#dysphorie
#genderfluid
#trouble de la personnalité
30 septembre 2021

Je suis maman d'un jeune genderfluid. Iel est diagnostiqué.e avec un trouble de personnalité, mais serait-ce plutôt lié à la dysphorie?

Bonjour,
Je ne sais pas si je peux m’adresser à vous. Je suis une maman, d’un jeune de bientôt 19 ans, qui vient récemment de m’annoncer qu’il aimerait s’identifier « gender-fluid » et utiliser le pronom « iel ». Son père et moi sommes ouverts et en plein apprentissage… Nous n’avons pas eu l’occasion encore d’avoir une discussion plus approfondie avec notre ado qui vit beaucoup de souffrance depuis ses 14 ans… Anxiété, dépression, et depuis peu, automutilation probable et idées suicidaires envahissantes (il a été hospitalisé récemment en lien avec cela). iel a été suivi en pédopsychiatrie, puis en psychiatrie depuis bientôt 1 an et vient d’être diagnostiqué avec un trouble de la personnalité et iel aurait accès à une psychothérapie de groupe (approche comportementale) qui ne tente pas vraiment notre enfant mais qui, en même temps, est son seul recours à des soins actuellement… Je vis un malaise avec cette situation… Et si tous ces « symptômes » étaient issus d’une dysphorie de genre qui le/la fait souffrir (que notre enfant n’a jamais exprimé auparavant) et non un trouble de la personnalité ? Est-ce que des jeunes trans ont souvent ce type de « diagnostic » ? comment agir avec notre enfant pour son bien-être, en plus d’une écoute accueillante ? L’accès à un suivi en thérapie avec des soignants et thérapeutes qui connaissent cette situation est très limité (beaucoup d’attentes)… Je me sens impuissante à l’aider. Avez-vous des conseils pour nous ? des références ?
Merci d’avance. Désolée si vous n’êtes pas la bonne ressource à laquelle m’adresser.
Emma

Rose Dorian

Bonjour Emma,

Merci d’écrire à AlterHéros! Vous êtes au bon endroit, ne vous en faites pas pour ça, nous sommes là pour répondre aux questions comme la vôtre en lien avec la diversité sexuelle et de genre.

Si je comprends bien, vous vous sentez démunie parce que votre enfant âgé de 19 ans vit des difficultés importantes en ce moment et vient de vous annoncer qu’iel est genderfluid. Iel a aussi reçu un diagnostic de trouble de la personnalité. Je comprends qu’il se passe beaucoup de choses en même temps et que vous êtes inquiète qu’iel reçoive l’aide et le soutien dont iel a besoin pour aller mieux.

Je suis moi-même une personne trans neuroatypique qui a eu différents diagnostics en santé mentale à l’adolescence, donc je vais pouvoir mettre mon expérience et mes connaissances à profit pour vous faire des suggestions.

D’abord, j’ai une excellente nouvelle pour vous : toutes les études s’entendent pour dire que le soutien de la famille est l’élément qui fait la plus grosse différence pour favoriser le bien-être des jeunes trans et non-binaires. Le fait que vous soyez à la recherche de ressources pour soutenir votre enfant et que vous tentiez de faire sens avec toutes les nouvelles informations que vous recevez montre que vous êtes là pour iel. En tant que mère, vous pouvez vraiment avoir un impact significatif pour votre enfant en lui offrant votre présence et votre écoute ainsi qu’en respectant son identité (genre, nom choisi, pronom, etc.) et en prenant au sérieux ce qu’iel exprime. Je comprends que vous aimeriez « faire plus » comme vous dîtes, mais il ne faut vraiment pas sous-estimer l’importance de ces gestes et ces paroles du quotidien.

Quant à savoir si le diagnostic que votre enfant a reçu est le bon, je ne peux pas répondre à cette question parce que je ne suis pas médecin ni psychologue. Ce qui est certain, c’est qu’iel exprime actuellement et depuis longtemps une grande détresse. Cette détresse se manifeste actuellement, selon ce que je comprends des informations disponibles, d’une façon qui correspond à plusieurs des critères d’un trouble de la personnalité.

Trouble de personnalité et diversité sexuelle et de genre

Sachant que les personnes 2SLGBTQIA+ sont beaucoup plus à risque d’être victimes d’abus, de violence, de discrimination et d’intimidation, se pourrait-il que des expériences passées désagréables, voire même traumatisantes, soient à l’origine de cette souffrance? Votre hypothèse que l’identité de genre de votre enfant puisse être un élément important à prendre en compte pour comprendre les causes de ses difficultés actuelles fait ainsi beaucoup de sens. C’est aussi possible que d’autres causes génétiquessociales ou personnelles fassent partie de l’équation.

