Je suis gai et mes parents sont homophobes. Quoi faire?
Je suis gai et mes parents sont homophobes. Ça fait maintenant 1 an que je garde ce secret de tout le monde. La raison que je ne l’ai pas dit à mes amis c’est que l’année prochaine je ne les verrais plus alors à quoi bon.C’est de plus en plus dur de supporter les commentaires de mes parents sans craquer et leur dire ce que je pense de leurs commentaires homophobes. Je pense que je ne vais jamais leur dire que je suis gai parce que je suis sûr qu’ils me feraient faire les thérapies de conversion d’orientation sexuelle. C’est dur de les regarder en pleine face sans penser à ce qu’ils disent. Ah j’ai hâte d’avoir l’âge légal pour partir de là.Je sais pas quoi faire?
J’ai envie de fuguer.Mes parents sont homophobes et je suis gai ( mais ils ne le savent pas). Personne sait que je suis gai parce que même mes amis ne sont pas ouverts à l’homosexualité. Je ne suis plus capable de supporter les commentaires homophobes de mes parents en plus qu’ils sont de plus en plus fréquent. Y-a-t-il une façon de me désensibiliser des commentaires de mes parents ou sinon devrai-je fuguer? Aidez-moi!
Alex
Salut Alex!
Merci énormément pour la confiance que tu portes envers AlterHéros. Je comprends que tu vis présentement une situation très difficile. Le contexte de la COVID-19 et les mesures d’isolement doivent probablement aggraver cette situation. Sache qu’il est complètement normal de se sentir anxieux en ce moment, en particulier si tu habites avec des personnes qui ne semblent pas supporter ton appartenance à la diversité sexuelle.
Si je comprends bien ta situation, tu es homosexuel et tes parents sont homophobes. Personne n’est au courant de ton orientation sexuelle, tu affirmes que ni ta famille et ni tes amis ne sont compréhensibles de notre réalité – je dis »notre », car moi aussi je suis homosexuel, tu n’es pas seul =) -. Tu nous demandes quoi faire, notamment pour t’aider à naviguer l’homophobie de ta famille, tes craintes que tes parents t’imposent une thérapie de conversion et si tu devrais fuguer ou non.
D’abord, j’aimerais souligner ton grand courage de nous écrire. Il n’est pas facile de dire pour la première fois à une personne que nous sommes homosexuels, mais tu viens justement de nous le partager à nous. C’est une immense preuve de confiance à notre égard, je tiens donc encore une fois à te remercier. Cela me fait chaud au coeur d’obtenir cette confidence de ta part et j’espère être en mesure de bien te soutenir pour la suite des choses.
Il y a plusieurs éléments à aborder dans cette présente réponse. J’y aborderai donc la question de tes amis, de ta famille, du coming-out, des thérapies de conversion et, pour commencer, du fait que tu n’es pas seul. Ça te va?
Même si l’homosexualité et la bisexualité semblent des sujets de plus en plus discutés de façon positive au Québec, ce n’est malheureusement pas la réalité de tout le monde. Je comprends donc entièrement le fait que tu ne te sentes présentement pas bien à la maison – j’ai vécu une situation similaire de mon côté également. J’aborderai la question de tes parents un peu plus loin, j’aimerais d’abord te parler d’un autre concept, celui de ta famille choisie. Pour ce faire, je vais citer une ancienne réponse que tu peux certainement, si tu le souhaites, lire au complet (La blonde de mon père est vraiment désagréable avec ses commentaires homophobes et sexistes!) :
(…) j’aimerais t’introduire à un concept bien important parmi les personnes LGBTQ+. Il s’agit du concept de famille choisie (chosen family). Une famille choisie, c’est un groupe de personnes que l’on choisi pour partager le support et l’amour que nous avons tou.te.s besoin. C’est un groupe d’individus qui se choisissent l’un et l’autre afin de jouer des rôles significatifs dans la vie des autres. En d’autres mots, il s’agit de personnes envers qui nous sommes émotionnellement très proches et sur qui nous pouvons compter, de personnes envers qui nous nous autorisons à être 100% nous-mêmes, à être authentique, à être présent dans les moments difficiles et les moments heureux. Bref, notre famille choisie, ce n’est pas nécessairement les personnes avec qui nous avons un lien de sang ou un lien légal. Notre famille choisie, c’est nos ami.e.s avec qui l’on peut être épanoui, sur qui nous pouvons compter, ceux et celles qui nous donnent envie de célébrer qui nous sommes. Malheureusement, pour plusieurs personnes LGBTQ+, la famille biologique ou légale n’est pas notre principale source de soutien. Or, ce soutien, il est toutefois possible de le trouver ailleurs et de valoriser ces liens d’amitié. À la lumière de ces mots, est-ce que tu penses à quelques personnes autour de toi qui peuvent composer ta propre famille choisie?
