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13 septembre 2021

J'ai beaucoup d'anxiété, je suis puceau, j'aime les femmes et le plaisir anal, est-ce que je refoule mon homosexualité par de l'homophobie?

Bonjour,

Je me pose des questions. Je suis un homme de 18 ans et j’ai toujours été attiré par les femmes. Néanmoins, depuis un mois, je vie dans un doute qui me rend extrêmement anxieux. En effet, pendant que je regardais un reportage sur l’homosexualité et l’homophobie, un passage m’a déclenché une crise de panique (sueurs et vertiges). Dans ce passage, le documentaire explique qu’une expérience a été réalisée dans laquelle des hommes homophobes et des hommes qui ne sont pas homophobes (tous hétéros) ont regardés du porno gay avec un anneau autour du pénis afin de capter si ce dernier grossit ou non devant la pornographie gay. Le résultat de l’expérience est que les homophobes ont une réaction pénienne tandis que les non-homophobes n’en ont pas. Ainsi, le documentaire émet l’hypothèse que certains homophobes seraient des gays refoulés.

Et si je suis honnête avec moi même, je suis légèrement homophobe. Pas au point de vouloir du mal à ces derniers ou de refuser le mariage gay, mais je préfère qu’ils vivent de leur côté, moi du mien, sans qu’on se rencontre, je les tolère en gros, et ma famille est à peu près pareille. Et donc à ce moment du reportage j’ai eu une crise de panique car le doute s’est installé en moi : et si j’étais comme les gens de cette expérience, un homo refoulé ? 2 mois avant cet événement j’ai vécu le doute suite à des soucis de santé me donnant du mal à respirer. Je n’avais pas la réponse à la question : ai-je un grave problème de santé ou suis-je anxieux ? J’avais le doute, et ça me poussait à croire que j’étais en train de mourir. J’ai finis par comprendre que c’était de l’angoisse, et j’ai accepté les symptômes de cette dernière sans craindre pour ma vie.

Cette peur qui m’est soudainement venue prend racine plus loin dans ma mémoire : tout d’abord en voyant le film Bohemian Rapsody, sur la vie de Freddie Mercury, qui était un hétéro en couple avant de découvrir qu’il était gay, quittant sa femme. Cela m’a effrayé, mais pas comme actuellement, je m’étais juste dit «ah ouais c’est chaud». Et puisque j’ai 18 ans mais que je n’ai jamais eu de copines et que je suis puceau, que je n’ai jamais embrassé etc… bah dans ma famille on commence à me demander «toujours pas de copine ? Peut-être que tu es gay» pas méchamment, c’est dis comme ça entre deux phrases et ils rajoutent souvent un truc du style «ça serait pas un problème du tout d’ailleurs» mais bon ça trotte dans mon esprit depuis l’épisode du reportage.

En fait ça devient une obsession depuis le documentaire (alors qu’avant je me posais jamais la question) : j’ai commencé à lister les épisodes hétéros et homo de ma vie. Par exemple j’ai un jour eu des frissons quand un homme me caressait avec son stylo en classe. Est-ce la preuve que je suis gay ? Et quand j’étais jeune j’ai également pratiqué le plaisir anal, avec un crayon, et j’ai aimé ça. Est-ce gay ? Pourtant toute ma vie je me suis masturbé sur des femmes, j’ai découvert ma sexualité sur des corps féminin, j’ai fantasmé sur les femmes, je fais des rêves érotiques avec des femmes, et je me souviens avoir bandé les premières fois dans mon lit en m’imaginant déshabiller des filles de ma classe. Mais ces quelques points de doute m’effraient. Quand je suis dans la rue ou sur internet et que je vois un homme, je me pose la question «est-ce qu’il m’attire ? Qu’est-ce que je ressens ?» idem avec les filles, ça devient presque paranoïaque : à chaque visage, cette pensée me vient à l’esprit. Parfois j’ai une sensation dans mon ventre devant un visage d’homme, et je me demande «est-ce que c’est un sentiment d’attirance ?» Faut aussi avouer que depuis mars 2020 je vois presque personne, et encore moins de filles. Donc je suis seul et j’ai commencé à oublier les relations et les sentiments qu’on a, je suis surtout dans ma chambre. Et avant ça j’étais obèse, j’avais honte de moi et bien que je prenais du plaisir sexuel solo sur des filles je ne me suis jamais imaginé en couple (avec une fille, un homme ça m’avait jamais traversé l’esprit) à cause de mon poids, je me disais que personne voudrait de moi. Maintenant je suis maigre, j’ai fais du sport.

