Je me sens totalement illégitime à être une femme ou à être non-binaire, comment accepter mon identité de genre?
Bonjour,
Depuis un certain temps je me pose des question a propos de mon genre. Mon sexe assignée a la naissance est fille. Je sais que depuis assez longtemps je n’ai pas toujours été à l’aise avec mon corps et cette impression s’est accentué pendant et depuis la puberté. Je n’aimais pas toujours, et je n’aime pas toujours comment est mon corps, j’ai l’impression que ce n’est pas toujours moi. J’ai du mal a accepté mon corps « fille » et a me sentir légitime dans celui-ci… Pour autant, je ne me sens pas comme un « garcon ». Et j’ai énormément de mal a comprendre car je ne me sens pas « homme » mais pas totalement « femme » malgré tout… J’ai fait des recherches et je crois que le genre dont je me rapproche le plus est demi-girl mais je n’en suis pas sûr. J’ai énormément de mal a m’accepter car comme je l’ai dit je me sens totalement illégitime à être une femme ou à être non-binaire… Déjà que j’ai du mal à accepter mes orientations romantiques et sexuelles alors avec mon questionnement sur mon genre, je suis complétement perdu…
Atone
Bonjour Atone!
Merci beaucoup de nous faire confiance en nous envoyant ta question. Je me reconnais beaucoup dans ton parcours, en étant moi-même une personne non-binaire assignée fille à la naissance, alors ça me fera plaisir de te répondre.
Si je comprends bien, tu ressens un certain malaise avec ton corps depuis longtemps et cela t’a amené.e à te questionner sur ton identité de genre. Malgré le fait que tu ne te sentes pas comme une femme, tu ne te sens pas comme un homme non plus. C’est difficile pour toi de te sentir valide dans ce que tu vis, surtout que ces questionnements s’ajoutent à une acceptation difficile de tes orientations sexuelles et romantiques. Est-ce bien ça?
Je vais tenter de décortiquer chacun des aspects de ton message pour bien répondre à chacun d’entre eux. Bien sûr, il se peut que je me trompe dans l’interprétation de ce que tu nous éc
La première chose que tu abordes, c’est ce malaise que tu ressens avec ton corps, qui s’est accentué pendant et depuis ta puberté. C’est ce qu’on appelle communément la dysphorie de genre. Peut-être que je me trompe, mais j’ai l’impression qu’une chose qui te freine est que tu n’éprouves pas ce malaise en permanence ou que tu le juges parfois “trop faible” pour être “réellement trans/non-binaire”. Est-ce le cas? Si oui, je te suggère de lire une partie d’une ancienne réponse pour parler de ce syndrôme d’imposteur que l’on peut ressentir par rapport à la dysphorie: [note que j’utilise ici le mot trans comme terme parapluie pour désigner toutes les personnes dont l’identité de genre ne correspond pas au sexe assigné à la naissance, ce qui inclut les personnes non-binaires]
« C’est un mythe très répandu qu’il faut avoir une grande haine envers son corps et le besoin d’avoir recours à des chirurgies pour être trans. C’est pourtant loin de la réalité. Beaucoup de personnes trans n’éprouvent que très peu de dysphorie et aiment leur corps. Le seul prérequis pour être trans, en fait, c’est de s’identifier à un genre différent de celui qui nous a été assigné à la naissance. C’est tout. Aimer ou pas son corps, ses parties génitales, sa poitrine, ce n’est pas ce qui fait de nous quelqu’un de trans ou non. Je connais tout plein d’hommes trans qui aiment leur vulve, de femmes trans qui aiment leur pénis et de personnes non-binaires qui aiment leurs seins, tout comme je connais plusieurs personnes trans qui ont eu recours à des hormones ou des chirurgies pour changer certaines parties de leur corps. Moi, je n’ai jamais eu de grands problèmes avec mon corps, et c’est une des raisons pour lesquelles ça m’a pris beaucoup de temps avant de réaliser que j’étais trans. Sache donc qu’il est tout à fait légitime que tu t’identifies comme trans même si ton corps ne te dérange pas.
