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6 avril 2020

Suis-je une hétérosexuelle qui a peur de l'engagement, suis-je une lesbienne qui ne s'affirme pas encore?

Bonjour, mon surnom est Ali et je me sens vraiment troublée en ce moment.
On dirait que ma tête aime me jouer des tours parfois. Je suis une personne qui se considère comme androgyne intérieurement, mais qui possède des traits féminins et qui possède des traits de caractère typiquement féminins comme l’empathie, le sens du rangement et la douceur. Mon côté masculin est plus démontré par mon caractère protecteur envers mes amis et mes proches, l’envie de prendre la responsabilité pour les autres ou encore juste mes choix vestimentaires qui sont plus simples (jogging et hoodie). En grandissant, je me disais que j’aimais les garçons, que je me voyais avec un et que j’allais avoir un chum au secondaire et rester avec toute ma vie. Cependant, cet idéal s’est cassé, avec le temps, je suis tombée amoureuse quelques fois de garçons, fantasmant souvent à leur égard, mais je me suis aussi retrouvée à porter plus souvent attention aux filles, à vouloir être auprès d’elles, de tout partager. Je suis tombée amoureuse d’une fille en 3e année et je lui ai dit que je l’aimais (elle est partie en courant), je me sentais très triste, me suis excusée et n’ai plus jamais exprimé mes sentiments face aux filles aussi clairement. Je suis tombée amoureuse de plusieurs garçons qui étaient dans la même année que moi et je pense que j’écartai mes envies de voir des filles. Je me voyais mal avoir une blonde au secondaire, mais j’ai souvent désirer embrasser mes amies et être auprès d’elles plus que d’être avec des hommes. Mon attirance pour les deux sexes ne s’est pas arrêtée là. Plus tard, au Cégep, je suis entrée en soins et j’ai croisé plusieurs filles qui m’intéressaient, je n’ai jamais osé faire le premier pas vers elles. Pour les garçons, je me suis laissée plusieurs fois approcher et inviter en date, mais je n’ai jamais accroché. Plusieurs m’ont avoué qu’ils voulaient aller plus loin que juste des câlins (voulaient être en couple avec moi), mais j’ai refusé en demandant plus de temps. Chaque fois que ça arrivait j’avais juste envie de pleurer, car je ne me sentais pas à l’aise dans cette situation, pourquoi ? Chaque fois qu’une fille m’invite à aller faire qqch de plus que l’école ou le boulot, mon coeur est léger , je m’intéresse à elle et je souris bêtement à chacun de ses mots, je ris mais chaque fois que c’est un mec, j’ai juste envie de partir et de m’enfoncer dans le sol ou seulement de faire connaissance. Chaque fois qu’un garçon s’approche de moi et que je ressens qu’il souhaite se rapprocher de moi, je fais un pas en arrière et je m’éloigne le plus possible. Les conversations parmi mes collègues de travail hétérosexuelles me rendent mal à l’aise tout autant qu’à chaque fois que qqn me fait directement ou indirectement référence à la communauté LGBT. J’ai peur d’être stigmatisée, j’ai peur de dire à qqn que je l’aime et qu’elle parte, je ne veux plus ressentir le désir de me rapprocher d’un homme et de vouloir tout laisser tomber pour me réfugier chez moi et rêver d’eux et d’elles. La seule fois que je me suis sentie libre c’est quand je m’isolait des autres et que je m’imaginais de belles histoires d’amour, me voyant comme une personne simple, sans genre particulier, me disant Queer. Je veux savoir ce qui cloche avec moi, suis-je une hétérosexuelle qui a peur de l’engagement, suis-je une lesbienne qui ne s’affirme pas ou encore, est-ce que je suis une bisexuelle qui a de la difficulté à s’accepter et qui veut « fitter » dans une case ?
Merci à l’avance pour votre réponse qui me sera des plus précieuses, j’ai hâte de trouver une réponse à cette question qui me tracasse depuis fort longtemps.
Sincèrement, Ali.

Rose Dorian

Bonjour Ali,

Merci d’écrire à AlterHéros !

