J'ai été assigné fille à la naissance, mais je ne sais pas ce que je suis. J'aimerais commencer une transition maintenant, mais ma famille ne comprendra pas...

Bonsoir,

Je sais qu’il est tard, j’ai déjà envoyé un mail j’ai toujours pas de réponse donc je me dis que j’ai peut-être pas envoyé donc désolé si vous recevez deux messages identiques !
Voilà, j’ai été assignée fille à la naissance .
Je suis je ne sais pas qui je suis.
Les questionnement ont commencé il y a presque deux ans même peut-être avant !
J’ai coupé mais cheveux il y a 3 ans, ça été un peu comme une renaissance pour moi mais je me suis dis tout de suite jamais je laisserai penser quelqu’un que je suis un garçon !
Le truc c’est que pour moi mon corps n’a jamais été en accord avec mon visage qui est masculin !
J’ai jamais aimé ma poitrine à chaque fois que je la voit je ne me vois pas elle ne m’appartient pas, je veux un torse mais la mammectomie ou torsoplastie me fait grave flipper ! J’ai voulu porter des binder et après une bataille avec ma mère j’ai enfin eu mon binder mais je sens que c’est une solution seulement temporaire !
J’ai voulu mettre un binder sans me poser la question de mon genre je savais juste que je ne supportais plus ma poitrine !
Aujourd’hui j’ai besoin de savoir est-ce que je suis trans ou non binaire ou autre !
J’ai l’impression de tromper les gens qui m’entourent en ne sachant pas qui je suis de mentir .
Je veux tout les caractéristiques d’un mec sans avoir un penis est-ce possible et surtout normal ! Au niveau relation ça ne risque pas de poser problème au niveau intime ?
Je voudrais prendre de la testostérone pour changer ma voix et d’autres choses !
Pendant que je me pose ces questions et que je suis dans le flou total ma mère qui est la seule au courant en tout cas du fait de me poser des questions ne me comprends et intègre mal l’info !
J’ai peur j’ai toujours été proche de ma famille j’ai peur de leur réaction, je sais qu’ils ne comprendront pas !
Et il y a quelques choses qui me bloques c’est que ma mère, n’acceptera les changements que je veux faire j’ai 17 et j’aimerais commencer maintenant la testo et savoir qui je suis !
Socialement c’est très compliqué quand on m’appelle madame ou qu’on me demande si je suis une fille ou un mec je réponds fille mais c’est pas clair dans ma tête ! Pareil avec mon prénom trop féminin ! Je sais aussi que j’aime les fille je peux être attiré par un mec mais je peux pas aller plus loin, pour connaître mon orientation sexuelle je pense qu’il faut d’abord que je sache qui je suis!
Il y a des jours où c’est vraiment compliqué, je ne me sens pas compris!
Il y a des jours où je disjoncte!
J’ai besoin d’aide de guide car sur ce coup ma famille ne seras pas là pour moi je le sais maintenant ça sera même un obstacle!
Si vous pouviez m’aider

 

Sophie Desjardins

Salut Klem,

 

Dans ta question, tu parles d’identité de genre et sembles te demander si tu es « réellement » trans, alors c’est ce que je vais adresser en premier. Il n’y a pas de manière correcte ou incorrecte d’être trans. Cette idée qu’une personne peut se croire transgenre, mais ne pas l’être réellement ou encore ne pas l’être suffisamment est tout simplement absurde. Tout comme toutes les femmes (ou les hommes) cisgenres ne sont pas toustes identiques en tout point et ne vivent pas ou n’expriment pas leur identité de genre d’une manière uniforme, il n’y a pas de manière précise d’être trans. 

 

Le narratif trans est cette idée qu’il faut suivre un chemin étroit et précis et que si on ne le respecte pas, on n’est pas vraiment trans. À titre d’exemple, prenons les personnes qui disent avoir su tout jeune être d’un autre genre que celui qu’on leur a assigné. C’est un élément qu’on retrouve souvent, entre autres, dans les médias en lien avec la vie de personnes transgenre. Bien que ce soit réel et valide, cela n’enlève rien aux personnes qui le découvrent plus tard. On n’est pas plus ou moins trans selon le moment où on en a pris conscience. Être trans est un sentiment personnel de son propre genre, pas une série de cases à cocher pour un diagnostic.

 

Alors, comment savoir si tu es une personne transgenre? Tu es en train de le faire en te questionnant sur cette identité et en la remettant en question dans le but d’arriver éventuellement à ta propre conclusion. Pour ma part, je peux te dire ce que je remarque dans tes propos et t’aider à démêler un peu tout ça.

 

Par exemple, tu mentionnes avoir coupé tes cheveux il y a 3 ans et avoir senti que c’était une renaissance. Les cheveux courts étant, dans la perception que nous inculque la société, généralement perçus comme étant associés à la masculinité, il est possible que ce soit un signe que ton identité de genre comporte un élément de masculinité. En même temps, il ne faut pas oublier que plusieurs personnes se sentent tout à fait femmes et aiment avoir les cheveux courts. Ce que j’essaie de dire est que ça peut être un signe, mais que ça ne l’est pas obligatoirement.

