Depuis 2 ans, je me questionne régulièrement sur mon identité de genre, sur une potentielle non-binarité...

Bonjour Alter Héros,

J’ai 19 ans, j’ai été assigné fille à la naissance, je suis lesbienne, et je suis androgyne. Depuis 2 ans je me questionne régulièrement sur mon identité de genre. Je ne me souviens plus de comment/pourquoi cela à commencer. Je me questionne sur une potentielle non-binarité.

Je me suis rappelé qu’à l’âge où ma poitrine a commencé à pousser, je me suis déjà réveillée la nuit avec une douleur, et cela m’a marqué, je ne voulais pas trop qu’elle pousse. Je me rappelle aussi que quand j’avais un début de poitrine, j’ai déjà pris des bandes extensibles en crêpe pour m’aplatir le torse devant le miroir (vers 11 ans).
Certains été, je suis genré au masculin par des vendeurs, et cela ne m’a jamais plu.
Je n’aime pas quand la boulangère me dit 3 fois « madame » en 30 sec. Mais je ne sais pas si c’est juste que je trouve cela ridicule ou si c’est le rappel important de mon genre/ou d’un genre qui me dérange.

Quand je me regarde, je me demande parfois si j’ai l’impression que ma poitrine fait partie de moi, ou si j’y suis habituée. J’ai l’impression qu’il manquerait quelque chose si elle n’était pas là, mais en même temps qu’elle n’a pas toujours sa place. J’ai déjà essayé un binder, mais je ne ressens rien de plus et rien de moins. Même avec je ne me sens pas plat (alors que j’ai une petite poitrine), ça ne m’aide pas je crois.
J’ai fait énormément de recherches sur la transidentité et la non-binarité (témoignages, conseils, pistes…). Parfois j’ai avancé (j’ai cru avoir trouvé mon identité durant quelques heures), mais je n’ai jamais ressenti une connexion certaine avec un témoignage. J’ai l’impression que les gens ont toustes plus de signes de leur appartenance au spectre non-binaire (dysphorie certaine etc).

Parfois je me sens totalement cis, et j’ai l’impression d’avoir inventé de faux questionnements pendant des mois. J’ai peur que mon questionnement soit influencé par mon apparence ; par les non-binaires que je vois sur tiktok et que je trouve très cool ; par « l’idéalisation » d’être non-binaire. J’ai peur de penser à la non-binarité juste parce que je ne collerais jamais aux clichés féminins. J’ai aussi peur de ne jamais me sentir légitime parce que je ne me sens pas mal dans mon corps, quand on me genre au féminin etc. Pourtant, les questionnements reviennent toujours et se questionner pendant 2 ans, j’ai l’impression que ça ne peut pas ne rien dire, mais en même temps jsp.

Il y a 9 mois, j’ai pensé à essayer d’autres pronoms, au cas où cela m’aiderait. J’ai peu d’amies mais elles sont ouvertes d’esprits et 2 sont bisexuelles. Cependant ce ne sont pas des personnes à qui je parle vraiment sur les réseaux sociaux, et je les vois peu. Je ne suis donc pas à l’aise de leur demander à elles (en plus, même ouvertes d’esprits je ne les vois pas réussir facilement à changer leurs habitudes, pour un « test longue durée »).
Mais il me reste une chance, ma meilleure amie lgbt. Elle, je lui parle tous les jours et nous sommes dans la même ville. Elle sait que je me questionne parce que je lui parle de tout. Je lui ai parlé de ma volonté de tester d’autres pronoms. C’est plus simple de genrer quelqu’un quand on parle d’iel à une tierce personne, alors je lui demandais de le faire lors de soirées. Elle n’a réussi à dire « iel » que 6 mois plus tard, au milieu d’ « erreurs » et se plaignant le lendemain matin de la difficulté de briser les habitudes.
Je la comprends, mais j’en peux plus de ne pas pouvoir essayer, je stagne. Je lui rappelle régulièrement, même quand je ne me sens cis, elle me dit « pardon » mais n’y pense pas plus, ou y pense mais ne change rien.