Je sais que, selon ton message, tes ami.e.s ne semblent pas très ouvert.e.s aux personnes LGBTQ+. La bonne nouvelle est que, si nous ne sommes pas heureux avec certain.e.s ami.e.s, il est tout à fait possible de tenter de se rapprocher d’autres personnes qui partagent davantage nos intérêts et nos valeurs. À ce sujet, est-ce que tu connais l’organisme Jeunesse Idem? Il s’agit d’un organisme oeuvrant spécifiquement pour les jeunes LGBTQ+ ou en questionnement âgé.e.s de 14 à 25 ans. Pour tout le temps de la COVID-19, Jeunesse Idem organise des rencontres virtuelles chaque jour de la semaine, de 15h à 16h. Est-ce que tu crois que tu aurais la possibilité de participer? En rentrant en contact avec Jeunesse Idem, tu pourras même rencontrer d’autres jeunes qui vivent une situation similaire à la tienne, d’autres jeunes compréhensifs de ta réalité avec qui tu pourrais certainement bâtir certaines amitiés. Jeunesse Idem, basé à Gatineau, travaille justement spécifiquement avec les jeunes de l’Outaouais! Qu’est-ce que tu en penses? Je te laisse cette infographie tirée de leur site internet t’offrant les indications nécessaires si tu souhaites rentrer en contact avec ce groupe.
Tout ce long message concernant la famille choisie pour te partager le fait que tu n’es pas seul. Nous sommes très nombreuses et nombreux ayant expérimenté des difficultés avec notre famille. C’est pour cette raison qu’il est possible pour toi de te trouver d’autres personnes de confiance avec qui tu peux te sentir en sécurité, compris et entièrement toi-même. C’est également possible de rencontrer de nouvelles personnes en t’impliquant dans un groupe parascolaire, en participant aux activités de Jeunesse Idem ou de faire de nouvelles activités selon tes intérêts qui te sont propres. As-tu des idées?
Pour ma part, j’ai attendu très longtemps avant de faire mon coming-out à mes parents. Je vivais ma double vie en cachette jusqu’à mes 16 ans où j’ai partagé mon orientation à mon père. Puis, à mes 20 ans, ce fut au tour de ma mère. Ce ne fut pas toujours très beau dans ma famille, mais avec le temps, mes parents sont devenu.e.s très soutenant.e.s à mes côtés. Ma mère m’a même fait un gâteau d’anniversaire aux couleurs du drapeau de la fierté LGBT il y a deux ans! Je ne précise pas cela pour invalider les émotions, dont probablement certaine colère et tristesse, que tu peux ressentir envers tes parents. C’est entièrement normal et tu as droit de ressentir cela à leur égard. On souhaite naturellement être soutenu par les personnes qui sont sensées nous aimer de façon inconditionnelle! Je tiens seulement à te dire qu’il se peut que cela se passe bien également, que les choses puissent se placer et que tu puisses dans un futur proche recevoir une compréhension de la part de tes parents. Cela viendra avec le temps, avec le respect du rythme de tout le monde.
Et justement, en parlant de rythme, il est aussi super important d’écouter ton propre rythme à toi. Il n’existe aucune obligation de ta part à dévoiler ton orientation sexuelle à qui que ce soit : tu es entièrement maître de ce processus. En d’autres mots, tu as le choix de déterminer à qui tu communiques cette information très intime, comment tu souhaites le communiquer et quand tu souhaites en parler. De plus, rien ne t’oblige à aborder ce sujet avec tes parents si tu ne te sens pas prêt, si tu crains pour ta sécurité ou simplement si tu considères que cela ne les concerne pas. C’est ton choix, d’accord?
Avant de poursuivre plus en profondeur au sujet de la famille, tu as nommé ta crainte d’être obligé de passer par une thérapie de conversion si tes parents apprenaient ton orientation sexuelle. Je tiens à te rassurer : tu es incroyablement fort et intelligent. Je suis certain que si cela devait arriver, tu comprendrais la situation dans laquelle tu es et tu irais chercher de l’aide. Savais-tu que ce type de thérapies est en voie de devenir entièrement illégale et criminelle au Canada? Tu peux lire cette page du gouvernement canadien si tu le souhaites. Ainsi, si cela devait arriver, tu sais que tu peux écrire à AlterHéros, téléphoner à Interligne, en parler à un.e adulte de confiance, c’est-à-dire un.e autre membre de ta famille, un.e enseignant.e, un.e intervenant.e de ton école ou d’une maison de jeunes, d’un organisme? Et puis, si tu sens que ton bien-être ou ta sécurité sont compromis par ta situation familiale ou par l’obligation d’avoir une thérapie de conversion, un.e adulte de confiance ou même toi-même peux recourir au Directeur de la protection de la jeunesse (DPJ) pour te protéger. Il s’agit d’une instance provinciale visant à protéger l’ensemble des enfants. Il s’agit de plein de moyens différents pour te protéger de ce type de fausses thérapies. N’hésite pas à demander de l’aide au besoin, ce sera le plus beau cadeau que tu peux t’offrir. Deal?
Maintenant, tu nous demandes comment faire pour supporter les commentaires homophobes de ta famille. Je t’invite, d’une part, à lire ces deux réponses de ma collègue Marie-Édith à ce sujet :
- La blonde de mon père est vraiment désagréable avec ses commentaires homophobes et sexistes!
