Comment demander à mes parents de commencer la testostérone? J'ai déjà du mal à accepter que je sois un homme, mais un homme homosexuel en plus?

Bonjour
Alors voilà, jai déjà écrit ici, et d’ailleurs je vous suis très reconnaissant pour vos réponses.
Si je vous écris aujourd’hui, cest parce que jai un problème, au niveau de mon genre, ma sexualité, ma vie.
Ca fait faire depuis la 4ème, donc environ mes 13 ans que je connais le mot transgenre et me considère comme un garçon, malgré quelques doutes, cette affirmation est toujours restée en moi, et alors que je vais fêter mes 17 ans dans quelques mois, elle ne part toujours pas.
Quand jetait enfant je ne voulais pas être associé à une fille sans savoir que jetais trans ou pouvoir dire que jetais un garçon, et jai fréquemment piqué des crises lorsque l’on me parlait de poitrine et règles.
J’ai mal quand on parle de moi au feminin, je souffre d’être entouré d’hommes que je ne pourrais jamais être, de ma voix, de mon corps, de tout.
Malgré tout, je ne parviens pas à avancer. Je cherche désespérément à ne pas être trans.
Je veux me convaincre que tout ça est faux, que je peux vivre ma vie sans ça, me dire comme avant que je devais subir cette vie en attendant de me réincarner en garçon…
Je ne sais pas quoi faire.
Je narrive pas a être une fille, mais je narrive pas a affirmer haut et fort que je suis un homme, je ne me sens pas légitime de le dire alors que mon seul élément de passing est un binder et des cheveux courts. Rajoutons à cela un énorme problème de confiance en moi et des coming out dans lesquel on ne me prends pas au sérieux…
Que devrais je faire ? Je voulais commencer par demander d’utiliser des pronoms masculins chez moi, mais jai peur des moqueries, des malaises , des moments de gênes… je ne veux pas être encore plus un fardeau, un animal de cirque, ou un monstre…
Depuis quelques mois je suis très fixé quand a l’idée de commencer la testostérone et malgré mes tentative de répression de tout ça, je ne pense pas pouvoir continuer très longtemps sans… comment demander à mes parents ? Je leur ai parlé d’un psychiatre trans friendly mais ils refusent en m’expliquant qu’ils ne veulent pas que jai accès à ça facilement et quil va falloir que je souffre avant. …

Et (désolé pour cette longue question), jai également des problèmes au niveau de mon expression de genre et orientation…
Pour ce qui est de mon expression, je m’interdis de faire bien des choses pour passer, pour prouver mon identité à mes parents et a moi-même, et pour m’éviter des mal êtres… jaime beaucoup le vernis a ongle, mais je ne peux pas en mettre.. j’aimerais avoir les cheveux un peu plus longs mais…
Et si mes parents pensaient que «ma phase est finie «?
Et si je ne passais plus ?
Et si ça me mettais plus mal encore ? Je ne supporterai pas de ne pas passer, et jai déjà fais des cauchemar dans lesquels mes cheveux repoussaient …
Je ne sais vraiment pas quoi faire non plus de ce niveau là… je suis perdu, devrais je faire ce qui me plaît et assumer les conséquences ou me terrer dans une masculinité stéréotypée qui ne me représente absolument pas pour vivre dans le confort ?
Et pour finir , ma sexualité…
Cest compliqué. Je ne sais pas..
Pour le moment, je nai été attiré que par des garçons et ça me complexe, parce que … jai déjà du mal à accepter que je sois un homme, mais un homme qui aime les homme en plus …? Cest beaucoup d’un coup. Pour me sentir plus légitime dans mon identité, jai tente de me mettre à aimer les filles, mais comme prévu, ça ne marche pas.
Ca me stresse énormément de ne pas avoir de mot à poser la dessus, jai besoin d’établir ça, de pouvoir nommer ce que je suis, remplir une des cases vide…
Et je ne me sens pas légitime de me dire gay, car jai la sensation pesante que je ne seras jamais un vrai homme, et donc non gay.

Voila , jai enfin fini d’écrire tout ça. Desole pour le long paragraphe , jai l’impression quil fallait que ça sorte …

Merci d’avance,
Stuart (ho, d’ailleurs, je réfléchis beaucoup à un nom et je narrive pas a me fixer … des conseils la dessus ? (Desolé, une question de plus…))

Séré

Bonjour Stuart,

 

Merci de la confiance continue que tu accordes à AlterHéros. 