C’est très frustrant, je ne me sens pas trop légitime d’être en colère parce que ce ne sont que des test, mais le fait qu’elle ne fasse pas plus d’efforts pour me genrer/m’appeler autrement m’obsède. Je ne trouve pas cela respectueux de sa part, même si c’est dur à faire et je le sais très bien. Je ne sais plus comment me comporter avec ma meilleure amie par rapport à cela, que faire ?

Elle genre correctement les personnes trans sur les réseaux, ou même mon ex qui est trans. Donc je pense que sa difficulté est qu’on se connaît très très bien depuis plusieurs années et donc que ses habitudes sont scellées dans du béton :’).

Potentiel résumé des questions :
1. Est-ce que se questionner pendant plusieurs années peut être conclu par être cisgenre ?
2. Y’a t’il d’autres pistes à explorer pour me comprendre et/ou pour interpréter ce que j’ai déjà exploré ?
3. Comment se sentir légitime face aux autres personnes non-binaires ?
4. Comment essayer d’autres pronoms et un autre prénom avec ma meilleure amie qui n’y arrive pas ?

Merci d’avance de votre réponse <3.

Zo, iel/elle
Coucou Zoé,
Tout d’abord, enchanté·e, je m’appelle également Zoé ! 🙂 Merci d’avoir pris le temps de décrire tes questionnements en détail, j’espère pouvoir t’aider un peu avec différents éléments de réponse.
Selon ce que je comprend de ta situation, ça fait assez longtemps que ces éléments que tu mentionnes te tracassent et tu sembles avoir essayé déjà plusieurs choses pour alimenter ta réflexion : t’exposer à des témoignages, demander à une personne de confiance d’expérimenter avec différents pronoms, essayer un binder, etc. Je trouve que le fait que tu as essayé plusieurs choses pour mieux te comprendre, ça démontre que tu es très déterminé·e. La capacité à aller chercher des ressources quand on en a besoin est aussi une grande force !
Pour commencer avec un élément qui pourrait t’aider à voir ta situation d’une manière différente, je tiens à spécifier ceci : ton identité de genre est valide, peu importe…
  • Ton expression de genre (que tu définis comme « androgyne »)
  • Comment ton entourage te perçois
  • Ton orientation sexuelle
  • Comment tu la définis
Qu’est-ce que ça implique exactement ? Que peu importe le mot que tu mets sur ton identité, ce qui est vraiment important, c’est plutôt que toi tu sois à l’aise avec le terme choisi. Les étiquettes qu’on choisit pour se définir peuvent être très utiles et positives, mais il ne faut pas oublier qu’elles ne sont pas obligatoires, et que parfois elle ne sont pas nécessaires ou voulues. Plusieurs personnes qui font partie de la communauté ne souhaitent pas se définir par des étiquettes précises ou vont choisir volontairement des termes qui leur permettent de ne pas mettre de définition sur qui iels sont, comme le terme « queer » (tu peux lire plus d’informations sur le terme « queer » ici). Un autre élément que je remarque dans ce que tu dis, c’est qu’il semble que d’une journée à l’autre, tu ne te définis pas de la même manière. Ça aussi c’est valide, et peut-être que le terme « fluide dans le genre » t’intéresserait. Tu peux avoir plus d’informations sur ce terme ici.
Bref… pour répondre à ta question no. 1, le fait de se questionner ne veut pas nécessairement dire que tu n’es pas une femme, mais c’est quand même une bonne réflexion à avoir que de se demander : d’où vient ton malaise par rapport à ce terme ? Si tu penses que tu aurais simplement besoin de réinventer ta propre définition de ce qu’est une femme, de quel genre de femme tu serais, en te détachant des stéréotypes, c’est aussi une option (par exemple : les femmes « butch » qui choisissent de redéfinir leur féminité).
