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1 octobre 2020

Je suis une femme trans et j’aimerais faire ma transition, je pense que c'est ce que je souhaite le plus au monde.

Bonjour, je m’appelle Léa et j’ai 22 ans et on m’a assigné homme à la naissance. J’ai commencé à me poser des questions sur mon identité de genre vers l’âge de 15 ans. Le chemin pour accepter mon identité telle qu’elle est aujourd’hui fut très long. Je suis d’abords passée par une très très longue phase de questionnement ( environ 4 ans ) et puis par une phase d’acceptation ( environ 2 ans ). Depuis 1 an environ maintenant je suis sûr au plus profond de moi que je suis une femme et que je l’ai toujours été. Mais le problème c’est que je n’arrive pas à faire le premier pas et à m’ouvrir au monde. Je me sens rongée de l’intérieur petit à petit. La plupart du temps, j’enfuis toutes ces émotions au fond de moi et j’essaie de ne pas penser à qui je suis réellement ( pour ne pas devenir folle ). Mais la vie me rattrape souvent très vite et chaque jour je ne peux m’empêcher de penser que je vis dans le mauvais corps. Je passe alors par de très grosses périodes de dysphorie, des semaines où je n’arrive plus à dormir et où à chaque seconde je pense à me détruire… J’aimerais faire ma transition, je pense que c’est ce que je souhaite le plus au monde. Mais je sais bien que la vie n’est pas une utopie. J’ai 2 problèmes majeurs qui s’opposent à moi. Le premier est ma timidité. Je suis absolument terrorisée à l’idée de voir un psy. Et même si je me persuade que c’est un acte tout à fait normal, rien que d’en appeler un pour prendre rendez-vous me terrifie. Et l’idée que je tombe sur un mauvais psy ( il y en a beaucoup dans la profession ) me bloque car je sais que ça détruirait toute ma confiance en moi que j’ai gagné si durement et que je rebrousserait chemin à jamais. Ma deuxième grande peur, si j’arrive à passer la première étape, est tout simplement de trouver du travail. En effet, je suis étudiante Bio-ingénieur depuis 4 ans maintenant et je compte encore faire de longues études pour m’assurer un avenir. J’en ai conscience depuis mon plus jeune âge et je sais qu’il faut travailler dure pour atteindre ses objectifs. Je sais que c’est un peu triste de dire ça mais je trouve que dans notre société actuelle, pour bien vivre et être heureux, il faut de l’argent. Je viens d’une famille de revenu assez modeste et je sais quelle importance à l’argent. Je veux tout simplement qu’en allant faire les courses plus tard, je ne me pose pas de questions à propos de mon revenu et que je m’achète ce qui me plaît. Tout ça pour dire que je sais que notre monde n’est pas un monde de bisounours et que lorsque j’aurai transitionné de nombreux employeurs ne voudront plus m’embaucher même si j’ai le plus beau des diplômes. Donc toutes mes années d’études et d’acharnement n’auront servies à rien. Je suis donc divisée entre 2 côtés. Soit j’arrête de me mentir à moi même et à tout mon entourage comme je le fais depuis des années mais je prends alors le risque de ne jamais atteindre mes objectifs et mon métier de rêve. Soit je continue de vivre comme je le fais depuis 22 ans et je ne subirai aucune discriminations. Mais est ce que j’arriverai à tenir le coup ? De plus en plus souvent, je regarde par la fenêtre et je pense l’impensable. Je suis dans une impasse, je ne sais plus quoi faire. Auriez-vous des solutions à mes problèmes ? Juste des petites astuces pour le premier ça serait déjà cool 😉
Merci, Léa.

Maxim-e

Bonjour Léa!

 

Je tiens vraiment à commencer en soulignant ton courage et ton ouverture. Malgré ta timidité, tu nous as écrit un récit riche et authentique de ta situation qui met bien en valeur les difficultés que tu vis, mais aussi ta persévérance et ta résilience. 🙂

 

Pour reformuler rapidement, après de nombreuses années de questionnement et d’acception, tu hésites à débuter ta transition de genre ou pas. Tu ressens une importante dysphorie, mais tu nommes deux craintes qui t’empêchent de commencer ta transition : tomber sur un.e professionnel.le peu compréhensif.ve et ne pas trouver de travail dans ton domaine. Cette situation t’apporte une grande détresse et tu as besoin de solutions. 