Et ce doute que j’ai me fait penser à ce que j’ai vécu avec l’anxiété et le doute que j’avais sur les difficultés respiratoires : ça y ressemble beaucoup et la mécanique du doute est la même, mais d’un autre côté ça pourrait être une homosexualité refoulée, et puisque je suis puceau de tout je peux pas savoir.

Donc voilà les questions que je me pose :

– Est-ce qu’un gay qui découvre qu’il l’est à 18 ans pourrait avoir été excité sexuellement toute sa vie par des femmes jusqu’à ce qu’il découvre qu’il est gay, et il perdrait alors peu à peu l’excitement sur les femmes ? Un peu comme Freddie Mercuri

– Est-ce qu’un individu peut découvrir qu’il est gay car il a découvert qu’il avait peur de l’être ?

– Plus généralement, est-ce que quelqu’un qui est attiré par les femmes depuis toujours peut être gay et perdre l’attirance envers les femmes ?

– Est-ce que l’angoisse et l’anxiété peut mener à douter de son orientation sexuelle ? J’ai entendu parler du TOC homosexuel mais j’ai bien conscience que j’ai envie de m’y attacher, mon jugement est biaisé. Ceci pourrait être une possibilité ou est-ce une «farce» ou un mensonge pour faire accepter aux gens leur homosexualité progressivement ?

– Est-ce que quelqu’un qui a grandit dans un environnement hétérosexuel et légèrement homophobe pourrait développer une attirance factice envers les femmes avant de découvrir qu’il est en réalité homosexuel ?

Je vous remercie pour votre temps et les réponses que vous donnez. J’en ai déjà lu plusieurs et elles m’ont apportées un peu d’éclaircissement, mais je me pose encore des questions. Je tiens également à dire que quoi que soit l’issue de mon doute actuel, ma vision des choses sur l’homosexualité a changé : la peur et l’anxiété que je ressens à l’idée de l’être va grandement et a déjà grandement changé l’attitude que je pourrais avoir et mes pensées envers d’autres homosexuels. Cela est d’autant plus troublant car j’ai l’impression d’avoir changé de personnalité suite à cela, «trahissant» mes convictions, mais c’est une autre discussion.

Marion Brodeur-Laperrière
Salut Nicolas!
 
Merci de nous faire confiance avec ces questions qui semblent te causer beaucoup de stress. Tu abordes de nombreuses choses dans ton message, alors il se peut que ma réponse soit assez longue. D’abord, j’aimerais résumer un peu ce que tu nous as écrit.
 
Alors que tu as toujours eu une attirance exclusive envers les femmes, tu as récemment commencé à te demander si tu ne refoulerais pas plutôt une homosexualité, notamment à la suite du visionnement d’un documentaire à propos de l’excitation face à la pornographie gaie en lien avec l’homophobie. Puisque tu considères avoir certaines attitudes homophobes, tu t’interroges à savoir si cela ne serait pas plutôt un moyen pour toi d’ignorer ta potentielle homosexualité. Depuis ce temps, tu y penses beaucoup, tu te poses des questions sur différents comportements que tu as pu avoir et leur signification, et tu te demandes s’il est possible de découvrir que tu es gai et que tu perdes ton attirance pour les femmes, avec qui tu n’as eu que peu d’expériences relationnelles et sexuelles. En parallèle, tu as découvert il y a un certain temps que tu fais de l’anxiété et tu t’interroges à propos du lien entre celle-ci et la remise en question de ton orientation sexuelle.
 
Avant de me pencher sur ta situation, j’aimerais reprendre l’idée de Maxime, qui intervient aussi pour Alterhéros, et commencer par t’offrir de l’information plus théorique sur le « TOC homo » que tu nommes dans ton message et l’homophobie intériorisée. Pour voir sa réponse complète à quelqu’un qui vit une situation similaire à la tienne, tu peux cliquer ici.
 

