J'ai beaucoup d'anxiété, je suis puceau, j'aime les femmes et le plaisir anal, est-ce que je refoule mon homosexualité par de l'homophobie?
Bonjour,
Je me pose des questions. Je suis un homme de 18 ans et j’ai toujours été attiré par les femmes. Néanmoins, depuis un mois, je vie dans un doute qui me rend extrêmement anxieux. En effet, pendant que je regardais un reportage sur l’homosexualité et l’homophobie, un passage m’a déclenché une crise de panique (sueurs et vertiges). Dans ce passage, le documentaire explique qu’une expérience a été réalisée dans laquelle des hommes homophobes et des hommes qui ne sont pas homophobes (tous hétéros) ont regardés du porno gay avec un anneau autour du pénis afin de capter si ce dernier grossit ou non devant la pornographie gay. Le résultat de l’expérience est que les homophobes ont une réaction pénienne tandis que les non-homophobes n’en ont pas. Ainsi, le documentaire émet l’hypothèse que certains homophobes seraient des gays refoulés.
Et si je suis honnête avec moi même, je suis légèrement homophobe. Pas au point de vouloir du mal à ces derniers ou de refuser le mariage gay, mais je préfère qu’ils vivent de leur côté, moi du mien, sans qu’on se rencontre, je les tolère en gros, et ma famille est à peu près pareille. Et donc à ce moment du reportage j’ai eu une crise de panique car le doute s’est installé en moi : et si j’étais comme les gens de cette expérience, un homo refoulé ? 2 mois avant cet événement j’ai vécu le doute suite à des soucis de santé me donnant du mal à respirer. Je n’avais pas la réponse à la question : ai-je un grave problème de santé ou suis-je anxieux ? J’avais le doute, et ça me poussait à croire que j’étais en train de mourir. J’ai finis par comprendre que c’était de l’angoisse, et j’ai accepté les symptômes de cette dernière sans craindre pour ma vie.
Cette peur qui m’est soudainement venue prend racine plus loin dans ma mémoire : tout d’abord en voyant le film Bohemian Rapsody, sur la vie de Freddie Mercury, qui était un hétéro en couple avant de découvrir qu’il était gay, quittant sa femme. Cela m’a effrayé, mais pas comme actuellement, je m’étais juste dit « ah ouais c’est chaud ». Et puisque j’ai 18 ans mais que je n’ai jamais eu de copines et que je suis puceau, que je n’ai jamais embrassé etc… bah dans ma famille on commence à me demander « toujours pas de copine ? Peut-être que tu es gay » pas méchamment, c’est dis comme ça entre deux phrases et ils rajoutent souvent un truc du style « ça serait pas un problème du tout d’ailleurs » mais bon ça trotte dans mon esprit depuis l’épisode du reportage.
En fait ça devient une obsession depuis le documentaire (alors qu’avant je me posais jamais la question) : j’ai commencé à lister les épisodes hétéros et homo de ma vie. Par exemple j’ai un jour eu des frissons quand un homme me caressait avec son stylo en classe. Est-ce la preuve que je suis gay ? Et quand j’étais jeune j’ai également pratiqué le plaisir anal, avec un crayon, et j’ai aimé ça. Est-ce gay ? Pourtant toute ma vie je me suis masturbé sur des femmes, j’ai découvert ma sexualité sur des corps féminin, j’ai fantasmé sur les femmes, je fais des rêves érotiques avec des femmes, et je me souviens avoir bandé les premières fois dans mon lit en m’imaginant déshabiller des filles de ma classe. Mais ces quelques points de doute m’effraient. Quand je suis dans la rue ou sur internet et que je vois un homme, je me pose la question « est-ce qu’il m’attire ? Qu’est-ce que je ressens ? » idem avec les filles, ça devient presque paranoïaque : à chaque visage, cette pensée me vient à l’esprit. Parfois j’ai une sensation dans mon ventre devant un visage d’homme, et je me demande « est-ce que c’est un sentiment d’attirance ? » Faut aussi avouer que depuis mars 2020 je vois presque personne, et encore moins de filles. Donc je suis seul et j’ai commencé à oublier les relations et les sentiments qu’on a, je suis surtout dans ma chambre. Et avant ça j’étais obèse, j’avais honte de moi et bien que je prenais du plaisir sexuel solo sur des filles je ne me suis jamais imaginé en couple (avec une fille, un homme ça m’avait jamais traversé l’esprit) à cause de mon poids, je me disais que personne voudrait de moi. Maintenant je suis maigre, j’ai fais du sport.