 

Tes craintes sont valides. Rappelle-toi que toutes les personnes trans commencent leur transition quelque part et tu n’es pas la première à passer par là. Il n’y a pas d’obligations, de cases à cocher, de parcours parfait ou de date limite. Je vais essayer de te donner quelques conseils et quelques ressources qui m’ont aidé personnellement et qui ont aidé les gens que je connais. 

 

Concernant la dysphorie, Séré, mon collègue, fait la différence entre la dysphorie physique (se sentir mal par rapport à une caractéristique de son corps) et la dysphorie sociale (se faire mégenrer par d’autres personnes). Dans cette réponse sur notre site, iel donne des trucs pour mieux vivre avec ça. Tu pourrais essayer de te rappeler des détails de ton corps que tu apprécies et que ton corps est le tien, en tant que femme tu as un corps de femme. Plusieurs modifications de l’apparence (coiffure, maquillage, habillement) sont temporaires et réversibles et peuvent permettre de te sentir mieux dans ton genre. Connais-tu les articles et accessoires d’affirmation de genre? Un gaff par exemple permet de réduire l’apparence de tes organes génitaux et pourrait aider à calmer ta dysphorie physique. Certains soutiens-gorges existent pour les personnes en transition. Et rien de tout cela ne requiert que tu parles à un.e psy!

 

Tu n’es pas obligée d’entamer un parcours de transition de genre si tu considères ne pas être au bon endroit ou au bon moment de ta vie pour le faire en sécurité. Même si c’est possible d’essayer de correspondre aux attentes de notre genre assigné à la naissance, comme le dit mon collègue Séré dans cette réponse

« Le problème est que l’identité de genre n’est pas un choix. On ne peut pas la changer, même si on essaie très fort. Et souvent, lorsqu’on refoule de tels sentiments, on se sent mal à l’intérieur. On a l’impression de mentir à tout le monde ainsi qu’à soi-même »

Tu nommes que c’est la chose que tu souhaites le plus au monde. Vivre ta vie dans le genre qui est le tien pourrait t’apporter un soulagement et une joie intense, c’est ce qu’on appelle euphorie de genre (inverse de dysphorie).

 

Tu mentionnes refouler tes émotions, avoir des pensées noires et autodestructrices. On passe toustes par des phases plus difficiles parfois et un début de transition peut apporter son lot de stress. Je t’envoie un article qui donne quelques trucs pour te distraire ou te réconforter quand ta détresse est intense. Un autre article du même endroit propose des exercices de respiration et de relaxation musculaire si tu as besoin de te calmer rapidement. Ta santé mentale est importante, prends-en soin. Si tu as besoin de parler à une personne, il y a l’association belge Genres Pluriels qui organise des groupes de paroles par et pour les personnes trans. Certains groupes sont spécifiques à une région walonne ou bruxelloise lorsqu’ils se déroulent en personne, comme celui du 13 octobre prochain à Liège, ou en visioconférence lorsque le groupe est ouvert aux personnes trans de chaque région de la Belgique, comme celui du 17 octobre. Tu trouveras toutes les informations sur ces groupes en cliquant ici. Cela peut être une belle façon de rencontrer d’autres personnes qui vivent ou ont vécu une situation similaire à la tienne! Tu n’es pas seule. 🙂  C’est aussi possible de jeter un coup d’oeil à la Fédération Les CHEFF qui regroupent sept associations par et pour les jeunes LGBTQ+ de moins de 30 ans dans différentes régions de la Wallonie ou à Bruxelles. Certaines, comme celle de Liège, est même sur Facebook si tu trouves cela plus facile pour les contacter. N’hésite pas à contacter l’asso de la ville : les personnes queer et trans sont une grande famille dont notre objectif est de ne laisser personne derrière. Je suis convaincu.e que tu pourras trouver du soutien et, surtout, de nouveaux.elles ami.e.s de confiance. 