Je comprends que tu vis assez difficilement en ce moment avec plusieurs aspects liés au fait d’être un garçon trans. Je vais y aller point par point pour essayer de te donner une réponse la plus complète possible.

D’abord, tu me sembles vivre beaucoup d’émotions par rapport au fait même d’être trans. Il me semble assez clair, selon ce que tu écris, que tu n’es pas une fille, ton genre assigné, et donc que tu es trans. Parfois, ça fait du bien que quelqu’un d’autre nous le dise, alors je le répète : je te crois, je sais que tu es trans, que tu n’es pas une fille.

Même après qu’une personne ait réalisé qu’elle est trans et que c’est la raison pour laquelle elle ne se sent pas bien, il arrive qu’elle veuille quand même essayer de trouver une autre solution que d’affirmer son genre véritable et de transitionner. Il arrive à beaucoup de personnes trans de souhaiter très fort ne plus l’être. Tu n’es pas seul à te sentir comme ça. Je me souviens que j’ai beaucoup pleuré et souhaité « redevenir » une fille quand j’ai réalisé que j’étais trans. 

Une raison à ça, c’est ce qu’on appelle la transphobie intériorisée. C’est le fait que tout le monde, et donc même les personnes trans, se font inculquer au cours de leur vie la notion qu’être cis, c’est être normal, et qu’être trans, c’est anormal, déviant ou même dégoûtant. Pendant toute notre vie, on nous dit qu’il est impossible d’être heureux quand on est trans, que personne n’aime les personnes trans, qu’une personne née avec une vulve ne pourra jamais être un homme, qu’il est ridicule de vouloir transitionner, etc. Et donc, après, même quand on a réalisé qu’on n’est pas bien dans le genre qui nous a été assigné, on entend encore tous ces discours invalidants dans notre tête. 

Le problème, c’est qu’ils sont complètement faux. Les personnes trans peuvent être et sont heureuses. Le genre d’une personne n’a rien à voir avec ses organes génitaux et il existe des options hormonales et chirurgicales pour celles qui veulent modifier leur corps. Les personnes trans ont des amoureuxes, des ami.e.s, des familles et des enfants. Les personnes trans ont des passions, font des études, ont des emplois et ont des passe-temps. Transitionner est le seul « traitement » connu de la dysphorie de genre : il est impossible de convertir une personne trans pour qu’elle « redevienne » cisgenre. 

Je sais que c’est difficile à croire de la position où tu te situes en ce moment. C’est OK si tu ne me crois pas. Mais je voulais quand même te le dire pour que tu saches qu’être trans n’est pas juste souffrir, qu’être trans c’est aussi normal, sain et valide que d’être cisgenre. 

Pour accepter et intérioriser une vision plus positive, je crois qu’un bon moyen est de s’entourer de modèles trans. Ce n’est pas toujours possible de s’en entourer physiquement, mais il y a heureusement le virtuel pour ça! 

Voici des comptes de réseaux sociaux de personnes trans chouettes et inspirantes :

Instagram

(en français)

 

(en anglais)

 

Facebook

(en français)

 

(en anglais)

 

YouTube

(en français)

 

(en anglais)

Au-delà de la transphobie intériorisée, il y a aussi le fait que le parcours pour en arriver à être heureuxe avec son corps et son identité de genre peut paraître très difficile. Tu parles notamment du fait que tu aimerais changer ton prénom et tes pronoms, mais que tu ne sais pas comment en parler aux personnes autour de toi. 

As-tu commencé à utiliser le masculin pour parler de toi avec tes parents (par exemple dire « Je suis content » au lieu de « Je suis contente »)? Sinon, ce serait une bonne idée de commencer par ça. Si tu le fais déjà, et que tes parents ne le remarquent pas ou ne veuillent pas suivre ton exemple, il va falloir avoir une discussion avec elleux. Si tu as du mal à entamer cette discussion, je te suggère de lire (ou relire) nos réponses sur le coming-out. Malheureusement, il n’y a pas de recette magique pour que tes parents utilisent les pronoms que tu veux 🙁 Ce que tu peux faire, c’est utiliser des ressources pour qu’iels comprennent l’importance des pronoms, comme ce vidéo ou ce texte

Tu dis aussi que tes parents ne veulent pas te donner accès à des professionnel.le.s de la santé transfriendly, car ils estiment que tu dois souffrir davantage avant d’y avoir accès. Je suis vraiment désolé qu’ils soient de cet avis, car je crois au contraire que ce que tu vis actuellement est extrêmement difficile.