 

Tu dis aussi ne pas aimer ta poitrine qui, je vais assumer selon ton âge, a une apparence qu’on pourrait qualifier de féminine. Porter un binder te semble être une solution temporaire, mais la mastectomie te fait peur. Évidemment, ne pas aimer avoir des seins et désirer une poitrine à l’apparence plus masculine est très souvent présent chez les hommes trans, mais pas que chez ceux-ci. Il y a plusieurs personnes non-binaires qui n’aiment pas leur poitrine, comme toi, et plusieurs identités de genre qui leur correspondent. 

 

Aussi, tu as demandé s’il était possible d’avoir un corps d’apparence masculine sans toutefois avoir un pénis … et si c’était normal. Cette utilisation du mot normal, assez commune avouons-le, est erronée. Une chose n’est pas « plus » correcte parce qu’elle représente la norme statistique, c’est-à-dire le plus grand nombre d’individus. Ce qui détermine si c’est valide est de savoir si c’est comme cela que tu te sentirais bien dans ton propre corps. Ton corps, ton choix. 

 

Dans l’ensemble, je dois dire que ce que tu racontes ressemble effectivement au ressenti de plusieurs personnes transgenres masculines ou non-binaires. Si ce n’est pas déjà fait, je crois qu’il serait bénéfique pour toi de te joindre à des communautés de personnes où il est possible de discuter (voici un lien pour t’aider dans tes recherches). Que ce soit en ligne ou en personne, que ce soit pour écouter les autres partager leur vécu, leurs joies et leurs problèmes ou encore pour partager tes propres questionnements, ce type de communautés peut être très utile dans ton cheminement personnel. Une petite mise en garde : il faut porter attention et éviter les communautés qui pensent en termes de narratif trans, car elles ont tendance à créer un environnement négatif.

 

Tu as aussi mentionné deux craintes dans ton texte. La première était à propos de la mastectomie qui, pour reprendre tes mots, te fait grave flipper. Les chirurgies ne sont effectivement pas des procédures simples et peuvent faire peur. Ultimement, je crois, il te faut penser à toi-même et peser le pour et le contre. Les chirurgies ne sont pas un élément obligatoire à une transition, ce sont des options. Si, après réflexion, c’est ce que tu désires pour toi (et non pas pour les autres, pour les normes ou toute autre raison), parler à d’autres personnes l’ayant fait pourrait être un moyen de t’aider à confronter tes craintes. 

 

La deuxième crainte que tu as émise est liée à la réaction de ta famille. Pour faire simple, dans certains cas la famille réagit super bien et offre du support, mais dans d’autres les réactions sont négatives et il y a une panoplie de réactions entre ces deux extrêmes. Même si je connaissais ta famille, je ne pourrais pas prédire leur réaction. Les préjugés et l’ignorance de ce qu’être trans signifie sont des problèmes encore bien réels de nos jours et font partie, malheureusement, du quotidien de beaucoup de personnes trans. Ceci étant dit, rien ne t’oblige à informer ta famille de ton questionnement ou de ton identité de genre, surtout si tu es dans une situation où tu dépends d’eux (lieu où tu habites, nourriture, etc.).  Ce n’est pas mentir, c’est penser à ta propre sécurité physique et psychologique et les gens autour de toi devraient être capables de comprendre le bien-fondé de ton choix si tu décides de garder le silence.

 

Pour la prise de testostérone, je vais te référer à une page (et un site) qui couvre très bien ce sujet pour la France. Je t’invite aussi à te promener sur ce site qui est rempli d’informations intéressantes. La réponse courte à ta question est qu’il te faut l’accord de tes parents pour prendre de la testostérone avant l’âge de 18 ans. Si ta puberté est déjà somme toute terminée, ce qui est fort probable puisque tu as en ce moment 17 ans, les bloqueurs de puberté ne sont plus vraiment pour toi.

 

Pour terminer, je vais adresser quelque chose que tu as mentionné rapidement, mais que je ne peux pas laisser aller sans rien dire. Tu n’es pas obligé de connaître ton identité de genre pour connaitre ton orientation sexuelle puisque les deux ne sont aucunement reliés. Certains des mots qu’on utilise pour définir les orientations, comme homosexuelle et hétérosexuelle, par exemple, font référence au genre de la personne qui a l’attirance et celui de la personne qui l’attire, certes, mais c’est comme cela simplement parce qu’ils sont basés dans une réalité binaire et cisgenre. Au-delà de ces mots, ton orientation réfère aux personnes qui t’attirent, point. Si tu aimes les filles, ton attirance est envers les filles. Si les garçons te semblent un peu intéressants, mais pas suffisamment pour avoir des relations avec eux, c’est aussi une partie de ton orientation. Les mots ne sont que des moyens de la communiquer facilement. Le français d’usage est encore un peu limité en ce sens, une limite que j’espère voir changer avec le temps. Par exemple, le terme gynophile désigne les personnes attirées par les autres femmes, mais il est très méconnu et à peu près pas utilisé. En fait, mis à part dans des textes, je n’ai jamais entendu personne s’en servir dans la vie de tous les jours.

 

Bien sûr, il est fort possible que certaines personnes que tu rencontres ne soient pas à l’aise avec la combinaison d’une apparence masculine et d’un vagin, mais tu sais quoi? L’important est d’être soi-même, pas de s’adapter pour correspondre à ce qu’une autre personne veut que tu sois. Et de toute manière, qui voudrait vraiment d’une personne qui ne peut pas apprécier la beauté de son soi réel.

 

Sophie (elle/she), bénévole pour AlterHéros

 

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