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2 juin 2020

J’ai toujours eu peur des mots lesbienne et homosexuel(le) alors que j’ai toujours soutenu la cause - je suis perdue quant à mon orientation sexuelle !

Bonjour,
Je suis perdue quant à mon orientation sexuelle. J’ai été amoureuse de garçons à plusieurs reprises, vraiment amoureuse.

J’ai ensuite eu une amie lorsque j’avais 12 ans avec laquelle je m’étais beaucoup rapprochée « « émotionnellement » et m’étais dit que c’était bizarre sans qu’elle m’attire physiquement pour autant. Je me suis par la suite posé la question lorsque j’avais 13/14 ans de savoir si j’étais attirée par les filles. Je ne saurais dire d’où venait ce questionnement (sachant que je n’avais jamais été attirée par une fille de mon entourage) toujours est-il qu’il m’a effrayée. J’y ai réfléchi « 5 minutes » et en suis arrivée à la conclusion qu’ayant déjà été amoureuse de garçons je ne pouvais pas être lesbienne et que je n’aimais donc pas les filles. Ouf, me voilà rassurée. Après cet « épisode » je ne me suis plus posée ce genre de questions mais ai toutefois éprouvé des formes d’admiration difficile à décrire et parfois très forte envers certaines femmes (que je ne connaissais pas directement).

Ce n’est qu’en deuxième année de fac que la question s’est reposée. J’ai rencontré une fille à la fac à qui j’ai eu l’impression de plaire. Cela m’a fait me poser des questions que je ne m’étais en fait jamais posées: est-ce que je pourrais être avec une fille? Des fois je pensais que non et l’envisageait avec du dégoût et des fois je pensais que oui. Je précise que j’ai toujours été très ouverte d’esprit à ce sujet et ai toujours soutenu la communauté LGBTQ+.

L’été qui a suivi, une amie à moi m’a confié être bisexuelle et avoir une copine. J’étais surprise et un peu « excitée » (pas au sens sexuel du terme). La nuit qui a suivi j’ai rêvé d’elle, on s’embrassait et peut être plus (mon cerveau a totalement effacé la suite du rêve qui je crois était quand même plutôt érotique).

A la rentrée suivante j’ai rencontré une fille qui est vite devenue l’une de mes meilleures amies. J’ai rapidement eu l’impression de lui plaire à elle aussi et de manière bien plus prononcée que la fille de l’année d’avant. Quand j’ai compris, j’ai eu peur. Puis je me suis dit que ce n’était rien, que ça resterait mon amie, que je n’aimerais pas qu’on me « rejette » pour ça. Et puis j’ai commencé à moi développer des sentiments pour elle et ai remarqué que je ressentais la même chose que quand j’avais été amoureuse de garçons. J’ai eu encore plus peur et n’ai cessé de me dire que j’étais folle, tout en essayant de me convaincre que je ne ressentais rien pour elle. Ça ne pouvait pas m’arriver à moi. J’essayais de nous imaginer en train de nous embrasser et éprouvait une sensation de dégoût. J’étais en alors « rassurée ». Depuis lors je souffre de troubles du sommeil, j’ai de gros problèmes de concentration, j’ai perdu beaucoup de poids (10 kilos, je ne sais pas si c’est lié) et ai des nausées/ vomissements totalement injustifiés. Cette « histoire » est clairement compliquée en soi car elle m’a dit beaucoup de choses qui laissent clairement sous entendre qu’elle est attirée par les filles et en l’occurrence par moi mais ne s’est jamais vraiment dévoilée, ce que moi j’ai fini par faire. Ça c’est malheureusement très mal passé, et son attitude m’a clairement déroutée. Je pense qu’elle est dans le déni. Quoi qu’il en soit, depuis le début de cette « histoire » je doutais donc à tous les niveaux (orientation sexuelle, études, avenir etc) et les récents événements ont exacerbés mes émotions. Je ne sais plus qui je suis. Je me sens vide ou encore comme si mon être était totalement désordonné. Je ne sais plus ce que je veux. Je ne peux penser à autre chose qu’à tout ça. J’ai parfois peur de moi même. J’ai mis des mois à oser tenter de m’admettre que j’étais bisexuelle. J’ai toujours eu peur des mots lesbienne, homosexuel/le etc alors que j’ai toujours soutenu la cause ce qui est totalement paradoxal.

