Je suis juste vraiment impatient.e de savoir mon identité de genre, c’est chiant ne pas savoir qui on est...

Bonjour,
Je vous ai déjà envoyé une question il y a quelques temps, mais certaines choses ont un peu changées depuis. Donc je me pose des questions sur mon identité de genre depuis maintenant 1 mois, mais je suis toujours aussi perdu.e, je sais ça prend beaucoup de temps à trouver notre identité de genre, mais je suis juste vraiment impatient.e de savoir, c’est chiant ne pas savoir qui on est. Je suis né.e fille et j’ai commencé à me sentir déconnecté.e de mon corps, comme si il ne m’appartenait pas. J’ai commencé à me sentir mal à l’aise quand on m’appelle Mélodie (mon nom de naissance) et quand on me référait à une fille. Mes amis m’ont proposé d’utiliser des pronoms masculins quand ils parlent de moi et j’ai un peu genre un sentiment d’appartenance quand ils le font. Mais avant, quand on me considérait comme une fille, je n’avais aucun problème. Je ne comprends vraiment pas. Et puis, je ne veux pas être trans. Je veux juste me réveiller le lendemain en étant garçon avec un vrai penis. Je sais pas si ce que je dis fais du sens…J’en ai un peu parlé à mon père et il a dit que tout le monde passe par là et que c’est normal, c’est l’adolescence et que suis juste mélangé.e et que ça va passer et plus tard je vais me sentir comme une fille, mais le problème c’est que je m’imagine en garçon plus tard hum..

Melo

Séré

Bonjour Melo!

Je suis bien content d’avoir de tes nouvelles!

Depuis ta dernière question, tu te découvres une grande impatience à déterminer quelle est ton identité de genre. Voyons donc les indices qu’on a à notre disposition pour t’aider à faire cela.

D’abord, il semble clair que tu ne t’identifies pas comme une fille: tu es mal à l’aise quand on te dit que tu es une fille, tu n’aimes pas ton prénom de naissance, tu te sens déconnecté.e de ton corps. Alors je crois qu’on peut éliminer ça de notre liste de possibilités, non? Je ne crois pas que le fait que tu n’avais pas de problème à être considéré comme fille avant soit contradictoire à cela. Comme je te l’ai expliqué dans ma précédente réponse, environ 1/3 des ados trans n’avaient pas de problème avec leur genre assigné avant la puberté. Le début de l’adolescence est un moment charnière pour la découverte de son identité et c’est normal d’en découvrir de nouvelles facettes à ce moment-là. Je crois que quand on est enfant, on ne réalise pas nécessairement la portée des implications qui viennent avec notre genre assigné à la naissance. En tout cas, moi c’est comme ça que je l’ai vécu. J’étais «correct» avec le fait d’être désigné comme fille parce que je n’avais pas vraiment pensé au fait que c’était permanent et je n’avais pas vraiment vécu de contrainte associé au fait d’être assigné fille avant la puberté. C’est donc à ce moment-là que j’ai réalisé que quelque chose n’allait pas. Est-ce que tu te reconnais là-dedans?

Tu sembles t’identifier davantage à un genre masculin: tu a un sentiment d’appartenance quand on utilise des pronoms et accords masculins quand on parle de toi, tu aimerais te réveiller et être un garçon avec un pénis, tu t’imagines en garçon plus tard. Ça me semble être assez d’éléments pour considérer que tu es un garçon ou un genre qui s’en rapproche, non? Si tu ne te sens pas tout à fait garçon, il y a d’autres possibilités qui s’en rapprochent. Par exemple, il se pourrait que tu sois demiboy, qui est une identité qui peut se définir comme «partiellement garçon, partiellement autre chose» ou encore «presque garçon». Il y a aussi des personnes qui se définissent comme homme non-binaire ou encore comme personne transmasculine. Je crois que cet article sur les genres partiellement masculins et féminins serait une très bonne lecture pour toi!

Je ne suis pas d’accord avec ton père qui dit que tout le monde passe par là à l’adolescence et que ça va passer. Je croyais aussi que c’était le cas, que toutes les autres filles de mon âge devaient aussi détester être des filles et que ça allait me passer. Mais quand j’ai commencé à en parler autour de moi, je me suis rendu compte qu’au contraire, aucune de mes amies n’étaient mal à l’aise avec le fait d’être désignées comme des filles, avec le fait de développer des seins ou avec leur prénom féminin. Qu’en penses-tu? Quand tu regardes autour de toi, quand tu en parles à tes ami.e.s constates-tu que c’est très commun de se questionner sur son identité de genre et de rêver avoir des organes génitaux différents, puis de se raviser et de redevenir confortable avec son genre assigné à la naissance? Je ne dis pas que ça n’arrive jamais, mais dans mon expérience, la majorité des personnes qui se questionnent sérieusement sur leur identité de genre se révèlent au final ne pas être cisgenre.

