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6 juillet 2020

Malgré toute mon ouverture envers les communautés LGBT, j'en viens à avoir des pensées suicidaires face à mes questionnements !

Bonjour,
Je vous envoie ce message avec toute la détresse que je peux ressenti à cet instant. Je suis une fille de 19 ans et je ne suis pas sûre de subir un TOC «homo» ou de me voiler la face. J’ai toujours été super ouverte d’esprit, défenseuse de la communauté LGBT avec une majorité d’amis LGBT (je déteste dire ça, on dirait les racistes qui disent avoir un ami racisé mais je pense que c’est bien de préciser). J’ai toujours été attirée par les hommes, aussi longtemps que je puisse me le souvenir. J’ai cherché leur regard, j’ai été amoureuse (sans être en couple), mais j’ai toujours été angoissée à l’idée de m’engager. Je suis très très proche de ma famille, j’éprouve beaucoup d’affection pour mon enfance et j’ai toujours angoissé à l’idée de grandir et ce, encore aujourd’hui. Étant ouverte d’esprit, je me suis toujours dit «bon on ne sait pas de quoi la vie est faite, peut-être un jour, tu seras avec une fille», malgré le fait que mes expériences ont toujours été liées à des garçons. Cependant, quand on me posait la question de mon orientation romantique/sexuelle, j’éprouvais toujours un certain malaise. Je ne sais pas ce qui a pu se passer au cours de ces derniers mois, mais en regardant des séries, alors que je me disais que certaines actrices étaient belles et j’ai commencé à me dire si c’était de l’attirance ou bien seulement une réalisation objective. En prenant en compte mon expérience, j’ai commencé à stresser énormément jusqu’à que cela en devienne une obsession. Je ne pense qu’à ça, je fais que de me tester (je regarde tout le monde, toutes les femmes en me demandant si je les trouve belles, attirantes) jusqu’à le faire sur des personnes complètement inappropriées alors que ça n’a pas lieu d’être (je me dégoûte à avoir même pensé à ça en regardant ma propre tante, ma propre soeur). J’essaye d’imaginer tous les scénarios possibles dans mon esprit, que ça soit avec des hommes ou des femmes et je finis par me dire que si je me pose toutes ces questions, c’est que je ne suis pas hétéro. J’ai peur de parler à mes propres amies de peur d’être attirées par elles, je me referme sur moi-même et me sens sombrer sans que je ne puisse sortir de ce cercle vicieux qui est tout simplement sans fin. Je ne me comprends plus. L’idée d’être lesbienne me fait terrible et j’ai vraiment l’impression qu’il serait impossible que je m’accepte. Mes parents ont beau avoir m’exprimé un certain soutien, je ne sais pas, c’est pas possible, je ne pourrais pas être heureuse. Je viens à avoir des crises de panique qui font que je me blesse (je me griffe la peau si fort que j’ai les marques pendant des jours entiers), je n’arrive plus à dormir la nuit, je me réveille en pensant à ça… J’éprouve beaucoup de culpabilité en me disant que le fait d’éprouver de telles sensations fait de moi quelqu’un d’homophobe mais je viens vraiment à avoir des pensées suicidaires tellement je me dis que ce n’est pas possible. J’ai appris l’existence du TOC «homo», dont les symptômes ressemblent beaucoup à ce que je traverse mais des fois, je me dis que ça se trouve, je me voile la face, je me trouve des excuses pour ne pas accepter cela. Je me demande comment j’ai pu me mentir pendant des années. L’obsession est telle que je viens à me dire que je ne trouve pas les hommes beaux (des acteurs par exemple que j’ai trouvés vraiment beaux par exemple il y a de cela même pas un mois) et dès que je vois une femme que je trouve belle, je me dis que c’est forcément de l’attirance. Mes parents ne savent plus quoi me dire et je ne sais plus quoi me dire aussi. J’ai l’impression de me résigner à l’être et j’angoisse à l’idée de me résigner à l’être. Je remets toutes les expériences que j’ai eues dans ma vie en question et j’ai l’impression que je vais sombrer dans le dépression. Je me suis déjà masturbée sur des relations hétérosexuelles et homosexuelles et je me dis que cela doit répondre à ma question et ça m’angoisse encore plus. Mais d’un autre côté, je ne comprends pas vu que je n’ai jamais éprouvé autant d’attirance pour une fille que pour un garçon. Je ne peux même pas me dire que je veux tenter avec une personne d’un quelconque genre vu que j’ai à la fois peur de l’engagement et que je suis totalement angoissée à l’idée d’éprouver quelque chose. Ma vie est un pur enfer et je ne sais vraiment pas comment je vais m’en sortir. Parfois, je me dis que non, je suis bel et bien attirée par les hommes et que je trouve juste les femmes belles, de manière complètement objective. 20 minutes après je vais me convaincre que je suis lesbienne car je suis tellement obsédée par ça que je viens à me dire que je n’éprouve pas d’attirance pour les hommes (cocasse, quand je repense au fait que je n’ai fait que de regarder un mec de ma promo toute l’année). Je ne sais pas si je veux des réponses à mes questions, peut-être que si. J’ai l’impression que je veux m’enfermer dans ma cage de résonance et qu’on me dise les choses que j’ai envie d’entendre et d’autres fois, ce n’est pas le cas. J’ai regardé des solutions par rapport au TOC comme l’exposition qui fait qu’on doit accepter ces pensées dans notre esprit, de ne pas les rejeter pour qu’elles s’estompent toutes seules. Mais j’ai l’impression que si je fais ça, je m’enferme dans une réalité qui m’angoisse, que je ne peux accepter. Et d’un autre côté, j’ai peur de refouler une possible homosexualité et ça m’angoisse. Cela m’angoisse énormément et je ne sais pas si je vais m’en sortir un jour.