Et ce doute que j’ai me fait penser à ce que j’ai vécu avec l’anxiété et le doute que j’avais sur les difficultés respiratoires : ça y ressemble beaucoup et la mécanique du doute est la même, mais d’un autre côté ça pourrait être une homosexualité refoulée, et puisque je suis puceau de tout je peux pas savoir.
Donc voilà les questions que je me pose :
– Est-ce qu’un gay qui découvre qu’il l’est à 18 ans pourrait avoir été excité sexuellement toute sa vie par des femmes jusqu’à ce qu’il découvre qu’il est gay, et il perdrait alors peu à peu l’excitement sur les femmes ? Un peu comme Freddie Mercuri
– Est-ce qu’un individu peut découvrir qu’il est gay car il a découvert qu’il avait peur de l’être ?
– Plus généralement, est-ce que quelqu’un qui est attiré par les femmes depuis toujours peut être gay et perdre l’attirance envers les femmes ?
– Est-ce que l’angoisse et l’anxiété peut mener à douter de son orientation sexuelle ? J’ai entendu parler du TOC homosexuel mais j’ai bien conscience que j’ai envie de m’y attacher, mon jugement est biaisé. Ceci pourrait être une possibilité ou est-ce une « farce » ou un mensonge pour faire accepter aux gens leur homosexualité progressivement ?
– Est-ce que quelqu’un qui a grandit dans un environnement hétérosexuel et légèrement homophobe pourrait développer une attirance factice envers les femmes avant de découvrir qu’il est en réalité homosexuel ?
Je vous remercie pour votre temps et les réponses que vous donnez. J’en ai déjà lu plusieurs et elles m’ont apportées un peu d’éclaircissement, mais je me pose encore des questions. Je tiens également à dire que quoi que soit l’issue de mon doute actuel, ma vision des choses sur l’homosexualité a changé : la peur et l’anxiété que je ressens à l’idée de l’être va grandement et a déjà grandement changé l’attitude que je pourrais avoir et mes pensées envers d’autres homosexuels. Cela est d’autant plus troublant car j’ai l’impression d’avoir changé de personnalité suite à cela, « trahissant » mes convictions, mais c’est une autre discussion.
« Comme son nom l’indique, le trouble obsessionnel-compulsif (TOC) se caractérise par la présence d’obsessions et de compulsions. Les obsessions sont généralement des pensées, des images ou des impulsions de nature intrusive et difficile à repousser. Ces idées importunes et répétitives s’imposent constamment à l’esprit de la personne qui n’arrive pas à s’en libérer. Même si la personne est consciente de la nature irrationnelle de ses craintes, elle devient hantée par ses obsessions, elle se sent incapable de les chasser et vit une souffrance intérieure.
De leur côté, les compulsions sont des gestes/comportements répétitifs ou des stratégies mentales qui visent à chasser les obsessions et à diminuer l’anxiété qui leur sont associées. La personne se sent obligée de répéter ses actions en réponse à ses pensées obsédantes ou pour respecter des règles rigides qu’elle s’impose. Des comportements de nettoyage, de vérification, d’ordre ou de symétrie comptent parmi les compulsions les plus courantes. Certaines compulsions sont essentiellement mentales telles se répéter sans inlassablement des phrases, des prières, certains mots ou calculer des nombres. (source)
Un TOC peut avoir comme obsession principale un doute persistant et irrationnel de son orientation sexuelle. Dans la documentation scientifique, on note des manifestations de compulsions mentales liées au TOC homo de différents ordres :
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chercher à se faire rassurer constamment sur son hétérosexualité par son entourage ou des services d’aide
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vérifier ses réactions physiologiques pour déceler un érotisme, comme en écoutant frénétiquement de la pornographie homosexuelle pour analyser les réactions du corps humain
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faire usage de techniques d’évitement comme une manœuvre pour réduire l’anxiété. Cela peut prendre la forme d’éviter de façon réfléchie des activités sociales, de mettre fin à des relations amoureuses ou de consommation excessive diverse.
