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28 juillet 2021

J'ai une obsession avec mon passing en y apportant trop d'importance... Je me compare toujours aux autres mecs trans et ne me trouve pas légitime...

Bonjour,
depuis plusieurs semaines j’ai une obsession avec mon passing en y apportant trop d’importance, et ça commence à me détruire et je vois que physiquement c’est encore plus dur, je me compare aux autres mecs trans et ne me trouve pas légitime du tout, j’ai besoin d’être rassurer en permanence pour savoir si je le suis et je demande à mes amis, je me dis que pour «passer» je vais devoir m’habiller comme je n’aime pas où alors faire des opérations, comment se sentir légitime dans notre société, avec ces codes de genre, je suis très sensible et ça me rend malade et me donne parfois envie de plus exister.. comment puis-je faire pour aller mieux?
merci beaucoup
aaron

Maxim-e

Allô Aaron!

 

Désolé·e pour le quelques jours de délai de réponse, mais merci vraiment beaucoup d’avoir fait appel à nous! Il semble que tu passes des jours difficiles ces temps-ci, et que l’incapacité des gens autour de toi à discerner ton identité masculine t’entraîne beaucoup de souffrance. Ça m’attriste de lire cela, et je vais essayer de penser à des solutions avec toi. 🙂

 

Je veux tout de même souligner que tes émotions sont très légitimes et que tu as le droit de ressentir de la tristesse, de la peur ou de l’anxiété avec tout ça. C’est normal et tu n’as pas besoin d’éviter ou de dissimuler tes sentiments. Il y a aussi beaucoup de personnes trans qui se sentent comme toi. Ces hommes trans que tu admires et auxquels tu te compares n’ont probablement pas commencé leur transition en passant facilement et aisément non plus. Ça arrive d’avoir des moins bonnes journées/semaines/mois où l’on se sent moins valides et moins “passables”, surtout au début d’une transition. Ça m’arrive à moi aussi, mais ces moments-là ne sont pas la fin de ton histoire. Avec le temps, on prend confiance et on apprend à se rassurer soi-même. Je t’assure que tu es digne de respect, de bonheur et d’amour même si tu n’es pas encore rendu là. 🙂

 

Vis-à-vis des codes sociaux en matière de genre, il y a plusieurs options qui s’offrent à toi et que tu peux combiner pour gérer les attentes et les demandes. Il y en a sûrement d’autres aussi, mais on peut commencer par celles-là :

 

La stratégie de l’évitement

Tu pourrais par exemple ne plus regarder ou suivre sur les réseaux sociaux les gars trans qui te font sentir mal en comparaison. Quand des pensées intrusives sur ton passing te viennent à l’esprit, tu pourrais tenter de te distraire ou mettre l’emphase sur d’autres de tes caractéristiques que tu apprécies ou que tu tolères. À l’extrême ça serait en théorie possible d’aller jusqu’à retourner dans le placard et de renier ton identité, mais ce ne serait définitivement pas quelque chose que je te recommanderais. Le truc avec ça est que souvent plus on essaye de refouler ou d’ignorer comment on se sent et plus ça finit de prendre de la place et nous incommoder.

 

La stratégie de l’assimilation

Il y a moyen de masculiniser ton apparence sans que tu n’aies à sacrifier le reste de ton identité. Tu pourrais accessoiriser les vêtements que tu aimes avec des touches masculines (montre, bretelles, nœud papillon, cravate, veste, chemise, chapeau etc.), cela peut passer par le parfum, le maquillage ou les cheveux aussi. Il y a des techniques pour modifier l’apparence de ses courbes ou de son physique (vêtements plus grands, de couleur foncée ou à motif). Le non-verbal, l’attitude et la posture sont des points qui jouent énormément dans le passing : présenter une confiance en soi, prendre de la place, être moins expressif et plus monotone, avoir une poignée de main solide sont des trucs qui fonctionnent, parfois plus que l’apparence en soi. Ça peut donner un peu l’impression de faire semblant ou de jouer un rôle, c’est vrai. Mais ça ne veut pas dire que les autres vont le remarquer. D’ailleurs, des personnes cis ont souvent cette même impression de devoir suivre un script. Je crois que cette mise en scène de soi jusqu’à un certain point fait partie de la vie en société. La transition médicale avec hormones et chirurgies n’est pas obligatoire ou nécessaire pour atteindre le passing, mais elles peuvent aussi aider à certains égards si cela peut t’intéresser. Il y a différents guides et instructions sur internet, je pourrais te proposer ceux-ci si tu aimerais d’autres conseils :