Encore merci et bonne journée.
Carla

Marie-Édith Vigneau

Salut Carla, merci d’avoir adressé ta question à notre équipe.

Je peux bien voir toute la détresse que tu exprimes dans ton message.
Malgré ton fort appui aux communautés LGBT, tes questionnements au sujet de ton orientation sexuelle te font te sentir extrêmement mal. Comme si la diversité sexuelle, c’était bien pour les autres, mais terrible pour toi… Es-tu en train de vivre les symptômes d’un TOC ? Seul.e un.e professionnel.le de la santé mentale pourrait te le dire. Comme tu parles de troubles du sommeil, de crises de panique et d’idées suicidaires, la première chose que je me dois de te dire, c’est qu’il faut que tu ailles chercher de l’aide rapidement près de chez toi. J’ai l’impression que quelque chose de bien moins récent que ton actuel questionnement sur ton orientation sexuelle mérite ton attention – par exemple, lorsque tu écris: «j’ai toujours été angoissée à l’idée de m’engager […] j’éprouve beaucoup d’affection pour mon enfance et j’ai toujours angoissé à l’idée de grandir et ce, encore aujourd’hui», je crois comprendre que tu es généralement une personne qui vit beaucoup d’angoisse au sujets d’enjeux profonds et que tu as besoin d’un soutien en personne par un.e professionnel.le de la santé qui pourra t’offrir un suivi à long terme.

D’ici là, je te laisse deux numéros de téléphone à contacter si tes pensées suicidaires prennent beaucoup de place: La ligne Azur, particulièrement sensibles aux enjeux des personnes LGB et en questionnement – 0 810 20 30 40 (7 jours / 7, de 8h-23h) et Suicide Écoute – 01 45 39 40 00 ( 7 jours / 7, 24h/24).

Je me permets tout de même de poursuivre avec toi. Tu as raison, ce que tu vis s’inscrit probablement dans une forme d’homophobie, l’homophobie intériorisée. Oui, c’est très désagréable d’être confronté.e au fait qu’on a nous-même intégré des réflexions et habitudes homophobes… mais on n’est pas à l’abri de cela, peu importe notre orientation sexuelle, puisque nous vivons dans une société hétéronormative où la diversité sexuelle est rarement complètement respectée. Tu n’expliques pas dans ton message pour quelles raisons tu n’accepterais pas de ne pas être hétéro / d’être lesbienne. Est-ce que tu as creusé un peu pour trouver ces raisons ? Tu me dis que ta famille t’a démontré du soutien, que la plupart de tes ami.e.s sont LGBT, bref, que ton entourage est accueillant de la diversité sexuelle. Est-ce que c’est à cause de tes propres pensées possiblement négatives envers les femmes lesbiennes ou bisexuelles ? Est-ce que tu aurais peur d’être associée à certains narratifs, certains stéréotypes ? Quand on comprend mieux l’origine de ses peurs, c’est souvent plus facile de les apprivoiser et de diminuer la force de leur emprise sur nous.

