Mon parcours et mes questions sur le fait d'être trans

Marie-Édith Vigneau

Tout a commencé y’a quelques années, j’étais en 6ème, je ne m’habillais qu’avec des gros pulls que mes cousins m’avaient refiler, mes cheveux étaient en bataille et même pas coiffés. Au collège, personne n’avait de problèmes avec ça mais ma famille, mes parents surtout, eux, avaient un problème. Ils me disaient souvent « Amélie ce week end tu vas avec ta maman et tu achètes de jolies robes » mais ce n’est pas ce qu’il me plaisait ! Ou encore « mais quel garçon manqué notre FILLE », ma mère me disait souvent « j’aurais préferer avoir un garçon pd qu’un garçon manquer » qu’ils criaient bien fort pour contraster. Je vais pas m’éterniser sur tout ce qu’ils disaient, il y en aura pleins tout le long. Même si l’orientation sexuelle n’a rien à voir, je préfère le préciser.
En 5ème, j’ai commencé à me poser des questions, mais déjà que je ne savais pas ce que c’était « faire l’amour », j’ai préférer déjà savoir ça, et en voyant des vidéos ou des articles (pas de porno sale juste de la curiosité) je me suis rendu compte que la fille m’intéressait beaucoup plus que le garçon, mais aussi à l’inverse je voulais être le garçon. Je me suis dis que j’allais finir bi comme beaucoup de personnes se donnant cette image (qu’ils laissent tomber quelques mois après d’ailleurs) mais j’ai rien dis. J’ai même finis par me dire qu’en fait j’étais hétéro (aucune fille ne me plaisait au collège, ni garçon, sauf un, donc j’étais vraiment concentré sur lui). Au fil du temps les filles revenaient, quand je faisais quelques « rêvasseries » c’était des filles, pas de garçons, seulement entre filles. Mais vite après quelques uns de ces rêves je me suis demandé comment je ferais plus tard, encore un peu de curiosité et je vais sur internet. Je trouve beaucoup d’articles là dessus. Le fait que ce soit entre filles m’allaient. (j’ai oublié de préciser que je pourrais parler au féminin comme au masculin).
Puis, là, cette année je suis en 2nd, quelle année géniale où personne ne te juges pour ce que tu es ou ce que tu n’es pas, j’apprécie beaucoup. Voilà que depuis quelques mois je n’arrive plus à faire semblant, vers 5ème mes parents et moi nous nous sommes beaucoup engueuler sur le sujet de mon manque de féminité, ils m’ont dit que je finirais seule car une fille qui ne se fait pas jolie c’est nul, que je devrais faire un effort, car si je ne mettais pas des habits de filles c’était à cause de la puberté. Donc pour moi il était nécéssaire de faire semblant, même si je n’étais pas heureuse. J’ai appris à me maquiller, me mettre du vernis, mettres es tee shirts à motif avec des « trous » sur les épaules, de jolies jeans et des vans. Quelques robes amples et sandales pour les cours aussi. Je pensais vraiment être heureuse alors j’ai continué, et je continue encore.
En début 4ème j’ai commencé le foot. J’adore ça, une passion. J’en ai fais deux ans, je ne peux pas continuer cette année ma mère ne veut plus que je fasse tout comme un garçon. Parce que en effet je continue à me maquiller, mais le reste c’est aux oubliettes, j’essaye de m’habiller le + garçon possible, mais avec ma mère je n’ai rien de garçon, je ne peux même plus récupérer les pulls de mes cousins.
Alors voilà moi je ne crois pas aux catégories de genre qui est mis en place par la société, je ne pense pas que c’est parce que tu fais du foot que tu es lesbienne, ou transgenre (ça marche avec les cheveux courts etc). Mais là, le fait de devenir un garçon m’enchante plus que tout, le fait d’être une fille extérieurement ne me mets pas mal à l’aise, sauf par exemple dans les vestiaires etc, je suis obligée de me comparer aux pimbêches de la classe. Je veux tout faire comme un garçon parce que tout ça me ressemble, j’aurais préférer être un garçon mais je n’arrive pas à être sur de moi quand il s’agit de se dire que je veux devenir un garçon. Enfin si je le veux, mais trop peur de l’inconnue.