Il y a aussi le concept d’euphorie de genre qui est selon moi beaucoup plus utile que le concept de dysphorie de genre. Alors que la dysphorie de genre est un malaise que l’on peut ressentir envers certaines parties de notre corps ou la façon dont elles sont perçues, l’euphorie de genre est son contraire. C’est le bien être que l’on ressent par rapport à son corps, son expression de genre ou bien ce qu’on projette. Je dis que c’est plus utile, car l’euphorie de genre nous donne une direction, des indices sur ce qu’on aime et qu’on veut être. Il est aussi possible de ne pas ressentir de dysphorie par rapport à un aspect de son corps ou de son expression de genre, mais de ressentir une grande euphorie de genre lorsqu’on explore et qu’on change cet aspect. »
Alors, peut-on examiner un moment ce qui te rend bien? Voici quelques questions que tu peux te poser pour t’aider à te concentrer sur les possibilités au lieu de seulement examiner ton malaise:
- Si tu pouvais “voler” l’apparence physique d’un personnage ou d’une personne connue, qui choisirais-tu?
- Si tu arrivais dans un environnement où il n’y a absolument aucun risque que tu rencontres quelqu’un que tu connais, comment te présenterais-tu? Choisirais-tu des vêtements ou encore un prénom différent?
- Si tu avais la possibilité de changer une partie de ton corps avec une baguette magique, le ferais-tu? Quelle partie de ton corps changerais-tu?
Les réponses à ces questions ne peuvent pas déterminer si tu es cis ou trans. Mais elles peuvent te donner des idées de choses à explorer pour mieux te connaître.
La deuxième chose que j’ai observé dans ton message, c’est que tu sembles te limiter à un ordre prédéterminé pour faire face à tes questionnements. En effet, je crois que tu veux d’abord trouver un mot pour définir ton identité de genre avant de faire quelconque changement. Je vois aussi que tu aurais aimé définir et accepter ton orientation sexuelle et amoureuse avant de te questionner sur ton genre.
Tu n’es pas la seule personne à voir les choses comme ça. C’est en fait un mythe très répandu qu’il faille d’abord bien définir son identité de genre avant de faire des démarches pour l’affirmer, et que les questionnements sur l’orientation sexuelle et romantique viennent avant les questionnements sur l’identité de genre. Mais au contraire, ça peut être beaucoup plus facile d’essayer des choses pour atténuer l’inconfort que l’on vit par rapport à notre corps ou notre identité, même si on n’a pas de mots encore pour décrire pourquoi on vit cet inconfort. Les résultats de ces explorations peuvent nous donner des indices pour mieux définir ton identité de genre.
Par exemple, imaginons qu’une des choses qui te cause de l’inconfort avec ton corps est ta poitrine. Je ne sais pas si c’est le cas, ce n’est qu’un exemple! Alors, peu importe que tu sois une fille cis, un garçon trans, ou une personne non-binaire, ce qui pourrait te faire du bien pour atténuer cet inconfort est de te procurer un binder. Si en essayant le binder, tu ressens de l’euphorie de genre, tu es déjà plus avancé.e qu’avant, même si tu ne sais pas encore bien quelle est ton identité de genre précisément.
Il y a plein d’autres façons d’explorer des facettes de son expression de genre. Ça peut être aussi simple que d’essayer un nouveau prénom en allant chercher un café au Starbucks et ça peut aussi faire très peur, comme essayer une nouvelle coupe de cheveux qui nous tente depuis longtemps!
Ce n’est pas non plus tout le monde qui a un moment unique de réalisation par rapport à son identité de genre. C’est quelque chose qui peut se développer tranquillement et par petites étapes. Comme le disait maon collègue Maxime dans sa réponse à la question Comment savoir quand on a trouvé notre “bonne” identité de genre?:
« En deuxième temps, pour ce qui est de trouver La Bonne Identité, je dirais que pour certain.e.s il y a un évènement précis de déclic, un moment de “ah ok!”, mais pas pour toustes. Pour d’autres, il peut s’agir d’un cheminement plus long ou complexe qui passe par plus d’étapes et qui n’est pas nécessairement linéaire. D’autres personnes revendiquent également le fait d’être en questionnement comme le principal facteur identitaire concernant leur genre! Ce que je veux dire par là, c’est qu’il est possible de trouver une identité qui fonctionne puis de réaliser plus tard qu’elle nous convient plus ou moins, ou encore d’être à mi-chemin entre deux identités ou plus, ou encore que notre identité change selon le contexte. C’est aussi très possible de ne jamais trouver de mot qui nous décrit parfaitement dans toutes nos nuances et nos complexités. J’espère ne pas trop te décourager en disant cela! Être en questionnement n’est pas toujours quelque chose de triste ou d’effrayant, ne pas se limiter ou se réduire à une case peut également être quelque chose de libérateur et de radical.