Je te propose de lire cette réponse rédigée par Guillaume, un de mes collègues à l’intervention chez AlterHéros: «J’ai peur d’être gay, même si au fond de moi je sais que je suis hétéro. Que faire?» :

«Tu dis avoir peur d’être homosexuel. Qu’est-ce qui te fait peur exactement? Quelle est ton opinion de l’homosexualité, de la bisexualité ou de l’hétérosexualité? Est-ce qu’il y a en une qui te semble meilleure qu’une autre? Pourquoi? Nous vivons malheureusement dans des sociétés qui nous dictent dès le jeune âge que tout le monde est hétéro. Dans ce contexte, si nous expérimentons des désirs, des comportements ou des identités allant à l’encontre de ce standard hétérosexuel, il est possible de vivre une certaine stigmatisation et un certain stress à naviguer certaines orientations sexuelles qui sont parfois mal vues. L’objectif est donc d’entrevoir la diversité sexuelle comme quelque chose de positif pour l’ensemble de notre société et d’émancipateur pour les personnes concernées, et ce, peu importe comment toi tu souhaites te définir par rapport à ta sexualité.” On peut donc dire que si tu vis cette anxiété, c’est probablement parce que le simple fait de te questionner dépasse la ligne du (faux) “standard hétérosexuel” qui nous est constamment martelé… alors que pourtant, on ne devrait pas se sentir mal ou stressé de se poser des questions, ou encore de ne pas être hétéro.»

Le fait de réfléchir à l’homophobie intériorisée pourrait te faire cheminer, probablement beaucoup plus que si tu fais des recherches sur le «TOC homo». Je t’explique, en empruntant une fois de plus les mots de mon collègue Guillaume:  «Chez AlterHéros, nous sommes généralement très prudent.e.s à aborder le sujet du TOC homo. Pourquoi? Parce qu’il s’agit d’un concept en psychologie utilisé par des thérapeutes professionnel.le.s et qu’il est souvent mal interprété et mal utilisé au quotidien par les internautes. De plus, c’est un concept sur lequel il est possible de trouver une tonne d’informations fausses sur Internet. En effet, ce concept est trop souvent utilisé afin d’invalider des questionnements sains et normaux dans le développement identitaire d’une personne. Ceci peut donc contribuer à une forme d’homophobie intériorisée en offrant la prémisse que les questionnements sur l’orientation sexuelle sont liés à un trouble psychologique et non pas à un développement psychologique normal.»

Je t’invite fortement à lire l’ensemble de la réponse. Je suis persuadée que tu y trouveras des informations importantes pour la suite des choses. Tu peux aussi lire cette réponse et celle-ci, que j’ai écrite l’an dernier: «J’aimerais arrêter de constamment vérifier si je suis gay…». Voici un extrait qui pourrait t’interpeller particulièrement, au sujet de l’homophobie intériorisée: « Revel and Riot propose les solutions suivantes en anglais, la traduction est mienne et mes ajouts / modifications sont en italique 
 