Une des choses m’ayant peut être fait avancer c’est de voir une série totalement par hasard qui montrait une relation lesbienne très simple, très belle, très sincère et qui m’a beaucoup plue et a aucun moment provoqué du dégoût ou je ne sais quoi. Je m’identifiais aux personnages.

Je reste malgré tout dans un état presque dépressif et ne sais que faire pour aller mieux.
Léa

Marion Brodeur-Laperrière
Bonjour Léa!
Merci d’avoir écrit à AlterHéros! Ton message laisse entendre que tu vis beaucoup de stress en ce moment, notamment en lien avec ton orientation sexuelle. Depuis le début de l’adolescence, tu as eu plusieurs moments de questionnements par rapport à celle-ci et, plus récemment, les sentiments que tu as eus pour des amies t’ont déroutée. D’ailleurs, lorsque tu as parlé de tes sentiments avec l’une de ces amies, tu t’es sentie rejetée et, depuis, tu te sens perdue. Il y a beaucoup d’éléments dans ton histoire, alors c’est possible que ma réponse soit un peu longue, mais je vais essayer de t’aider avec tout ça!
Tout d’abord, tu as l’air de te demander comment il est possible pour toi d’avoir de l’attirance pour des filles, alors qu’en grandissant, tu semblais avoir des sentiments uniquement pour les garçons. La première réponse que je peux te donner, puisque tu nommes avoir eu tes premières interrogations sur ton orientation sexuelle vers 12-13 ans, c’est que la puberté est souvent le moment où l’on commence à s’intéresser aux relations amoureuses et à la sexualité. Il est donc tout à fait normal que les questions sur l’orientation sexuelle commencent à se poser à notre esprit également! Par ailleurs, la sexualité est un concept fluide, ce qui veut dire qu’il est possible que nos attirances amoureuses et sexuelles changent. Par exemple, tu peux être attirée par les garçons seulement durant plusieurs années, puis développer de l’attirance pour les filles également. Peut-être que pendant un moment, tu seras davantage attirée par elles que par eux, puis que dans quelques temps, ce sera plutôt l’inverse! Évidemment, il n’est pas possible de changer nos attirances par nous-même, mais elles peuvent très bien fluctuer toutes seules. Par conséquent, une personne peut s’identifier différemment à différents moments de sa vie, en fonction de ses sentiments. Peut-être te considérais-tu hétéro avant de t’identifier comme bisexuelle quand tu as commencé à ressentir de l’attirance pour les filles en plus des garçons! Le choix des mots que tu utilises pour te décrire t’appartiennent entièrement, tout comme le choix d’agir ou non sur tes attirances et tes désirs.
Au fil de tes questionnements à propos de ton attirance pour les filles, tu nommes avoir souvent eu peur ou avoir ressenti du dégoût. Ces émotions semblent te dérouter puisque tu te considères comme ouverte d’esprit face aux communautés LGBTQ+. Souvent, il est plus facile de démontrer de la compréhension et de l’acceptation face aux autres que face à soi-même. Crois-tu que ça pourrait être le cas avec toi? Il y a beaucoup de personnes qui ont ce qu’on appelle de l’homophobie intériorisée. C’est lorsque l’on intègre les préjugés et la peur qui sont transmis par la société par rapport à l’homosexualité. Ça peut se traduire par la peur de «ne pas être normal.e», l’impression de ne pas être «une vraie lesbienne» si on ne correspond pas à certains stéréotypes, des émotions négatives envers soi, etc. C’est insidieux parce que c’est lié à nos émotions. Du coup, il est tout à fait possible que, rationnellement, on comprenne que toutes les orientations sexuelles sont aussi acceptables ou «normales», que l’on sache que les femmes lesbiennes ne sont pas toutes masculines et que l’on souhaite que tout le monde ait le droit au mariage, quelle que soit leur orientation sexuelle, par exemple. Pourtant, il est possible d’en même temps ressentir toutes ces émotions négatives et d’entretenir des craintes face à l’idée de ne pas être hétéro. Certaines craintes, malheureusement, peuvent être fondées, comme la peur de vivre de l’incompréhension ou de l’hostilité de la part de notre entourage. Par contre, le fait d’avoir une orientation sexuelle qui n’est pas celle de la majorité n’a rien de mal en soi et ne devrait pas nous faire sentir mal. Évidemment, c’est plus facile à dire qu’à faire, mais ça vaut la peine de faire une introspection. S’interroger sur les préjugés et les fausses croyances que l’on peut entretenir afin de les démystifier et un bon moyen d’avancer sur le chemin de l’acceptation de soi et, par conséquent, d’un plus grand sentiment de paix et de bien-être.
