J'ai l'impression que mon coming-out non-binaire dérangerait les autres...
Bonjour ! Je m’appelle Mel et j’ai beaucoup de questions, haha. Tout d’abord, je suis afab.
Il y a quelques mois de ça, j’ai commencé à me poser de nombreuses questions quant à mon genre, car je ne me sentais plus totalement fille. Je pense être non-binaire, mais parfois je me sens vraiment mal : j’ai l’impression que faire mon coming-out (quand je ne serai plus en questionnement) dérangerait les autres ainsi que le fait de leur demander d’appliquer de nouveaux pronoms pour moi. J’ai aussi l’impression de ne pas être « aussi valide que les autres » en terme de non-binarité, je me dis que peut-être je me jouais un rôle pour me rendre intéressant‧e et je souffre un peu de ces observations que je me fais.
Mais mon plus grand « souci » à l’heure actuelle, c’est que je n’arrive pas à identifier la « catégorie de non-binarité » à laquelle j’appartiendrais (j’appelle « catégorie » par exemple agenre, genderfluid/flux, bigenre…). Je ne ressens pas nécessairement de dysphorie, seulement porter certains vêtements me fait me sentir mal et mes cheveux longs me mettent mal à l’aise. Peut-être avez-vous des pistes de questionnements ? J’ai du mal à poser des mots sur mon ressenti, j’ai l’impression qu’il change tout le temps…
Merci d’avoir pris le temps de lire mon message <3
Mel.
Salut Mel!
Merci pour tes questions. Je me sentais particulièrement interpellé·e d’y répondre car plusieurs d’entre elles ressemblaient beaucoup à des inquiétudes que j’ai déjà eues moi-même il y a quelques années. Je pense avoir fait beaucoup de progrès depuis et pouvoir te répondre avec confiance 🙂
Je vais y aller une à la fois si ça te va, même si c’est probable que certaines réponses se recoupent sur certains aspects. Alors donc :
- Est-ce que faire un coming out et changer de pronoms dérangerait ou importunerait mon entourage?
Parfois, il est vrai que certaines personnes vont nous faire sentir coupable ou responsable, comme si on en demandait trop, ou que nos identités étaient une sorte de caprice. Pas tout le monde, c’est important de souligner que certaines personnes vont très bien réagir, mais ça arrive. Là-dessus, j’aimerais te rassurer que les termes que tu choisis pour te décrire et que tu demandes aux autres d’utiliser pour toi sont et seront toujours intrinsèquement légitimes. Malgré ce que certaines mauvaises langues pourraient tenter d’insinuer, utiliser des pronoms autres que il ou elle n’est pas si difficile. Changer de pronoms pour une personne que l’on connaît depuis longtemps peut demander une période d’adaptation et des efforts conscients, mais c’est aussi la moindre des choses. C’est une question de respect de base.
C’est un peu plus complexe d’utiliser le genre neutre en français qu’en anglais, mais c’est entièrement possible. Il y a des néopronoms neutres (iel, ille, ael, el, y, et d’autres) mais aussi les accords, les titres les surnoms affectueux, etc. J’en parle un peu dans cette réponse, et il voici quelques autres ressources sinon :
- Guide de grammaire neutre et inclusive – Divergenres
- Le langage neutre en français : pronoms et accords à l’écrit et à l’oral – En tous genres
- Rédiger épicène, à la portée de tous… et de toutes! – Banque de dépannage linguistique (affiche)
- Boîte à outils n°4 : le langage inclusif – Causons féminisme
Je connais plusieurs personnes trans et non-binaires qui ne sont pas toujours à l’aise de corriger leur interlocuteur·ice lorsqu’iels se font mégenrer. Ça peut être gênant et fatigant de devoir s’expliquer. Mais je pense que le blâme et la responsabilité devraient revenir à la personne qui fait l’erreur. Des fois, c’est utile et important de déranger les gens. 🙂
- Est-ce possible d’être trans ou non-binaire sans ressentir de dysphorie de genre?
Cette question-là est un peu plus facile : oui! Tu peux être non-binaire sans ressentir de haine, de dégout ou d’inconfort particulier avec ton corps ou d’autres aspects genrés de ta vie en société. C’est possible d’être non-binaire tout en aimant certaines choses typiquement associées avec la masculinité ou la féminité. C’est important de différencier identité et expression de genre, comment l’on ressent son genre à l’intérieur et comment on le présente et l’exprime à l’extérieur. Être non-binaire n’est pas toujours synonyme d’une expression de genre complètement neutre ou androgyne.
