Quelle est la signification du mot TERF?

Bonjour l’équipe d’Alterheros 

Je rencontre le mot TERF souvent et je voulais savoir ce qu’il signifie réellement quand il est utilisé quand on parle de transphobie ?

Sophie Desjardins

Salut Titi,

 

Je suppose que tu poses ta question parce que tu ne veux pas simplement te fier à Google et risquer d’y trouver une information biaisée ou incomplète. Je vais tenter de te donner une réponse courte tout en couvrant les éléments clés. En toute franchise, ce qui suit va tout de même être ancré dans une position pro diversité. La mienne.

TERF est un acronyme qui signifie, en anglais, « Trans Exclusive Radical Feminist ». Il fait originalement référence à un féminisme qui se positionne contre l’inclusion des personnes trans dans tout ce qui est féminin. Selon Wikipédia, ce terme a été vu pour la première fois en 2008 pour faire une distinction entre les féministes anti-trans et les féministes ayant une attitude positive et inclusive envers les personnes trans. Il est généralement utilisé de manière dérogatoire par les gens qui considèrent la position anti-trans problématique. On peut l’utiliser comme nom (une TERF) ou comme adjectif (c’est un regroupement de féministes TERF). Il peut être utilisé de manière descriptive ou péjorative. 

Mais au-delà de son origine, l’important est de comprendre les positions auxquelles sont associées ce terme. Puisqu’il serait difficile de les nommer toutes, je vais résumer les plus communes.

Les TERF nient généralement qu’il y a une différence entre le sexe et le genre. Les personnes trans sont perçues comme étant confuses sur leur identité. On voit souvent des propos qui indiquent que les hommes trans sont en fait des femmes victimes de l’oppression du patriarcat, qui s’identifient à leurs oppresseurs et veulent faire partie du groupe qui les attaque au lieu de fièrement se battre contre ce monde injuste. Cette position est très méprisante et infantilisante envers les hommes trans, car elle nie leur capacité d’autodétermination. À l’inverse, les propos de la pensée TERF sur les femmes trans sont violents et agressifs. Elles sont accusées d’être des hommes et des prédateurs sexuels qui désirent se faire passer pour des femmes afin d’avoir accès aux espaces exclusivement féminins et commettre des violences à l’égard des femmes. C’est un propos qui mène à beaucoup de méfiance et de violence à l’égard des femmes trans de la part des gens qui en sont convaincus.

Ce qui est dommage, c’est que le paragraphe précédent caricature à peine les positions véhiculées par ce courant de féminisme. Certaines de leurs positions semblent moins agressives, mais elles tombent dans la supposée bienveillance et indiquent vouloir aider les personnes trans et les guérir. On retrouve donc ici des positions qui sont favorables aux thérapies de conversion et à l’interdiction des soins trans affirmatifs. D’autres positions, plus militantes, travaillent activement à s’opposer à tout ce qui est trans. Elles travaillent à faire exclure les personnes trans (ce sont souvent les femmes trans qui sont ciblées en priorité) de tous les espaces féminins par des lois ou des règlements. Il est question de l’accès aux salles de bains ou vestiaires genrés, de la participation aux activités sportives genrées, du droit à la reconnaissance légale de son genre, de l’inclusion de la transidentité dans l’éducation à la sexualité ou même dans les mouvements LGBTQIA2S+. Le groupe « LGB alliance » en est un bon exemple, un groupe qui retire le T de l’acronyme et est en fait tout sauf un groupe réellement pro diversité.

Toutes sortes de personnes et de propos se rattachent au terme TERF. Puisque le mot féministe s’y trouve, certain·es vont s’en servir pour se donner une sorte de légitimité, comme si leur pensée était un combat juste et raisonnable. Il n’y a rien de raisonnable à opprimer une majorité de gens pour qui iels sont. En fait, je dirais que de mon point de vue, ces groupes méritent à peine l’appellation « féministes ». Je dis à peine, au lieu de pas du tout, parce qu’on peut les associer à l’attitude des féministes de 2e vague, un féminisme qui est apparu dans les années 1960-70 et qui était, à l’époque, très pertinent. C’était un féminisme radical, fortement militant et agressif (envers les hommes et le patriarcat) parce qu’il se battait contre une misogynie systémique fortement ancrée dans la société à tous les niveaux. Il fallait frapper fort et ces femmes l’ont fait. De grandes avancées sociales en ont résulté. Le problème, c’est que le féminisme a, par la suite, lui aussi évolué, mais que les TERF n’ont pas suivi. Le féminisme de 3e vague est plus nuancé, plus ouvert à la diversité, plus intersectionnel. Il accepte les personnes trans et ne les voit pas automatiquement comme des ennemies ou des victimes. Il est ouvert à ce que la définition de ce qu’est une femme puisse changer et que ce changement puisse être une chose positive.

En fait, je dirais que le féminisme des TERF est ancré dans un féminisme qui s’est longtemps battu contre une norme sociale oppressive pour les femmes et que sa solution semble avoir été de créer une nouvelle norme, différente mais tout aussi rigide et oppressive. Il s’est lui-même transformé en oppresseur, attaquant toutes les personnes (trans ou autres) qui ne respectent pas sa norme. Il ne fait que remplacer l’oppression patriarcale par une autre oppression. Le féminisme qui s’est modernisé et qui est entré dans le 21e siècle avec l’acceptation de la diversité, lui, vise beaucoup plus haut et voit beaucoup plus loin. Il est inclusif des personnes trans.

 

J’espère que cela t’éclaire mieux sur la signification du mot TERF. Personnellement, je choisis souvent de simplement parler de personnes ou du féminisme anti-trans, car c’est ce que cette pensée véhicule.

Sophie (elle/she), bénévole pour AlterHéros

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