#anxiété
#cannabis
#consommation
#désir
#drogues
#Kinsey
#libido
#orientation sexuelle
#pot
#weed
29 mars 2024

Cannabis et perte de libido... ne serais-je donc pas homosexuel ?

Jessica

Bonjour !
J’ai longuement parcouru le forum, ce qui m’a permit de relativiser sur la période que je vis actuellement. En cela, je vous remercie !
Le contexte : J’ai passé 3 années de scolarité dans une fac qui n’aboutit sur aucun diplôme. J’ai fait une première année, redoublée cette même année, finalement passé en deuxième année pour abandonner en milieu d’année. J’ai donc allongé mon CDI à 25h, et fait une petite introspection pour finalement entamé des études dans une autre fac qui m’intéresse énormément et qui je le pense, vont m’aller à ravir. Le seul bémol étant que je retourne en première année et que j’aurais 4 ans de plus que les nouveaux étudiants.
J’ai commencé à fumer de manière régulière du cannabis (c’est à dire tout les soirs, pratiquement) avec 2 amis. Parfois, on pouvait le faire en journée, mais c’était assez rare car je ne voulais pas arriver au travail défoncé, ou globalement avoir des interactions sociales sous substances (hormis avec les gens qui fumaient aussi). Par la même occasion, ma consommation de tabac à augmentée, au point de devenir régulière, mais régulée par certains « contexte ». C’est à dire que je ne fumais pas en journée, à part si j’étais avec des amis et que l’envie me prenait et pendant les pauses au travail. L’envie de fumer apparaissait majoritairement dans le milieu social, donc, ou le soir lorsque j’étais seul, et bien sûr lors des soirées alcoolisés. Durant cette période, j’ai énormément fréquenté le logiciel « tinder » pour rencontrer des filles. Ne fréquentant plus la fac, et me cantonnant à mon milieu social habituel (travail) je n’avais pas vraiment l’occasion de rencontrer des prétendantes et cette appli était pour moi le moyen parfait de satisfaire ma libido ma foi débordante !
Récemment (un peu plus de deux semaine) j’ai brusquement stoppé la prise de cannabis. Et depuis 5 jours, j’ai arrêté la clope. Tout cela coïncide entre autre à une blessure au genou qui m’a stoppé dans ma récente reprise de sport (ce qui m’avait enchanté…). Enfin, il faut savoir que j’avais rencontré une certaine fille sur Tinder, et qu’elle est très vite devenu très importante pour moi. Je ne jurais que par elle, rendant caduque les autres femmes, me faisant stopper tinder. Malheureusement, elle quitta ma ville il y a 3 semaines, et pensant entamer une relation à distance ou au moins garder contact je me heurtais à la dure réalité de l’ignorance la plus totale venant d’elle. J’ai pas mal ruminé mon dépit dans un mélange de jalousie (elle en a peut être rencontré un autre ?), d’un peu de tristesse pour finir par ressentir une indifférence tinté d’orgueil.
Le problème débute il y a environ une semaine : Sans crier gare, sans aucune logique déclencheur je me met à penser « Et si tu étais gay ? ». Je précise tout de suite, je n’ai absolument aucun problème avec l’homosexualité. Pour moi, être gay n’est pas synonyme d’anormalité.
Le problème étant que cette question s’éleva un peu au « mauvais moment ». Car sur mes 2 semaines d’arrêt total du cannabis, cela fait une semaine que je me sens d’humeur dépressive et anxieuse. Au même moment, ma libido a chuté de manière alarmante (pas d’excitation, ni d’attirance très marquée envers l’autre sexe). Et cette question sur mon orientation sexuelle, n’a cessée de tourner comme étant la réponse à ma perte de libido. Comprenez : je n’ai pas « peur d’être gay », mais cette perspective ne m’attirant pas, je dois avouer que j’en souffre. Je m’incite à regarder les hommes, à regarder leur corps, à essayer de jauger si ils m’attirent ou pas. Je n’ai aucun problème à trouver un homme beau ou « classe », que ce soit au niveau du physique ou de la gestuelle. Mais « dans les faits », je ne suis pas attiré. Cela n’éveille pas en moi de désir ou d’attirance particulière.
Le problème, c’est que cet espèce de stress ambiant, qui me fait douter de mon attirance dès qu’un homme que je juge « beau » interagis avec moi est assez embêtant.
D’autant que j’ai rencontré une fille (pas via une appli haha), on s’est vu 3 fois le weekend dernier elle avait ses règles et nous n’avons pas couché ensemble, mais elle m’a fait plusieurs fellation que j’ai beaucoup apprécié, et elle arrivait sans aucun effort à me faire avoir une érection. Je l’ai vu hier, et là, le stress d’être attiré par les hommes étant présent (plus la libido en berne) m’a empêché d’avoir une envie de coucher avec. Je lui ai immédiatement parlé de tout ça car je suis quelqu’un qui assume ce qu’il ressent et elle ne l’a pas mal prit. Nous nous sommes embrassées, blottit, bien que le stress me rendait gêné, ce n’était pas désagréable (et je me suis même senti assez léger en repartant).
Par ailleurs, c’est dernier temps j’ai fait quelques rêves avec du sexe, et c’était toutes des femmes (dont une de mes amies).
J’ai pu lire qu’il était tout à fait normal de trouver beau, ou d’apprécier les comportements du genre qui ne nous attire pas (je pense que c’était un des points qui me faisait psychoté donc honnêtement ça m’a un peu rassuré), mais tout de même, je ne comprend pas pourquoi ce genre de questionnement intervient. Je n’ai jamais eu de rapport homosexuel, d’ailleurs cela ne m’a jamais attiré. J’ai toujours était attiré par les femmes, je fantasmais même plus jeune sur des personnages féminins fictif (bd, jeux vidéo…). Je me rappelle même avoir créé une sims, hyper sexualisée selon mes préférences uniquement pour me masturber dessus étant plus jeune ! (la honte cette anecdote hahaha). D’ailleurs, j’ai bien souvenir de la première fille dont je suis tombé fou amoureux, c’était en cm2 ! J’ai beau fouillé dans mes souvenirs, aucun homme ne m’a jamais attiré.
Bien que la question sur mon orientation sexuelle est déjà intervenue 1 ou 2 fois dans ma vie d’adolescent, elle ne m’a jamais troublée outre mesure et n’a jamais altérée mon désir envers la gente féminine. Pourriez-vous s’il vous plait, commenter mon « témoignage » pour m’aider à comprendre mes questionnements ? La perte de libidio, mon état anxieux/un peu dépressif sans doute dû à l’arrêt de prise de substance est-il un facteur qui alimente mon questionnement ?
Merci de prendre le temps de me lire et de me répondre.
Cordialement.
 