Tu sais, une des raisons pour laquelle je fais ce travail à AtlerHéros est que j’aurais aimé savoir que je n’étais pas seul à souffrir comme je souffrais, et que ce n’était pas normal de me sentir aussi mal. Les adultes me disaient souvent que mes problèmes n’étaient pas réels et que j’allais les trouver pas mal ridicules quand j’allais vieillir. Ils avaient tout faux. Si j’avais une machine à voyager dans le temps, j’irais me voir quand j’avais 16 ans et je me dirais : « N’écoute pas les adultes qui te disent que tout ça, ce n’est pas de la vraie souffrance parce que tu es ado. Je te promets que tu ne seras jamais plus malheureux que tu l’es en ce moment. Ce n’est pas normal de vouloir mourir quand on est ado, ce n’est pas “une partie normale” de l’adolescence. Ta souffrance est réelle et tu as le droit de recevoir de l’aide pour t’aider à aller mieux. » 

Si tu veux, tu peux montrer cette réponse à tes parents, pour leur prouver que les adultes trans ne regrettent pas d’avoir transitionné, mais regrettent de ne pas avoir transitionné plus tôt. Ou tu peux leur écrire une lettre qui leur explique l’importance pour toi d’avoir accès à ce psychiatre transfriendly. Il y a de plus en plus d’études qui expliquent l’importance d’agir vite et de soutenir les jeunes trans. Si tes parents sont du genre à vouloir avoir des preuves scientifiques, tu pourrais leur faire lire ce résumé d’un article de la Chaire de recherche sur les enfants transgenres et leurs familles. Il explique que les jeunes trans peuvent suivre des parcours différents pour arriver à exprimer leur genre véritable, mais que l’important est de les soutenir dans leur affirmation. J’aime aussi cette autre fiche de la même source qui expose différents parcours de parents vers l’acceptation et le soutien de leur enfant trans. Parfois, les parents ont peur d’appuyer leur enfant trans, car iels croient qu’iel pourrait leur reprocher plus tard et ont peur de se faire critiquer par leurs proches. Ces fiches pourraient donc montrer à tes parents qu’iels ne sont pas seul.e.s à se sentir ainsi.

Je crois aussi qu’il y a de la démystification à faire auprès de tes parents sur le rôle des professionnel.le.s de la santé qui accompagnent les jeunes trans. Tu peux leur expliquer qu’il existe un diagnostic de dysphorie de genre, qui a des critères bien définis et que le rôle du psychiatre peut être de déterminer si tu corresponds à ce diagnostic (même si je t’assure que tu réponds à ces critères), afin de te donner les soins nécessaires. Je n’aime pas comparer la transitude à une maladie, mais peut-être que dans ton cas ce pourrait être utile. Tu peux dire à tes parents que c’est comme si tu soupçonnais faire de l’asthme. Si tu crois faire de l’asthme, tu vas prendre un rendez-vous avec un médecin pour te faire évaluer. Le médecin ne va pas dire « Si tu dis que tu fais de l’asthme, je vais te donner des médicaments pour l’asthme! ». Il va plutôt te poser des questions, faire des tests et, s’il juge que ta situation correspond aux critères diagnostiques pour l’asthme, il va te traiter en conséquence. C’est la même chose avec le fait que tu es trans. Le psychiatre ne va pas s’arrêter au fait que tu dis que tu es trans et te prescrire directement des hormones. Iel va discuter avec toi de ce que tu ressens par rapport à ton genre et ton parcours, et voir quelle est la meilleure solution pour t’aider à aller de l’avant. En d’autres mots, les soins donnés aux jeunes trans ne sont pas unidimensionnels et seulement orientés vers la prise d’hormones : ce sont des soins qui prennent en compte toutes les dimensions de l’identité d’une personne et les parcours qui correspondent le mieux à celles-ci.

Ensuite, tu dis que tu as envie d’avoir une expression de genre plus féminine, par peur de perdre ton passing et qu’on pense que tu n’es plus trans.

