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#orientation sexuelle
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#toc homo
28 février 2022

Je pleure tous les jours parce que j’ai hyper peur d’aimer les filles, est-ce que j'ai un toc homo?

Bonjour, je m’appelle Nadia et j’ai 16 ans. mon enfances j’ai jamais douté de ma sexualité jusqu’à aujourd’hui ( plus précisément il y a deux semaines ). Mais bien évidemment ce doute a pas été déclenché sans aucune raison. En fait, juste avant d’avoir ce gros doute, j’étais en couple avec un garçon, au début c’était bien jusqu’au moment où une idée m’est venu en tête «  est ce que je L’AIME ? » évidemment au début je me disais «  bien sûr, je l’aime » mais cette question ne cessait pas d’apparaître même si j’y répondais. a un moment donné j’y pensais tellement que je suis tombée «  malade ». Je ne mangeais plus ( RIEN DU TOUT ), je pleurais constamment, je dormais plus, j’arrivais plus à me concentrer. Bref, c’était l’enfer. Donc j’ai fini par le quitter. Une semaine après, j’ai invité une amie pour dormir chez moi pour qu’on puisse se changer les idées toutes les deux puisqu’elle aussi elle était malheureuse. Toute la journée on s’est amusé et à un moment donné, j’ai ressenti un truc ( j’arrive pas à le décrire malheureusement, je m’en souviens plus ) mais un truc que je trouvais anormale ( non, j’avais pas envie de l’embrasser, ni d’avoir une relation sexuelle avec elle, juste au truc au niveau du ventre ou bien du cœur, cest vraiment flou dans ma tête ) Alors bien sûr j’ai commencé à douter pendant environ juste 30 minutes et cette idées est complètement partie puisque je me disais «  bah non tu l’aimes pas ». 3-4 semaines plus tard, j’ai recommencé soudainement à repenser à ce doute. Quand j’y est repensé, j’ai eu la boule au ventre et puis je me suis encore reposer la question « mais est ce que tu l’aimes ? » j’ai répondu à moi même « non, je ressent rien » mais cette idée ne veut pas partir, encore aujourd’hui je doute et je pleure tous les jours parce que j’ai hyper peur d’aimer les filles ( bien sûr j’ai rien contre les femmes qui aiment les filles mais je me dis que ça me ressemble pas et je veux pas vivre avec ça) . A cause de ça je me suis distancée de tout le monde ( même les garçons parce que j’ai peur de tomber amoureuse, mais j’ai encore + peur de tomber amoureuse d’une fille. Quand je vois de belles filles sur les réseaux sociaux je me dis « oh elle est jolie, t attiré par elle ? » alors que je sais pertinemment que non, j’ai toujours trouvé plusieurs filles belles mais c’est pas pour autant que je me considérais bi ou lesbienne. Maintenant quand je parle à mes amies je ne me sent pas à l’aise, je me dis « mais est ce que je l’aimes ».. mais je sais que je ne les aime pas et cette pensée me donne un mal de ventre, comme si mon ventre se contractait. Aussi, ce qui me fait douter c’est que quand j’étais petite ( vers l’âge de 11-12 ans ) j’étais attiré sexuellement par les femmes ( à cet âge je me considérais comme hétérosexuel aussi ) mais dès que j’ai rencontré mon premier ex, les femmes ne m’ont plus jamais excité ( aujourd’hui les femmes ne m’excitent pas ) mais le fait d’avoir déjà été excité par ça, me fait douter. Aujourd’hui j’arrive plus à m’enlever cette idée de ma tête, je sais que je suis hétérosexuelle mais ce doute ne cesse pas. J’ai toujours voulu être en couple avec un homme, je ne me vois pas en couple avec une fille mais j’ai quand même des doutes qui ne s’arrêtent pas. Je pense être atteint du toc homosexuel même si je ne suis pas diagnostiqué. Aussi, je prends un antidépresseur ( paroxetine ) pour gérer mon anxiété et j’espère que ça puisse cesser tous mes doutes. En ce moment je me sent vraiment perdue. Qu’est ce que vous en pensez, vous ? que dois-je faire ?

Mégane

Bonjour Nadia,

Je voudrais commencer par te remercier de nous avoir écrit et de nous accorder ta confiance. Il peut être difficile d’exprimer ses doutes et ses émotions quand on se sent perdue comme tu le dis et cela demande du courage. Je t’en félicite! 

