Malgré toute mon ouverture envers les communautés LGBT, j'en viens à avoir des pensées suicidaires face à mes questionnements !
Bonjour,
Je vous envoie ce message avec toute la détresse que je peux ressenti à cet instant. Je suis une fille de 19 ans et je ne suis pas sûre de subir un TOC « homo » ou de me voiler la face. J’ai toujours été super ouverte d’esprit, défenseuse de la communauté LGBT avec une majorité d’amis LGBT (je déteste dire ça, on dirait les racistes qui disent avoir un ami racisé mais je pense que c’est bien de préciser). J’ai toujours été attirée par les hommes, aussi longtemps que je puisse me le souvenir. J’ai cherché leur regard, j’ai été amoureuse (sans être en couple), mais j’ai toujours été angoissée à l’idée de m’engager. Je suis très très proche de ma famille, j’éprouve beaucoup d’affection pour mon enfance et j’ai toujours angoissé à l’idée de grandir et ce, encore aujourd’hui. Étant ouverte d’esprit, je me suis toujours dit « bon on ne sait pas de quoi la vie est faite, peut-être un jour, tu seras avec une fille », malgré le fait que mes expériences ont toujours été liées à des garçons. Cependant, quand on me posait la question de mon orientation romantique/sexuelle, j’éprouvais toujours un certain malaise. Je ne sais pas ce qui a pu se passer au cours de ces derniers mois, mais en regardant des séries, alors que je me disais que certaines actrices étaient belles et j’ai commencé à me dire si c’était de l’attirance ou bien seulement une réalisation objective. En prenant en compte mon expérience, j’ai commencé à stresser énormément jusqu’à que cela en devienne une obsession. Je ne pense qu’à ça, je fais que de me tester (je regarde tout le monde, toutes les femmes en me demandant si je les trouve belles, attirantes) jusqu’à le faire sur des personnes complètement inappropriées alors que ça n’a pas lieu d’être (je me dégoûte à avoir même pensé à ça en regardant ma propre tante, ma propre soeur). J’essaye d’imaginer tous les scénarios possibles dans mon esprit, que ça soit avec des hommes ou des femmes et je finis par me dire que si je me pose toutes ces questions, c’est que je ne suis pas hétéro. J’ai peur de parler à mes propres amies de peur d’être attirées par elles, je me referme sur moi-même et me sens sombrer sans que je ne puisse sortir de ce cercle vicieux qui est tout simplement sans fin. Je ne me comprends plus. L’idée d’être lesbienne me fait terrible et j’ai vraiment l’impression qu’il serait impossible que je m’accepte. Mes parents ont beau avoir m’exprimé un certain soutien, je ne sais pas, c’est pas possible, je ne pourrais pas être heureuse. Je viens à avoir des crises de panique qui font que je me blesse (je me griffe la peau si fort que j’ai les marques pendant des jours entiers), je n’arrive plus à dormir la nuit, je me réveille en pensant à ça… J’éprouve beaucoup de culpabilité en me disant que le fait d’éprouver de telles sensations fait de moi quelqu’un d’homophobe mais je viens vraiment à avoir des pensées suicidaires tellement je me dis que ce n’est pas possible. J’ai appris l’existence du TOC « homo », dont les symptômes ressemblent beaucoup à ce que je traverse mais des fois, je me dis que ça se trouve, je me voile la face, je me trouve des excuses pour ne pas accepter cela. Je me demande comment j’ai pu me mentir pendant des années. L’obsession est telle que je viens à me dire que je ne trouve pas les hommes beaux (des acteurs par exemple que j’ai trouvés vraiment beaux par exemple il y a de cela même pas un mois) et dès que je vois une femme que je trouve belle, je me dis que c’est forcément de l’attirance. Mes parents ne savent plus quoi me dire et je ne sais plus quoi me dire aussi. J’ai l’impression de me résigner à l’être et j’angoisse à l’idée de me résigner à l’être. Je remets toutes les expériences que j’ai eues dans ma vie en question et j’ai l’impression que je vais sombrer dans le dépression. Je me suis déjà masturbée sur des relations hétérosexuelles et homosexuelles et je me dis que cela doit répondre à ma question et ça m’angoisse encore plus. Mais d’un autre côté, je ne comprends pas vu que je n’ai jamais éprouvé autant d’attirance pour une fille que pour un garçon. Je ne peux même pas me dire que je veux tenter avec une personne d’un quelconque genre vu que j’ai à la fois peur de l’engagement et que je suis totalement angoissée à l’idée d’éprouver quelque chose. Ma vie est un pur enfer et je ne sais vraiment pas comment je vais m’en sortir. Parfois, je me dis que non, je suis bel et bien attirée par les hommes et que je trouve juste les femmes belles, de manière complètement objective. 20 minutes après je vais me convaincre que je suis lesbienne car je suis tellement obsédée par ça que je viens à me dire que je n’éprouve pas d’attirance pour les hommes (cocasse, quand je repense au fait que je n’ai fait que de regarder un mec de ma promo toute l’année). Je ne sais pas si je veux des réponses à mes questions, peut-être que si. J’ai l’impression que je veux m’enfermer dans ma cage de résonance et qu’on me dise les choses que j’ai envie d’entendre et d’autres fois, ce n’est pas le cas. J’ai regardé des solutions par rapport au TOC comme l’exposition qui fait qu’on doit accepter ces pensées dans notre esprit, de ne pas les rejeter pour qu’elles s’estompent toutes seules. Mais j’ai l’impression que si je fais ça, je m’enferme dans une réalité qui m’angoisse, que je ne peux accepter. Et d’un autre côté, j’ai peur de refouler une possible homosexualité et ça m’angoisse. Cela m’angoisse énormément et je ne sais pas si je vais m’en sortir un jour.