Si tu ne te reconnais pas dans le terme femme, alors je t’encouragerais à continuer à expérimenter au niveau de ton identité de genre de toutes les manières qui te plaisent. Pour répondre à ta deuxième question, voici quelques exemples : essayer de nouveaux vêtements ou coupes de cheveux, accessoires, parfums, d’autres articles d’affirmation de genre que tu n’aurais pas essayé encore, un nouveau nom ou surnom, etc. Tu peux aussi faire des mises en situation et t’inventer des scénarios en te posant des questions qui t’amènent à réfléchir comme celle-ci : si tu avais une baguette magique, qu’essayerais-tu avec ? Et comment ces changements te feraient sentir ? Tu peux également expérimenter avec de la musique, des scénarios de fiction, des activités qui te permettent d’essayer des rôles différents (Donjon et dragons, RPGs, théâtre, etc.).
Maintenant, une chose que tu nommes bien, c’est que parfois on romantise les expériences des autres. Ça se peut que les personnes non-binaires et androgynes que tu suis sur les réseaux sociaux en vivent, eux aussi, des périodes plus réflexives au niveau de leur genre, de leur orientation sexuelle, ou bien d’autres aspects de leurs vies. Par contre, ce sont souvent des périodes où les gens vont moins publier de contenu, on ne sera donc pas témoins des aspects imparfaits de leurs vies. Il faut garder cela en tête parfois : la réalisation qu’on est bien avec une certaine étiquette peut prendre du temps et ne pas arriver magiquement, comme dans un film ou les personnages auront un genre de moment « eurêka ! », comme en discute Maxim·ici.
Je saute directement à ta troisième question : Comment se sentir légitime face aux autres personnes non-binaires ? Cette question me rappelle beaucoup le sentiment de l’imposteur que j’ai eu dans mes débuts d’expérimentation au niveau de mon orientation sexuelle et de mon identité de genre. Je n’ai pas nécessairement de solution facile pour toi à ce niveau, mais je peux te dire ceci : les parcours des personnes queer sont multiples. Il y a autant de façons se vivre sa queerness que de personnes queer car toustes les personnes queer sont uniques ! Beaucoup d’entre elleux passeront par une période de questionnement, tout comme toi. Il n’y a pas « une » façon de vivre une transition ou des questionnements. Malgré qu’il est encore possible d’observer des phénomènes de « gatekeeping » dans la communauté queer, je crois quand même qu’il faut se rappeler qu’un bon nombre d’entre nous est passé par une période moins assumée, et que le fait de l’être plus ou moins ne te rend pas moins queer, ou moins non-binaire.
Je te laisse cette ressource au cas ou tu crois que ça pourrait t’être utile : Suis-je non-binaire ? (pistes pour les personnes en questionnement) – La vie en queer
Pour terminer avec ta question concernant ta meilleure amie, je veux souligner que ta colère est tout à fait légitime. Faire des erreurs, ça arrive, mais tu as raison de dire que le fait qu’elle ne fasse pas d’efforts est irrespectueux. Je te laisse ici une question en lien avec la situation que tu mentionnes, et la réponse de Paul qui pourrait peut-être t’aider. Également, cette réponse d’Émilie pourrait t’aider si tu cherches des ressources à envoyer à ton amie pour qu’elle s’informe et comprenne mieux l’importance de faire des efforts au niveau de tes pronoms et prénom. Je t’encouragerais également à aller vers des ressources de ta région pour trouver d’autres personnes LGBTQIA2SP+, ce qui te permettrait de rencontrer de nouvelles personnes. Un nouveau départ, ça peut faire du bien ! Tu pourrais peut-être contacter la « Ligne Azur » (une ligne téléphonique française de soutien LGBTQ+ et prévention du suicide) pour voir s’ils connaitraient des organismes dans ta ville, ou juste pour discuter de ton expérience avec ton amie et ventiler un peu. L’association Fransgenre par exemple, modère un serveur Discord qui pourrait être intéressant pour toi.
Bon, je crois que pour l’instant, je vais te laisser lire ma réponse, mais si tu as d’autres questions, n’hésites pas à réécrire à AlterHéros ! J’espère sincèrement que tout cela va t’aider à trouver ce que tu cherches. Je suis de tout cœur avec toi et n’oublie pas de bien prendre soin de toi.
Zo (iel/elle), bénévole pour AlterHéros

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