Bonjour Wildy!
Merci beaucoup de faire confiance à AlterHéros en nous adressant ton témoignage. Je suis touché de te lire et je suis content que tu sois venu vers nous (je vais te genrer au masculin dans ma réponse, puisque tu dis que tu aimerais être un homme. Ça permettra de te voir comment ça te fait sentir!)
En te lisant, je me suis beaucoup reconnu dans tes mots. En effet, moi aussi j’ai vécu plusieurs des choses que tu énumères: ne pas être à l’aise avec les vêtements féminins que ma mère voulait que je porte, être majoritairement attiré par les garçons, mais parfois aussi par les filles, ne pas me reconnaître du tout dans les couples hétéros, m’identifier aux hommes gays et même les envier, sentir une distance avec mon corps, vouloir être un garçon mais ne pas sentir un besoin “déchirant” de l’être… Enfin, tu vois ce que je veux dire, je crois que notre parcours est assez similaire!
Je ne sais pas pour toi, mais dans mon cas, c’est surtout le fait de n’avoir été exposé qu’à des parcours très stéréotypés de personnes trans qui a fait que j’ai longtemps essayé d’ignorer ce que je ressentais. À la télé, dans les médias, je ne voyais que ces hommes trans super masculins, qui disaient avoir “toujours su être un garçon”, “être né dans le mauvais corps”, détester et vouloir tout changer de leur apparence, être attiré seulement par les filles, etc. Alors je me disais, “bah si c’est ça être un homme trans, ça veut dire que je ne le suis pas”. Parce que moi, j’étais plutôt indifférent par rapport à mon corps et j’en aimais même certaines parties! Je me souvenais très bien que quand j’étais enfant, je m’imaginais toujours en garçon dans les histoires que je me racontais, mais pas de là à dire que “j’avais toujours su en être un”. Et de surcroît, j’étais incroyablement attiré par les garçons, et je ne savais même pas qu’il était possible d’être trans et gay à la fois (alors qu’en fait, la majorité des personnes trans ne sont pas hétérosexuelles selon des recherches récentes!)
J’ai donc bien longtemps essayé de me convaincre que je n’étais pas “assez” (assez en détresse, assez masculin, assez dégoûté par mon corps, etc.) pour être un homme trans. Mais mon malaise continuait de grandir.
Puis à un moment donné, j’ai commencé à me rendre compte que les personnes trans ne cadraient pas toutes dans ce parcours qui nous était présenté ad-nauseam dans les médias. J’ai rencontré des personnes non-binaires, des hommes trans gais, des hommes trans ayant choisi de porter leurs enfants (comme Danny Wakefield, Trystan Reese, Thomas Beatie, et bien d’autres qui le font hors du regard des caméras). Et j’ai réalisé que la seule chose que j’avais besoin pour être un homme, c’est de vouloir être un homme.
Ça semble être ton cas, non? Tu dis qu’enfant, tu t’imaginais être un garçon. Que si tu pouvais claquer des doigts et devenir un homme, tu le ferais. Que tu es attiré par les hommes, mais que tu ne veux pas d’une relation avec un homme en tant que femme.
Tu dis que ton malaise n’est pas assez grand, mais en fait, certaines personnes trans n’ont pas vraiment de malaise avec leur genre assigné. Souvent, la dysphorie de genre, le malaise qu’on peut ressentir par rapport à notre corps ou la façon dont il est perçu, est conceptualisée comme une composante essentielle du vécu trans. Moi je trouve que parfois, l’euphorie de genre, le sentiment de bien-être qu’on peut ressentir par rapport à notre corps quand il s’aligne avec notre image de soi, est un concept plus utile. Si tu te sens bien quand tu t’imagines être un homme, n’est-ce pas une bonne raison pour explorer ce que tu pourrais faire pour avancer dans cette direction? Pourquoi aurais-tu besoin de ressentir une détresse inimaginable pour apporter des changements à ton expression de genre? Es-tu satisfait “d’être une femme”? Alors pourquoi ne pas essayer autre chose?
Bien sûr je sais que ce n’est pas facile de se dire qu’on pourrait être trans, et encore moins de se lancer dans une démarche d’affirmation. Mais ce n’est pas comme si “devenir un homme” consistait à subir, du jour au lendemain, une chirurgie irréversible, contrairement à ce que certains médias semblent penser. Comme je le disais plus tôt, chaque personne trans a un parcours unique. Parfois, de petites choses nous permettent de nous sentir merveilleusement mieux.
Si tu te permets de rêver un peu, à quoi ressemblerait ton parcours? Si on oublie tout le reste, ça veut dire quoi, pour toi, être un homme? Si on oublie les grandes choses, quelles sont les petites choses que tu aimerais changer?
Tu n’as pas besoin de savoir où tu t’en vas. Je ne le savais pas quand j’ai décidé de commencer à transitionner, et franchement je ne le sais toujours pas, même si ça fait huit ans que j’ai arrêté d’essayer d’être une femme.
Beaucoup de choses ont changé: je croyais ne pas vouloir de chirurgie, jusqu’à ce que j’apprenne qu’il est possible d’avoir une chirurgie pour avoir un pénis tout en gardant mon vagin et ma capacité d’avoir des enfants à l’avenir. Je croyais au début être non-binaire, alors que maintenant je me vois davantage comme un homme trans. J’ai pris de la testostérone pendant quatre ans, le temps d’avoir certains des effets permanents que je voulais (voix grave, changements au niveau des organes génitaux, etc.) et j’ai ensuite arrêté. Je pensais jamais vouloir porter d’enfants, mais maintenant que je suis bien avec mon corps, je considère sérieusement l’option.
D’autres choses n’ont pas du tout changé: j’enviais les hommes gay, et maintenant je suis un homme gay en couple avec un homme bisexuel. Je n’avais pas de malaise avec mes seins, et je n’en ai toujours pas. J’étais terrifié à l’idée d’avoir de la pilosité faciale, et je le suis toujours, c’est une des raisons pour laquelle j’ai arrêté la testo.
Ce qui m’a aidé le plus au travers de tout ça, c’est de parler à d’autres personnes trans, de voir la diversité de leurs expériences, de s’échanger vêtements, conseils et expériences. Si tu crois que ça pourrais t’aider, je te conseille très fortement de contacter l’association trans la plus près de chez toi. Nos communautés sont une ressource inestimable. Et il n’y a personne qui n’est “pas assez trans” pour ne pas mériter d’être accompagné‧e dans ses questionnements.
J’espère que ma réponse t’aide un peu à voir que si tu veux être un homme, tu es déjà un homme et tu peux choisir n’importe quel chemin pour affirmer cette identité. Bien sûr, il y a beaucoup de choses que je n’ai pas couvertes dans ma réponse, qui est déjà très longue! Je t’invite à consulter les différentes sections de notre site web pour en apprendre plus sur les démarches de transition, le coming-out ou la non-binarité. Et bien sûr, si tu as besoin de davantage de soutien pour explorer tout cela, n’hésite surtout pas à nous recontacter.
Je t’envoie tout plein de courage et de lumière,
Séré, intervenant pour AlterHéros