant de comment, concrètement, ils peuvent t’aider et t’accompagner dans certaines étapes de ton processus.

 

Par la suite, est-ce que tu connais le groupe Sex Addicts Anonymous? Il s’agit d’un groupe d’entraide de personnes se définissant comme dépendantes à la sexualité et qui propose une série de 12 étapes pour se guérir d’une dépendance sexuelle. Il existe des groupes francophones en France, Belgique et Luxembourg que tu peux trouver en cliquant ici. Dans ce grand processus, c’est à toi de définir les critères de ta guérison. Certaines personnes optent de garder des relations sexuelles de temps en temps, d’autres optent pour de la sexualité qu’avec des partenaires réguliers, d’autres optent pour une sexualité qu’avec leur partenaire principal‧e, et d’autres optent pour la sobriété sexuelle. C’est vraiment à toi de définir ces critères, tout en gardant en tête que tu vises à améliorer ton bien-être. Comme nommé précédemment, il est aussi possible de contacter le bureau de l’Association AIDES le plus près de chez toi afin de connaître les services disponibles pour les hommes qui, comme toi, souhaitent retrouver du contrôle sur leur sexualité et de se renseigner sur leurs recommandations de groupes de soutien pouvant convenir à tes besoins et situation.

Quand la consommation devient un problème, c’est normal de trouver ça dur. C’est normal de ne pas savoir où aller ni à qui parler. C’est compréhensible de se sentir seul et sans ressource. Néanmoins, tu es déjà en train de construire ton village de rétablissement, par essais et erreurs, en nous écrivant par exemple. Reprendre un contrôle sur sa consommation, de sexualité ou autre, ça commence à se connecter avec d’autres gens qui nous ressemblent. Il y a des allié‧e‧s tout autour de toi qui peuvent t’aider aussi. Avec ces personnes, on construit notre village de rétablissement et on peut y cultiver l’espoir en poursuivant notre chemin vers la guérison. Une dépendance à la sexualité est complexe et peut être liée à plein d’autres enjeux, comme l’estime de soi, la honte d’avoir une sexualité entre hommes, la santé mentale, des situations médicales, etc…. Et c’est correct. Je t’invite à continuer à raconter ton histoire, afin d’être vu et reconnu, afin de te détacher du sentiment de honte que tu peux vivre et à te créer une communauté de personnes qui peuvent t’accompagner dans cette démarche.

 

6. Conjointe

C’était mon très grand passage sur la sexualité! Maintenant, explorons un peu plus loin. Tu dis avoir une épouse et tu te demandes si tu dois la quitter afin d’envisager un «nouveau mode de vie», voire même afin de «satisfaire une perversion», mais que tu as très peur de l’abandon. D’abord, que définis-tu par «nouveau mode de vie»? Est-ce qu’il y a des éléments dans ton mode de vie actuel que tu aimerais changer? Quelles sont tes aspirations à ce sujet? Lorsque tu dis de vouloir «satisfaire une perversion», à quoi fais-tu référence exactement? Est-ce parce que tu as l’impression que tes habitudes sexuelles ne sont pas assez?
Néanmoins, je comprends cette peur de l’abandon. En fait, si je peux me permettre une lecture personnelle sur ta situation, cette peur de l’abandon peut être un des facteurs ou une des dimensions liés à tes habitudes de consommation sexuelle. En effet, cette peur de l’abandon peut te pousser à chercher et accumuler des moments de connexion et de validation avec autrui, pouvant inciter aux comportements sexuels précédemment étayés. Mais je vais laisser ton thérapeute adresser plus en profondeur cela avec toi, car il y a des limites importantes à l’écriture!

Or, j’aurais aimé te demander… comment te sens-tu par rapport à ta conjointe? Est-ce que celle-ci est au courant des différents enjeux que tu traverses concernant la perte de maîtrise de ta sexualité? Quels genres de sentiments as-tu pour ton épouse? Quels genres d’attirances? Si tu avais des appréciations positives à faire concernant ton épouse ainsi que concernant votre relation, quelles seraient-elles? Je ne peux hélas point répondre à ta place à savoir si tu dois quitter ou non ton épouse, car il s’agit d’abord et avant tout d’un choix personnel. Tu es l’expert de ta propre situation ici et tu es le seul qui peut définir les différents sentiments que tu ressens envers elle, où tu te projettes avec elle et la façon qu’elle contribue à ton bien-être. Dans tous les cas, comment définirais-tu ta communication avec elle? Est-ce que, généralement, vous avez les outils communicationnels pour adresser les choses qui vont moins bien dans votre relation? Est-ce que tu te sentirais confortable de lui partager ces différents enjeux avec elle?

