19 juin 2024

Questionnement sur une transition MtF à un âge avancé

Bonjour,

Jai 65 ans. J’ai été marié pendant 16 ans (1989-2005).J’ai depuis ma petite enfance toujours été attiré par tout ce qui est féminin (habit, sous-vêtements, posture féminine, habitude, attitude, lingerie, etc) et depuis quelques années déjà j’aime porter des sous-vêtements, accessoires féminins. Je n’ai pas encore réussi à me travestir complètement.

A l’âge de 15-16 ans lors de la puberté, on m’a détecté une insuffisance hormonale et on me fait depuis ce moment-là une injection intramusculaire chaque 12 semaines. (au début c’était chaque 3 semaines jusqu’à l’âge de 50 ans environ).

Dernièrement (2ans et demi) j’ai pris un rendez-vous chez un sexologue qui m’a parlé que j’étais atteins d’un syndrome de Kinelfelter(XXY). Peut-être que l’on m’avait parlé de ce syndrome avant dans mon enfance, mais je m’en suis plus souvenu. Ce docteur (sexologue) m’a fait promettre que je ne ferais pas de changement Mtf ou quoi que ce soit d’autre.

Actuellement je suis en questionnement à cause de ce syndrome de Kinelfelter qui me pose quelques soucis de ce qui pourrait être mon avenir. Est-ce que je pourrais faire une transition MtF complète ou semi-complète. Est-ce que j’aurais toujours du plaisir avec un nouveau corps. Est-ce que je vais supporter les multiples opérations. Est-ce que je suis pas trop vieux. Comment mon corps ou ma tête (subconscient) va réagir.

Ou est-ce que je continue comme maintenant à me travestir à moitié sans pouvoir profiter pleinement de ce corps qui me fait mal, car je suis pas vraiment satisfait de comment il est.

Je ne sais pas quels questions poser, mais peut-être juste recevoir quelques conseils, marche à suivre ou autre.

Veuillez agréer Madame, Monsieur, mes salutations distinguées.

Sophie Desjardins

Salut Roland,

 

Ce questionnement et cette inquiétude face à une transition à un âge avancé sont assez communs chez les gens dans une situation similaire à la tienne et je ne crois pas que la différence de ton bagage génétique change grandement la situation. Un peu, tout de même, mais pas beaucoup.

De base, je dois te dire que personne n’est trop vieux pour faire une transition. Dès le départ, plusieurs aspects d’une transition ne sont pas liés à des procédures médicales, comme le changement dans l’expression de genre (vêtements, maquillage, accessoires, etc.) ou le nom légal. Pour ce qui est de la transition médicale, c’est-à-dire l’hormonothérapie et les chirurgies, l’âge n’est pas en soi une limitation. L’état de santé peut l’être, surtout pour les chirurgies qui ont une convalescence plus compliquée (comme la vaginoplastie), mais des personnes plus âgées que toi on fait de telles chirurgies avec succès et sans complications.

Selon ce que tu indiques, tu as fait une hormonothérapie durant toute ta vie adulte. Dans ta situation, on parle de suppléments de testostérone pour compenser pour la production trop faible de ton corps et l’insuffisance détectée chez toi à l’adolescence. Une hormonothérapie féminisante ne ferait que changer ce qui t’est prescrit comme hormones et les cibles à atteindre vers des taux normaux pour une femme.

Pour ce qui est de ton inquiétude spécifique de conserver la capacité d’avoir du plaisir après une transition, je vais assumer qu’on parle de plaisir sexuel après une vaginoplastie. La réponse, ici, est oui dans la plupart des cas. Il est difficile de garantir le résultat d’une chirurgie et certaines personnes ont des complications ou des difficultés avec le plaisir, certes, mais ce n’est pas le cas pour la majorité des personnes. Il y a donc un risque à ne pas ignorer, mais pour plusieurs la sensibilité et le plaisir existent après la chirurgie. J’ajouterai que puisque c’est un changement quand même majeur au corps, il y a un certain réapprentissage à faire et cet apprentissage comporte un aspect psychologique et sensoriel, c’est-à-dire qu’il faut apprendre et comprendre de nouvelles sensations physiques.

Il y a, par contre, une partie de ton texte qui me préoccupe : la promesse qu’un sexologue t’a demandé de ne pas faire de transition « ou quoi que ce soit d’autre ». À moins qu’il ait appuyé cette demande d’une explication claire et valable, je dois admettre que cela me fait sourciller un peu. J’y sens possiblement une attitude négative envers les personnes trans et la transition et, si c’est le cas, je vais me permettre de te recommander de consulter un·e professionnel·le transaffirmatif·ve à ce sujet, pour éviter que les conseils qui te sont donnés soient biaisés par des préjugés. Certes ton cas est rare et je ne suis pas endocrinologue, mais je me tiens bien informée sur le sujet de l’hormonothérapie et je n’ai jamais entendu même un soupçon de contre-indication pour l’hormonothérapie féminisante liée au syndrome de Klinefelter, alors je suis sceptique et au minimum curieuse de connaître la justification scientifique pour cette demande.

Tout ceci étant dit, ma recommandation sera simple et en deux parties. 

Tout d’abord, il n’y a rien d’obligatoire dans une transition. Autrefois, il y avait soit une transition « complète » ou pas du tout, mais aujourd’hui les standards de soins prennent une approche beaucoup plus humaine et respectueuse de la diversité des individus. Par exemple, certaines personnes transgenres ne font pas de vaginoplastie par choix et c’est tout à fait valide.

De plus, je crois qu’avant les préoccupations liées à l’âge et aux risques, le plus important pour toi est de savoir quel est ton sentiment profond et réel par rapport à ton genre. Ton insatisfaction avec ton corps et l’intérêt que tu as pour les vêtements féminins depuis longtemps me semblent être des éléments qui, au minimum, méritent un questionnement sérieux sur le sujet. Si tu as besoin d’aide pour cela, consulter quelqu’un pour en parler pourrait être une très bonne idée. Dans un tel cas, je te recommande de trouver des ressources transaffirmatives (à travers des organismes qui travaillent avec les personnes transgenres, par exemple) pour t’aider à trouver des professionnel·les qui ne partent pas avec un préjugé négatif sur le sujet. Je suis désolée de ne pas en avoir à te fournir puisque je ne connais pas bien la Suisse à ce niveau. 

 

Quel que soit ton sentiment de toi-même et ton choix sur ce que tu en fais, je te souhaite de trouver une voie qui te rend plus heureux ou heureuse.

Sophie (elle/she), bénévole pour AlterHéros

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