« Comme son nom l’indique, le trouble obsessionnel-compulsif (TOC) se caractérise par la présence d’obsessions et de compulsions. Les obsessions sont généralement des pensées, des images ou des impulsions de nature intrusive et difficile à repousser. Ces idées importunes et répétitives s’imposent constamment à l’esprit de la personne qui n’arrive pas à s’en libérer. Même si la personne est consciente de la nature irrationnelle de ses craintes, elle devient hantée par ses obsessions, elle se sent incapable de les chasser et vit une souffrance intérieure.  

De leur côté, les compulsions sont des gestes/comportements répétitifs ou des stratégies mentales qui visent à chasser les obsessions et à diminuer l’anxiété qui leur sont associées. La personne se sent obligée de répéter ses actions en réponse à ses pensées obsédantes ou pour respecter des règles rigides qu’elle s’impose. Des comportements de nettoyage, de vérification, d’ordre ou de symétrie comptent parmi les compulsions les plus courantes. Certaines compulsions sont essentiellement mentales telles se répéter sans inlassablement des phrases, des prières, certains mots ou calculer des nombres. (source)

 

Un TOC peut avoir comme obsession principale un doute persistant et irrationnel de son orientation sexuelle. Dans la documentation scientifique, on note des manifestations de compulsions mentales liées au TOC homo de différents ordres :

  1. chercher à se faire rassurer constamment sur son hétérosexualité par son entourage ou des services d’aide

  2. vérifier ses réactions physiologiques pour déceler un érotisme, comme en écoutant frénétiquement de la pornographie homosexuelle pour analyser les réactions du corps humain

  3. faire usage de techniques d’évitement comme une manœuvre pour réduire l’anxiété. Cela peut prendre la forme d’éviter de façon réfléchie des activités sociales, de mettre fin à des relations amoureuses ou de consommation excessive diverse. 

 

Plusieurs différents types d’angoisses peuvent être liées au TOC homo : « la crainte d’un changement de son orientation sexuelle, la peur d’avoir des désirs pour les personnes du même sexe, l’inquiétude par rapport à leurs désirs hétérosexuels, la croyance que l’homosexualité est immorale, le désir d’éviter le jugement des autres et la honte ». On y décrit également « différents sous-types de TOC sur l’orientation sexuelle, dont 

  • le TOC « tout ou rien » – où une idée vaguement homosexuelle surgit dans l’esprit sans aucun homoérotisme antérieur et cette idée est prise comme preuve d’une homosexualité latente ;

  •  le TOC « relationnel » où l’on utilise un échec ou une série d’échecs amoureux comme raison de remettre en question son orientation; 

  • le TOC « expérientiel » où une expérimentation antérieure avec le même sexe est prise comme preuve d’une orientation homosexuelle; 

  • le TOC « auto-dérisoire » où l’individu se répète qu’il est gai, mais l’étiquette fait davantage office d’insulte que de référence à sa sexualité. » (source)

Un autre concept pertinent sur lequel j’aimerais m’arrêter est l’homophobie intériorisée : le fait de rejeter sa propre homosexualité ou bisexualité en résultat d’une perception négative des attirances homosexuelles. Celle-ci peut venir d’une homophobie sociale ou familiale, et empêche de se représenter comme lesbienne, gay ou bi. Cela peut se traduire par des sentiments négatifs comme la honte ou la culpabilité, par des tentatives d’ignorer ou de refouler ses attirances, voire même de les changer en se “forçant” à vivre comme une personne hétérosexuelle. Parfois, la frustration et la colère qui en découlent peuvent même être la source d’une agressivité tournée vers soi, ou vers les autres personnes LGBT. (source) C’est possible d’utiliser des concepts homophobes pour se faire du mal sans en souhaiter aux autres, ça n’en demeure pas moins une crainte, un malaise ou perception négative de l’homosexualité.

 

Je ne sais pas ce que tu en penses, mais personnellement, je crois que le TOC homo et l’homophobie intériorisée ont beaucoup de points en commun : les pensées intrusives, l’image négative de l’homosexualité, la honte, la peur, les tests, l’évitement de ses propres sentiments, etc. Puisque ces deux concepts peuvent se ressembler et se chevaucher il faut donc faire très attention de ne pas les confondre. »

J’aimerais par le fait même, te partager une petite mise en garde, cette fois rédigée par mon collègue Guillaume dans cette réponse en lien avec le TOC homo. (Promis, j’arrête le plagiat après! 😉)