Encore merci et bonne journée.
Carla
Salut Carla, merci d’avoir adressé ta question à notre équipe.
Je peux bien voir toute la détresse que tu exprimes dans ton message.
Malgré ton fort appui aux communautés LGBT, tes questionnements au sujet de ton orientation sexuelle te font te sentir extrêmement mal. Comme si la diversité sexuelle, c’était bien pour les autres, mais terrible pour toi… Es-tu en train de vivre les symptômes d’un TOC ? Seul.e un.e professionnel.le de la santé mentale pourrait te le dire. Comme tu parles de troubles du sommeil, de crises de panique et d’idées suicidaires, la première chose que je me dois de te dire, c’est qu’il faut que tu ailles chercher de l’aide rapidement près de chez toi. J’ai l’impression que quelque chose de bien moins récent que ton actuel questionnement sur ton orientation sexuelle mérite ton attention – par exemple, lorsque tu écris: « j’ai toujours été angoissée à l’idée de m’engager […] j’éprouve beaucoup d’affection pour mon enfance et j’ai toujours angoissé à l’idée de grandir et ce, encore aujourd’hui », je crois comprendre que tu es généralement une personne qui vit beaucoup d’angoisse au sujets d’enjeux profonds et que tu as besoin d’un soutien en personne par un.e professionnel.le de la santé qui pourra t’offrir un suivi à long terme.
D’ici là, je te laisse deux numéros de téléphone à contacter si tes pensées suicidaires prennent beaucoup de place: La ligne Azur, particulièrement sensibles aux enjeux des personnes LGB et en questionnement – 0 810 20 30 40 (7 jours / 7, de 8h-23h) et Suicide Écoute – 01 45 39 40 00 ( 7 jours / 7, 24h/24).
Je me permets tout de même de poursuivre avec toi. Tu as raison, ce que tu vis s’inscrit probablement dans une forme d’homophobie, l’homophobie intériorisée. Oui, c’est très désagréable d’être confronté.e au fait qu’on a nous-même intégré des réflexions et habitudes homophobes… mais on n’est pas à l’abri de cela, peu importe notre orientation sexuelle, puisque nous vivons dans une société hétéronormative où la diversité sexuelle est rarement complètement respectée. Tu n’expliques pas dans ton message pour quelles raisons tu n’accepterais pas de ne pas être hétéro / d’être lesbienne. Est-ce que tu as creusé un peu pour trouver ces raisons ? Tu me dis que ta famille t’a démontré du soutien, que la plupart de tes ami.e.s sont LGBT, bref, que ton entourage est accueillant de la diversité sexuelle. Est-ce que c’est à cause de tes propres pensées possiblement négatives envers les femmes lesbiennes ou bisexuelles ? Est-ce que tu aurais peur d’être associée à certains narratifs, certains stéréotypes ? Quand on comprend mieux l’origine de ses peurs, c’est souvent plus facile de les apprivoiser et de diminuer la force de leur emprise sur nous.
Je te propose de lire cette réponse rédigée par Guillaume, un de mes collègues à l’intervention chez AlterHéros: « J’ai peur d’être gay, même si au fond de moi je sais que je suis hétéro. Que faire? » :
Le fait de réfléchir à l’homophobie intériorisée pourrait te faire cheminer, probablement beaucoup plus que si tu fais des recherches sur le « TOC homo ». Je t’explique, en empruntant une fois de plus les mots de mon collègue Guillaume: « Chez AlterHéros, nous sommes généralement très prudent.e.s à aborder le sujet du TOC homo. Pourquoi? Parce qu’il s’agit d’un concept en psychologie utilisé par des thérapeutes professionnel.le.s et qu’il est souvent mal interprété et mal utilisé au quotidien par les internautes. De plus, c’est un concept sur lequel il est possible de trouver une tonne d’informations fausses sur Internet. En effet, ce concept est trop souvent utilisé afin d’invalider des questionnements sains et normaux dans le développement identitaire d’une personne. Ceci peut donc contribuer à une forme d’homophobie intériorisée en offrant la prémisse que les questionnements sur l’orientation sexuelle sont liés à un trouble psychologique et non pas à un développement psychologique normal. »
Je te laisse sur un guide d’auto-soins pour les personnes qui vivent du stress. Certain.e.s en vivent plus que d’autres, c’est peut-être ton cas. J’espère que les stratégies expliquées dans ce guide pourront te soulager au moins temporairement. N’hésite pas à nous réécrire au besoin, à appeler les lignes d’écoutes que je t’ai proposées si tu te sens très mal… et prend bien soin de toi autrement aussi. Quand tu auras un peu d’énergie et la possibilité de le faire, prend le temps d’aller consulter pour ta santé mentale. Aussi, tu es entourée de personnes qui semblent t’accompagner de manière positive dans ce que tu vis. Sans leur dire nécessairement ce qui se passe actuellement, tu peux simplement leur dire que tu as besoin de certaines choses – du temps, de l’écoute, du divertissement, de la nourriture (oui oui !), etc. Les ami.e.s et les proches qui nous aiment et qu’on aime, les vrai.e.s de vrai.e.s, sont là pour ça.