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#idéaux
#non-binarité
29 mars 2024

Comment expliquer la non binarité?

Bonjour.
J’ai quelques questions auxquelles je voudrais avoir un avis.
J’ai récemment discuté avec quelqu’un qui cherchait à comprendre la non-binarité, suite à mon aveu d’être ni femme ni homme, mais me sens tout de même quelque part homme. 
Je me pose donc une question: que signifie « se sentir femme », « se sentir homme »? Je pensais au début que ces deux termes n’étaient qu’une invention d’une société qui crée un idéal typique du masculin et un idéal typique du féminin. Seulement, il y a des personnes qui, bien qu’elles se sentent pas du tout attirées vers ces idéaux, se sentent quand même « homme », ou « femme ». Du coup, c’est quoi ce sentiment là?
Est-ce que le sentiment d’appartenir à un genre serait du au fait (peut être inconscient) de se conférencier à l’image que l’on s’est fait d’un genre? 
Les différences entre ces deux catégories ne reposent que sur les idéaux? 
Ou dues aux cultures?
Ou bien y aurait-il des critères essentiels, biologiques, ou archétypaux?
La personne m’a dit aussi qu’elle n’arrivait pas à se figurer la non-binarité. Que pourrais-je répondre à ce genre de question?
Je vous remercie de me lire.
 
Juliette

Phillie

Bonjour.

J’ai quelques questions auxquelles je voudrais avoir un avis.
J’ai récemment discuté avec quelqu’un qui cherchait à comprendre la non-binarité, suite à mon aveu d’être ni femme ni homme, mais me sens tout de même quelque part homme. 
Je me pose donc une question: que signifie « se sentir femme », « se sentir homme »? Je pensais au début que ces deux termes n’étaient qu’une invention d’une société qui crée un idéal typique du masculin et un idéal typique du féminin. Seulement, il y a des personnes qui, bien qu’elles se sentent pas du tout attirées vers ces idéaux, se sentent quand même « homme », ou « femme ». Du coup, c’est quoi ce sentiment là?
Est-ce que le sentiment d’appartenir à un genre serait du au fait (peut être inconscient) de se conférencier à l’image que l’on s’est fait d’un genre? 
Les différences entre ces deux catégories ne reposent que sur les idéaux? 
Ou dues aux cultures?
Ou bien y aurait-il des critères essentiels, biologiques, ou archétypaux?
La personne m’a dit aussi qu’elle n’arrivait pas à se figurer la non-binarité. Que pourrais-je répondre à ce genre de question?
Je vous remercie de me lire. 
Juliette

Rebonjour Juliette, 
nous vous laissons à l’expertise d’une personne non binaire. 
Marie-Phillippe Drouin est responsable du projet l’Astérisk, un espace sécuritaire pour les jeunes LGBTQ+ de 14 à 25 à Montréal, au Québec. 
Voici ce qu’iel offre comme réponse à votre question:

«Se sentir femme», «se sentir homme», «se sentir les deux» ou «aucun des deux» relève d’un sentiment très personnel que plusieurs personnes rattachent ou se servent pour définir leur(s) identité(s), (ici, identité(s) de genre). J’aime l’explication selon laquelle l’identité est l’imbrication entre un sentiment intime et profond, le(s) groupe(s) de personnes auquel(s) on s’identifie et le rôle qu’on souhaite avoir dans notre société. À travers ce point de vue, oui, comme tu le dis, le genre est en très grande partie construit socialement. On construit son genre relativement aux modèles que notre société nous offre, de la compréhension qu’on a des ces modèles et aux outils de réflexion auxquels on a accès. Il y a plusieurs modèles, à l’intérieur de chaque catégorie/identité. Dans le sens qu’il y a plusieurs façons d’être une femme, d’être un homme ou d’être une personne non binaire. Il y a plusieurs façons de se rattacher (ou pas) ou de s’identifier (ou pas) à ces différents modèles. Tout dépend de ce qui a du sens pour soi. Pour certaines personnes, la notion de genre est très importante et se ressent de façon très vive alors que pour d’autres, le genre semble être un concept abstrait loin du vécu et du ressenti. Le sentiment d’être d’un certain genre est propre à chaque personne et se définit différemment d’un individu à l’autre.

Dans notre société, le genre est présenté et représenté en deux grandes catégories, c’est ce qu’on appelle la binarité du genre; homme/femme. Avec ces deux catégories viennent des idéaux, des stéréotypes, des attentes différenciées, une hiérarchie. Ces phénomènes sont, en effet, construits culturellement et dépendent d’un tas de paramètres sociaux et culturels.

Souvent, on présente les genres «homme et femme» comme allant de soi, comme étant deux catégories «naturelles». Cette vision essentialiste est biaisée par la compréhension générale qu’on les gens du sexe et du genre. Je m’explique. À la naissance, la majorité des bébés sont sexés. Ça veut dire qu’on leur attribue une mention de sexe selon l’apparence de leurs caractéristiques génitales. Presque instantanément, les bébés sont genrés. Ça veut dire qu’on leur attribue une identité de genre, un groupe d’appartenance et des attentes sociales différenciées. Alors que le sexe est attribuable au biologique, le genre est attribuable au culturel, au social et au personnel. Dans cet ordre d’idées, non, il n’y a pas de critères essentiels au genre. Le genre est relié au sexe dans notre société, mais peut aussi se construire indépendamment du sexe. Plus simplement, il se peut que tes caractéristiques physiques définissent ou ne définissent pas ton genre et l’un ou l’autre est totalement valide.

C’est très difficile pour les gens qui ont une identité binaire et qui n’ont jamais eu la chance de réfléchir sur le sujet de saisir ce qu’est la non binarité. C’est aussi difficile pour les personnes non binaires elles-mêmes de le saisir parce qu’il y a si peu de références autour de nous!

Pour expliquer la non binarité, j’utilise toutes sortes de métaphores. En voilà une qui j’espère, saura t’aider: Expliquer la non binarité à une personne qui a un cadre de référence binaire, c’est comme expliquer la télé couleur à quelqu’un.e qui regarde la télé en noir et blanc… La personne qui regarde la télé en noir et blanc va comprendre que ce sont les nuances de gris qui donnent de la précision et de l’intérêt à l’image. Toutefois, si tu essaies de lui expliquer les nuances et l’intérêt de la télé couleur, il se peut fortement qu’il y ait une incompréhension majeure qui est tout à fait normale. C’est difficile de se figurer ce qu’est le bleu, le rouge ou le jaune, quand tout ce qu’on connaît est l’axe noir-gris-blanc.
C’est que la majorité des gens ont bien intégré ce qu’est la binarité (homme/femme, noir/blanc). Penser la non binarité dans le genre demande de transformer radicalement sa façon de penser et tout ce qu’on a appris depuis l’enfance. Tu peux utiliser cette métaphore pour expliquer la non binarité et ajouter qu’il n’est pas essentiel de comprendre, mais qu’il est primordial de respecter et de reconnaitre la validité de l’identité et du ressenti des autres.

Je t’invite à rejoindre le groupe Facebook «Trans Non-binaires du Québec». C’est une communauté en ligne, où les gens s’échangent réflexions, soutien et questions. Je crois que c’est un bon endroit pour poursuivre tes réflexions avec des pairs.

En espérant le tout utile, nous vous invitons à nous contacter à nouveau si vous le souhaitez.
Au plaisir!
Équipe Parlez-en aux Experts, AlterHéros

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