Je me vois comme une femme et cette pensée m'obsède...

Tout d’abord, merci d’avoir répondu à ma question précédente (experts/?p=6293). À chaque jour depuis maintenant presque 1 an, mon esprit se voit comme une femme. Quand je fais l’amour avec ma copine, il m’arrive de penser que je suis une femme. Ça ne décroche pas… j’ai été consulté une psy car il m’est arrivé d’automutiler mes parties intimes, c’était incontrôlable, et selon elle, ce n’est pas relié à la transsexualité, compte tenu de mon enfance « particulière » et de mon emploi qui m’a poussé à boute. Il m’est arrivé deux fois, après mes rendez-vous chez la psy, de partir en larmes auprès de ma copine en disant « je ne sais plus qui je suis ni ce que je dois faire ». Aujourd’hui, c’est légèrement moins intense, je n’ai plus le même emploi, je ne m’automutile plus mais j’ai toujours ses pensées, lorsque je vois ma copine prendre la pilule contraceptive, un couple de lesbienne etc. Je n’arrête pas de me renseigner sur le sujet, c’est incroyable ! Qu’est-ce que c’est selon vous? Merci bcp

Pascale

Bonjour Dave,
Merci beaucoup de nous avoir écrit, c’est une belle marque de confiance. Vous dites que, depuis maintenant plusieurs mois, votre esprit se voit comme une femme, que c’est une pensée obsédante chez vous. Votre malaise est tel qu’il vous arrive de fondre en larmes après être allé chez votre psychologue et il vous est déjà arrivé de vous automutiler. Vous dites aussi que ces «pensées» pourraient être reliées à votre enfance et à votre ancien emploi qui était particulièrement stressant. Vous ne savez plus vraiment où vous en êtes.
Dans votre précédent courriel, le ton était différent. Vous sembliez beaucoup moins angoissé et davantage curieux. Est-ce que quelque chose de précis s’est produit pour faire évoluer les choses ainsi ou est-ce que est-ce votre désir de féminité qui, en s’affirmant davantage, a généré cette angoisse? Dans votre précédent courriel, vous disiez aussi que, même si le corps féminin vous fascinait, vous ne vous sentiez pas mal à l’aise dans votre corps d’homme. Est-ce toujours le cas?
S’il vous était possible, magiquement, de transformer votre corps, qu’est-ce que vous choisiriez? Adopter de manière permanente une apparence féminine, ou vivre certains jours dans le corps d’un homme et certains jours dans le corps d’un femme ?
Si c’est le premier choix qui vous tente davantage, si c’est même pour vous une certitude, c’est peut-être qu’effectivement votre moi intérieur ne correspond pas à votre moi extérieur. Vous auriez alors avantage à continuer à vous renseigner sur la transsexualité en général. Suivez le conseil de ma collègue et essayez de voir ce que ça vous fait de «vivre» en femme. Achetez-vous des vêtements féminins, des faux seins, etc. et commencez par les porter lorsque vous êtes seul à la maison. Si votre conjointe est ouverte à l’idée, vous pourriez ensuite les porter en sa présence pour voir ce que ça vous fait d’adopter une apparence féminine en présence de quelqu’un. Comme ma collègue vous le suggérait, vous pouvez ensuite essayez de les porter en public. Les soirées fétichistes sont un bon endroit où essayer car il y a souvent plusieurs travestis ou transsexuels là-bas. Essayez aussi les forums de discussion réservés aux transsexuels. Discuter avec des gens qui vivent eux-aussi cette réalité pourrait peut-être vous aider à voir plus clair en vous. Il existe plusieurs sites, mais je vous suggère ceux-ci:
http://www.transsexualite.com/info.htm
http://www.trans-forum.biz/
Sachez aussi que certaines personnes transsexuelles décideront de faire leur transition, en féminisant leur corps (augmentation mammaire, diminution de la pilosité, etc.) et leur apparence sociale, sans pour autant modifier leurs organes génitaux, mais ceci relève toujours de la transsexualité, car il y a tout de même transition complète d’un genre à l’autre .
Si c’est le 2e choix qui vous a semblé le plus intéressant – être parfois homme, parfois femme -, c’est probablement parce que la transsexualité n’est pas ce qui vous correspond le mieux . Les opérations de changement de sexe, il est important de le savoir si vous l’envisagez, sont des opérations majeures et non réversibles. Il faut donc est entièrement certain de sa décision avant de faire ce choix. Vouloir deux choses incompatibles est très humain et peut engendrer bien de la souffrance car, dans ces cas-là, choisir une option signifie le plus souvent abandonner l’autre. Dans votre cas, il existe par contre une position mitoyenne: vous pourriez par exemple féminiser l’apparence de votre corps en portant des vêtements féminins par exemple, à certains moments, et rester l’homme que vous êtes à d’autres moments.
Il serait intéressant de réfléchir à ces différentes possibilités.
Pour ce qui est de «l’origine» de vos pensées, je ne peux rien vous dire de certain. Il est vrai que certaines personnes en période de stress – notamment lorsque ça va mal au travail – vont chercher à se détendre de diverses façons et le travestisme en est une. Une façon de l’interpréter est qu’en s’habillant de manière féminine, la personne
laisserait de côté son identité «masculine» et les problèmes et responsabilités qui lui sont associée. Mais ce n’est qu’une hypothèse. Vous parlez dans votre courriel de votre enfance, mais sans dire exactement de quoi il est question. Cela laisse la place à plusieurs hypothèses. Vous êtes la personne la mieux placée pour fouiller votre passé et l’idée d’aller chercher de l’aide auprès d’un thérapeute était excellente. Souvent, avoir un avis extérieur nous aide à mieux nous comprendre.
L’automutilation peut elle-aussi être interprétée de diverses façons. Elle peut être d’abord vue comme un rejet direct de votre propre corps, un désir de vouloir vous débarrasser physiquement de vos organes génitaux masculins. Elle peut aussi être un appel à l’aide. Souvent, les gens qui s’automutilent ne désirent pas tant se faire du mal qu’être «entendus» par quelqu’un. C’est un geste de désespoir mais qui montre qu’on veut encore attirer l’attention pour avoir de l’aide. Finalement, l’automutilation est souvent une façon de calmer la souffrance intérieure qu’on ressent en la remplaçant par une douleur physique. La douleur physique fait mal, mais, contrairement à la douleur morale ou psychologique est peut-être contrôlée. La personne qui s’automutile décide quand commence cette douleur physique, jusqu’à quelle intensité elle va et quand elle s’arrête.
J’ignore pour quelle raison vous vous automutiliez, mais je suis heureuse que vous ayez arrêté. L’automutilation est un symptôme et pas une solution. Elle peut avoir de graves conséquences physiques, surtout dans une région aussi délicate du corps. N’oubliez pas notamment que les organes génitaux sont des régions humides. La moindre coupure s’infecte plus facilement là qu’ailleurs.
En terminant, je vous conseillerais donc de continuer à aller voir votre thérapeute, de continuer à votre interroger, d’aller discuter sur les forums si cela peut vous aider, mais, surtout, à essayer de vous détendre. N’oubliez pas que rien ne presse. Vous n’êtes pas en train d’acheter une maison, vous travaillez sur votre identité, c’est un processus long, qui demande réflexions et introspection.
Je vous souhaite de trouver le vrai vous-même,
Pascale

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