Je ne sais même plus continuer, trop de ressentis tout le temps à longueur de temps. Je vis très mal le fait d’être considérée comme une fille, je pensais que j’arrivais à bien garder ce secret, mes amis sont au courant mais mes parents ne le sont pas. Enfin je crois qu’ils ont compris mais c’est inacceptable pour eux. Mais en fait, il n’y a pas longtemps durant un règlement de compte, mon père m’a dit « de toute façon Amélie, tu vas finir par t’en prendre, depuis 6mois un an tu n’es pas bien, tu ne veux pas nous dire ce qu’il y a, et tu t’énerves pour rien, tu gâches tout les bons moments ». Bon j’avoue que je suis très irritable, mais maintenant qu’on me le dit je m’en rend compte, au moindre petit truc je m’énerve et insulte tout le monde, je peux aller jusqu’au bagarre pour un simple petit coup de vent qui a mit un cheveux dans l’œil. Parce que je me sens tellement dépassé par ce secret qu’il reprend le dessus au moindre petit truc imprévu. Pour moi c’est hors de question de montrer que j’ai un corps de femme. Je n’ai pas beaucoup de poitrine, quand je met des brassières (la plupart du temps parce que je déteste tout ce qui est soutien gorge) mais ces petits seins c’est déjà trop, je ne les accepte plus.
J’ai vraiment besoin d’aide je passe des nuits à ne pas dormir et à pleurer, j’essaye d’écrire des lettres pour l’annoncer mais hors de question de les déposer quelques parts pour que quelqu’un tombe dessus par « hasard ». Beaucoup trop dur.
Mes parents ont essayer de comprendre mais ils n’y arrivent pas (enfin deviner plutôt), une fois ils ont dit « tu es lesbienne ? » j’ai vu le regard de ma mère et j’ai dis non. Alors mon père m’a reposer une question « tu veux changer de sexe ? » J’ai vu le regard de ma mère, j’ai encore dis non. Alors mes parents criaient partout et me demandais « MAIS AMÉLIE TU VAS NOUS DIRE CE QU’IL SE PASSE ? DEPUIS DES ANNÉES DE TU ES BIZARRE ET C’EST PIRE DEPUIS QUELQUES MOIS » j’étais en pleure. Impossible pour moi de dire que j’aurais voulu être un garçon et que je suis lesbienne. Enfin lesbienne réellement je me sens hétéro, au lycée quand je suis avec mes potes (presque tous garçons d’où ces sujets) je suis un des meilleurs hommes, le meilleur pilote de chasse du groupe, je me sens tellement bien avec eux.
Entre nous, les « elle » ne me dérange pas.
Donc voilà j’ai beaucoup écris désolé mais au moins vous avez des exemples.
En gros le fait de faire semblant d’etre une fille ça me dérange pas, mais le fait d’être considéré comme une fille ça j’en peux plus j’en ai marre je veux le corps d’un garçon
Sans compter que mes parents me mettent à la porte si je leur annoncent ça. Mais j’ai besoin de leur aide, car trois ans avant d’être majeur, je les tiendrais pas, quelques mois même j’en suis pas sûre. Mais il faut leur dire, peut être que bien expliqué en leur disant que ce n’est pas un manque de confiance en moi, ni une lubie de quelques temps (5è année quand même), ni juste à cause de l’adolescence ils comprendront ! Mais même si je serais sur qu’ils m’aident, je suis pas capable de leur dire ça. Je peux pas m’arrêter d’avoir peur d’être transgenre, c’est inconnu ! Je ne veux pas que mon petit frère et ma petite sœur (primaire college) reçoivent des insultes par ma faute. Mais j’ai tellement envie de le crier et de me libérer, même à écrire ces mots que je vous écris j’ai l’impression e ces mots sont super lourds à porter, en fait je pense que vous l’avez compris, j’en peux plus
(surtout que j’ai les cheveux longs et tout et j’en peux plus jveux les couper mais mes parents disent « non mais Amélie tu vas trop ressembler à un garçon »
Merci d’avoir lu, et sinon j’ai quelques questions :
– Devenir transgenre serait-ce différent de maintenant ? (à part sur le physique)
– Comment fait t’on pour changer de sexe ? à partir de quel age on peut ? Pour les T c’est comment ? Comment pourrais je m’assumer en garçon sans prendre de T ni rien? pour changer de prénom avec mes amis ? Choisir ce prénom ?
– Comment pourrais je convaincre mes parents de me couper les cheveux ?
– Comment leur annoncer ?
– Dois je leur annoncer surtout ? Ou continuer de cacher jusqu’à ce que je craque ?
Amé
Bonjour Amé,
merci de nous écrire et toutes nos excuses pour le délai de réponse. J’espère que ma réponse te fera te sentir mieux même si elle est tardive.
Je vais utiliser des pronoms masculins pour m’adresser à toi, en espérant que tu te sentes bien avec cette décision.
Je vais répondre à tes questions dans l’ordre, si tu veux bien!
– Devenir transgenre serait-ce différent de maintenant ? (à part sur le physique)
Être trans, c’est simplement lorsque notre genre ne correspond pas à celui qui nous a été assigné à la naissance. Tu as été assigné fille à la naissance et ce n’est pas ce que tu ressens à l’intérieur, selon ce que tu nous expliques. On peut donc dire que déjà, tu es trans. Est-ce que tu te sens différent, maintenant? 😉
– Comment fait-on pour changer de sexe ?
