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17 mars 2024

Si mon coming-out avec ma mère se passe mal, est-ce que je peux légalement aller vivre chez mon père?

Je vous remercie pour votre réponse à mes questionnements précédents mais maintenant j’aimerais savoir si il y a possibilité que si mon C.O avec ma mère (j’attend vraiment d’être prêt.e à 100% pour lui annoncer) se passe mal, je pourrais vivre chez mon père? Sachant qu’officiellement, civilement, je n’ai pas de père? J’aurais bientôt 18 ans, est-ce que si j’en décide moi même, on pourrait l’accuser de kidnapping? J’ai déjà penser à m’en allait mais je sais que je lui ferais de la peine, mais en même temps, je sais déjà que si je lui fais mon C.O je serai une honte pour elle et je ne veux plus la voir éviter mon regard….Je suis perdu.e je n’arrive pas totalement à en parler avec ma psy car je me sent toujours très stressé.e quand je lui parle et elle ne connait pas très bien tout ce qui est LGBT++….
Pouvez-vous m’aider et m’éclairez?

Merci d’avance

Sam

Guillaume Perrier

Salut Sam!

Merci encore une fois pour la grande confiance que tu accordes envers AlterHéros! Je suis heureux de lire que notre première réponse a été appréciée! Il est complètement compréhensible que l’idée de faire un coming-out alimente une foule de questionnements et de différentes réflexions. C’est aussi tout à ton honneur de réfléchir à différents scénarios lorsqu’on n’est pas certain.e.s nécessairement de la réaction de nos proches… ce qui est le cas de la majorité d’entre nous! Conséquemment, si je comprends bien ta nouvelle question, tu te demandes si tu aurais légalement le droit d’aller vivre chez ton père (alors que civilement, cette personne n’est pas reconnue comme un tuteur légal). Tu crains que ton père soit par exemple accusé de kidnapping si tu choisissais l’option d’aller vivre à ses côtés. Tu nommes également ta crainte de faire de la peine à ta mère, ou même de lui créer un sentiment de honte. Tu précises également ressentir un grand stress à l’idée de discuter de ce sujet de coming-out auprès de ta psychologue, car celle-ci ne semble pas bien informée des enjeux LGBTQIA+. Est-ce que cela te semble un bon résumé de ta situation?

D’abord, je tiens à préciser qu’un coming-out est quelque chose de très personnel et qui peut différer d’une personne à l’autre. Rappelons-nous, d’une part, qu’il n’est pas obligatoire de faire un coming-out à qui que ce soit, notamment si on ne se sent pas confortable ou en sécurité d’en faire un. D’autre part, rappelons-nous que tu demeures la principale personne concernée par ce coming-out et qu’en ce sens, tu es l’expert.e de ta propre situation! Ce que je veux dire par ici, c’est que tu es la meilleure personne pour déterminer toutes les modalités entourant un coming-out et de déterminer, en fonction de ton propre sentiment de confort, ce que tu souhaites partager, la façon de le faire, l’endroit, etc.

Maintenant, discutons famille si tu me le permets! Tu adresses des enjeux liés aux lois françaises. Or, comme tu le sais probablement, AlterHéros est basé au Canada. Nos connaissances sur le droit de la famille en France sont ainsi limitées. Néanmoins, je vais tenter une réponse en fonction des différentes recherches que j’ai réalisées sur le contexte français concernant «l’émancipation d’un.e adolescent.e» ou sur les droits acquis au moment d’atteindre 18 ans. Je t’encourage néanmoins à discuter de cette situation avec une association de défense de droits des jeunes LGBTQ+ en France, comme l’association C’est Comme Ça ou la Fondation Le Refuge afin de valider les informations que je te transmets aujourd’hui.