Pour commencer et afin de m’assurer de bien comprendre ta situation et de bien répondre à ta question, je vais résumer ce que tu as écrit. Tu étais donc en couple avec un garçon et tu t’es demandée si tu l’aimais. Même si la réponse à laquelle tu pensais était que oui tu l’aimais, la question te revenait constamment en tête jusqu’à en prendre une si grande place que tu as expérimenté des symptômes physiques (insomnie, difficulté à se concentrer, perte d’appétit). Après l’avoir quitté, tu as invité une de tes amies à dormir et tu as expérimenté une sensation au ventre et/ou au cœur ce qui t’a amenée à te demander si cela pouvait être des sentiments amoureux envers ton amie. Tu réponds que non, mais tes questions reviennent et tu ressens une boule au ventre ce qui te fait douter et génères de l’anxiété. Tu dis aussi ne pas vouloir vivre comme ça et donc, de ne pas vouloir aimer les filles ce qui t’amène à avoir peur de tomber amoureuse d’une fille. Cela t’a amené à t’isoler de tes ami·e·s et que tu te sens mal à l’aise quand tu parles avec tes amies de fille. Le fait d’avoir déjà expérimenté une attirance sexuelle envers les femmes à 11-12 ans rajoute à ton doute, même si tu n’as pas cette attirance en ce moment. Tu penses que ce que tu vis pourrait être un «toc homosexuel» et que ta médication pour ton anxiété pourrait aider à diminuer tes doutes.

Lorsque je te lis, je crois comprendre que tu as envie de calme, que ces questions prennent moins de place et qu’elles arrêtent de t’envahir. Je crois que les réponses que tu te donnes lorsque tu réponds à ces questions ne semblent pas être satisfaisantes puisque les questions reviennent. Je peux essayer de t’aider, mais c’est important de se rappeler qu’il n’y a que la personne elle-même, donc toi, qui peut définir ton orientation sexuelle. Aussi, le processus pour trouver les réponses à ces questions peut varier selon chaque personne et donc, cela peut prendre du temps. Il est donc possible d’apprendre à tolérer ces incertitudes afin d’aider à diminuer la détresse vécue quand on se pose toutes ces questions. Ce que je veux dire par tolérer l’incertitude, c’est de se donner le droit de ne pas connaitre la réponse à une question et de reconnaitre que cela nous fait vivre de l’inconfort sans essayer de deviner ce que cela veut dire ou ce que cela implique pour le futur. Plus facile à dire qu’à faire tu me diras, et tu aurais tout à fait raison, et c’est pourquoi il faut se laisser du temps et y aller petit à petit. Par exemple, lorsque tu te demandes si tu aimes une amie de façon romantique, tu pourrais te répondre que tu ne le sais pas et voir comment tu te sens lorsque tu te dis cela. Le cerveau humain aime bien catégoriser les choses, mais les sentiments sont souvent moins précis et il peut être difficile de différencier l’amour qui relève de l’amitié et l’amour qui relève du romantisme par exemple (mais dans tous les cas, il est normal d’aimer ses amies). Si jamais, il y a cette chouette question qui pourrait t’aider à différencier l’Amour de l’Amitié.

Aussi, l’orientation sexuelle est quelque chose de fluide, ce qui signifie qu’elle peut changer dans le temps. Il existe également plusieurs spectres et donc, il est possible que ton attirance émotionnelle ne soit pas la même que ton attirance sexuelle. Je te mets ici la licorne du genre qui illustre cela. Cela nous permet de visualiser que nos attirances romantiques et physiques peuvent prendre des variances différentes en fonction des identités de genre des personnes autour de nous et que chaque combinaison d’attirances est magnifique en soi!  Il est tout à fait normal de se poser des questions sur son orientation sexuelle. D’ailleurs, il est normal, même dès un jeune âge, de ressentir des pulsions sexuelles et ça fait partie du processus de développement personnel sain. Le fait d’avoir ressenti de l’attirance envers les femmes à 11-12 ans ne signifie donc pas nécessairement que tu es homosexuelle, bisexuelle, pansexuelle ou autres. 

Je me rappelle très bien de l’époque où je me posais moi-même des questions sur mon orientation sexuelle. Ce que j’ai trouvé le plus difficile a été de m’autoriser à répondre à la question en étant totalement et entièrement honnête envers moi-même. Ça été très long avant que j’y arrive, car j’avais peur de ce que cela impliquait pour mon futur, de ce que cela pourrait avoir comme impact sur mes ami·e·s et ma famille, de ce que cela impliquait pour mon identité, comment je me percevais moi-même, etc. La société dans laquelle je vis considère comme différent tout ce qui n’est pas hétérosexuel et donc, je vivais également une certaine honte et peur de ce que cela signifiait si j’étais lesbienne, car cela signifiait que je ne rentrais plus dans la norme. Toutefois, prendre conscience de cela m’a permis de m’aider à comprendre pourquoi c’était si difficile de me poser la question sur mon orientation sexuelle et d’éventuellement écarté toutes ces pensées pour me concentrer seulement sur moi. Peu importe notre orientation sexuelle, que ce soit hétéro, homo, bi ou autres, des facteurs comme l’homophobie intériorisée, les attentes de la société, de notre famille et nos ami·e·s peuvent influencer notre réflexion. Je te mets donc des pistes de réflexion qui pourrait peut-être t’aider dans ton cheminement :

  • Quelle image me vient en tête quand je pense à une femme qui aime une autre femme? 
  • Quelles sont les personnes LGBTQ+ que je connais ou que je vois dans les médias? Est-ce que ce sont des modèles positifs ou non? Pourquoi?
  • Qu’est-ce que cela voudrait dire de moi si j’aimais les filles?
  • Pourquoi j’ai toujours voulu être en couple avec un homme?
  • Pourquoi j’ai peur d’aimer les filles? D’où vient cette peur?
  • Qu’est-ce que ma famille pense des personnes LGBTQ+? Et mes amies?
  • Qu’est-ce que je recherche en amour?