- Comment mettre un frein aux « blagues » homophobes ? Comment reconnaître une personne homophobe ?
Ma collègue y aborde plusieurs astuces, notamment le fait de questionner soi-même les commentaires homophobes de notre famille. Par exemple, si un de tes parents dit un propos homophobe, il est possible de simplement lui demander de clarifier sa pensée : »que veux-tu dire quand tu dis ça…? ». Tu peux également donner ta propre position sur le sujet »je ne suis pas d’accord avec toi, je crois que tout le monde a le droit d’aimer qui il veut ». Il est alors possible de voir si notre parent apporte des nuances. Chez plusieurs personnes, le fait de faire des commentaires homophobes est souvent liée à une ignorance ou bien c’est fait de façon inconscient. Bien sûr, nous, les personnes LGBT envers qui ces commentaires sont portés, cela peut nous blesser et c’est entièrement normal! Il est donc entièrement possible pour toi de travailler tranquillement à faire changer la mentalité de ta famille sans pour autant dévoiler ton orientation. Encore une fois, rien ne t’oblige à dévoiler quoi que ce soit, c’est ton rythme et tes propres limites qui sont importants. Quand j’étais à l’école secondaire, j’avais l’habitude de partager à une amie très proche tous les propos homophobes que je pouvais entendre. C’était ma façon de digérer ces commentaires et de revenir à la maison un peu plus fort. Est-ce que tu aurais envie de m’écrire quand cela arrive? Ou bien d’en parler à l’intervenant de Jeunesse Idem? Ou à un.e adulte de ton école en qui tu as confiance?
Il y a ce petit guide qui donne des pistes de solution intéressantes lorsqu’on vit avec des parents homophobes si jamais tu souhaites y jeter un coup d’oeil.
Maintenant, si tu songes à dévoiler ton orientation sexuelle à tes parents, je t’invite à bien te préparer. Il s’agit d’un grand événement qui peut nous apporter beaucoup de stress! Tu peux par exemple réfléchir aux possibles scénarios et te préparer en conséquence. Tu peux également réfléchir aux différentes questions que ta famille pourrait te poser et te préparer des pistes de réponses. Tu peux te pratiquer en écrivant, à en parlant avec une personne de confiance, ou simplement en écrivant une lettre. Je t’invite également à réfléchir à un endroit où tu pourrais te réfugier si tu crains pour ta sécurité, un.e adulte de confiance par exemple. Et puis, il est toujours possible de contacter le Directeur de la protection de la jeunesse (DPJ) si tu crains pour ta sécurité. Je t’invite à lire cette réponse que j’ai composée au sujet du dévoilement auprès de nos proches : J’ai peur de dire à mes parents et à mes amis que je suis gay. Que dois-je faire?
Enfin, tu fais référence à la possibilité de faire une fugue afin d’échapper au climat familial difficile dans lequel tu es. Il est possible que tu réfléchisses à fuguer afin de mener une quête d’autonomie et de découverte de soi. Peut-être même souhaites-tu être un peu provocateur à l’égard de tes parents afin de leur prouver que tu as la force de te révolter contre leurs propos. Peut-être est-ce que la fugue t’apparaît comme la solution pour répondre à une situation qui t’apparaît à l’heure actuelle impossible à résoudre. Toutefois, est-ce que fuguer améliorerait présentement la situation dans laquelle tu vis? J’aimerais néanmoins t’inviter à réfléchir en profondeur sur ce qu’une fugue implique et sur les impacts que cela peut avoir, tant sur toi que sur tes parents. Par exemple, si tu prends la décision de fuguer, la police sera automatiquement mêlée à cette situation puisque tu n’as pas l’âge légale pour vivre par tes propres moyens. Je comprends que tu souhaites présentement trouver des solutions rapides et concrètes pour améliorer ton bien-être. Et c’est très bien! Si c’est le cas, je comprends entièrement l’objectif. Ça prouve que tu tiens à toi et que tu souhaites faire les choses nécessaires pour assurer ton bonheur. Toutefois, est-ce que tu as la possibilité de réfléchir à d’autres astuces te permettant de bâtir tranquillement ton bonheur? Par exemple, en t’entourant de personnes avec une meilleure compréhension de ta réalité, en faisant des activités qui te plaisent, en rencontrant d’autres jeunes vivant une situation similaire à la tienne?
Je suis conscient qu’il s’agit d’une très longue réponse! Je n’ai possiblement pas de recettes miracles à te partager sur comment mieux aller en vivant dans une famille homophobe, mais je peux toutefois te promettre de rester à tes côtés aussi longtemps que tu le souhaites ou que tu en ressentiras le besoin. Donc Alex, aimerais-tu, toi aussi, faire partie de ma famille choisie? Parce qu’ensemble, on est toujours un peu plus forts. 🙂
Tu peux m’écrire quand tu veux, que ce soit pour me donner de tes nouvelles, me poser de nouvelles questions ou pour avoir certaines informations concernant les ressources qui te sont accessibles en Outaouais. AlterHéros est là exactement pour des jeunes comme toi. Tu n’es pas seul. 🙂
Au plaisir,
Solidairement,
Guillaume, pour AlterHéros