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18 mars 2021

Suis-je trans alors? Si je n'ai pas un malaise constant avec mon genre, mais que la question me revient à l'occasion?

Bonjour,
Récemment, quelqu’un dans mon entourage a commencé une transition et ça a fait ressortir beaucoup de choses. J’ai été assigné femme à la naissance, mais depuis que je suis tout petit, je m’identifie beaucoup plus aux hommes. Je jouais toujours des rôles masculins et mes amis me donnaient un surnom masculin dans le quotidien. Et j’adorais qu’on m’appelle ainsi. Et j’aimais me deguiser en garçon. Ce que j’étais aux anges lorsqu’on pensait que j’en était vraiment un. Les gens à l’école m’appelaient le gars pour me niaiser, mais pour moi c’était un compliment. Malheureusement, en grandissant, ça passe moins bien ces choses là. C’est de plus en plus difficile de passer pour un garçon, ça se cache moins bien. Les regards changent et tu n’es plus l’un des gars. Tu deviens une fille malgré toi et les attentes changent. S’habiller «en gars» au travail est moins professionnel, alors tu deviens plus «femme». Les relations sexuelles commencent et tu veux plaire, alors tu reponds aux attentes même si ce n’est pas du tout naturel. Avec le temps, j’ai appris à être femme. C’est plus facile. Et ça ne me dérange pas toujours. Et je suis une belle femme. Ça a des avantages. J’ai fait des crises par contre et j’ai pleuré parce que j’étais une femme. Ça me semblaient injuste et horrible. Je ne voulais pas en être une, mais des fois ça ne me dérange pas. Et penser à faire une transition me fait peur! La personne dans mon entourage a tout changé du jour au lendemain et commence déjà la transition comme si c’était un besoin vital. Mais moi, ça me fait tellement peur et je sens la pression de suivre le même rythme. Et si je n’aimais pas ça changer de corps!? Si je regrettais? C’est effrayant. Là je suis confus! Suis-je trans alors? Si je n’ai pas un malaise constant avec mon genre, mais que la question me revient à l’occasion? Mon corps ne me dégoute pas. Il est beau. Alors que plein de trans sentent que certaines parties de leur corps ne devrait pas être là (Ne veulent pas voir leurs seins, par exemple). Ce n’est pas mon cas. J’ai l’impression d’être anormal et de faire perdre leur temps aux gens qui essaient de me soutenir dans mes questionnements.

Mike

Rose Dorian

Bonjour Mike,

Merci de te tourner vers AlterHéros pour ta question!

Tu vis présentement une période de questionnement sur ton identité de genre après avoir appris qu’une personne autour de toi entamait une transition. Cette annonce inattendue a eu l’effet d’une onde de choc et a remis la question de ton propre genre à l’ordre du jour.

Tout d’abord, je tiens à te dire que ce que tu vis est normal et à te rassurer sur le fait que tu ne nous fais pas perdre de temps. Au contraire, l’équipe d’AlterHéros est là pour soutenir les jeunes en lien avec leurs questionnements sur la diversité sexuelle et la pluralité des genres. C’est en plein dans notre mission!

Je comprends que tu ressens depuis l’enfance beaucoup de confusion, de crainte et de détresse en lien avec ton identité de genre.  En même temps, tu as aussi fait l’expérience d’expériences positives dans le passé : avoir un surnom masculin, t’habiller en garçon, te faire appeler «le gars», avoir un rôle de garçon. Ce que tu décris pourrait correspondre aux concepts de dysphorie/euphorie de genre. À ce sujet, je me permets de citer une partie de l’excellente réponse de maon collègue Séré dans Je ne sais pas trop si le terme trans serait approprié pour mon cas, même si je rêve d’être un garçon… que je te conseille de lire dans son entièreté:

« C’est un mythe très répandu qu’il faut avoir une grande haine envers son corps et le besoin d’avoir recours à des chirurgies pour être trans. C’est pourtant loin de la réalité. Beaucoup de personnes trans n’éprouvent que très peu de dysphorie et aiment leur corps. Le seul prérequis pour être trans, en fait, c’est de s’identifier à un genre différent de celui qui nous a été assigné à la naissance. C’est tout. Aimer ou pas son corps, ses parties génitales, sa poitrine, ce n’est pas ce qui fait de nous quelqu’un de trans ou non. Je connais tout plein d’hommes trans qui aiment leur vulve, de femmes trans qui aiment leur pénis et de personnes non-binaires qui aiment leurs seins, tout comme je connais plusieurs personnes trans qui ont eu recours à des hormones ou des chirurgies pour changer certaines parties de leur corps. Moi, je n’ai jamais eu de grands problèmes avec mon corps, et c’est une des raisons pour lesquelles ça m’a pris beaucoup de temps avant de réaliser que j’étais trans. Sache donc qu’il est tout à fait légitime que tu t’identifies comme trans même si ton corps ne te dérange pas.