Tu te décris comme une personne androgyne qui possède certains traits considérés traditionnellement comme féminins et d’autres traditionnellement masculins. Au fil du temps, tu as ressenti de l’attirance pour des garçons et des filles. Tu ressens un malaise lorsque des garçons te font des avances, lorsque tes collègues hétérosexuelles discutent entre elles et lorsque que quelqu’un aborde de près ou de loin le sujet de la diversité sexuelle. En même temps, tu te sens libre lorsque tu t’imagines comme une personne simple, sans genre particulier et s’identifiant comme queer. Tout cela t’amène à te demander ce qui cloche chez toi.

Avant toute chose, je te confirme qu’il n’y a absolument rien qui cloche chez toi! C’est même tout à fait normal de se questionner sur son orientation sexuelle ou romantique. C’est vrai qu’on entend souvent parler des orientations homosexuelle, bisexuelle et hétérosexuelle, mais cela ne veut pas dire qu’il faut absolument s’identifier à l’une d’entre elles. Être queer est aussi une orientation ou une identité tout à fait légitime. Je t’invite à lire la réponse de mon collègue Guillaume pour en savoir plus sur l’historique de ce terme et ses nombreuses définitions. C’est aussi tout à fait possible que tu ne t’identifies à aucun genre en particulier, comme c’est le cas des personnes agenres et neutrois par exemple. J’ai envie de te dire que, au final, c’est toi qui a le pouvoir de choisir quel(s) mot(s) tu veux utiliser pour te décrire. C’est correct si cela change avec le temps alors que tu apprends à mieux te connaître ou même si tu préfères opter pour l’absence d’étiquettes.

Par rapport à tes relations, tu nommes aussi des questionnements partagés par beaucoup d’autres personnes peu importe leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. Le fait de se questionner sur son désir de s’engager ou de craindre que la personne qu’on aime ne partage pas nos sentiments est très commun. En même temps, tu décris un sentiment de malaise qui persiste. Si toi, tu es normale, alors où est le problème?

Je pense qu’une des causes se trouve à l’extérieur de toi, dans la société. Il arrive malheureusement encore souvent que des personnes autour de nous considèrent que l’hétérosexualité est l’orientation sexuelle par défaut et qu’elle est supérieure aux autres. Il y a un mot pour cela : l’hétéronormativité. On parle aussi de cisnormativité lorsque le fait d’être cisgenre (lorsque le genre d’une personne est conforme à celui assigné à la naissance) est vu comme la seule option possible et acceptable.

Donc pour toi qui te questionnes sur ton orientation et ton identité sexuelle, c’est normal de se sentir moins bien alors que les gens autour de toi, les médias et la société en général favorisent souvent les personnes hétérosexuelles, hétéroromantiques et cisgenres. C’est aussi possible que tu te sentes invisible ou comme une personne inadéquate. Est-ce que c’est possible que ce soit une des raisons pour laquelle les conversations de tes collègues te mettent mal à l’aise? Ça m’arrive à moi aussi de me sentir à part des autres pour cette raison, parce que c’est parfois comme s’il n’y avait pas de place pour les gens comme nous et nos expériences dans certains milieux.

Heureusement, ce qui peut faire beaucoup de bien, c’est de se retrouver dans des espaces où on peut échanger avec des personnes qui vivent des réalités similaires. Le site d’AlterHéros en fait partie. 😉 C’est vraiment libérateur de pouvoir être soi-même sans avoir à se justifier! Si tu es aux études, plusieurs écoles, CÉGEPS et universités ont des comités LGBT. Tu peux aussi communiquer avec Le Néo ou le Groupe Allo qui offre des services aux jeunes. La plupart des activités sont suspendues pour le moment en raison du COVID-19, mais tu peux toujours faire un tour sur leurs sites et les suivre sur les réseaux sociaux en attendant la réouverture.
J’espère que cela t’aidera à y voir plus clair. Je souhaite de prendre soin de toi et de te faire confiance!
N’hésite surtout pas à nous réécrire si tu as d’autres questions,

Rose Dorian Ramirez, technicienne en travail social pour AlterHéros

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