 

Bonjour Martin !

Je suis heureuse d’apprendre que le forum d’AlterHéros t’a été utile jusqu’à présent et je te remercie pour ton témoignage.

Divers événements se sont récemment succédé dans ta vie. Un changement de cap au niveau professionnel, l’arrêt d’une consommation quotidienne de cannabis et de tabac, l’arrêt du sport suite à une blessure du genou, puis le départ d’une fille que tu aimais bien. Cette succession de bouleversements t’a placé dans une humeur que tu qualifies d’anxio-dépressive et tu constates en outre une diminution importante de ta libido. De façon concomitante, tu te demandes s’il est possible que tu sois homosexuel – malgré le fait que tu n’aies jamais eu de désirs ou fantasmes impliquant des hommes, ni de rapports sexuels avec ceux-ci. Tu te demandes si ce que tu as vécu récemment aurait pu alimenter ce questionnement.

Tout d’abord, en ce qui concerne la consommation de substances, il est possible qu’à la suite d’une consommation quotidienne ayant duré quelques semaines (pour le tabac) et quelques mois (pour le cannabis), certains effets de sevrage se fassent ressentir à l’arrêt – notamment : anxiété, nervosité, humeur dépressive. Ces effets durent généralement une ou deux semaines pour le cannabis ; deux ou trois pour le tabac (selon le DSM-V). Les symptômes que tu rapportes sont donc peut-être liés au sevrage, d’autant plus que tu es dans l’impossibilité de faire du sport et que l’activité physique a généralement un effet positif sur l’humeur. Tes symptômes, donc, s’ils sont en lien avec le sevrage et l’inactivité physique, devraient s’estomper avec le temps et la reprise du sport. S’ils persistent et t’occasionnent une souffrance significative ou ont un impact marqué sur ton fonctionnement quotidien, je t’inviterais à consulter un.e professionnel.le de la santé qui pourra te venir en aide – un.e psychologue, un.e médecin.

Sur le plan du questionnement lié à l’orientation sexuelle, tu l’as toi-même mentionné, il est normal d’apprécier certaines caractéristiques d’un autre humain, sans que cela soit nécessairement en lien avec de l’attirance sexuelle. J’ajouterais aussi qu’il est normal de vivre des fluctuations au niveau de la libido, que celle-ci ne soit pas toujours « débordante », pour reprendre tes mots. Lorsque l’on se sent anxieux, déprimé ou nerveux, il est possible de ne pas avoir envie d’avoir des rapports sexuels. Ensuite, une chose en entraînant une autre, il est normal de se questionner sur ce qui nous attire lorsque l’on fait face à une baisse de désir – pourquoi est-ce que je vis cette diminution de ma libido ? Est-ce que je pourrais la retrouver en explorant autre chose ?