Il y a aussi le concept d’euphorie de genre qui est selon moi beaucoup plus utile que le concept de dysphorie de genre. Alors que la dysphorie de genre est un malaise que l’on peut ressentir envers certaines parties de notre corps ou la façon dont elles sont perçues, l’euphorie de genre est son contraire. C’est le bien être que l’on ressent par rapport à son corps, son expression de genre ou bien ce qu’on projette. Je dis que c’est plus utile, car l’euphorie de genre nous donne une direction, des indices sur ce qu’on aime et qu’on veut être. Il est aussi possible de ne pas ressentir de dysphorie par rapport à un aspect de son corps ou de son expression de genre, mais de ressentir une grande euphorie de genre lorsqu’on explore et qu’on change cet aspect. »

En te lisant, j’ai l’impression que tu avais beaucoup plus de liberté pour exprimer tes goûts et tes préférences lorsque tu étais plus jeune. Comme tu le dis si bien, les changements physiques associés à la puberté et la pression de répondre aux attentes familiales, sociales et professionnelles ont eu pour effet de te pousser peu à peu vers un moule très restreint de «femme». Malheureusement, nous vivons dans une société qui pousse chaque personne vers des rôles de genre plutôt rigides. C’est vrai qu’on peut avoir de la reconnaissance pour les luttes passées, mais il n’en reste pas moins qu’il en reste beaucoup à faire pour démanteler les multiples systèmes d’oppression qui continuent d’avoir des conséquences dans nos vies. Selon les milieux, il peut ainsi être encore plus ou moins bien vu pour une personne d’afficher une expression de genre non conforme à son genre assigné à la naissance.

Tu dis aussi que tu sens la pression de suivre le même rythme que la personne de ton entourage qui semble avoir amorcé sa transition du jour au lendemain. Je dis bien «semble» parce qu’il arrive souvent que des personnes se questionnent durant une période plus ou moins longue avant de faire un «coming out» comme personne trans. Chaque personne trans a un cheminement et un rythme qui lui est propre. Pour reprendre tes mots, c’est aussi tout à fait possible que la transition ait vraiment été un «besoin vital» à ce moment-là pour la personne concernée. Si tu es à l’aise, tu pourrais même lui demander directement si elle souhaite s’ouvrir sur son cheminement. Il est important de garder en tête que ce n’est pas tout le monde qui est confortable avec ce type de questions, d’où l’importance de vérifier au préalable! Il existe aussi des groupes de discussion en ligne (Facebook, Reddit, etc) pour les personnes trans, non-binaires ou en questionnement où tu pourrais partager avec d’autres personnes.

Quant à ton propre cheminement en lien avec ton genre, j’aimerais te proposer de poursuivre de dresser la liste des changements qui pourraient te faire vivre de l’euphorie de genre. Tu peux t’inspirer des éléments que tu as déjà nommés en rédigeant ta question. C’est important d’y aller à ton rythme et de te rappeler que, même si tu identifies quelque chose que tu aimerais essayer, il n’y a aucune obligation de le faire au final, que tu peux y aller très progressivement au besoin, que tu peux toujours changer d’idée en cours de route et y revenir plus tard si tu le souhaites. Tu peux ainsi explorer ce qui te conviendrait le plus comme prénom, surnom, pronoms, apparence physique, coiffure, vêtements, accessoires, etc. Je te propose aussi de consulter une de mes réponses précédentes dans Suis-je transgenre? Cisgenre? Non binaire? J’ai besoin de savoir qui aborde la diversité des expressions de genre. Les personnes de toutes les identités de genre peuvent ainsi avoir des préférences pour une expression de genre plus féminine, masculine ou androgyne… et toutes les combinaisons possibles et imaginables!

Je te souhaite de retrouver un état d’équilibre et de confort, peu importe si cela passe par le fait de faire ou non une transition. N’hésite pas à nous contacter à nouveau si tu aimerais approfondir tes réflexions ou si tu as d’autres questions!

Rose Dorian, technicien.ne en travail social pour AlterHéros

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