J'ai plusieurs questions entourant mon parcours trans, le coming-out genderfluid de mon/ma partenaire et la socialisation entre garçons...

Bonjour,
Alors voilà, j’ai, en fait, trois questions/demandes de conseil.
1. Mon/ma partenaire m’a fait son coming out genderfluid aujourd’hui. Je n’étais pas surpris étant donné que ça fait un long bout qu’iel me parle de son questionnement. (D’ailleurs, mon/ma partenaire n’a pas de pronoms fixes, alors c’est pour ça que j’utilise le «iel». Pour tout englober ses identités de genre même si, en ce moment, il se sent garçon et qu’iel utilise principalement les pronoms féminins). Or, justement, je ne sais pas comment agir?? C’est-à-dire, je suis un gars transgenre binaire et j’ai de la misère à comprendre cette identité. Je ne comprends pas vraiment comment notre cerveau peut changer de genre au jour/semaine, etc. J’aimerais comprendre ce sentiment même si j’imagine que je ne pourrai pas le vivre. Mais, je ne l’invalide pas et je fais de mon mieux pour le/la respecter.
De ce fait, j’aimerais savoir si vous aviez des trucs pour améliorer mon langage neutre. Je suis assez limité dans mon vocabulaire ^^» Je ne sais pas comment l’appeler niveau couple (a part mon/ma partenaire) ou en essayant de bien «conjuguer» tous les mots neutres.
De plus, est-ce normal que je me sens mitigé face à son coming-out? D’un côté, je suis content de pouvoir dire que j’ai un chum/une blonde/un.e partenaire tout dans une personne que j’aime, mais d’un autre côté, ça me serre le coeur comme si je perdais ma blonde (est-ce que j’ai le droit de dire ça?). J’aime pas me sentir comme ça parce que je sais que je ne perd personne dans notre situation et qu’iel va être pleinement la personne qu’iel est destiné(e) à être. J’ai juste une sorte de tristesse/nostalgie intérieur que je ne sais pas d’où elle provient.

2. Justement, niveau intimité… Comme je l’ai dit, je suis trans et j’ai relativement beaucoup de dysphorie. J’essaye toujours de trouver ma limite, mais disons qu’enlever mes vêtements, ça me stresse déjà. En effet, on y va tranquillement, alors on est pas rendu super loin dans notre découverte de chacun, mais ça me stresse juste à l’idée. Notre communication est assez bonne, ce n’est pas ça le problème. C’est vraiment moi qui a un blocage. Je ne veux pas qu’iel me voit sans vêtements. Je ne veux pas enlever mon binder. Je ne veux pas me faire toucher. Je stresse même à l’idée de seulement dormir avec puisqu’il va falloir que j’enlève mon binder (on a pas le droit à cause du covid, etc.) De plus, souvent pendant nos moments, je ne peux pas m’empêcher d’avoir des pensées intrusives du genre que je n’ai pas d’érection, alors que je sais que j’en aurais une, le fait que je ne peux pas sentir les sensations comme si j’avais un pénis ou un torse plat… Ça me donne envie de pleurer juste à y penser… Ma dysphorie m’empêche d’apprécier les moments et j’ai tout le temps peur de ne jamais réussir à satisfaire mon/ma partenaire. Auriez-vous des conseils ou des trucs pour essayer de by-pass tout ça ou de rendre le tout moins intrusif?
D’ailleurs, je sais qu’il existe des jouets sexuels faits pour les personnes trans et, bien que je ne peux pas en acheté pour le moment (j’ai 17 ans, j’habite chez mes parents qui ont l’habitude d’ouvrir mes colis avant moi, etc), est-ce qu’ils fonctionnent vraiment? C’est-à-dire, est-ce qu’il soulage, un peu, la dysphorie? Est-ce que, plus tard, ça pourrait être une bonne alternative? Y en-a-t-il plus reconnu que d’autre?

3. C’est beaucoup moins «deep» que mes deux autres questions, mais comment on socialise avec des gars? XD J’ai toujours été entouré de filles, mais j’aimerais vraiment avoir des amis gars. Or, je ne sais pas comment. Je me sens intimidé. Direct quand il y en a un qui me parle, je me renferme. Je ne sais, soudainement, plus comment parler. J’ai l’impression d’être un moins que rien, invalide, moins gars quand je suis à côté d’un gars cis. Je sais qu’il n’y a pas vraiment de réponses, mais peut-être des conseils? Des expériences vécus? J’aimerais vraiment avoir un groupe d’amis gars pour jaser de choses qui m’intéresse plus et, peut-être, me sentir plus valide dans mon identité.

Désolé pour ces longues questions… Je n’ai juste personne à qui parler de ces affaires-là.

