22 octobre 2020

Comment dire à un garçon que je m'intéresse à lui sans craindre une réaction homophobe?

J’ai 17 ans, jamais sorti à cause de mon orientation.

J’aime un garçon depuis plus d’un an, hétéro probablement, je sais pas.
Comment lui dire ou le draguer sans que ça se retourne contre moi ?
J’ai jamais fait de coming out, je le sens pas.
C’est pas la première fois que je suis attiré amoureusement et sexuellement par des hommes.
Je m’attache trop à chaque fois à un garçon à fond, malheureusement pas homo, il ne se passe jamais rien, ça devient juste des amis.
Je commence désespéré être seul, j’en peux plus de vivre tout en rêve et pas en réel.

L’année dernière, j’ai cru que j’allais vivre ma première histoire sexuelle avec un crush, je l’ai embrassé sur la bouche à la fin d’une soirée en tête à tête mais il ma fait comprendre gêné qu’il n’avait rien de gay, il était juste bourré et malheureux. Heureusement, il nen a pas parlé à ses amis.

Je connais deux gars gays déclarés mais ils ne m’attirent pas et j’ai pas envie de trainer avec eux pour pas etre fiché par les autres, pas prêt au coming out dans ces conditions, et je ne me reconnais pas en eux dans leur façon de vivre l’homosexualité.
Des fois, j’ai envie d’être avec eux seulement pour coucher par désespoir et par mal etre, mais ils ne m’attirent vraiment pas physiquement !
Je voudrai etre avec un de mes crushs pour ma première fois, mais ils sont tous hétéros.
Comment arreter de flasher sur des hétéros ?

Frédéric

Guillaume Perrier

Bonjour Frédéric!

Merci grandement pour la confiance que tu portes envers AlterHéros. La situation que tu nous décris en ce moment est une situation que de nombreuses personnes lesbiennes, gaies ou bisexuelles ont déjà expérimenté au cours de leur vie (moi le premier…! Je me souviendrais toute ma vie de ce fameux Nicolas!). En effet, personne n’est à l’abri de tomber en amour avec d’autres personnes… et de ce fait, il peut arriver que l’on développe des sentiments pour une personne dont l’orientation sexuelle n’est pas compatible avec nos propres attirances. Tu n’es pas seul et je te remercie encore une fois d’avoir pris le temps de nous écrire. Je vais tenter de te répondre et te guider du mieux que je peux!

 

Si je comprends bien, tu ressens de l’attirance envers un garçon dont tu ne connais pas son orientation. Tu aimerais lui partager tes attirances, mais tu as peur que cela se retourne contre toi. J’imagine que tu réfères ici à la peur que ce partage de tes émotions entraîne des réactions négatives, voire homophobes, de sa part. C’est bien cela? D’abord, la seule façon de savoir si ce garçon ressent également des attirances pour d’autres garçons, c’est si il te le partage! Autrement, il est impossible de connaître l’orientation sexuelle d’une personne. Or, il est possible que ce garçon, s’il est bisexuel, homosexuel ou en questionnement, soit tout autant hésitant que toi pour en parler à son entourage. On peut comprendre, n’est-ce pas? Dans ce cas… quoi faire? Tu peux d’abord tenter de lui poser certaines questions pour évaluer son degré d’ouverture envers tous les sujets qui ne sont pas directement liés à l’hétérosexualité. Tu as entendu une nouvelle d’actualité concernant des enjeux LGBTQ+ et tu aimerais connaître son opinion? Tu as écouté une nouvelle série Netflix où des représentations de personnes LGBTQ+ s’y trouvent et tu serais curieux de connaître son appréciation? Tu peux également tenter de t’informer sur ses antécédents relationnels, sur s’il a une personne dans sa vie ou qui l’intéresse en ce moment, etc. Pour citer ma collègue Marie-Édith à une question similaire à la tienne : «Peu importe l’orientation sexuelle de cette personne, je te propose de tenter de développer avant tout une relation d’amitié avec elle. Vous pourrez ainsi apprendre à vous connaître. Ce sera aussi moins stressant que d’avoir l’objectif d’être en relation amoureuse avec elle… Il se peut aussi qu’en la découvrant davantage, tes sentiments à son égard changent. C’est important aussi de rester à l’écoute de toi-même. Qu’en penses-tu?»

 

Et puis, fais confiance à ton instinct ici. Si tu as l’impression que ta sécurité peut être compromise si tu lui partageais ton orientation sexuelle ou tes sentiments à son égard, alors écoute-toi. Dans tous les cas, tu demeures l’expert de ta propre situation, de ta propre vie, et de tes propres décisions. Je suis convaincu que tu sauras analyser la situation avec maturité et criticisme. Au besoin, je te laisse la possibilité de te référer à cette réponse de maon collègue Em qui donne des petits trucs sur comment vivre une peine d’amour, de cette ancienne réponse de moi concernant les sentiments amoureux envers une personne hétérosexuelle ou finalement de celle-ci abordant la question du crush.