« Chez AlterHéros, nous sommes généralement très prudent.e.s à aborder le sujet du TOC homo. Pourquoi? Parce qu’il s’agit d’un concept en psychologie utilisé par des thérapeutes professionnel.le.s et qu’il est souvent mal interprété et mal utilisé au quotidien par les internautes. De plus, c’est un concept sur lequel il est possible de trouver une tonne d’informations fausses sur Internet. En effet, ce concept est trop souvent utilisé afin d’invalider des questionnements sains et normaux dans le développement identitaire d’une personne. Ceci peut donc contribuer à une forme d’homophobie intériorisée en offrant la prémisse que les questionnements sur l’orientation sexuelle sont liés à un trouble psychologique et non pas à un développement psychologique normal. Alors avant d’approfondir la question du TOC homo, rappelons-nous ces quelques éléments :

  • Il est complètement sain d’avoir des questionnements sur son orientation sexuelle.
  • Il n’y a pas d’âge ou de moments précis pour avoir des questionnements, des réflexions ou des idées érotiques au sujet de l’orientation sexuelle.
  • Toutes les orientations sexuelles sont aussi belles les unes que les autres. Aucune orientation sexuelle n’est meilleure ou inférieure à l’autre.
  • Les orientations sexuelles ne sont pas limitées à l’hétérosexualité ou l’homosexualité, mais que les personnes bisexuelles, pansexuelles et asexuelles existent. Il est donc possible que nos désirs et comportements ne s’inscrivent pas dans une case précise.
  • Les orientations sexuelles comprennent plusieurs composantes liées aux attirances physiques et aux attirances romantiques. Il est donc possible d’être romantiquement attiré par un type de personnes et sexuellement attiré vers plusieurs types de personnes.
  • La sexualité est quelque chose de fluide : nos préférences, besoins, intérêts, désirs et libido peuvent varier avec le temps, selon les contextes et selon les rencontres que nous faisons.
  • Ce n’est pas parce que quelqu’un a eu une idée, une attirance, un questionnement ou un fantasme homosexuel que cela nie son hétérosexualité. »
 
Bon! Je pense qu’avec ces nombreuses informations, tu as déjà certaines réponses à tes questions.  Maintenant, j’aimerais tout de même ramener tout ça à ta situation à toi.
 
Comme indiqué dans le dernier paragraphe de Guillaume, les fantasmes, l’imaginaire érotique, les désirs, mais aussi les comportements ne sont pas une preuve d’une orientation sexuelle ou d’une autre. Il est possible d’avoir toute une variété de scénarios qui créent chez nous une réaction physiologique d’excitation sexuelle. D’ailleurs, la notion d’interdit est souvent un élément excitant dans l’imaginaire érotique des gens (s’imaginer coucher avec sa prof, faire l’amour en public ou avoir des relations homosexuelles, par exemple).
 
En fait, l’orientation sexuelle est composée de trois éléments :  les désirs, les comportements et l’identité. Les désirs, ce sont nos attirances et envers qui elles se déclarent (est-ce qu’on est plutôt attiré par tel ou tel type de corps, tel ou tel type de personne, qui on aurait envie d’embrasser, etc.). Les comportements, ce sont les actions que l’on pose réellement, à l’inverse des désirs qui renvoient à l’imaginaire (ex : avoir embrassé notre amie, avoir eu une relation sexuelle avec un homme, avoir regardé les fesses d’une personne dans la rue). Finalement, l’identité, c’est l’appropriation et le choix de mots pour se décrire par rapport à notre identité sexuelle (hétéro, gai, pansexuel.le, etc.). Certains hommes, par exemple, qui auraient des désirs invariablement de l’identité de genre des personnes qui l’intéressent, mais n’avoir eu des expériences sexuelles qu’avec d’autres hommes, pourraient se définir comme gais (se basant plutôt sur leurs comportements) ou comme pansexuels (se basant davantage sur leurs désirs) ou même d’autres termes s’ils lui conviennent mieux! L’identité, c’est vraiment propre à chaque personne, sa façon de se percevoir et son sentiment d’appartenance à une orientation sexuelle plutôt qu’une autre.
 