Merci beaucoup,

Mark-Olivier

Séré

Bonjour Mark-Olivier!

On est super content.e.s d’avoir de tes nouvelles, merci pour la confiance continue que tu accordes à AlterHéros 🙂

Puisque tu as plusieurs questions, on va y aller une à la fois.

Premièrement, tu te demandes comment agir avec ta/ton partenaire qui vient de te faire son coming-out comme genderfluid. Je trouve que tu es très conscient de tes biais et je te félicite de venir chercher de l’aide. Tu dis que tu as du mal à comprendre cette identité et en particulier comment le cerveau de quelqu’un peut changer de genre au fil du temps.

Je sais que certaines personnes genderfluid peuvent identifier des facteurs qui ont une influence sur leur identité de genre. Par exemple, ce peut être leur humeur, leurs interactions avec le monde extérieur ou même le temps qu’il fait. D’autres n’identifient pas de tels facteurs. Quoi qu’il en soit, le sentiment d’appartenir à un genre ou à un autre à un moment précis est chez la plupart des gens assez identique, peu importe s’iels sont trans, cis, non-binaire ou fluide dans le genre. C’est simplement un fait, un ressenti profond et invisible. Il est donc très probable que l’expérience de ton/ta partenaire soit très similaire à la tienne, sauf qu’elle est fluide au lieu d’être fixe. Tout comme tu sais être un garçon parce que c’est simplement quelque chose que tu ressens, iel sait être d’un genre différent selon le moment.

Au final, il n’est pas essentiel de comprendre non plus. Plusieurs personnes cis ne pourront jamais comprendre ce qu’est être trans ou non-binaire, mais elles peuvent quand même respecter les personnes qui vivent ces réalités et les valider dans leurs expériences. Qu’est-ce que tu en dis?

Ensuite, pour le langage neutre, il existe plusieurs ressources qui pourraient t’aider. Voici par exemple un document de l’organisme Divergenres qui propose des règles de grammaire qui ne mettent pas l’accent sur le féminin ou le masculin, et un tableau pratique qui propose de nouvelles terminaisons pour les mots genrés. Il y a deux clés pour assurer le succès dans l’emploi d’un nouveau vocabulaire pour parler d’une personne non-binaire ou genderfluid. D’abord, il faut voir avec cette personne ce qu’elle préfère utiliser comme mots. Par exemple, est-ce que ton/ta partenaire préfère utiliser le masculin certains jours et le féminin d’autres jours? Ou bien utiliser du langage neutre en tout temps? Quelle sorte de langage neutre préfère-t-iel? Quels sont les mots qu’iel aime et ceux qu’iel déteste? Cette conversation doit être continue, car il se peut que ses préférences changent.

Ensuite, la clé est la pratique. Plus tu te pratiqueras à utiliser des nouveaux pronoms et des nouveaux accords, plus il sera facile de les utiliser. Si tu vois que tu trébuches souvent sur certains mots, il est très utile de prendre un moment pour faire des recherches et trouver des alternatives. Par exemple, quand j’ai commencé à utiliser des accords neutres pour parler de moi-même, je trébuchais tout le temps quand je voulais dire que j’étais bon/bonne pour faire quelque chose. J’ai finalement sorti mon dictionnaire des synonymes et j’ai réalisé que « doué.e » était une alternative qui est neutre à l’oral. Aujourd’hui, j’utilise surtout le masculin pour parler de moi ainsi que quelques mots neutres que j’aime beaucoup comme heureuxe.

Voici également quelques suggestions de mots de couples à adopter qui sont neutres :

  • Mon amoureuxe
  • Mon amour
  • La personne avec qui je suis en couple
  • Ma douce moitié
  • Ma personne significative
  • Maon copaine

Tu dis aussi que tu as des sentiments négatifs par rapport à ce coming-out, ce qui, je te rassure, est très commun chez les proches de personnes trans et non-binaires. Puisque tu es trans toi-même, une piste de réflexion pourrait être de penser à ta propre expérience. Tout comme tu restes la même personne qu’avant d’avoir fait ton coming-out comme homme trans, ton/ta partenaire reste la personne que tu aimes, iel garde la même personnalité, les mêmes intérêts et le même amour pour toi. J’aime beaucoup ce texte qui est en fait un dialogue entre deux parents d’un ado trans, qui aborde leurs réactions après le coming-out de leur fils. La perspective du papa, qui a eu l’impression de perdre sa fille, est particulièrement intéressante, car il dit avoir réussi à éliminer son sentiment de deuil en réalisant qu’il avait toujours eu un fils et non une fille.

J’aime bien ce passage :

– Tu étais en train de perdre ta fille et ça te chamboulait, ça te virait à l’envers.