Plusieurs différents types d’angoisses peuvent être liées au TOC homo : « la crainte d’un changement de son orientation sexuelle, la peur d’avoir des désirs pour les personnes du même sexe, l’inquiétude par rapport à leurs désirs hétérosexuels, la croyance que l’homosexualité est immorale, le désir d’éviter le jugement des autres et la honte ». On y décrit également « différents sous-types de TOC sur l’orientation sexuelle, dont
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le TOC « tout ou rien » – où une idée vaguement homosexuelle surgit dans l’esprit sans aucun homoérotisme antérieur et cette idée est prise comme preuve d’une homosexualité latente ;
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le TOC « relationnel » où l’on utilise un échec ou une série d’échecs amoureux comme raison de remettre en question son orientation;
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le TOC « expérientiel » où une expérimentation antérieure avec le même sexe est prise comme preuve d’une orientation homosexuelle;
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le TOC « auto-dérisoire » où l’individu se répète qu’il est gai, mais l’étiquette fait davantage office d’insulte que de référence à sa sexualité. » (source)
Un autre concept pertinent sur lequel j’aimerais m’arrêter est l’homophobie intériorisée : le fait de rejeter sa propre homosexualité ou bisexualité en résultat d’une perception négative des attirances homosexuelles. Celle-ci peut venir d’une homophobie sociale ou familiale, et empêche de se représenter comme lesbienne, gay ou bi. Cela peut se traduire par des sentiments négatifs comme la honte ou la culpabilité, par des tentatives d’ignorer ou de refouler ses attirances, voire même de les changer en se “forçant” à vivre comme une personne hétérosexuelle. Parfois, la frustration et la colère qui en découlent peuvent même être la source d’une agressivité tournée vers soi, ou vers les autres personnes LGBT. (source) C’est possible d’utiliser des concepts homophobes pour se faire du mal sans en souhaiter aux autres, ça n’en demeure pas moins une crainte, un malaise ou perception négative de l’homosexualité.
Je ne sais pas ce que tu en penses, mais personnellement, je crois que le TOC homo et l’homophobie intériorisée ont beaucoup de points en commun : les pensées intrusives, l’image négative de l’homosexualité, la honte, la peur, les tests, l’évitement de ses propres sentiments, etc. Puisque ces deux concepts peuvent se ressembler et se chevaucher il faut donc faire très attention de ne pas les confondre. »
J’aimerais par le fait même, te partager une petite mise en garde, cette fois rédigée par mon collègue Guillaume dans cette réponse en lien avec le TOC homo. (Promis, j’arrête le plagiat après! )
« Chez AlterHéros, nous sommes généralement très prudent.e.s à aborder le sujet du TOC homo. Pourquoi? Parce qu’il s’agit d’un concept en psychologie utilisé par des thérapeutes professionnel.le.s et qu’il est souvent mal interprété et mal utilisé au quotidien par les internautes. De plus, c’est un concept sur lequel il est possible de trouver une tonne d’informations fausses sur Internet. En effet, ce concept est trop souvent utilisé afin d’invalider des questionnements sains et normaux dans le développement identitaire d’une personne. Ceci peut donc contribuer à une forme d’homophobie intériorisée en offrant la prémisse que les questionnements sur l’orientation sexuelle sont liés à un trouble psychologique et non pas à un développement psychologique normal. Alors avant d’approfondir la question du TOC homo, rappelons-nous ces quelques éléments :
- Il est complètement sain d’avoir des questionnements sur son orientation sexuelle.
- Il n’y a pas d’âge ou de moments précis pour avoir des questionnements, des réflexions ou des idées érotiques au sujet de l’orientation sexuelle.
- Toutes les orientations sexuelles sont aussi belles les unes que les autres. Aucune orientation sexuelle n’est meilleure ou inférieure à l’autre.
- Les orientations sexuelles ne sont pas limitées à l’hétérosexualité ou l’homosexualité, mais que les personnes bisexuelles, pansexuelles et asexuelles existent. Il est donc possible que nos désirs et comportements ne s’inscrivent pas dans une case précise.
- Les orientations sexuelles comprennent plusieurs composantes liées aux attirances physiques et aux attirances romantiques. Il est donc possible d’être romantiquement attiré par un type de personnes et sexuellement attiré vers plusieurs types de personnes.
- La sexualité est quelque chose de fluide : nos préférences, besoins, intérêts, désirs et libido peuvent varier avec le temps, selon les contextes et selon les rencontres que nous faisons.
- Ce n’est pas parce que quelqu’un a eu une idée, une attirance, un questionnement ou un fantasme homosexuel que cela nie son hétérosexualité. »