Je t’invite vraiment à être bienveillante envers toi-même lorsque tu te poses toutes ces questions. Ce sont des questions difficiles et il est tout à fait normal de douter. 

Pour ce qui est du TOC homosexuel, je dois avouer que je ne connais pas assez bien le sujet pour te répondre, mais je te réfère à la réponse de Guillaume qui a répondu à une question similaire à la tienne ici : Que savez-vous des toc homo? Dans cette réponse, tu trouveras une tonne d’informations sur ce sujet! Mais je désire tout de même te partager cet extrait concernant le TOC homo : 

«Chez AlterHéros, nous sommes généralement très prudent‧e‧s à aborder le sujet du TOC homo. Pourquoi? Parce qu’il s’agit d’un concept en psychologie utilisé par des thérapeutes professionnel‧le‧s et qu’il est souvent mal interprété et mal utilisé au quotidien par les internautes. De plus, c’est un concept sur lequel il est possible de trouver une tonne d’informations fausses sur Internet. En effet, ce concept est trop souvent utilisé afin d’invalider des questionnements sains et normaux dans le développement identitaire d’une personne. Ceci peut donc contribuer à une forme d’homophobie intériorisée en offrant la prémisse que les questionnements sur l’orientation sexuelle sont liés à un trouble psychologique et non pas à un développement psychologique normal. Alors avant d’approfondir la question du TOC homo, rappelons-nous ces quelques éléments :

  • Il est complètement sain d’avoir des questionnements sur son orientation sexuelle.
  • Il n’y a pas d’âge ou de moments précis pour avoir des questionnements, des réflexions ou des idées érotiques au sujet de l’orientation sexuelle.
  • Toutes les orientations sexuelles sont aussi belles les une que les autres. Aucune orientation sexuelle n’est meilleure ou inférieure à l’autre.
  • Les orientations sexuelles ne sont pas limitées à l’hétérosexualité ou l’homosexualité, mais que les personnes bisexuelles, pansexuelles et asexuelles existent. Il est donc possible que nos désirs et comportements ne s’inscrivent pas dans une case précise.
  • Les orientations sexuelles comprennent plusieurs composantes liées aux attirances physiques et aux attirances romantiques. Il est donc possible d’être romantiquement attiré‧e par un type de personnes et sexuellement attiré vers plusieurs types de personnes.
  • La sexualité est quelque chose de fluide : nos préférences, besoins, intérêts, désirs et libido peuvent varier avec le temps, selon les contextes et selon les rencontres que nous faisons.
  • Ce n’est pas parce que quelqu’un a eu une idée, une attirance, un questionnement ou un fantasme homosexuel que cela nie son hétérosexualité.»

De plus, considérant que c’est un diagnostic médical, je t’invite à consulter un‧e professionnel‧le de la santé comme un‧e psychologue ou un‧e sexologue si ton questionnement persiste. 

Je te mets ici d’autres questions-réponses du site qui pourrait t’aider :

Suis-je lesbienne, bisexuelle ou encore hétérosexuelle?
Je crois être victime du toc de la peur d’être lesbienne, je ne suis pas homophobe c’est juste quelque chose que je ne peux pas accepter chez moi.
J’ai peur d’être lesbienne, comment faire pour oublier tout cela?
Je pense ne pas être homo mais cette peur constante d’avoir une attirance pour les hommes…
Être gay serait contre ma nature. Comment arrêter d’y penser?
Je fait des crises d’angoisses car j’ai peur d’être homosexuel ou de refoulé mon homosexualité.

J’espère avoir pu t’aider et n’hésite pas à nous réécrire si tu en ressens le besoin. Je comprends qu’il peut s’agit de questionnements et réflexions stressantes, mais peu importe la réponse, ces questionnements te permettent à apprendre à mieux te connaître. Il n’y a absolument rien de mauvais là-dedans, tout au contraire! Et n’oublie pas que tu es la seule et unique personne qui peut mettre un mot sur ton orientation, et si le terme hétéro est celui qui te fait sentir mieux en ce moment et qui semble correspondre le mieux à la complexité de tes émotions et attirances, alors tant mieux! L’important, c’est simplement de garder un oeil positif et bienveillant à l’émergence de futurs désirs et émotions. Certaines choses peuvent changer et évoluer et ce n’est pas négatif non plus. 🙂 

Si jamais tu ressens le besoin de parler rapidement avec une personne apte à t’écouter sans gêne, tu peux clavarder ou texter Interligne à tout moment, 24h/24, en composant ou textant le numéro suivant : 1 888 505-1010

Je t’envoie plein de courage!

Mégane (elle/la), bénévole à AlterHéros

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