Il y a un discours prévalent dans la société qui dit que l’on doit savoir depuis toujours qu’on est trans pour être légitime dans notre identité, mais d’un autre côté, dès qu’un.e enfant se questionne sur son identité de genre, on lui dit qu’iel est trop jeune pour le savoir. C’est très contradictoire! On peut découvrir à tout âge que l’on est trans et il est aussi possible que l’on change d’identité de genre au cours d’une vie. Il est aussi très normal d’imaginer que différentes circonstances auraient pu nous amener à nous identifier différemment. Par exemple, moi je crois que si j’étais né avec un pénis, je me serais probablement identifié comme un garçon gai. Mais comme je suis né avec une vulve, mon parcours a été plus compliqué que ça et je crois que ce parcours assez difficile est une des raisons pour lesquelles je m’identifie comme non-binaire plutôt que comme homme trans.

Il se peut que comme moi tu aies un ou plusieurs deuils à faire. Le deuil de ne plus être capable d’être à l’aise avec ton genre assigné à la naissance, le deuil de ne pas t’être identifié.e comme garçon plus tôt, le deuil de ne pas être né.e avec un pénis. C’est normal d’avoir de la peine, d’être mélangé.e ou d’être en colère. Je me souviens que j’ai dû faire face à plusieurs émotions contradictoires quand j’ai réalisé ça ne me convenait plus du tout d’être identifié comme une fille. D’un côté, j’étais heureux d’avoir compris qu’il y avait d’autres options pour moi, que je n’avais pas à rester aussi inconfortable que cela. Mais d’un autre côté, j’étais fâché de ne pas avoir réalisé tout ça plus tôt n’y d’avoir à faire tellement de démarches pour être reconnu comme mon genre réel. J’étais aussi très triste de devoir changer de nom pour cesser d’être genré au féminin, car j’aimais bien le prénom qu’on m’avait donné, mais il me rendait de plus en plus mal à l’aise. Je me sentais tellement malchanceux de ne pas être né avec un pénis.

L’important, c’est de ne pas rester seul.e avec ces émotions. Je suis donc content que tu sois venu nous en parler. Comme je l’ai dit dans ma précédente réponse, rencontrer d’autres personnes trans et pouvoir échanger avec elles sur nos vécus respectifs m’a vraiment aidé à passer au travers de mon deuil et de devenir fier d’être trans et non-binaire. Je t’encourage donc à continuer de nous écrire quand tu as besoin de parler et aussi, quand tu seras prêt.e, de participer à des activités afin de rencontrer d’autres personnes comme toi. Je te remets ici les ressources qui pourraient t’aider:

D’abord, puisque tu es en Outaouais, il y a l’organisme Trans Outaouais qui pourrait t’aider. Il offre des rencontres d’un groupe de discussion deux fois par mois à leurs locaux et tous les mercredis soir sur Zoom. Cet organisme offre aussi du soutien aux parents d’enfants trans. Il te serait donc possible d’y référer ton père pour qu’il puisse apprendre à mieux te soutenir. Ensuite, il y a l’organisme Enfants transgenres Canada qui offre tous les samedis une activité d’art thérapie pour les jeunes trans de 14 ans et plus. Cet organisme offre également des rencontres de soutien pour les parents de jeunes trans. Enfin, il y a l’organisme Projet 10, qui offre du soutien individuel et de groupe aux jeunes LGBTQ+ de 14 à 25 ans. Cet organisme offre également un service de distribution d’articles d’affirmation du genre, comme des binders et des packers.

Tu sembles éprouver beaucoup de dysphorie due au fait que tu n’as pas de pénis, alors un packer pourrait être quelque chose qui pourrait t’aider à te sentir mieux par rapport à ton corps. Pour moi ça a fait toute la différence, ça a rendu ma vie beaucoup plus tolérable jusqu’à je sois en mesure d’avoir une chirurgie pour avoir un pénis. Si tu crois que ça pourrait t’aider, ça vaudrait la peine de contacter Projet 10!

Est-ce que ma réponse t’aide à mieux cerner ton identité de genre et à envisager un avenir où tu pourrais te sentir bien avec celle-ci? Je te répète que tu n’es jamais seul.e là-dedans et que l’équipe d’AlterHéros sera toujours heureuse d’avoir de tes nouvelles et de répondre à tes questions.

Je t’envoie plein de lumière en ce froid début de novembre.

Séré, intervenant pour AlterHéros

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