 

Tu dis connaître deux garçons homosexuels, mais que tu n’as pas envie d’apprendre à les connaître : d’une part parce que tu ne souhaites pas être étiqueté pour l’instant comme homosexuel et, d’autre part, parce que tu ne te reconnais pas dans leur façon de vivre leur homosexualité. Tu as tout de même parfois envie d’être avec eux uniquement pour pouvoir avoir une relation sexuelle, même si tu ne les trouves aucunement de ton goût. Tu sais, la chose la plus importante ici est de respecter tes propres limites. Si tu n’as pas envie de développer une intimité avec ces garçons, alors écoute-toi. Ton propre respect est essentiel ici. Il est possible que tu ne souhaites pas devenir ami avec ces garçons par crainte que cela bouscule ton processus de coming-out. J’aimerais spécifier que le coming-out est un processus entièrement personnel. Tu as la possibilité de déterminer si tu souhaites ou non en faire un, la possibilité de choisir les personnes à qui tu souhaites partager cette partie intime de toi, la façon et l’endroit dont tu souhaites le faire, si tu aimerais être accompagné d’une personne pour le communiquer, etc. Il n’existe aucune façon précise de faire un coming-out et chaque personne a des histoires et des expériences de vie différentes à ce sujet. L’essentiel est d’écouter ton propre rythme, tes propres envies et tes propres limites. Si tu n’envisages pas cela en ce moment, c’est très bien ainsi!

 

D’ailleurs, ma collègue Rose exprime dans cette réponse que : «[l’]on parle souvent du coming out comme d’un seul moment où une personne révèle son orientation sexuelle, mais on peut aussi le voir comme un processus graduel de révélation de soi aux autres. Est-ce qu’il y a déjà des personnes dans ton entourage qui sont généralement plus ouvertes à la diversité et la différence? Est-ce que tu aimerais montrer ces aspects de ta personne dans ta vie en général ou dans certains contextes seulement? Dans tous les cas, on se sent souvent bien plus libre quand on peut être authentique et qu’on a plus à se soucier de ne pas »éveiller les soupçons» ou de provoquer des questionnements sur notre orientation sexuelle.» Si tu t’interroges davantage sur la question du coming-out en lien à notre orientation sexuelle, il est possible de consulter différentes réponses de mes collègues et moi à ce sujet en cliquant ici.

 

Ensuite, tu nommes le fait que tu ne sembles pas approuver la façon dont ces deux garçons vivent leur homosexualité. Je ne suis pas certain de comprendre ce que tu entends par cela, mais je t’invite à me recontacter pour continuer la discussion à ce sujet si tu le souhaites. J’aimerais néanmoins élaborer un peu sur le sujet en abordant le thème de l’hétéronormativité. L’hétéronormativité c’est le fait de considérer l’hétérosexualité comme étant une norme en soi. En tant qu’individu, on n’a peu de pouvoir sur ce système de valeur. C’est la façon que l’on est éduqué, la façon que le système de santé est construit, la représentation de la diversité sexuelle et de genre dans les médias, etc. Or, bien que cela a un impact négatif important sur les personnes non hétérosexuelles, comme toi et moi, cela consolide également des effets encore plus pervers. D’une part, cela peut nous pousser à intérioriser des idée négatives envers soi-même et envers les personnes LGBTQ ou exprimant de façon plus visible leur orientation non-hétérosexuelle ou leur transitude. D’autre part, l’hétéronormativité renforce également les stéréotypes de genre auxquels les garçons et les filles »doivent» se conformer selon la logique que tout le monde est hétéro. Là où je veux en venir, c’est ce que cette logique a un impact direct sur les personnes non hétéro qui s’expriment d’une certaine façon. Par exemple, as-tu déjà entendu le phrase »C’est correct qu’il soit homo, tant que ça ne paraisse pas» ? Mais… que veut-on dire par »tant que ça ne paraisse pas»? Et même si ça paraît, quel est le problème? Personne ne dira à un hétéro d’arrêter d’agir comme un hétéro ou de faire en sorte que son hétérosexualité soit moins visible

 

Bref, une longue explication semi académique pour t’inviter à réfléchir un peu plus loin sur ce que l’on entend par désapprouver la façon dont les autres vivent leur homosexualité. Il y a autant de façons d’être homo qu’il existe de personnes homo. Bien évidemment, c’est à chaque personne de choisir quels comportements l’on souhaite mettre de l’avant, mais c’est aussi à chaque personne LGBTQ+ de se questionner sur ses propres biais et préjugés envers d’autres personnes LGBTQ+. Si ce thème t’intéresse, je t’invite à lire cette ancienne réponse : Je ne suis pas entièrement certain que je ressens un certain attachement à la communauté LGBTQ+ … Est-ce normal?

 

Ensuite, tu décris te sentir désespéré à l’idée d’être seul et tu aimerais rencontrer un garçon avec qui développer des sentiments amoureux ou même avec qui avoir des expériences sexuelles. Je comprend qu’il semble difficile pour toi de rencontrer d’autres garçons directement dans ton entourage, notamment par crainte de dévoiler ton orientation sexuelle (ce qui est 100% légitime, ne t’inquiètes pas!). As-tu toutefois réfléchi à des alternatives? Il existe en France, par exemple, plusieurs associations pour les jeunes LGBTQ+ ou en questionnement. Ces associations organisent parfois des activités, des ateliers ou des événements auxquels les jeunes LGBTQ+ de la région peuvent se joindre (virtuellement ou en personne, selon les associations et le contexte de pandémie). L’association française C’est Comme Ça pourra te guider dans tes recherches (AlterHéros est au Canada!). C’est une belle façon de rencontrer, en toute sécurité, d’autres jeunes qui vivent des situations similaires à la tienne… et c’est parfois soulageant rencontrer d’autres garçons avec qui tu n’as pas à craindre de parler de bisexualité ou d’homosexualité. Qu’en penses-tu? 🙂

J’espère que cette longue réponse a su alimenter tes réflexions et t’apporter un peu de réconfort dans ce que tu traverses présentement. AlterHéros demeure présent pour toi si tu en ressens le besoin, même si un Océan nous sépare. 🙂

Cordialement,

Guillaume, pour AlterHéros

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