Je supporte être un homme... puis-je être tout de même trans?

J’ai un corps d’homme, j’aime les femmes et je me demande si je suis transexuelle. C’est vrai que durant mon enfance, je ne jouais pas vraiment avec les garçons. Je me tenais plutôt avec les filles. D’ailleurs, ma mère m’a dit que quand j’étais jeune, je jouais avec des poupées. C’est vrai que j’ai déjà souhaité plusieurs fois de devenir une fille. À l’adolescence, j’avais un sentiment de jalousie envers les filles parce qu’elles avaient des seins. Ça m’écoeurait aussi tout les poils qui me poussaient sur le corps. D’un autre côté, je suis attiré par les filles depuis l’âge de 12 ans. Aussi, quand je vois des témoignages à la télé sur la transexualité, j’ai l’impression que les cas en question sont vraiment extrêmes, que c’est une question de vie ou de mort. Or, je suis capable de supporter de vivre en homme. Est-ce que la transexualité est simplement l’envie de devenir une femme ou carrément une option pour éviter le suicide?

Élyse Vander

Pour une réponse plus récente liée au processus de questionnement et d’exploration de l’identité de genre et de l’orientation sexuelle en tant que femme trans, il est également possible de consulter les réponses suivantes :

Bonjour Gab!

Je te remercie pour ta lettre! En bref, tu nous expliques que tu te questionnes sérieusement sur ton identité de genre. D’un coté, tu dis que tu te sens plutôt comme une fille depuis ton enfance et ton adolescence. Ta puberté fut même très difficile. Mais d’un autre côté, ton attirance pour les femmes et l’absence chez toi de détresse te fait douter.
Dès le début de ta lettre, tu mentionnes ton attirance pour les femmes, comme si cela venait compliquer les choses. Or, ce n’est pas du tout le cas, car l’orientation sexuelle (le genre qui nous attire) et l’identité de genre (le genre auquel on s’identifie) sont deux réalités différentes. Il y a des personnes trans hétérosexuel.le.s, bisexuel.le.s et homosexuel.le.s, pansexuel.le.s et asexuel.le.s. Par exemple, je suis moi-même une femme trans, je suis attirée par les femmes et j’ai une conjointe depuis près de 4 ans. Si ça peut te rassurer, jamais mon orientation sexuelle n’a été utilisée contre moi pour mettre en doute mon identité de femme.

Maintenant, tu sembles avoir des doutes parce que tu ne vis pas dans la détresse et le désespoir à cause de ton identité. Il est vrai que des questionnements sur l’identité de genre et un parcours de transiton peut apporter son lot de difficultés. Toutefois, l’être humain est doté de résilience, c’est à dire la capacité à garder sa tête et à fonctionner correctement dans des circonstances difficiles. La résilience varie beaucoup selon les individus. Par exemple, certaines personnes vont perdre l’usage de leurs jambes et être malheureuxes très longtemps, alors que d’autres au contraire vont continuer à vivre une vie bien remplie et heureuse.

Alors à mon avis, la question de la transitude n’est pas une question de vie ou de mort. C’est une question de qualité de vie, et c’est surtout exploiter le plein potentiel de la vie, la seule vie qu’on aura.  L’ancienne mentalité concernant les enjeux trans considérait la transition comme un dernier recours. La nouvelle école de pensée, à laquelle j’adhère pleinement, tend plutôt à considérer la transition comme un changement dans le style de vie parmi d’autres, certes très important, mais qui doit être facilement et rapidement accessible aux personnes trans.

Il est possible tu sois capable de vivre une vie complète en tant qu’homme, qui sait? Mais dans 30, 40, 50 ans… pourras-tu regarder derrière toi et te dire que tu aura tiré profit à 100% de ton potentiel, pourras-tu dire que tu auras vécu tes plus grand rêves? Pourras-tu dire que tu auras vécu pleinement en tant que toi-même? Il s’agit pourtant bel et bien du droit de chaque être humain. Tu écris « je suis capable de supporter être un homme ». Or, ta vie, veux-tu te contenter de la « supporter » ? Si tu es trans, le poids de cette vie risque de te pèseras de plus en plus lourd, et parallèlement la transition peut devenir de plus difficile à amorcer. C’est pourquoi tu fais bien de te poser ces questions dès maintenant.

Parfois, j’utilise ce que j’appelle le « test de la baguette magique » pour faire réfléchir les personnes en questionnement. Il est tout simple: imagine avoir une baguette magique qui peut changer en un instant toute ta vie. Tu reste la même personne, avec le même emploi, les mêmes amis, etc. Seulement, tu deviens de façon irrévérsible une femme et tout les souvenirs des gens autour de toi changent également, de telle sorte qu’iels t’ont toujours connue ainsi. Utiliserais-tu une telle baguette? Ce test semble farfelu de prime abord, mais il a un avantage: il cerne rapidement l’identité de genre d’une personne sans avoir à se soucier de toutes les complications de la transition et du « qu’est-ce que les gens vont penser ». Je te laisse répondre au test et interpréter le résultat par toi-même…
Bien sûr, il est impossible pour moi de dire si tu es trans ou non, c’est à toi de faire ce travail, en continuant à t’informer et au besoin en allant en discuter avec un.e psychologue, sexologue ou intervenant.e communautaire spécialisé.e en questions trans. Assure-toi que la personne que tu consulteras a une certaine expérience avec cette clientèle, ou sinon tu risque de tergiverser longtemps. Un indice: un diagnostic de dysphorie de genre ne devrait pas prendre plus que quelques mois. Tu peux également t’inscrire sur un des nombreux groupes et forums de discussion trans qui existent sur internet (j’aime bien trueselves.com, si jamais tu écris en anglais). Cela te permettraitent de discuter avec d’autres personnes qui vivent une situation semblable à la tienne afin de savoir si la transition est faite pour toi. Enifn, il y a des groupes d’aide et discussion comme Projet 10 (p10.qc.ca), l’ATQ (atq1980.org) et l’ASTT(e)Q (astteq.org) qui peuvent t’accompagner dans ta réflexion.

Bien sûr, la transition, n’est pas un coup de baguette magique, c’est un cheminement assez long. Cela peut parfois prendre plusieurs années qui peuvent être franchement désagréables par bout, mais qui peuvent aussi être parmi les plus exaltantes qu’une personne puisse vivre. Pas besoin d’être suicidaire pour s’y lancer, il faut simplement être déterminée et convaincue que la vie sera meilleure et plus remplie après!

N’hésite pas à nous réécrire si tu as une autre question!

Élyse Vander, intervenante pour AlterHéros

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