– Oui, parce que je pense que personne n’aime faire un deuil, parce que ça veut dire que tu enterres quelqu’un, tu ne veux pas enterrer ton enfant. Il n’y a pas un parent qui veut enterrer son enfant peu importe pourquoi.

– En même temps, il n’y a pas de corps à enterrer, ce n’est pas un décès.

– Donc tu n’es pas capable de finir ton deuil. C’est pour ça que je dis : je n’ai pas terminé un deuil dans le sens de quelqu’un qui passe par dessus et reprend sa vie, le deuil il n’y en avait plus. Il y avait une absence de deuil.

 

Deuxièmement, tu as beaucoup de dysphorie et tu demandes donc comment naviguer ton intimité avec ton/ta partenaire. Tu dis que ta communication avec iel est bonne, mais que tu as plusieurs blocages qui t’empêchent d’explorer ton corps et le sien. D’abord, je veux te dire que ce que tu vis est très commun chez les personnes trans. Tu n’es définitivement pas le seul à avoir de la difficulté au niveau intime et sexuel à cause de la dysphorie que tu vis. Il n’y a aucune honte à ça.

Tu dis que ne veux pas que ta/ton partenaire te voit sans vêtement, que tu ne veux pas enlever ton binder. Tu sais, il n’est pas nécessaire de se déshabiller pour avoir un moment intime avec une autre personne. Beaucoup de gars trans que je connais préfèrent garder leur binder pendant leurs relations sexuelles. Ensuite, je t’invite à explorer d’autres zones érogènes et découvrir celles qui te procurent du plaisir sans créer de dysphorie.  Je cite ici mes collègue Maxime : « Le corps humain possède plusieurs zones érogènes qui peuvent apporter du plaisir, lorsque stimulées dans le bon contexte. Les organes génitaux en font partie, mais ce n’est pas les seuls : les mains, le torse, les mamelons, le cou, la bouche, les lobes d’oreilles, les fesses, l’intérieur des cuisses sont tous des exemples susceptibles de répondre favorablement à des caresses, des massages ou des baisers. Pour les personnes qui éprouvent de la dysphorie envers leurs organes génitaux ou qui ont vécu des traumatismes sexuels, l’exploration de ces autres zones érogènes peut être une façon de se réapproprier sa sexualité. » Crois-tu que cela pourra t’aider à te sentir plus satisfait et moins stressé si l’accent était retiré de ta poitrine et de tes organes génitaux, et que tu te concentrais avec ta/ton partenaire sur l’exploration de ces autres zones érogènes, avec ou sans vêtements?

C’est aussi très aidant d’explorer seul ce qui nous fait plaisir. Quand on explore notre corps et qu’on se masturbe seul, il y a moins de pression que lorsqu’on est avec un.e partenaire. On peut tester nos limites sans avoir peur de déplaire à l’autre et sans avoir à communiquer nos inconforts. Est-ce que tu crois que c’est quelque chose qui pourrait aider, d’avoir des moments intimes avec toi-même et non seulement avec ta/ton partenaire?

Pour les pensées intrusives du type que tu n’auras pas d’érection, je te comprends tellement! Avant ma chirurgie, j’avais beaucoup de difficulté à avoir des érections, et le moins j’en avais, le plus j’y pensais et le pire c’était! J’ai découvert que de porter un packer m’aidait beaucoup à avoir des érections et me sentir mieux dans mon corps. Un packer n’est pas un jouet sexuel, c’est une prothèse de pénis flasque, mais je l’utilise quand même dans des situations sexuelles. Juste le fait de sentir que j’ai quelque chose d’un peu plus gros dans mes boxers m’aidait à me concentrer sur le moment et non sur le fait que je n’avais pas un pénis. Mon copain pouvait aussi me faire des caresses à cet endroit, et même si je ne les sentais pas aussi bien que si c’était directement sur ma peau, je sentais quand même la pression mise sur le packer et cela me donnait vraiment l’illusion d’avoir un pénis comme lui. Si tu n’es pas capable de te procurer une prothèse faite pour packer, il est possible de s’en fabriquer une soi-même. Voici un tutoriel sur Youtube pour fabriquer un packer avec une paire de bas.

Il existe aussi, comme tu le mentionnes dans ta question, des jouets sexuels spécifiquement faits pour les personnes transmasculines. Il y a des manchons de masturbation pour stimuler le dicklit (aussi appelé peen, cl*toris, pénis, etc.), à la façon des masturbation sleeves/fleshlights qui s’adressent aux hommes cis, mais adapté à la taille des pénis des hommes trans. Il y en a pour les personnes qui ne prennent pas de testostérone (comme la Kiss X et la Fascination Sleeve), celles qui en prennent et ont connu une croissance de leur dicklit(comme la Buck Off et la Shotpocket) et il y en a en forme de pénis pour une expérience encore plus affirmative (comme le Strocker, le Jack 2-in-1 et le Genderextender)!