[…]
Il y a certaines identités qui se ressemblent, qui ont plus de points en commun que de différences et qui au final représentent des expériences qui ne sont pas si différentes. Alors pourquoi choisir un mot ou un autre? C’est un peu une question de préférence. Pourquoi préférer le thé ou le café, l’orange ou le violet, la musique punk ou populaire, plusieurs options ou aucune? Il serait difficile de décrire avec précision le processus psychosomatique, c’est juste ainsi, et ça peut changer parfois. Par contre, il peut être difficile de dire si on aime ou on n’aime pas quelque chose si on n’en a jamais entendu parlé, on ne l’a jamais essayé ou si c’est inconnu de tout le monde de notre entourage.
Dans mon cas, je dirais que de rencontrer des personnes non-binaires qui étaient un peu comme moi et/ou que j’admirais a fortement contribué à mon processus d’identification. Le fait de parler à des gens, de lire des témoignages et d’écouter des vidéos m’a amené à la réalisation que j’avais le droit d’essayer sans être complètement sûr.e. C’est ce que j’ai fait, et avec le temps les sentiments que j’avais déjà se sont juste mis en place de façon plus concrète et solide. Aujourd’hui, je me sens en harmonie entre mon monde intérieur et extérieur, je suis beaucoup plus en paix que je ne l’étais disons. Ce n’est pas les seuls éléments qui ont joué, évidemment, la non-binarité n’est pas contagieuse, mais être exposé.e à des modèles et des récits diversifiés qui rejoignaient mes expériences m’a permis de comprendre certaines choses à propos de moi-même. »
C’est donc parfaitement légitime de t’identifier comme demi-girl même si tu n’es pas 100% certain.e que c’est le mot qui décrit le mieux ton identité. Si tu changes d’idées plus tard, il n’y a rien de mal à ça! Au contraire, le fait d’essayer une identité peut nous aider à mieux comprendre comment on se sent et à trouver des modèles de personnes qui s’identifient ainsi pour voir si nos expériences se rejoignent.
Par rapport à tes orientations sexuelle et amoureuse, j’aimerais te dire que certaines personnes trans et non-binaires ont une compréhension beaucoup plus claire de celles-ci après avoir exploré leur identité de genre, et parviennent donc à mieux l’accepter. Ce n’est pas un prérequis de bien comprendre ou accepter ton orientation sexuelle ou ton orientation romantique avant d’explorer une possible non-binarité, au contraire! Il faut aussi dire que ces orientations sont fluides, comme l’identité de genre, et qu’il se peut donc très bien que ta perception de celles-ci évolue au fil du temps. Et puis, comme on exprime très souvent l’orientation sexuelle d’une personne en fonction de son identité de genre, ça peut être très difficile à cerner comme concept quand on est non-binaire. Si tu veux réfléchir davantage là-dessus, voici une réponse qui pourrait t’aider: Y a-t-il une manière d’exprimer son orientation sexuelle lorsqu’on est non-binaire?
Finalement, je veux te rappeler que le seul critère pour être non-binaire, c’est de ne pas s’identifier exclusivement et à 100% comme une femme ou un homme. Même si tu te sentais comme une femme 99% du temps, ce serais quand même légitime de t’identifier comme non-binaire. Alors, prends une grande respiration et essaie de te donner le droit de t’identifier comme demi-girl.
[inspire]
[expire]
Et puis, comment tu te sens?
J’espère que ma réponse t’aide dans tes questionnements. On a toute une section sur notre site dédiée à la non-binarité et la fluidité des genres, je t’invite à la consulter. Et bien sûr, on est toujours là pour toi si tu veux nous réécrire.
Bon courage!
Séré, intervenant pour AlterHéros