Est-ce que les jeunes trans et non binaires reçoivent fréquemment différents diagnostics en santé mentale? Oui, c’est une réalité! Cependant, cela s’explique par deux phénomènes distincts. D’un côté, tel que mentionné précédemment, le fait d’être des personnes différentes nous rend plus à risque de vivre des situations de vie difficiles. Les problèmes de santé mentale peuvent ainsi apparaître ou être exacerbés en raison des difficultés vécues par les personnes marginalisées au cours de leur vie. D’un autre côté, le vécu des personnes de la diversité sexuelle et de genre est souvent médicalisé et pathologisé. Par exemple, le fait de se questionner sur son identité de genre ou d’avoir une expression de genre flamboyante peuvent être comptés comme des critères de trouble de la personnalité alors qu’il ne s’agit pas d’un problème en soi. C’est la différence qui est alors interprétée comme un problème à travers les biais des psychiatres.

D’ailleurs, la psychiatrie n’est pas une science exacte et les pratiques évoluent avec le temps. Je pense qu’on peut adresser beaucoup de critiques aux institutions de santé et de services sociaux, dont le fait d’être construites sur des bases racistes, sexistes et cishétéronormatives. En même temps, aussi imparfaites soient-elles, ces institutions offrent aussi des soins et des traitements qui peuvent améliorer significativement la qualité de vie d’une personne.

Est-ce que les soins qui lui sont offerts sont les bons pour votre enfant? Peut-être que oui, peut-être que non. Je pense qu’il peut être intéressant d’inviter votre jeune à dresser une liste des pours et des contres à suivre ce traitement. Une possibilité est d’essayer quelques rencontres et voir s’iel en tire des bénéfices. Les connaissances et les habiletés qui sont transmises par un programme de traitement de trouble de la personnalité peuvent être utiles et permettre de diminuer la souffrance intérieure et les gestes autodestructeurs… à condition que la personne se sente respectée et écoutée! Cela dépend donc beaucoup de l’adéquation entre les besoins de la personne qui reçoit l’aide et les caractéristiques de l’endroit et des personnes qui offrent cette aide.

 

Référence

Votre famille est loin d’être la seule à faire face à cette situation. En fait, il y a tellement de jeunes 2SLGBTQIA+ qui vivent à la fois des différences et des difficultés en lien avec le développement, l’apprentissage et la santé mentale que nous, chez AlterHéros, avons fondé un volet complet pour les soutenir : le programme Neuro/Diversités. Je vous invite à consulter la page du programme Neuro/Diversités et de communiquer, au besoin, avec la personne responsable en écrivant à neurodiversites@alterheros.com pour en savoir plus sur les services offerts, notamment sur les groupes de soutien et les rencontres individuelles. Vous pouvez aussi inviter votre enfant à communiquer avec nous directement pour que nous puissions lui offrir des recommandations et des ressources personnalisées. Les lignes d’écoute Interligne : 1 888 505-1010, Trans Lifeline : 1 877 565-8860 et Suicide action : 1 866 APPELLE (277-3553) sont aussi disponibles en tout temps pour obtenir du soutien en lien avec un moment de détresse ou des idées suicidaires.

Sans remplacer un traitement prodigué par des professionnel·le·s de la santé, il existe des approches complémentaires aux soins psychiatriques qui peuvent être beaucoup plus facilement et rapidement accessibles. Par exemple, des livres comme Je réinvente ma vie! (Young et Klosko, 2013), Le manuel du borderline (Grosjean et Desseilles, 2014) ainsi que plusieurs ressources en ligne peuvent être un bon point de départ.

J’aimerais aussi vous inviter à prendre soin de vous à travers tous ces bouleversements. Le guide très complet Familles en TRANSition pourra probablement répondre à plusieurs de vos questions et vous donner des pistes pour amorcer la discussion avec votre enfant. Il existe aussi des organismes spécialisés pour les proches de personnes qui souffrent de difficultés de santé mentale auxquels vous pouvez vous référer.

 

En vous souhaitant que tout se passe pour le mieux pour la suite, n’hésitez surtout pas à nous réécrire si vous avez d’autres questions.

Cordialement,

Rose Dorian, intervenant·e sociale & bénévole pour AlterHéros

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