Tu nommes toujours avoir eu des fantasmes, désirs et comportements hétérosexuels – lorsque tu explores tes souvenirs, tes rêves, tes envies ou que tu recenses tes expériences passées, ceux-ci impliquent toujours une personne du sexe opposé. L’homosexualité se définit pour sa part comme l’attirance romantique, amoureuse et/ou sexuelle envers des personnes du même sexe (j’imagine que je ne t’apprends rien ). Les différents indices que tu me rapportes en lien avec ton orientation sexuelle ne semblent donc pas, à mon sens, cadrer avec cette définition.

Je comprends néanmoins que tu te questionnes sur ce qui aurait pu alimenter cette pensée chez toi. J’ai diverses pistes de réflexion à te proposer. L’une d’elles serait qu’effectivement, les bouleversements que tu as vécus t’aient fait vivre de l’anxiété, ce qui aurait eu un impact de diminution sur ta libido, et conséquemment, que cette diminution ait favorisé l’émergence de questionnements. Le départ d’une personne que l’on apprécie, le sevrage d’une substance, une blessure au genou… Il est clair que rien de tout cela ne peut nous faire « changer » d’orientation sexuelle. Il est toutefois possible que ces difficultés t’aient amené à prendre du recul sur ta vie, à te poser certaines questions.

Une explication alternative serait qu’il est tout simplement normal, courant et même sain de se questionner sur notre orientation sexuelle. Rien de mal là-dedans ! Parfois, il n’y a pas de raison. Cela arrive, c’est tout. Apprendre à se connaître, questionner nos préférences, faire un petit exercice d’introspection… Pourquoi pas ? Cela fait partie du développement.

  Je suis sensible au fait que cela te fait souffrir de devoir jauger ton niveau de désir lorsque tu interagis avec un homme. Tu dis que cela te fait souffrir car cela te stresse. Puis-je t’inviter à te questionner sur ce qui te stresse plus exactement ? Ressens-tu une pression à évaluer « ta potentialité d’être homosexuel » ? Tu sais, le « pire » qu’il puisse arriver si tu constates qu’un désir est présent, c’est que ton désir demeure au statut de fantasme (certains fantasmes sont présents dans notre tête et nous excitent, sans nécessairement que nous ayons besoin de les concrétiser), ou encore que tu ressentes l’envie de vivre de nouvelles expériences. Je suis consciente que l’acceptabilité sociale de l’homosexualité n’est pas la même dans tous les milieux. Chez toi, es-tu en mesure de t’accorder le droit d’expérimenter certaines choses ? Une relation ou une aventure avec un homme ne te « rendra » pas homosexuel. C’est beaucoup plus complexe que ça ! Et, de toute façon, si tu en venais à découvrir que l’homosexualité te représente plus que l’hétérosexualité, ce ne serait pas non plus un problème en soi – c’est une orientation sexuelle tout aussi valable que les autres.  Entends-moi bien, je ne veux pas t’inciter à essayer des choses pour lesquelles tu n’aurais aucun intérêt ; seulement relativiser un peu le tout.

Je vais conclure en te proposant de jeter un coup d’œil à l’échelle de Kinsey :

Comme tu le vois, entre exclusivement hétérosexuel et exclusivement homosexuel, il y a plusieurs nuances et variations possibles. Pourrais-tu te retrouver quelque part sur cette échelle ?

Petite note en terminant, Kinsey place l’orientation sexuelle sur un continuum (yay !), ce qui élargit quelque peu les possibilités et nous fait sortir de la conception catégorique et dichotomique de l’orientation sexuelle. Son échelle me semble toutefois plutôt binaire et ne fait pas mention, notamment, de la pansexualité (meh). Je n’irai pas plus loin sur ce terrain (bien que très intéressant) puisqu’il n’est pas directement lié à ta question. Si tu désires en savoir plus, nous serons là pour t’aiguiller !

J’espère avoir été en mesure de t’accompagner dans ta réflexion, cher Martin. Je te remercie pour la confiance que tu as accordée à l’équipe Parlez-en aux experts et je te souhaite tout le meilleur pour la suite.

Jessica, B.Sc., doctorante en psychologie pour AlterHéros

Similaire