Il y a plusieurs façons d’effectuer une transition. Tu peux adopter une expression de genre qui te correspond, tu peux avoir recours à l’hormonothérapie (testostérone) ou non, tu peux effectuer un changement de nom et de mention de sexe à l’état civil (le gouvernement) si tu en ressens le besoin, tu peux avoir recours à des chirurgies ou non… Il n’y a pas de «parcours trans» coulé dans le béton, puisque toutes les personnes trans sont différentes les unes des autres et n’ont pas les mêmes besoins et désirs.
– …à partir de quel âge on peut ?
Certaines personnes savent qu’elles sont trans depuis un très jeune âge, d’autres le comprennent plus tard. Il n’y a pas d’âge pour entamer un processus d’affirmation de genre («changer de sexe»). Pour l’hormonothérapie, le parcours est très variable d’un pays à l’autre et, au Québec, d’un hôpital / professionnel de la santé à l’autre, malheureusement. Avant l’âge de 18 ans, en France, le consentement des parents est fortement recommandé pour avoir une chance d’avoir accès à la testostérone. Il faut aussi connaître un.e psychiatre qui connaît les réalités des personnes trans et un.e endocrinologue (médecin spécialisé au niveau des hormones) qui est prêt.e à suivre les recommandations du / de la psychiatre. À partir de 15 ans, tu as la possibilité de consulter sans que tes parents n’aient accès à ton dossier médical, mais c’est beaucoup plus complexe d’avoir accès à l’hormonothérapie sans leur accord.
Même si c’est toute une brique, si tu as un peu de temps, je te propose d’apporter ce document avec toi à tes rendez-vous. Certaines personnes ne sont pas d’accord avec ce qui y est écrit, entre autres avec la nécessité d’avoir un parcours psychiatrisé, mais disons qu’il peut t’être très utile. C’est encore aujourd’hui un document-clé pour les soins des personnes trans.
– Comment pourrais je m’assumer en garçon sans prendre de T ni rien?
Tu le fais déjà un peu; tu adoptes un style vestimentaire qui te plaît davantage, tu adoptes une expression que tu considères comme plus masculine… Je te rejoins sur le point que les catégories de genre mises en place par la société sont un peu… restrictives, alors à toi d’imaginer ta propre masculinité! Pour ta poitrine, tu peux utiliser un binder pour la compresser et lui donner une apparence plus traditionnellement masculine. Je te laisse un lien à ce sujet, une page où tu trouveras des conseils concernant le binder et aussi des liens vers d’autres pages qui te seront potentiellement utiles: Unique en son genre: le blog trans-lucide ! Si tu utilises un binder, n’oublie pas que ta santé physique doit aussi rester une priorité et qu’il vaut mieux, si tu en as la possibilité, acheter de vrais binders et non utiliser des bandages ou autres techniques de compression. Pour donner l’impression que tu as un pénis, si tu le souhaites, tu peux utiliser un packer. Voici des informations à ce sujet qui proviennent du Groupe d’action trans de l’Université de Sherbrooke.
– …pour changer de prénom avec mes amis ? Choisir ce prénom ?
Tu peux évidemment faire cela aussi pour vivre une vie qui te ressemble davantage. Pour le choix du prénom, certaines personnes choisissent un prénom qui ressemblent à leur prénom actuel, d’autres choisissent un prénom très différent. À toi de voir ce qui te plaît le mieux. Les pronoms sont aussi importants, c’est-à-dire que tu peux demander à tes amis de parler de toi au masculin (il/lui), de genrer les mots à ton sujet au masculin ou d’utiliser le plus possible des mots neutres dans le genre lorsqu’ils parlent de toi (ex: «Tu es très beau!» ou «Tu es splendide!» au lieu de «Tu es très belle» !).
– Comment pourrais je convaincre mes parents de me couper les cheveux ?
Tu peux leur dire que ça te ferait beaucoup de bien et que les cheveux courts, c’est à la mode… n’est-ce pas…? Aussi, tu as la possibilité de simplement les faire couper sans leur en parler… et d’expliquer par la suite, s’ils ont besoin d’explication, que tu te sens beaucoup plus à l’aise ainsi. De toute façon, des cheveux, ça repousse, non? 😉
– Dois je leur annoncer surtout ? Ou continuer de cacher jusqu’à ce que je craque ?
