#mère
#père
#professeure
#Suicide
#terme
#vie
10 septembre 2008

Témoignage - Le suicide de mon père

Qu’est-ce que le suicide? C’est l’acte de mettre un terme à sa propre vie, de sa propre volonté.

Certains diraient que c’est un acte égoïste, car vous mourrez et blessez plusieurs autres personnes. On est jamais seul, alors il est utopique de croire que l’on peut mourir sans blesser personne.

On ne peut pas plaire à tout le monde.

AlterHéros

Ultimement, on devrait avoir le droit de disposer de notre vie comme bon nous semble. Évidemment, la réalité est tout autre.

Est-ce qu’ils veulent vraiment se suicider? Parfois oui, mais parfois non : plusieurs ne souhaitent que rater leur suicide dans un ultime message d’aide qu’ils n’arrivent pas à exprimer.

Le suicide n’est pas un terme à utiliser à la légère. Il est plus complexe que simplement mettre un terme à sa vie…


La première fois que j’ai entendu parler de suicide, ce devait être un documentaire à la télévision, mais cette partie est sans importance. Ce qui l’est plus c’est quand la première fois que j’en ai entendu parler dans mon entourage.

C’était la soirée de rencontre parents-professeurs. Ma mère étant trop occupée, c’est mon père qui s’y est présenté. Je n’avais pas oublié que la professeure voulait que je sois présent, mais j’avais peur des commentaires et des critiques.

Il faut dire que je n’étais pas du tout populaire à l’école. En fait j’étais même la cible à abattre à coup d’insultes et de blagues douteuses. Et ce depuis la première année (un petit môme à lunettes en pantalons jogging)

Au retour de mon père dans la voiture, je n’ai pas résisté à l’envie de savoir ce que la professeure avait dit. La réponse fut un choc qui me fit haïr ma professeur pendant plusieurs années : que j’étais un cas suicidaire.

C’est seulement depuis quelques années, quand j’étais encore au collège, que j’ai appris que ce n’était pas le commentaire de la professeur, mais de mon père qui me l’a avoué durant une chicane quelconque.

Je n’avais pas compris tout le sens du suicide dans le temps et le temps passait, j’ai appris à me refermer sur moi, alors l’aveu n’a pas vraiment fait de vague dans mes sentiments, mais en a fait tout une dans l’estime déjà faible que j’avais de mon père autoritaire qui perdait déjà des plumes.


Quelques années plus tard, encourageant ma mère à quitter mon père pour qu’elle soit plus heureuse et qu’il voit ce qu’il avait à perdre (surtout que ça faisait déjà 3 fois qu’elle le quittait, mais revenait quand même après qu’il l’ait jeté dehors une bonne dizaine de fois – Amour ou peur de la solitude?).

Étant déjà très buveur, ça n’a pas aidé. Moi, j’avais déménagé dans un petit 1½, qui s’est avéré infesté de blattes, à la suite d’une grande engueulade avec mon père. J’aurais pu y vivre quand même, mais je préférais revenir à la maison aider mon père à supporter l’épreuve.

Un soir, mon père voulait parler à ma mère, ne connaissant pas le numéro d’où elle s’était réfugiée, c’est mon frère qui téléphona. Ce fut le répondeur. Plus tard, ivre mort, il rappela par la recomposition automatique et laissa des menaces de mort sur le répondeur… le répondeur de la soeur à ma mère… envers les enfants de celle-ci.

Il était en colère après la soeur, car elle hébergeait sa femme «en fuite». Certes ça ne justifie pas des menaces de mort et encore moins envers les enfants. Déjà qu’il n’avait pas la cote dans la famille à ma mère, ce fut le coup de grâce.

Quelques jours plus tard, il reçut un avis demandant de se présenter en cour, de la main d’un policier, venu à sa porte, au moment où il était sobre. Ce fut un choc. Il en pleurait, radotant que jamais il ne toucherait un enfant et encore moins le tuerait. C’est vrai : Il y a eu quelques maladresses envers ma mère qui avaient laissé des blessures, quelques tapes «règlementaires d’éducation» envers ses enfants, mais jamais graves.

Note à côté : les altercations avec moi ou mon frère, alors que je fréquentais le collège, étaient relativement différentes. Durant des querelles, il arrivait souvent qu’on se pousse ou qu’on se mette à lutter et il m’a déjà lancé une chaise. J’ai appris à faire attention aux réactions des gens, même celles qu’on connait comme étant non violentes, on ne sait jamais ce qui peut arriver, mais il n’est jamais arrivé rien de grave. Il se sentait dépassé et qu’il n’avait plus d’autorité sur nous, et étant «ieux jeu», il nous craignait.

On a essayé de faire annuler la demande du tribunal en discutant avec la soeur de ma mère, mais je comprenais aussi ses raisons de refuser de retirer sa plainte. Mon père de son côté radotait qu’il n’aurait jamais fait ça, qu’il ne voulait pas passer en cour, qu’il regrettait ses agissements… et le connaissant, c’était vrai.

Une soirée, j’allais avec des amis au cinéma. Mon père était dans le salon avec un voisin et mon frère, tout allait bien. Puis à la fin du film, j’ai été chez un des amis avec qui j’avais été au ciné. 15 minutes plus tard je reçois un appel de mon frère : « Pa est mort! » Annoncé comme ça, l’information prit du temps à se rendre.

Je suis rentré chez moi aussitôt. La police était là, mais pas d’ambulance, elle était déjà partie. Mon père s’était pendu dans la cave, mon frère l’a retrouvé après avoir été faire un commission pour lui. Mon frère a été assez courageux pour essayer de le décrocher seul pendant que sa copine appelait le 9-1-1.

C’est arrivé deux semaines avant Noël. Il avait payé toutes les factures et fait une épicerie (ce qu’il ne faisait pas trop depuis le départ de ma mère). Considérait-il cela comme un cadeau de Noël? «Vous serez mieux sans moi. Vous me détestez.» ont été des phrases qu’il nous avait déjà dites et que nous avons niées avec force.

Il avait fait plusieurs tentatives de suicide auparavant, mais il n’a jamais cherché d’aide et nous ne pouvions rien faire. Il avait dû faire quelques thérapies de groupe pour sa dépendance à l’alcool, mais il avait laissé tombé. Dans le bordel que mon frère l’avait trouvé, le fil était entremêlé et le tout vite fait : avait-il souhaité rater encore une fois?

Aux funérailles, j’ai mis du temps avant de pleurer. Ce n’était pas de la tristesse, mais de la colère. Je le comprenais, il devait se sentir libéré de ses vices et de son tourment. Je ne me sentais pas coupable de ne pas l’avoir plus aidé. Mon père, pour moi, était mort il y a bien longtemps quand il rentrait à la maison et à peine quelques minutes arrivé, il était déjà saoul et en quête de conflit. Néanmoins, je regrette la perte du père de mon enfance qui n’a pas su me marquer autrement que par cette phrase : «Que tu es un cas suicidaire.» Je suis certain qu’il y avait de meilleurs souvenirs.

Similaire