Puis, je ne connais pas la configuration relationnelle qui a été discuté entre ta conjointe et toi. Certains couples sont confortables à ce que les partenaires aient des aventures sexuelles hors du couple. Il s’agit d’entente entre les partenaires qui peuvent prendre des formes différentes et qui sont discutées et consensuelles. Il y a, après tout, une différence entre l’amour et la sexualité. Et le fait d’être en amour ne signifie pas que nous devons avoir une sexualité, et le fait d’avoir de la sexualité avec d’autres personnes ne remet pas non plus notre amour en question. Il existe autant de configurations relationnelles et de façon de définir l’infidélité/fidélité qu’il existe de couple. C’est, après tout, à ton amoureuse et toi de définir les paramètres de votre relation, les limites, vos besoins, et ce qui vous vous permettez ou non de faire, comment vous gérez votre santé sexuelle, etc. Je te propose cet article que j’ai écrit concernant la non-monogamie éthique, soit un modèle de relation de couple basé sur la communication et le consentement, qui peut nous permettre d’avoir plusieurs partenaires intimes.

 

Ensuit, est-ce que ton épouse et toi discutez ensemble de sexualité? De vos envies, de vos fantasmes, de vos limites et de vos besoins? La sexualité constitue un terrain d’apprentissage constant! Et c’est à ta partenaire et à toi d’explorer ce qui vous conviennent, ce qui vous intriguent, d’ajuster le tir, de varier les activités, etc. Tant et aussi longtemps que le consentement s’y trouve! Néanmoins, une piste de réflexion que j’aimerais te partager, c’est sur la difficulté à conjuguer l’affectif et le plaisir génital/sexuel… Plusieurs personnes ont de la difficulté à mélanger l’affection ou la connexion intime avec le plaisir purement génital. Est-ce que c’est quelque chose que tu as déjà remarqué de ton côté? D’ailleurs, la culture du capitalisme est bien ancrée dans nos valeurs, et parfois contraire aux valeurs permettant aux individus d’apprendre à se connaître au niveau intime et sexuel (limites, envies, sensations, etc). Qu’est-ce que j’entends par les valeurs liées à la culture du capitalisme? Par exemple, la rapidité, l’efficacité, la performance, l’appropriation, la possession, l’intensité, la superficialité… Il est possible que ce soit des éléments pouvant être comblés par des rencontres sexuelles avec des hommes, mais je t’invite néanmoins à réfléchir à toutes ces nuances et à réfléchir à la place que tu désires laisser à l’affectif dans tout cela… tout en réfléchissant à ton propre bien-être, mais également à celui de ta conjointe.

 

Enfin, c’est correct d’expérimenter des solutions auprès de ta conjointe si c’est quelque chose dont les deux vous êtes prêt‧e‧s à faire ensemble. Lorsqu’on est en recherche de solution, c’est correct de se tromper, car au moins, on apprend. Et même si on se trompe, cela n’est pas négatif car cela nous permet d’apprendre à mieux se connaître, personnellement, mais également en tant que couple. Finalement, j’aimerais t’inviter à faire confiance à votre relation. Vous semblez avoir vécu beaucoup de choses ensembles. Crois-tu qu’elle peut être une alliée pour t’accompagner dans ta guérison?

 

Si tu le souhaites, je t’invite à m’écrire de nouveau en approfondissant un peu ta situation ou en m’adressant de nouvelles questions qui auraient émergées entre temps. Je te laisse également ces différentes réponses qui pourront complémenter mes différents mots.

Conclusion

Il me ferait plaisir de poursuivre les échanges avec toi. Il y a beaucoup de contenu dans ce présent message et je suis certain que cela risque d’apporter un lot de nouvelles pensées et réflexions : et c’est très bien ainsi! Tu es le bienvenu pour m’en faire part à tout moment. Et bien sûr, tu peux nous écrire de nouveau pour revenir sur certains points, adresser de nouvelles questions ou brainstormer avec moi sur de nouvelles pistes de solution.

Je te souhaite une bonne route vers la guérison. Tu es sans aucun doute sur la bonne voie et le fait de nous écrire fait partie de cette grande route d’essaies-erreurs que tu réalises en ce moment. We see you! Et on t’envoie une grosse dose d’amour.

Solidairement,

Guillaume (il/he), pour AlterHéros

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