Aussi, à l’inverse de la dysphorie existe l’euphorie de genre, un sentiment de bien-être, de soulagement ou de confort d’être genré·e comme on le souhaite. Tu nommes aimer certains vêtements par exemple, ça peut en faire partie. Généralement, l’euphorie de genre est un bien meilleur indice que la dysphorie pour en arriver à comprendre son identité de genre.
Est-ce que je suis valide?
Tu sais, moi aussi quand j’ai commencé à me poser des questions j’avais un peu cette même impression ne pas me croire moi-même, comme si je n’avais pas assez d’expériences, de connaissances ou d’autorité pour déterminer ces choses-là pour moi. J’avais l’impression que mes questionnements étaient malhonnêtes car mon histoire ne correspondait pas en tout point à celles que j’avais déjà entendues. C’était le sujet d’une question que j’ai posée à AlterHéros il y a quelques années : Suis-je assez non-binaire pour pouvoir m’identifier comme non-binaire?
Ce que je pense aujourd’hui est qu’il n’y a pas de façon parfaite ou idéale d’être trans ou non-binaire. Chaque personne le vivra d’une façon légèrement différente, mais tout aussi valide.
Des fois aussi on peut malencontreusement réutiliser des discours négatifs et stigmatisants sur les personnes trans et non-binaires que l’on a déjà entendus contre nous-mêmes, pas nécessairement parce qu’on y croit, mais plutôt pour s’invalider soi-même et légitimer un manque de confiance en soi.
As-tu déjà entendu parler du syndrome de l’imposteur·e? C’est un peu un sentiment de ne pas être à sa place ou de ne pas performer aussi bien que d’autres personnes, sans que l’on arrive à l’expliquer de façon rationnelle et objective. C’est associé à beaucoup de comparaison et arrive souvent lorsqu’on commence à quelque chose (un premier emploi après ses études par exemple). Je pense que c’est aussi quelque chose que l’on peut vivre au début de la découverte de son genre.
Il faut faire attention de ne pas être sévère envers soi-même et de ne pas se mettre des standards trop élevés. Ce genre de doutes a généralement tendance à s’atténuer naturellement avec le temps et l’expérience. Un bon moyen d’apprendre à se faire plus confiance aussi est de faire semblant, se faire croire que l’on croit en soi jusqu’à ce que ça devienne un réflexe ou une habitude.
- À quelle sous-catégorie de la non-binarité j’appartiens?
Ce que tu indiques comme étant ta plus grande préoccupation actuelle. Si seulement il pouvait y avoir un choixpeau magique pour déterminer sa maison de genre! Je peux te dire que ta catégorie de non-binarité est la tienne, tout simplement, et qu’il y a plusieurs façons d’être non-binaire. Tu dis également que ça pourrait t’aider d’arriver à mettre des mots plus précis sur ton expérience, je vais donc te mettre quelques définitions tirées du blogue La Vie en Queer :
- Non-binaire : s’identifier en partie au masculin ou au féminin, aux deux à la fois, quelque part entre les deux ou à aucun des deux. Peut être utilisé seul ou en combinaison avec d’autres termes.
- Autre définition : ne pas s’identifier uniquement, exclusivement, entièrement, tout le temps ou du tout comme homme ni comme femme.
- Genre neutre : ressentir un genre qui n’est ni masculin ni féminin.
- Agenre : ne pas ressentir de genre, ressentir son absence, un vide.
- Bigenre : avoir deux genres (ou plus) simultanément, qu’ils soient masculins, féminins, neutres ou autre.
- Genre fluide/genderfluid/flux : avoir deux genres (ou plus) qui fluctuent et alternent dans le temps.
Il y a d’autres définitions et d’autres termes aussi. Ça peut être un peu mélangeant quand on commence, mais le but est de trouver ce qui fonctionne le mieux pour soi.
Un obstacle que tu rencontres à ton identification est que ton ressenti change souvent. Le mien aussi! Et c’est correct. J’aime le mot non-binaire justement parce qu’il est assez large pour englober différentes réalités. Si tu aimerais utiliser un terme plus spécifique, ou que ces fluctuations sont suffisamment centrales dans ton expérience pour que tu veuilles y aller avec genderfluid, bien à toi. 🙂
Voilà, je sais que ma réponse est un peu longue, j’espère avoir insisté sur les bons points. N’hésite pas à nous écrire si tu veux une réponse encore plus longue. 😛 Ou si tu as d’autres questions ou inquiétudes qui te viennent en tête. Notre équipe est là pour cela!
Très solidairement,
Maxime, intervenant·e pour AlterHéros
Iel/they/them, accords neutres