Ainsi, quand tu te demandes si le fait de t’être masturbé analement fait de toi une personne homosexuelle, la réponse courte est non, pas nécessairement. Surtout que la masturbation anale peut être excitante puisque ça stimule la prostate, un petit organe qui peut procurer de très agréables sensations aux personnes qui en ont une! Par ailleurs, avoir des expériences sexuelles ou romantiques avec d’autres personnes n’est pas obligatoire pour définir son orientation sexuelle. Et il n’y a aucun mal à ne pas avoir de telles expériences : tu es une personne entière, un être humain plein de qualités, et tes désirs et tes doutes sont valides. Il n’y a rien de mal à se poser des questions sur son identité; ça fait partie de l’expérience humaine, ça permet de mieux se connaître et d’évoluer!
 
Aussi, les attirances, les fantasmes et les désirs peuvent varier dans le temps. Ils sont fluides et diversifiés, mais ne sont pas modelables à nos souhaits. Notre pouvoir se situe plutôt sur notre choix d’agir ou non en fonction de ceux-ci. Tu demandes si un homme pourrait développer une attirance factice pour les femmes tout en étant homosexuel. Comme mentionné dans les propos de Maxime, mais aussi dans la phrase que je viens d’écrire, nous n’avons pas de contrôle sur nos attirances. Par contre, nous sommes maîtres de nos comportements et c’est pourquoi plusieurs personnes qui ont des attirances homosexuelles et qui en ont honte ou qui en ont peur vont se «forcer» à avoir des relations amoureuses ou sexuelles «hétéro» pour «cacher» leur orientation sexuelle. Ceci dit, se plier à nos peurs peut nous éloigner du bonheur parce que vivre dans le secret et en réprimant nos désirs (je ne dis pas que c’est ton cas, mais si ce l’est…) peut créer de la frustration et de l’insatisfaction, un sentiment d’inadéquation avec soi-même.
 
Par contre, bien que les attirances soient fluides, on parle généralement d’une fluctuation au niveau des préférences ou une ouverture dans le temps, plutôt qu’un intérêt soudain ou la perte subite de certaines attirances. Ainsi, il est possible que tu développes des attirances pour les hommes (ou pas), sans que cela n’invalide tes sentiments pour les femmes. Les attirances qui se développent ne mettent pas conséquemment fin aux préexistantes et il est possible d’être attiré.e par plus d’un genre à la fois. D’ailleurs, Freddie Mercury, à qui tu fais référence dans ton message, a déclaré non pas son homosexualité à sa femme avec qui sa relation battait de l’aile, mais plutôt sa bisexualité. Évidemment, je ne dis pas qu’il s’agit de ta situation! Tu indiques te poser des questions, tout en n’ayant eu que des désirs dirigés vers les femmes. Les questionnements sur ton orientation sexuelle sont tout à fait sains et normaux. Et seul toi peux savoir ce que tu ressens et peux choisir d’utiliser un terme ou un autre pour parler de ton identité.
 
Maintenant, j’aimerais aborder le sujet de l’anxiété qui revient à plusieurs moments dans ton message. C’est un enjeu de santé réel qui a bien sûr des impacts sur ta vie, ta manière de penser et de réagir à ton environnement. D’ailleurs, l’anxiété peut avoir un impact sur la fréquence ou l’intensité des désirs sexuels. Si tu t’inquiètes quant au fait de «perdre» ton attirance pour les femmes, peut-être qu’une avenue à explorer serait plutôt l’effet anxiogène de tes craintes à l’idée d’être gai. L’anxiété a généralement un fonctionnement cyclique, dans le sens où elle est alimentée par une peur (dans ton cas, la peur d’être gai) et alimente cette peur en retour (via les pensées récurrentes, les remises en question, l’effet sur le désir sexuel, etc.) Quoi qu’il en soit, je t’invite à consulter un.e professionnel.le en santé mentale pour ton anxiété, si ce n’est pas déjà le cas. On peut parfois avoir peur de parler à quelqu’un, mais je t’assure que d’aller chercher de l’aide et des ressources appropriées pourrait t’aider à adresser les difficultés que tu vis en lien avec l’anxiété. Un suivi de ce genre pourrait te permettre d’aborder la provenance de ton anxiété et d’apprendre à déconstruire les modèles de comportements qui l’alimentent.
 
