Transidentité, sexualité, spiritualité: je me pose beaucoup de questions

Marie-Édith Vigneau

Bonjour.
Je vous contacte car je me pose beaucoup de questions au sujet de la trans identité. Mes questions seront aussi de sujet spirituel.
Je suis une fille. Mais je me pose des questions sur mon identité de genre. Appelez-moi Menthes, si un nom est nécessaire.
L’âme n’a pas de sexe, mais l’âme est genré, n’est-ce pas ? Tandis que le corps est sexué. L’un des objectifs de l’Homme est de développer ses facultés spirituelles. Donc de se détacher de la matière, du palpable, du visible, etc.  Mais nous sommes trop pris dans la matière, le palpable, le visible, etc.
Quelle importance devrait-on accorder au physique ? Quelle importance devrait-on accorder vouloir voir dans la matière que nous avons un sexe ? Quelle importance devrions-nous  accorder au fait d’avoir une voix masculine ou féminine, si dans un détachement de la matière, du physique, donc de l’audible aussi, l’âme accorde d’importance au sens des mots avant tout ? Quelle importance devrait-on accorder au fait de pénétrer un vagin, ou d’être pénétré par un pénis, s’il est question avant tout d’acte sexuel ? Mais le désir est-il déclenché par un autre corps, ou il existe d’abord avant de penser à un autre corps ? Parce que le plaisir sexuel est un plaisir physique donc on peut dire « matériel » n’est-ce pas ? Parce que dans un détachement de plaisir et de compensation matériels, on ne devrait normalement pas accorder d’importance au plaisir sexuel tout court ? Ou alors le plaisir sexuel n’est pas purement physique ? Je me demande si le sentiment de dysphorie de genre et de vouloir un autre corps, compresser sa poitrine, etc ne seraient pas parce qu’on accorde un peu d’importance au physique, la matière etc.
Sinon, à quoi peut-elle être due ? Surtout, à quoi pourrait-elle être due si ce n’est pas parce que la personne se sent réellement transgenre ? Car il y a des personnes qui changent de sexe et regrettent ensuite leur acte. Y aurait-il des « bonnes questions » à se poser ? Y aurait-il un diagnostic à ça ? Ou aurait-on forcément besoin d’aller voir un psy pour le savoir ?
Pourquoi, souvent, les petites filles veulent être des garçons, et les petits garçons veulent être des filles ? De quelle façon cela change en grandissant ? Est-ce possible qu’à 15 ans on puisse encore être sujet de ça ?
Je vous remercie d’avance.
A bientôt j’espère.
 
Bonjour,

Merci de faire confiance à AlterHéros et pour le partage de votre réflexion.
Plusieurs questions que vous posez peuvent avoir des réponses extrêmement variables selon l’individu avec qui vous amorcez la conversation.
Toutefois, voici quelques suggestions pour guider votre réflexion.
Le fait d’être trans n’est pas source de malheur en soi et si on pousse la réflexion plus loin, le fait d’avoir un type de corps ou un autre n’est pas nécessairement problématique pour une personne trans. Ce qui blesse, ce sont les regards des autres sur son propre corps et le fait d’être genré.e d’une manière qui ne correspond pas à ce que nous ressentons profondément à l’intérieur. Certaines personnes trans souffrent de dysphorie corporelle, d’autres non. Cette dysphorie, dans une autre mesure, peut être présente dans d’autres cas (troubles alimentaires, par exemple).
Malgré une spiritualité très développée et une importance moindre accordée à la «matière» (dans ce cas ci, le corps), il est extrêmement complexe, voire impossible, de ne jamais tenir compte du regard du reste de la société et des diverses instances systémiques qui nous entourent.
Pensons aux cartes d’identité genrées qui ne rendent pas justice au genre auto-déterminé (et donc le genre réel, contrairement au sexe assigné à la naissance qui est beaucoup plus souvent erroné) d’une personne, ou encore au sexe perçu selon la voix (plus ou moins aigüe ou grave).
Ne serait-ce pas plutôt cet élément, le fait de se faire rappeler constamment que nos caractéristiques corporelles ne correspondent pas à notre genre dans l’oeil de l’autre et le fait que cela peut même poser problème au niveau systémique, qui causerait de la détresse, plutôt que l’importance que nous accordons au «matériel» (notre enveloppe corporelle)?
Le processus d’affirmation de genre («changement de sexe») n’est pas une mince tâche; c’est un long parcours qui nécessite énormément de réflexion, de temps et, dans certains cas, de moyens financiers. Il serait alors très étonnant qu’une personne regrette amèrement d’avoir entamé une transition. Toutefois, il est possible que certains éléments de sa vie pré-transition n’existent plus ou encore aient changé (relations avec l’entourage, statuts sociaux, conditions de vie, par exemple) et qu’elle le regrette. Concernant le suivi médical, il est toujours nécessaire au Québec pour l’instant pour les personnes qui souhaitent se voir prescrire des hormones ou avoir accès à des chirurgies d’affirmation de genre qui sont couvertes par l’assurance santé («Carte Soleil»).
Les enfants vivent généralement une phase d’exploration de leur genre. La plupart d’entre eux sont en accord avec le sexe qu’on leur a assigné à la naissance et s’amusent à explorer diverses possibilités. Le genre se concrétise un peu plus tard, et lorsque la dysphorie est présente, c’est lors de la puberté, alors que les caractéristiques sexuelles secondaires apparaissent, qu’elle se manifeste davantage et cause plus de souffrance. À 15 ans, il est possible d’être en questionnement et de souhaiter attendre avant de se prononcer (et non décider, puisqu’on ne décide pas de son identité de genre), ou encore d’être certain.e de son identité de genre et de choisir d’en parler ou non.
On peut aussi percevoir le genre comme étant non-binaire, c’est à dire en le voyant plutôt comme un continuum et non comme deux éléments opposés (homme et femme).
En terminant, le plaisir sexuel n’est pas que physique, en effet. La sexualité occupe une place majeure dans la vie d’un être humain, au niveau affectif, relationnel, en lien avec les valeurs de l’individu, entre autres. Le désir sexuel peut être provoqué par un autre corps, mais aussi par une pensée, qu’elle soit au sujet d’un corps ou autre, ou encore par un geste, une odeur, un son, un goût ou encore à la vue d’un élément qui n’est pas un corps (objet, oeuvre d’art, paysage, par exemple) selon les souvenirs que nous associons à notre plaisir sexuel.
Il serait dommage de percevoir la sexualité comme une simple histoire de pénétration alors qu’elle offre de nombreuses autres richesses. Les partenaires de même sexe qui ont tous les deux un pénis ou une vulve peuvent, comme les partenaires hétérosexuels cisgenres d’ailleurs, vivre de grands plaisirs sans pratiquer la pénétration. Pensons à la masturbation ou au sexe oral, entre autres, qui peuvent provoquer autant, sinon davantage, de plaisir aux partenaires impliqué.e.s.
En espérant avoir alimenté votre réflexion et avoir su répondre à quelques-unes de vos interrogations.
N’hésitez pas à nous réécrire si vous en ressentez le besoin!
Bonne journée,
Marie-Édith Vigneau, B.A sexologie

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