Avoir une pensée critique au sujet de l’impact de l’homophobie intériorisée sur sa vie, au lieu de rejeter immédiatement cette notion (ou celle de l’homosexualité).
Lire davantage au sujet de l’homophobie intériorisée. Même s’il y a moins d’écrits à cet effet qu’au sujet du coming-out, il y a beaucoup d’information disponible, particulièrement des témoignages personnels. ( On peut te fournir d’autres références au besoin ! )
Aide des pairs / de la communauté – la présence d’un réseau de soutien est essentielle. L’empathie et le support de personnes LGBQ (lesbiennes, gaies, bisexuelles et queer) et d’allié.e.s hétérosexuel.le.s peut être extrêmement aidante. D’autres personnes vivant un processus pour se défaire de l’homophobie intériorisée peuvent aussi nous accompagner dans nos réflexions et être solidaires.
S’informer sur l’histoire des droits LGBTQ, trouver des modèles positifs dans des moments plus difficiles, constater à quel point la diversité des identités et des orientations sexuelles ont été bénéfiques pour les avancées sociales et juridiques.
Trouver un.e thérapeute qui connaît bien les réalités LGBTQ qui pourra aider à traverser le processus.
S’éloigner des influences toxiques (homophobes) – souvent la partie la plus difficile. Généralement, ces influences proviennent de nos familles, nos ami.e.s, notre lieu de culte… du moins, on peut se permettre de remettre en question certains propos ou comportements homophobes de ces personnes ou institutions.
Si la religion que nous pratiquons est hostile aux personnes LGBTQil est possible de la quitter. Sinon, on peut voir ce qui nous fait du bien dans cette religion, cette spiritualité, et en garder les éléments qui nous valident et nous aident à célébrer les moments positifs et à traverser les moments les plus durs. On peut se questionner sur la provenance des éléments homophobes – est-ce la religion vraiment elle-même, l’interprétation de la personne qui livre le message (pasteur, prêtre, imam, célébrant.e, etc.) ou d’autres interprétations des livres saints ?
Clarifier notre position au sujet de l’homophobie (intériorisée ou non) auprès de nos ami.e.s et familles si nous en avons la possibilité, l’envie et si nous sommes en sécurité. La peur peut avoir une grande influence sur nous. Par exemple, une personne qui vit dans une famille très ouverte, qui a plusieurs ami.e.s LGBTQ et des enseignant.e.s ouvert.e.s peut quand même vivre beaucoup d’homophobie intériorisée et de craintes. Qu’on en discute ou non avec nos proches, on peut déterminer notre propre position face à l’homosexualité en essayant de se défaire des préjugés qu’on a appris, qui nous ont été transmis, et essayer de trouver ce qui nous fait peur ou nous rend insécure face à l’homosexualité, nos attirances ou nos questionnements.
Faire preuve d’auto-réflexion et de conscience de soi – prendre conscience de nos réactions et attitudes négatives envers soi et les autres ainsi que de nos jugements. Chaque fois qu’on a de tels jugements, attitudes ou réactions, prendre un moment pour essayer d’en trouver la source. 
Si possible et qu’on le souhaite, lorsqu’on est en sécurité, sortir du placard ou parler de nos questionnements avec nos proches.
Tenter de surmonter notre peur du rejet.
Se souvenir que l’homophobie intériorisée ne vient pas de soi. Tu n’es pas malade, tu n’as pas besoin de remède. Ce sentiment de peur, de panique t’a été inculqué par une société homophobe. Tu n’as pas à te sentir coupable ou honteux – petit à petit, tu te libéreras de ce poids qui pèse sur plusieurs personnes, quelle que soit leur orientation sexuelle.»
 
Comment te sens-tu après cette lecture, Carla ? Crois-tu qu’il serait possible d’en parler à tes ami.e.s LGB, de savoir ce qu’iels pensent de l’homophobie ou de la biphobie intériorisée, s’iels ont déjà vécu quelque chose de semblable ? Tu n’es pas obligée de leur parler de ta propre situation – tu peux leur dire par exemple que c’est un sujet que tu as vu passer sur Instagram, Tumblr ou Tiktok et que tu aimerais avoir leur point de vue sur le sujet.
Ta peur de te mentir à toi-même semble prendre presque autant de place que ta peur de ne pas être hétéro: » J’ai peur de refouler une possible homosexualité et ça m’angoisse». Tu parles de la possibilité d’être lesbienne alors que tu as toujours été attirée par les garçons. Je me permets d’ajouter un autre extrait de ma réponse d’octobre 2019 : «Souviens-toi que quoi qu’il en soit, on n’arrête pas d’être attiré par les personnes d’un genre ou d’un autre. Il se peut qu’au fil de ta réflexion, tu en arrives à voir l’attirance envers les [femmes] comme quelque chose de moins effrayant et que tu réalises que tu éprouves une telle attirance, ou encore que tu n’as aucune attirance envers [elles] Dans tous les cas, tu n’arrêteras pas d’être attiré par les [hommes] – on ne choisit pas l’un ou l’autre, d’abord parce que l’orientation sexuelle n’est pas quelque chose que l’on choisit, et aussi parce qu’il existe une variété infinie de nuances en matière d’orientations sexuelles et romantiques.»

Je te laisse sur un guide d’auto-soins pour les personnes qui vivent du stress. Certain.e.s en vivent plus que d’autres, c’est peut-être ton cas. J’espère que les stratégies expliquées dans ce guide pourront te soulager au moins temporairement. N’hésite pas à nous réécrire au besoin, à appeler les lignes d’écoutes que je t’ai proposées si tu te sens très mal… et prend bien soin de toi autrement aussi. Quand tu auras un peu d’énergie et la possibilité de le faire, prend le temps d’aller consulter pour ta santé mentale. Aussi, tu es entourée de personnes qui semblent t’accompagner de manière positive dans ce que tu vis. Sans leur dire nécessairement ce qui se passe actuellement, tu peux simplement leur dire que tu as besoin de certaines choses – du temps, de l’écoute, du divertissement, de la nourriture (oui oui !), etc. Les ami.e.s et les proches qui nous aiment et qu’on aime, les vrai.e.s de vrai.e.s, sont là pour ça.

Bon courage,
Marie-Édith, B.A. sexologie, pour AlterHéros

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