Entre-temps, tu peux déjà te poser différentes questions pour amorcer une réflexion ou l’amener plus loin. Par exemple : qu’est-ce qui te rend anxieux à l’idée de ne pas être hétéro? Est-ce la réaction de ton entourage? Est-ce une peur liée à tes plans d’avenir? Aussi, tu dis avoir certaines attitudes homophobes qui semblent plutôt relever du malaise que de la haine. Quels sont les éléments qui te font ressentir ce malaise face aux personnes gaies? Pour quelles raisons? Est-ce que tu ressens le même malaise face aux femmes lesbiennes qu’aux hommes gais? À la fin de ton message, tu notes que ta remise en question t’a amené à changer ta vision de l’homosexualité. Comment a-t-elle changé? Et que veux-tu dire lorsque tu mentionnes que ce changement te donne l’impression de trahir tes convictions? Quelles sont ces convictions et d’où viennent-elles selon toi?
 
Je note également un passage de ton message dans lequel tu abordes ton rapport à ton corps. Tu parles d’un sentiment de honte et de la conviction que personne ne voulait de toi. Ce sentiment et cette peur de ne pas être aimé peuvent avoir un impact non négligeable sur l’estime de soi et avoir une part à jouer dans ton anxiété. Tu dis t’être mis au sport et avoir changé d’aspect corporel. Comment te sens-tu par rapport à ces changements? Est-ce que ton impression face aux autres a changé? Tu dis que tu ne t’es jamais vraiment imaginé en couple et, comme je l’ai dit plus haut, c’est tout à fait correct de ne pas souhaiter entretenir de relation amoureuse! Mais si tu regardes au fond de toi, que désires-tu sur le plan relationnel?
 
Ça fait beaucoup de questions, j’en suis bien consciente. Et je sais qu’elles ne sont pas particulièrement faciles à se poser, surtout que plusieurs d’entre elles peuvent te rendre inconfortable, te confronter à des parties de toi que tu n’aimes pas ou dont tu as honte ou bien te mettre face à des choses difficiles que tu as vécues. Prends ton temps. C’est un long cheminement de travailler son anxiété. En te posant ce genre de questions, tu pourrais déjà identifier plusieurs éléments de réponse et d’apprentissage pour toi, mais je t’invite encore une fois à les aborder avec une personne qui pourra t’accompagner à travers ces interrogations et ces remises en question.
 
Ouf! Je te félicite de t’être rendu jusqu’ici dans ma grosse réponse! Tu peux être très fier de toi d’avoir eu le courage de nous parler de tes craintes. Ce n’est pas toujours facile de s’ouvrir aux autres, mais j’espère que de le faire auprès de nous t’aura fait du bien et que j’aurai su t’amener des éléments de réponse ou, à tout le moins, de t’avoir enligné un peu.
 
Si je résume grossièrement tout ce qui a été dit ici : l’orientation sexuelle provient des désirs (qui sont fluides et hors de notre contrôle) et des comportements (sur lesquels on a du pouvoir), mais il n’en tient qu’à nous de nous identifier d’une manière ou d’une autre. Il est fréquent que des personnes qui ont intégré des peurs et des préjugés face aux personnes homosexuelles aient du mal à s’accepter lorsqu’elles réalisent qu’elles ont elles-mêmes des attirances pour les personnes du même genre qu’elles. Ceci dit, il est tout à fait sain et normal de se poser des questions, et s’interroger ne veut pas automatiquement dire que l’on est d’une orientation ou d’une autre. Toutefois, rappelle-toi que toutes les orientations sexuelles sont aussi valides les unes que les autres et que tu as le même potentiel d’être heureux quelle que soit la tienne. En parallèle, l’anxiété que tu vivais déjà avant de remettre ton orientation sexuelle en question peut avoir joué un rôle dans le déclenchement de tes pensées récurrentes. Je crois que d’aborder tes peurs et d’où elles proviennent, mais aussi ce que tu désires et ressens, avec un.e professionnel.le en santé mentale pourrait t’aider à mieux te connaître et te comprendre, tout en te donnant des outils pour mieux vivre avec cette anxiété.
 
Encore une fois, je sais que ma réponse est très chargée sur les plans théoriques et émotifs. Prends le temps dont tu as besoin pour analyser tout ça, voir comment ça te fait sentir et comment tu crois que ça se traduit dans ta situation. Si tu as quelque question que ce soit, que tu veux des précisions, que tu souhaites aller plus loin dans un sujet ou pour toute autre chose, sache que nous apprécierons toujours de recevoir un message de ta part et qu’il nous fera plaisir de te répondre à nouveau.
 
Prends soin de toi et bon cheminement!
Marion

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