Ensuite, il y a aussi les prothèses de pénis en érection et les extension de pénis, qui peuvent permettre de pénétrer ou de jouer avec un.e partenaire et d’avoir des sensations en le faisant. Il en existe vraiment beaucoup, mais voici quelques exemples :

  • Les pénis de la marque Fuze donnent des sensations à cellui qui le porte avec la texture au bout du jouet et il est aussi possible d’y insérer un bullet vibrator pour stimuler la personne qui le porte ainsi que la personne qui est pénétrée, s’il y a lieu. Il y en a des réalistes et des moins réalistes, de quoi plaire à tous les goûts, et ils sont moins chers que la plupart des autres sur cette liste.
  • La compagnie québécoise Banana Prosthetics offre plusieurs options de prothèses réalistes qui peuvent être utilisées pour la masturbation et pour les moments intimes avec un.e partenaire.
  • Le New York Toy Collective offre des prothèses qui peuvent être utilisées à la fois pour packer et pour les relations sexuelles (ce qu’on appelle un pack and play) comme le Shilo, et qui peuvent être jumelé.e.s aux Love bumps peuvent procurer du plaisir par vibration à la personne qui le porte.
  • De plus haut de gamme, il y a les compagnies Gendercat et Transthetics qui offrent des prothèses ultraréalistes et personnalisable, comme le gendermender, qui permet de procurer du plaisir par succion à la personne qui le porte, ainsi que le Joystick, qui lui procure du plaisir par vibration.

Ces compagnies offrent des produits de qualité, mais il n’y a pas de garantie qu’elles fonctionnent pour toi. Pour faire un choix éclairé, il est préférable de connaître ton corps et ce qui te fait plaisir. Par exemple, je n’aime pas beaucoup les vibrateurs, alors le Joystick ne m’a pas vraiment convenu quand je l’ai essayé. Je te recommande d’essayer d’abord des produits plus abordables, comme les sleeves que je présente plus haut et des petits vibrateurs (savais-tu que tu peux acheter des vibrateurs en pharmacie? Ils se trouvent juste à côté des condoms!), afin de mieux savoir ce qui te convient comme stimulation.

Troisièmement, tu te demandes comment te faire des amis gars et être plus à l’aise lorsque tu as des interactions avec d’autres hommes. Je connais très bien le sentiment de se sentir invalide et tout petit à côté d’hommes cis. Pour ma part, je me suis surtout fait des amis garçons qui étaient membres de la communauté LGBQ+. Donc, même s’ils sont cis, j’avais déjà un peu plus en commun avec eux qu’avec les hommes cis et hétéros. Je trouve aussi plus facile de me faire des amis hommes qui ont une vision et des valeurs féministes. Commencer par me lier d’amitié avec des hommes qui avaient déjà un peu conscience des enjeux trans et m’a ensuite donné la confiance de discuter avec les hommes en général.

Je me suis mis à googler pour trouver des trucs auxquels je n’aurais peut-être pas pensé pour t’aider avec cette situation. Ce que j’ai découvert, c’est que la difficulté à se lier d’amitié avec d’autres gars et aussi un problème qui touche les hommes cis. J’ai trouvé plusieurs pages de forum où des hommes cis demandaient conseil sur la façon de connecter avec d’autres hommes et de se faire des amis. Tu n’es donc pas du tout seul dans cette situation, et si ça se trouve, certains gars avec qui tu parles se demandent peut-être aussi comment faire pour devenir ami avec toi. Des fois, cet inconfort ça se manifeste par des blagues et des rires gras, alors que chez toi ça se manifeste par plus de timidité. Le conseil que j’ai vu revenir souvent est de trouver des activités où tu peux rencontrer d’autres gars et ainsi avoir un sujet duquel parler. Ça peut être une équipe sportive, un groupe de Donjon et Dragon, une ligue d’improvisation, un comité étudiant, etc. Malheureusement, la COVID rend les rencontres un peu plus difficiles, mais il existe aussi certaines activités qui se tiennent en ligne.

J’espère que cette réponse t’aide par rapport à tes questionnements. Ça fait beaucoup de contenu à recevoir d’un coup, alors n’hésite vraiment pas à nous recontacter si tu veux approfondir un aspect particulier de ma réponse ou encore poser une nouvelle question.

Je t’envoie plein de force et de lumière,

Séré, intervenant pour AlterHéros

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