 

Pour trouver un.e professionnel.le trans-affirmatif.ve compétant.e (psychologue, médecin, chirurgien.ne), je dirais que la meilleure façon est de parler avec d’autres personnes trans de ta région ou directement aux personnes impliquées dans certaines asso LGBTQ+ précédemment citées. Généralement, chaque association a une petite liste des professionnel.le.s de la santé à référer selon nos besoins. Ce n’est pas toujours facile de socialiser avec des nouvelles personnes lorsqu’on a quelque chose en commun avec elleux. Appartenir à un petit groupe de personnes qui comprennent bien ta réalité va aussi t’aider à mille et une autres occasions. Je sais que tu mentionnes ta timidité, sache que tu as le droit d’être plus réservée et de vivre de belles amitiés quand même. Si tu sens que d’appeler un.e professionnel.le est trop difficile, tu pourrais demander l’aide d’un.e ami.e ou encore envoyer un courriel.

 

Pour la question du travail, je crois sincèrement que tu n’as pas nécessairement besoin de choisir entre la carrière de tes rêves et ta transition. Ton parcours trans et tes études sont des symboles de ton immense ténacité, persévérance et patience.  Il t’est possible de mettre à profit ces belles compétences pour réaliser tes deux objectifs simultanément.

 

En regardant ces deux tableaux d’un rapport de 2009 sur la situation des personnes trans en Belgique on peut voir que les personnes trans atteignent différents niveaux d’étude et sont présentes dans différents secteurs. À préciser, ce rapport date de plus de dix ans! La situation des personnes trans, l’accès aux soins, l’accès à l’éducation ainsi que le nombre de personnes qui entament un parcours de transition a nettement augmenté depuis dix ans.

Les femmes et les personnes trans ont leur place dans le domaine des sciences et des technologies et leurs contributions sont utiles et nécessaires. Malheureusement peu de modèles sont disponibles. Si tu parles anglais, ou avec l’aide de google translation ;), tu pourrais jeter un coup d’oeil à ces portraits de docteur.es, professeur.es et étudiant.es trans dans le domaine des sciences pour te donner de l’inspiration. 

 

Pour ton information, le site belge infotransgenre confirme que les personnes trans sont protégées contre la discrimination au niveau fédéral en Belgique. Cela ne signifie pas que la discrimination n’existe pas, mais plutôt que tu as des alternatives qui sont disponibles si tu en vis. Si tu souhaites porter plainte pour discrimination, des organismes peuvent te soutenir.

 

De mon côté, j’ai une amie trans qui a travaillé dans des grandes compagnies de conception de logiciels. Elle me dit que dans son expérience, les compagnies technologiques tiennent aux apparences et aux étiquettes en vogue dans leur univers. Si tu arrives à rentrer dans le “moule techno” (esthétique, habitudes, conversations) sans faire de vagues ou à partir de débats, les gens ne se préoccupent pas autant de ton genre ou de ton “passing”. Son conseil est d’agir comme si tu appartenais à ce groupe social (peut-être que c’est déjà le cas) et tu vas finir par te sentir à ta place. Si tu leur en parles, certains employeurs vont aussi accepter d’utiliser ton nom choisi même s’il n’a pas été changé légalement.

 

Ces jours-ci, je réécoute la série télé “Ugly Betty” qui porte beaucoup sur l’apparence au travail et les façons de s’intégrer à un milieu professionnel sans perdre son identité et ses valeurs. Peut-être que ça pourrait t’intéresser? Je t’encourage aussi à lire les bandes dessinées de Sophie Labelle, Assignée Garçon, qui sont incroyablement réconfortantes.

 

J’espère que toutes ces informations te seront utiles dans ton cheminement. Écris-nous à nouveau si tu as d’autres questions ou si tu ressens le besoin de parler de ce qui t’arrive. N’oublie jamais que tu es une personne fantastique et que les choses qui te rendent unique font de toi qui tu es.

 

Avec toute ma solidarité,

 

Maxime, Stagiaire pour AlterHéros

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