Dans ton message, tu parles d’une situation que tu as vécue avec une amie à toi. À la rentrée, vous vous êtes rapidement liées d’amitié et tu as eu l’impression qu’elle avait des sentiments amoureux pour toi. Tu as éventuellement commencé à ressentir de l’attirance pour elle également, mais encore une fois, tes sentiments t’effrayaient. Quand tu as fini par parler à cette amie de ce que tu ressentais pour elle, ta confidence a mal été reçue et tu crois qu’elle est dans le déni. Par rapport à ses sentiments pour toi? Puisque tu n’expliques pas ce qui s’est passé, il est assez difficile pour moi de t’aiguiller par rapport à sa réaction. Peut-être vit-elle du déni. Il n’est pas nécessairement facile de faire face à ses attirances, notamment en raison d’une possible homophobie intériorisée : tu en sais quelque chose puisque tu as aussi du mal à accepter ta bisexualité, d’après ce que tu nous écris. Il y a aussi une possibilité que tu aies interprété ses comportements et ses paroles comme des indices de son attirance pour toi justement parce qu’elle te plaisait. Notre cerveau a une tendance à essayer de confirmer ce qu’il croit déjà ou ce qu’il souhaite croire (ça s’appelle le biais de confirmation). Du coup, si tu souhaitais que tes sentiments pour elle soient réciproque, il est possible que ton cerveau ait analysé ses comportements en fonction de cette croyance. Quoi qu’il en soit, ce que je comprends de ton message, c’est qu’elle t’a repoussée. Il est important que tu respectes son désir de ne pas avoir de relation amoureuse avec toi, quelle que soit sa raison. Ça peut être douloureux et peut-être voudras-tu prendre du recul par rapport à elle. C’est normal d’avoir de la peine ou d’être confuse.
D’ailleurs, tu dis que cette situation t’a laissée un sentiment de vide et que tu vivais déjà plusieurs autres symptômes (troubles du sommeil, perte de poids, nausées, difficultés de concentration, etc.). Jusqu’à un certain point, il est normal d’avoir de tels symptômes lorsque l’on vit un grand stress ou un choc émotionnel comme une peine d’amour. C’est correct de t’accorder du temps pour te remettre et te concentrer sur ce dont tu as besoin. Fais simplement attention à ne pas trop t’isoler et essaie de garder une bonne hygiène de vie (te nourrir, te doucher, dormir) si tu le peux. Tu dis toi-même que tu vis une période de grande remise en question (orientation sexuelle, avenir, études, etc.), alors c’est normal de vivre du stress. Par contre, si tu vois que ton sentiment de vide et tes symptômes se prolongent ou que tu as l’impression que ton état s’aggrave, il est possible que ça se mute effectivement en dépression, alors n’hésite pas à consulter un.e professionnel.le si tu en ressens le besoin. Si tu veux voir un.e psy, tu peux essayer d’en trouver un.e qui est à l’aise avec les communautés LGBTQ+ pour te sentir en confiance pour parler de ces enjeux. Avoir un suivi pourrait t’offrir un espace sécuritaire pour explorer tes questionnements et t’aider à t’adapter aux différents changements que tu vis présentement.
En bref, il est parfois bien plus difficile de s’accepter soi-même que d’accepter les autres. L’homophobie intériorisée peut néanmoins être combattue en identifiant ce qui nous fait peur ou nos préjugés face à nos attirances homosexuelles et en démystifiant tout ça. N’hésite pas à le faire en discutant avec des personnes des communautés LGBTQ+ dans des associations, sur des forums, avec des personnes de ton entourage ou avec des professionnel.les! Par ailleurs, il est tout à fait normal de te sentir émotionnellement épuisée, confuse ou d’avoir des symptômes de stress après avoir dit à ton amie que tu avais des sentiments pour elle et qu’elle t’ait fait comprendre que ce n’était pas réciproque. Laisse-toi le temps de vivre tes émotions, entoures-toi de personnes de confiance et n’hésite pas à consulter un.e professionnel.le si tu le souhaites ou que tu as l’impression d’être en dépression. Ce n’est pas agréable à vivre, mais profites-en pour te centrer sur tes besoins et réfléchir à ce que tu souhaites puisque tu sembles être à une croisée des chemins dans ta vie.
J’espère avoir pu t’aider un peu à donner un sens à tes interrogations. N’hésite surtout pas à nous réécrire si tu en as besoin et prends soin de toi!
Marion

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