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10 mars 2008

Visibilité des lesbiennes dans les médias : sortir de la grande noirceur n'est pas évident!

Ironiquement, c’est dans un black out total que le 4e colloque sur la visibilité lesbienne s’est terminé, le 8 mars dernier, au Centre St-Pierre de Montréal. Au beau milieu de la 2e table ronde où trois journalistes invités par Gai Écoute et Gris-Montréal suggéraient des moyens qui pourraient être pris pour augmenter la visibilité lesbienne dans les médias, l’assistance a été plongée dans le noir!
AlterHéros

La violente tempête qui a fait rage sur le Québec cette journée-là a causé un bri dans les infrastructures municipales, ce qui a obligé les services publics à interrompre le courant dans le quadrilatère. Cela n’a pas empêché la remise du premier Prix contribution à la visibilité des lesbiennes à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) par le maire de l’arrondissement Ville-Marie, Benoît Labonté, au nom de Gai Écoute.
« On ne pourra pas m’accuser d’accepter des invitations afin d’être exposé au grand public », a-t-il lancé à la blague, dans le noir, à la lueur des quelques flashs d’appareils photos immortalisant la scène, avant de remettre le prix à Monik Audet, de la CDPDJ.
 
Remise du prix Visibilité lesbienne 2008 de Gai écoute par le maire de l’arrondissement Ville-MarieBenoît Labonté à Monique Audet de la CDPDJ. Au centre, Magali Deleuze, Vice-Présidente de Gai Écoute.

Par la remise de ce prix, Gai Écoute souhaite souligner le travail de lutte de la Commission, notamment contre la discrimination des lesbiennes dans leur milieu de travail, lequel a produit l’année dernière le rapport De l’égalité juridique à l’égalité sociale, vers une stratégie nationale de lutte contre l’homophobie.

« La Commission a d’ailleurs souvent mis de l’avant des femmes et des lesbiennes pour piloter ou présenter des dossiers. La CDPDJ représente donc un symbole positif puisqu’il s’agit d’un organisme public qui fait la promotion de ce pourquoi nous travaillons » a expliqué Magali Deleuze, vice-présidente de Gai Écoute
Difficile sortie du nid
Heureusement, cette panne d’électricité est survenue en fin de journée. Auparavant, la cinquantaine de braves femmes ayant affronté les rigueurs de l’hiver ont eu la chance d’assister à une table ronde où d’intéressantes questions et problématiques ont été soulevées par le panel d’invitées sur l’invisibilité des lesbiennes dans les médias.
D’entrée de jeu, Catherine Bélanger, de Gris-Montréal, dévoilait les résultats percutants d’une enquête réalisée auprès de 130 lesbiennes de partout au Québec. Si 82% des femmes interrogées se disaient sorties du placard et visibles auprès de leur entourage immédiat, 74% l’étaient dans leur milieu de travail et seulement 38 % dans l’espace public.
« Si une lesbienne n’est pas prête à s’afficher dans son milieu de travail, elle sera réticente à le faire en public et encore moins prête à le faire dans les médias. Car, si tu t’affiches dans les médias, tu perds complètement le contrôle de qui le sait et qui ne le sait pas », a analysé la sociologue Line Chamberland.
L’animatrice de radio communautaire Nathalie Di Palma en sait d’ailleurs quelque chose. Principale porte-parole de la jeunesse lesbienne dans les années 1990, elle s’est très vite sentie surexposée et privée de cette partie de son intimité.
 
Une cinquantaine de personnes ont assisté au débat sur la visibilité des lesbiennes dans les médias où prenaient part Catherine Bélanger, Julie Vaillancourt, Nathalie di Palma, Monique Audet, Laure Neuville, Gloria Escomel et Line Chamberland.

 

« À l’époque, je trouvais que l’on manquait de modèles et c’est pour combler ce manque que j’ai accepté d’aller parler dans les médias. Mais ce qui devient rapidement difficile, c’est la notoriété publique soudaine associée à cette simple présence médiatique. On se fait souvent aborder dans la rue, même par des inconnus », explique-t-elle.
« Quand je vais dans la rue pour interroger des filles lesbiennes, juste un micro, ça leur fait peur,  témoigne Nathalie Di Palma. Pourtant, à la radio, c’est beaucoup plus difficile d’être reconnue. C’est vraiment pas comme la télévision où tout le monde te reconnait. Pourtant c’est difficile pour moi d’aller chercher des commentaires, ça leur fait très peur. »
Toutefois, selon l’étude Gris-Montréal, les femmes lesbiennes semblent bien conscientes d’être à la source de ce manque de visibilité. « La majorité des répondantes estiment que c’est un problème majeur pour nous. Elles savent qu’elles sont à la base du problème et qu’elles doivent travailler sur leur estime personnel afin de pouvoir s’afficher publiquement. Beaucoup ont répondu être prêtes à s’investir d’avantage », a souligné Catherine Bélanger.
Difficultés des médias lesbiens
Le débat a aussi porté sur la difficulté pour les femmes de faire vivre des médias lesbiens et sur la très discrète présence des lesbiennes dans les fictions télévisuelles québécoises.
La coordinatrice du magazine Treize, Laure Neuville, a exposé le grand défi auquel font face les publications ayant seulement les lesbiennes pour public cible. « Beaucoup d’annonceurs ne voient pas l’intérêt d’acheter de la pub dans un magazine lesbien. Pour eux, il y a déjà le Fugues dans lequel ils pensent nous rejoindre et ça leur suffit »
Devant se contenter de revenus publicitaires plutôt maigres, les médias lesbiens ne peuvent embaucher d’employés qui assureraient la production d’un magazine. «  Le travail se fait essentiellement par des bénévoles. C’est très difficile d’assurer une continuité et c’est une lourde tâche », souligne Mme Neuville.
 
Le panel des journalistes, quelques minutes avant le black out : Julie-Maude Beauchesne (AlterHéros), Magali Deleuze (Gai Écoute), Denis-Daniel Boullé (Le Fugues), Laure Neuville (Treize).

 

Quant à une présence des lesbiennes dans les fictions québécoises, elle se fait encore attendre. Bien que l’homosexualité soit présente plus que jamais dans les productions télévisuelles, notamment, les personnages lesbiens se font encore très discrets.
« Jusqu’à présent, il n’y a jamais eu au Québec de personnages principaux qui soient lesbiennes, signale Julie Vaillancourt qui effectue des études cinématographiques à l’Université Concordia. Ce sont toujours des personnages secondaires, dont la présence est toujours très sporadique. Ces séries sont souvent subordonnées à des producteurs hétérosexistes. Pour eux, les personnages lesbiens ne réussiront pas à toucher un large public. Pourtant The L word fonctionne très bien aux États-Unis. »

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