Y-a-t'il des lois particulières qui protègent les personnes trans dans le milieu scolaire ?
Y-a-t’il des lois particulières qui protègent les personnes trans dans le milieu scolaire ?
Par exemple : est-ce qu’un.e enseignant.e est obligé.e d’utiliser le/s nom/s et pronom/s demandés par l’élève ? Est-ce que l’enseignant.e peut pénaliser un.e étudiant.e qui utilise l’écriture inclusive ?
Bonjour Gabriel!
D’abord, merci de faire confiance à l’équipe d’AlterHéros pour répondre à tes questions! Si je comprends bien, tu aimerais savoir si les jeunes trans sont protégés légalement contre la discrimination en milieu scolaire et si cette protection s’applique à certaines situations précises, dont l’utilisation des pronoms choisis et l’utilisation de l’écriture inclusive.
La réponse est oui! La loi qui protège les personnes trans en milieu scolaire est la Charte des droits et libertés de la personne. En voici un extrait:
« Toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, l’identité ou l’expression de genre, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap.
Il y a discrimination lorsqu’une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit. »
Ce qui est un peu frustrant avec la Charte des droits et libertés de la personne, c’est qu’elle ne donne pas d’exemples clairs de ce qui constitue des situations de discrimination. Par contre, dans les dernières années, il est devenu de plus en plus clair que de refuser d’utiliser les pronoms ou le prénom choisi d’une personne trans ou non-binaire constitue du harcèlement discriminatoire.
En effet, il est interdit de faire une distinction entre la façon dont on traite les élèves cisgenres et les élèves trans. Donc puisque les pronoms des élèves cis sont respectés par défaut, ceux des élèves trans doivent également l’être. Si quelqu’un refuse à répétition d’utiliser le prénom ou les pronoms choisi.s d’un.e élève, cette personne et le milieu qui l’emploi pourraient s’exposer à des conséquences légales si l’élève ou ses parents portent plainte auprès de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse.
En résumé, la réponse à ta question est oui: un.e enseignant.e est obligé.e d’utiliser les noms et pronoms demandés par l’élève. De surcroît, lorsque c’est possible (et ce l’est dans plusieurs logiciels tels que Mosaïk et Omnivox), le nom de l’élève doit être changé dans le système informatique et sur les listes de classe si l’élève en fait la demande et ce, même si son nom n’est pas changé légalement.
Il existe plusieurs outils pour permettre aux écoles et aux enseignant.e.s de mieux comprendre leurs obligations envers les élèves trans et non-binaires:
- Mesures d’ouverture et de soutien envers les jeunes trans et non-binaires
- Pour une meilleure prise en compte de la diversité sexuelle et de genre: Guide à l’intention des milieux scolaires
- Jeunes trans et non binaires: de l’accompagnement à l’affirmation (particulièrement les chapitres 5 et 6)
Plusieurs commissions scolaires ont également leurs propres lignes directrices concernant l’inclusion des jeunes trans et non-binaires, qui s’appuient toutes sur les mêmes principes que les guides énumérés plus haut.
C’est important de comprendre que ces droits s’appliquent peu importe l’âge de l’élève, même si ses enseignant.e.s ou ses parents s’y opposent. J’aime bien cette citation du chapitre 6 du livre Jeunes trans et non binaires:
« Considérant les normes juridiques discutées plus haut, il sera juridiquement très risqué pour l’école d’offrir des accommodements moindres que ceux qui sont prévus dans les Lignes directrices [de la CSDM]… En outre, la direction de l’école devra être consciente que l’opposition des parents ou de membres du personnel ne saurait relever l’école de ses obligations juridiques. Personne n’a l’autorité requise pour exiger que les droits et libertés de quelque élève soient bafoués, qu’il s’agisse de l’enseignante ou même de la mère de cet élève. Il est ainsi possible que l’école doive soutenir l’élève trans ou non-binaire malgré l’opposition manifestée par ses parents.” (Jean-Sébastien Sauvé, Jeunes trans et non-binaires, de l’accompagnement à l’affirmation, p. 129) »
En ce qui a trait à l’utilisation de l’écriture inclusive, il est plus difficile de déterminer si un.e jeune a le droit de l’utiliser sans être pénalisé.e dans ses travaux scolaires. D’un côté, l’Office québécois de la langue française (OQLF) « ne conseille pas le recours à ces pratiques rédactionnelles. Aucun changement général concernant la distinction grammaticale masculin/féminin en français ne se profile à l’horizon. » L’OQLF recommande plutôt d’utiliser des formulations épicènes (par exemple écrire “je suis une personne courageuse” au lieu de “je suis courageux-se”).
D’un autre côté, les jeunes non-binaires sont également protégés par les dispositions dont on parlait plus tôt. Si un.e élève préfère le pronom “iel”, ses enseignant.e.s sont obligé.e.s d’utiliser ce pronom pour en parler. Il serait donc absurde que ce même jeune ne puisse pas utiliser le pronom “iel” ou l’écriture inclusive pour lorsqu’iel réfère à iel-même dans un travail scolaire. Par contre, Florence Ashley, bio-éthicienne trans, écrit dans son texte Qui est-ille ? Le respect langagier des élèves non-binaires, aux limites du droit:
« L’existence d’une obligation de respecter les pronoms et accords neutres demeure ambiguë, se heurtant à l’incertitude du droit. Si le respect des pronoms peut difficilement être jugé excessif, le respect des accords pourrait l’être. En l’absence d’un jugement à portée juridique claire, la portée du droit au respect des pronoms et accords est vouée à l’incertitude.»
En somme, la réponse à la question “Est-ce que l’enseignant.e peut pénaliser un.e étudiant.e qui utilise l’écriture inclusive?” est: c’est flou. Le mieux serait pour le jeune d’être accompagné.e dans une discussion avec l’enseignant.e pour expliquer l’importance d’utiliser l’écriture inclusive. Si cette démarche ne porte pas fruit, interpeller la Commission des droits de la personne et de la jeunesse pourrait permettre de régler cette question une fois pour toutes.
J’espère que ma réponse t’aide à mieux comprendre les droits qui s’appliquent aux jeunes en milieu scolaire. Je reste disponible si tu as d’autres questions, tu n’as qu’à répondre à ce courriel ou nous soumettre une nouvelle question via notre site web.
Bonne journée et bonne chance!
Séré, intervenant pour AlterHéros