Salut,
Je vais commencer par te dire une chose simple, mais importante : faire un coming out (dévoilement de ton identité) n’est pas une obligation. Tu as tout à fait le droit d’attendre pour le faire plus tard ou de ne pas en faire du tout. Avant tout, il faut t’assurer que tu considères en faire un parce que tu en ressens vraiment le besoin et non parce que tu crois que tu n’as aucun choix en la matière.
Il y a plusieurs raisons pour attendre avant de faire un coming out et, en tête de liste, se retrouvent ta sécurité physique et psychologique. Je ne connais pas ta famille et, même si c’était le cas, on ne sait jamais exactement comment une personne réagira à une telle révélation. Je ne cherche pas à être alarmiste. Il y a tout un spectre de réactions possibles, certaines très positives et certaines mitigées, mais gérables. Quand je parle de sécurité, c’est surtout pour l’éventualité d’une réaction fortement négative. Tu es jeune et en situation de dépendance vis-à-vis de tes parents et ta décision doit prendre cela en compte. Si tu crois qu’il est possible qu’ils deviennent violents, physiquement, verbalement ou n’importe comment, il est peut-être plus sage d’attendre d’être plus âgé et d’avoir la capacité de te retirer de cet environnement si cela se produit.
La manière dont tu décris tes parents, disant qu’ils n’aiment pas les personnes transgenres, qu’ils sont contre le changement de sexe et qu’il y a aussi des opinions homophobes chez toi, semble indiquer que tu auras, au mieux, une réaction mitigée. La transphobie est bien souvent basée dans l’ignorance et l’incompréhension et est bien plus ancrée dans le ressenti que dans la raison. Leur flexibilité à ce sujet dépend de plusieurs facteurs. Bien sûr, il est possible que leur amour pour toi les pousse à dépasser leurs préjugés et travailler à apprendre qui tu es et t’accepter. Je te souhaite sincèrement que ça soit le cas.
Tu devrais aussi considérer ta propre capacité à gérer une réaction négative de leur part. Certaines personnes ont de la difficulté à vivre ce type de rejet (si c’est ce qui se produit) et d’autres sont plus aptes de passer à travers. Les ami·es (les vrai·es) et les autres ressources comme des groupes pour discuter anonymement ou des professionnels pouvant offrir du support à l’école, par exemple, sont aussi très utiles à avoir autour de toi.
Donc, d’un côté, tu peux choisir de retarder la révélation. Cela ne t’empêche pas de faire quoi que ce soit, mais dans un tel cas, tu le vis en secret. À titre d’exemple, il y en a qui vont tranquillement modifier leur apparence ou joindre des groupes de discussion où ils peuvent s’exprimer ou voir les autres parler de leurs expériences. Parfois, ils vont se confier à des personnes de confiance. Sache cependant que chaque geste et chaque personne qui le sait est un potentiel de révélation. Il s’agit donc d’un risque calculé qui te permet de te sentir mieux dans ta peau en attendant d’être prêt à te révéler (on n’est jamais parfaitement prêt à rien, dans la vie, mais on peut atteindre un point où on se sent suffisamment prêt et confiant pour agir).
Si, après avoir réfléchi à tout ce que je viens de mentionner, tu désires toujours faire ton coming out bientôt, je n’ai malheureusement pas de botte secrète à t’enseigner. Je peux, toutefois, te donner quelques conseils.
- Pense à ce que tu vas dire en avance et pratique-le dans ta tête. Tu ne veux pas apprendre un texte par coeur, mais tu veux être assez à l’aise avec ce que tu as à dire pour t’éviter de figer devant l’anxiété le moment venu.
- Bien que, fondamentalement, tu n’aies pas à te justifier, il est commun que les gens posent des questions dans ce sens. Bien t’informer pour avoir quelques bons arguments à fournir peut aider à ce que la réaction initiale soit meilleure.
- Tu peux consulter cette liste d’organisations qui viennent en aide aux personnes transgenre pour voir s’ils peuvent t’être utiles dans ta démarche.
- Chaque coming out est différent et devrait être adapté à toi. Tu peux le révéler à plusieurs personnes, voir tout le monde en même temps ou à une personne à la fois. Tu peux le faire dans un environnement, mais pas dans une autre (famille, école, etc.).
Voici donc quelques arguments qui peuvent être utiles, tout dépendants des gens à qui tu t’adresses. Je les présente de manière concise et t’invite à les explorer plus par toi-même.
- Le sexe et le genre sont deux choses très différentes. L’un (le sexe) est biologique et il n’est pas question de le nier, mais l’autre (le genre) est une construction sociale et une chose qu’on ressent profondément en soi.
- On ne devient pas transgenre, on réalise qu’on l’est.
- Des études récentes évaluent la population transgenre approximativement entre 1 à 2,5% de la population (il y a des variations selon la méthodologie de l’étude).
- Ce qui devrait compter, c’est ton bien être.
Tu mentionnes dans ta question que tu ne désires pas changer toute ta physionomie. Chacun·e décide de ce en quoi consiste sa transition et c’est bien correct comme cela. Tu peux seulement apporter des changements à ton expression de genre (ton apparence et comment ton genre est vu et perçu par les autres) et ne jamais faire de transition médicale (hormones, chirurgies). Sache qu’en France, certaines étapes de la transition demandent la permission des parents quand on n’a pas 18 ans.
Je termine avec deux corrections de langage que j’ai remarqué dans ta question. Les mots utilisés pour exprimer les choses sont importants, car, derrière les mots, il peut y avoir de subtiles différences de signification.
La première, c’est : « non pas un garçon, mais un trans ». Trans ou transgenre n’est pas un nom propre, mais plutôt un adjectif. C’est une qualification qu’on apporte à une personne et pas l’entièreté de ce que la personne est. On dirait donc ici « une personne trans ».
La deuxième, c’est : « qu’une fille devienne un gars ». Comme je l’ai déjà mentionné plus haut, on ne devient pas trans, on réalise qu’on l’est. Tu pourrais donc dire : « qu’une personne assignée fille à la naissance soit en réalité un gars ». C’est peut être plus long à dire, mais c’est plus précis, car le mot devenir donne l’impression que c’est un choix alors que, comme l’homosexualité, c’est ce qu’on est, point final.
Merci et au plaisir,
Sophie (elle/she), bénévole pour AlterHéros