C’est encore une fois un défi qui est partagé par beaucoup de personnes transmasculines (et aussi par des hommes cisgenres). Les normes de la masculinité sont très rigides et empêchent les garçons et les hommes féminins de s’exprimer comme ils le souhaitent. Tandis que les hommes cis se font traiter de mauviette ou de plein d’insultes homophobes s’ils expriment de la féminité, les personnes transmasculines se font dire qu’il y a là la preuve qu’elles ne sont pas réellement trans. J’aime beaucoup ce vidéo, qui aborde bien cette problématique. 

Pendant longtemps, je me suis empêché de faire tout ce que tu décris mais qui me tentait terriblement : porter du vernis à ongles, avoir les cheveux plus longs, porter des vêtements dits « féminins », etc. J’avais un « passing » qui était très très fragile moi aussi. Puis, quand je me suis mis à atteindre certains buts de transition (avoir une voix un peu plus grave, changer mon nom, faire une transition sociale à l’école, avoir une chirurgie, etc.), j’ai peu à peu retrouvé une liberté dans mon expression de genre et recommencé à me présenter comme je le voulais. Ça n’a pas effacé le fait que ça a été très difficile pendant des années de ne pas pouvoir exprimer mon genre ni le fait que je me fais encore mégenrer quand j’ai l’air plus féminin. Mais, plus on vit d’expériences affirmatives, plus c’est facile de se faire mégenrer. Si tu peux te construire une bulle, que ce soit avec une communauté virtuelle, des ami.e.s ou même de l’expression artistique (créer des Bds, des dessins, des zines, des histoires), où tu peux t’exprimer comme tu le souhaites et te faire affirmer là-dedans, ça peut t’aider à supporter le reste du temps, quand tu t’empêches d’exprimer ta féminité ou au contraire quand tu te fais mégenrer parce que tu l’exprimes.

Ensuite, tu nous partages des inquiétudes par rapport à ton orientation sexuelle et romantique. Tu dis que c’est déjà beaucoup d’accepter être trans, alors c’est encore plus compliqué d’accepter que tu es un garçon qui aime les garçons. 

J’ai eu un cheminement semblable. J’ai aussi essayé bien fort d’aimer les filles, je me disais que ce serait bien plus facile d’être un garçon trans hétéro ou bi que d’être un garçon trans gai. Je te conseille de te laisser du temps. Je sais que ce n’est pas facile de dissocier ton identité de genre de ton orientation sexuelle, mais ce peut être utile de se concentrer sur une chose à la fois. Moi j’ai trouvé qu’une fois que j’étais plus confiant par rapport à mon identité et mon expression de genre, et que j’avais fait certaines démarches de transition, je suis devenu soudainement beaucoup plus à l’aise avec mon orientation sexuelle. Et alors que je n’étais pas prêt du tout à envisager une vie amoureuse ou sexuelle en tant qu’homme gai jusqu’à ce moment-là, ça a débloqué tout d’un coup et j’ai eu des expériences très positives avec des hommes cis gais et bisexuels.

Et si ça peut te rassurer, dans une étude à laquelle j’ai participé comme assistant de recherche récemment, on a trouvé que seulement environ 15 % des hommes trans ayant répondu au sondage s’identifiaient comme hétérosexuel. Être un gars trans qui aime les gars, c’est donc vraiment plus commun qu’on peut le penser. J’aime beaucoup ce petit guide qui s’adresse aux hommes trans qui ont des relations affectives et/ou sexuelles avec d’autres hommes. Quand tu seras prêt, ce peut être un bel outil pour toi.

Finalement, pour le choix d’un prénom, c’est en effet quelque chose qui peut être compliqué. C’est correct aussi de changer d’idée. Je connais des personnes trans qui ont fait un choix en début de transition et qui ont changé de nom plus tard. Il faut se laisser le droit à l’erreur et aussi le temps de s’habituer à un nouveau prénom. Je te laisse cette vidéo qui en parle.

Ça fait déjà une très  longue réponse, alors je vais m’arrêter ici, tout en te disant que si tu veux approfondir un aspect de ma réponse, de ta question, ou encore poser une autre question, nous serons toujours là pour toi. Tu n’es jamais seule.

 

Je t’envoie tout plein de courage et de lumière,

 

Séré, intervenant pour AlterHéros

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