Tu es dans une situation délicate. Tu expliques dans ton message que si tu fais ton coming-out à tes parents, ils te mettront à la porte. Est-ce une réelle possibilité? Si c’est le cas, ce n’est peut-être pas le meilleur moment et environnement pour leur annoncer que tu es un garçon. Cela dit, je comprends que c’est une question de survie pour toi. Tu dis que tes amis sont au courant. Est-ce que tu crois que tu pourrais tenir encore quelques années en jouant la fille à la maison et en étant authentique à l’extérieur? Y a-t-il des moyens que tu pourrais prendre pour essayer de rendre l’expérience «maison» moins pénible, sans parler du fait que tu es trans à tes parents? Si cette pensée t’est insupportable, il faudra trouver des moyens de leur en parler.
En même temps, tu écris ceci: «Mais il faut leur dire, peut être que bien expliqué en leur disant que ce n’est pas un manque de confiance en moi, ni une lubie de quelques temps (5è année quand même), ni juste à cause de l’adolescence ils comprendront ! Mais même si je serais sur qu’ils m’aident, je suis pas capable de leur dire ça. » Ça me laisse croire qu’il y a quand même de l’espoir.
– Comment leur annoncer ?
Avant tout, assure-toi d’avoir un bon réseau autour de toi pour t’épauler si les choses se passent moins bien. Tu expliques que tes amis sont là pour toi. Est-ce que leurs familles sont au courant? Pourrais-tu avoir un hébergement d’urgence si tu es en danger? Y a-t-il des personnes dans ta famille élargie qui sont plus compréhensives des réalités des personnes trans? Tu dis écrire des lettres en espérant que quelqu’un les retrouve. Et si tu en écrivais une à tes parents? Tu peux décider de l’écrire à un de tes deux parents, ou les deux en même temps. Tu peux choisir d’être dans la même pièce qu’eux lorsqu’ils la liront ou non. Tu peux leur demander de te répondre par une lettre ou de vive voix (en espérant qu’ils respectent ta demande). Qu’en dis-tu? Est-ce que tu pourrais trouver le courage de faire cela?
Ils ont déjà ouvert la porte à la possibilité que tu veuilles «changer de sexe», mais tu ne sentais pas la possibilité de répondre que oui, tu voulais être reconnu en tant que garçon. Leur rappeler cette ouverture est une bonne piste pour leur annoncer que tu es trans. Aussi, tu peux leur expliquer que toute cette colère que tu as en toi vient du fait que ta réelle identité n’est pas reconnue, depuis des années. Je suis certaine que tes parents n’ont pas pour objectif de te blesser et qu’ils étaient bienveillants, mais leurs commentaires à propos de ton apparence, de ton expression de genre et de ton comportement ont laissé leur marque chez toi. À toi de voir le ton que tu veux employer et si tu souhaites leur parler de cela dans ta lettre.
Il se peut que tes parents soient soulagés de mieux te comprendre. Il se peut qu’ils soient sous le choc. Il se peut même qu’ils soient fâchés, déçus ou tristes, qu’ils aient peur pour toi et ton futur. Tout cela étant dit, une transition ferait probablement de toi une personne plus heureuse, plus épanouie et plus agréable à côtoyer. Ta personnalité ne changera pas vraiment, tu garderas toujours tes fantastiques qualités et tes petits défauts irritants! 😉 Tu peux rappeler à tes parents que tu restes le même enfant qu’ils aiment et ont aimé – on le souhaite – et que tu sais vraiment ce qui est le mieux pour toi… depuis des années. Je t’invite à lire cette page pour avoir plus de suggestions. Tu peux aussi y demander des suggestions de professionel.les trans friendlyPar contre, sache que tu n’es pas obligé de passer par toutes les étapes énumérées sur ce site pour te sentir mieux.
Tu as aussi des inquiétudes par rapport à ton frère et ta soeur. Ces inquiétudes sont légitimes. Tu peux prendre un moment pour leur expliquer ce que tu vis et, comme tu le feras possiblement avec tes parents, leur dire que tu te sentiras mieux et que vos rapports seront plus agréables. Tu peux aussi leur donner de l’information à propos des personnes trans pour qu’ils comprennent mieux. Il est vrai que la fratrie (frères et soeurs) de certaines personnes trans subissent les moqueries à l’école. Plus ils vont connaître ce que tu vis, mieux ils pourront se / te défendre. De plus, après tout, personne à leur école n’est obligé de savoir que tu es trans, même si leurs ami.e.s verront les changements que tu entameras.
En terminant, Amé, j’espère que tu trouveras un peu de lumière dans ces temps plutôt difficiles.
N’hésite pas à nous réécrire si tu en ressens le besoin, que ce soit pour nous poser d’autres questions ou pour nous donner de tes nouvelles.
Au plaisir, bonne route!
Marie-Édith, B.A. sexologie, pour l’équipe d’AlterHéros

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