 

La stratégie de la libération

On vit dans une société extrêmement cisnormative avec des codes de genre très stricts qui font mal à plein de gens, cis et trans. Chercher à déconstruire, voire à détruire, ces attentes et ces stéréotypes peut être incroyablement enrichissant et valorisant quoique assez long et complexe. Malgré les obstacles, je dois avouer que c’est ma méthode préférée, ça peut tellement soulager de transgresser des normes de genre ridicules.Tu nommes à quel point ça te fait du mal de devoir façonner ton apparence jusque dans les détails pour arriver à atteindre un niveau impossible et irréaliste de masculinité. Peut-être qu’il y a une façon de rediriger toute cette énergie et cette colère de toi vers les véritables responsables? D’envoyer promener les gens cis ennuyeux et de moquer leurs opinions incorrectes sur nos corps, nos vêtements et nos identités? De remplacer tes pensées négatives sur toi-même par des compliments sincères? Je sais que c’est plus facile à dire qu’à faire en pratique, mais ce n’est pas impossible je t’assure. Même si tu n’es pas non-binaire, je t’invite à lire ces texte du blogue La vie en queer :

 

L’auteur·e y explique comment…

Concrètement, je suis passé de :

« Les gens ne me verront jamais pour qui je suis parce que j’ai l’air d’une fille, je dois faire un coming-out continuellement, je n’existe pas en tant que non-binaire pour eux, je suis renvoyé perpétuellement au fond de mon placard »

à

« Si les gens me prennent pour une fille, ce sont eux qui ont tord. Je suis purin d’en dehors de mon purin de placard. Regarde, je le brûûûle ! »  x)

 

Sinon, outre ces stratégies, je t’invite aussi à faire des choses que tu aimes et qui te font du bien, à te reposer, te distraire et prendre soin de toi. Essaye d’identifier les contextes où tu te sens le plus respecté, apprécié, compétent ou à la bonne place et multiplie-les. L’exercice physique et les différentes formes de création artistique par exemple sont des bons moyens, mais ce ne sont pas les seuls. 

 

Ça peut aussi être utile de sentir que l’on fait partie d’une communauté et de discuter avec des gens trans et non-binaire de son âge. Tu as mentionné tes ami·es, si ce n’est pas déjà fait tu pourrais aussi regarder avec les associations membres de la Fédération trans et intersexe de France ou de l’Association Nationale Transgenre (ANT), il y également de nombreux groupes Facebook, Redditet et Discord. Sans nécessairement leur parler, c’est aussi possible de découvrir des modèles et des inspirations de personnes trans célèbres ou plus âgé·es, ou encore n’ayant pas eu recours à une transition médicale (il y en a plus que tu ne pourrais croire!) 🙂 Avoir des modèles qui nous ressemblent à qui on aimerait ressembler peut aider à voir les choses autrement.

 

Par ailleurs, s’il t’arrive à nouveau de ne plus vouloir exister, de ressentir une grande souffrance, de vouloir te faire du mal ou de penser au suicide, je t’invite à ne pas rester seul. Tu peux parler à des ami·es, un·e adulte, un·e intervenant·e (comme nous à AlterHéros!) ou encore l’une des lignes d’écoute suivante en France ;

  • Ligne d’Azur pour la diversité sexuelle et de genre et le suicide : 0 810 20 30 40.
  • SOS Suicide Phénix pour la souffrance psychologique et le suicide : 01 40 44 46 45
  • Suicide Écoute pour la souffrance psychologique et le suicide : 01 45 39 40 00

 

En tant que garçon trans tu as une opportunité extraordinaire, tu peux définir ta propre masculinité pour toi-même, c’est une magnifique opportunité de création et d’auto-détermination. Tu ne le réalises peut-être pas, mais tu es probablement toi-même un modèle pour beaucoup de gens qui n’osent pas encore s’afficher ou s’affirmer tel qu’iel aimerait. Tu es un symbole inspirant de courage et d’authenticité simplement par ton existence.

 

Je crois que c’est pas mal les infos que je voulais te partager pour aujourd’hui, j’espère sincèrement que ça pourra te donner des idées et te remonter un peu le moral.

 

Je te souhaite beaucoup d’euphorie de genre, de douceur, de lumière et de guérison,

 

Maxime, intervenant·e pour AlterHéros

Iel/they/them, accords neutres

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