D’abord, l’information la plus facile est celle concernant tes droits lorsque tu atteins l’âge de 18 ans. Lorsque tu as 18 ans, l’autorité parentale prend fin. C’est aussi simple que cela! Est-ce que cela signifie qu’il n’y a plus aucune responsabilité de part et d’autre? Pas du tout. Par exemple, si tu habites encore chez ta mère, elle est entièrement dans son droit d’exiger un partage des tâches domestiques, et c’est également sa responsabilité de subvenir à tes besoins tant et aussi longtemps que tu es à l’école et que tu habites chez elle. Toutefois, si tu décides d’aller vivre avec ton père à partir de tes 18 ans, sache que c’est tout à fait dans tes droits! À 18 ans, tu es légalement apte de prendre n’importe quelle décision : ce qui implique le fait d’aller vivre chez ton père sans que celui-ci ne soit accusé de quoi que ce soit. Ensuite, à partir de l’âge de 16 ans, il est aussi possible de s’émanciper de la tutelle parentale. Il faut suivre une certaine démarche, mais ce n’est pas impossible. Tu peux lire davantage à ce sujet dans cet article. Mais en bref, c’est une décision qui t’appartient et dont ton père ne peut être accusé de rien du tout à cet égard.

Concernant le coming-out non-binaire et la réaction de ta mère, je ne désire point répéter ce que mes collègues auraient déjà articulés dans la précédente réponse à ton égard, mais je désirais tout de même te partager toute ma solidarité à cet égard. Partager ce genre d’informations super intime peut être terriblement stressant! Et également tellement soulageant… Et concernant la réaction de ta mère, il est effectivement difficile de prévoir. Parfois, les parents les plus ouverts d’esprit sont ceux qui ont la réaction la plus conservatrice, et parfois les parents dont on craignait la réaction sont ceux qui réagissent le mieux. Bien qu’il soit difficile de prédire leurs réactions, c’est tout à ton honneur de réfléchir à des stratégies si cela se passe mal, comme le fait de pouvoir compter sur ton père ou même de contacter Le Refuge le plus près de chez toi qui assure l’hébergement d’urgence en France aux jeunes de 14 à 25 ayant quitté le foyer familial en raison d’enjeux liés à leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. Quand je repense à ma propre expérience de coming-out, ce que j’avais le plus peur, en y repensant, n’était pas nécessairement la honte de mon père ou de ma mère, mais bien ma propre honte de ne pas correspondre au modèle cis-hétéro-normatif dominant. Et il a fallut que je fasse ce travail personnel avec moi-même et avec mon cercle d’ami.e.s proches pour apprendre à être fier de qui j’étais, dans toute mon unicité et ma complexité! Et finalement, je ne peux pas dire que mon coming-out s’est  »bien passé » auprès de ma famille lorsque j’avais 16 ans, mais je peux néanmoins témoigner qu’aujourd’hui, ma famille décore mes gâteaux d’anniversaire avec les couleurs de l’arc-en-ciel de la fierté LGBTQ+… Comme quoi des parents peuvent faire du chemin aussi. 🙂 Mais au final, je comprends entièrement ta volonté de ne pas blesser ta mère, mais je t’invite à te concentrer sur tes propres besoins : tu n’as pas choisi qui tu es, tu choisis simplement de le dévoiler en mettant des mots sur ta propre réalité et ta propre identité. Tu n’es aucunement responsable de la réaction que ta mère peut avoir à ce sujet, tu n’es pas responsable du malaise des autres. C’est tout un défi de naviguer ces réactions familiales, mais c’est également tout à ton honneur de t’entourer de personnes qui t’appuient dans ces démarches et qui valident ton identité. Je suis également heureux de savoir que tu peux compter sur ton père dans ce processus.

Enfin, je comprends également ton hésitation de parler avec ta psychologique de ton identité de genre et des craintes associes à un coming-out. Écoute ton instinct à ce sujet… Mais avant de te dévoiler aux côtés de cette psychologue, tu peux également lui demander directement si ses services sont offerts aux personnes LGBTQ+. En fonction de sa réponse, tu pourras analyser ton degré de confiance à lui en parler davantage. Et au besoin, pourquoi ne pas changer de thérapeute? En effet, il est possible d’écrire à l’association LGBTQ+ la plus près de chez toi pour connaître leurs services et te renseigner sur leurs propres recommandations de psychologues qui sont LGBTQ+ friendly. Qu’en penses-tu?

J’espère que tout cela a pu t’éclairer un peu dans tes réflexions! Je t’encourage à nous écrire à N’IMPORTE QUEL MOMENT ! Nous serons là ! C’est vraiment un plaisir de discuter avec toi et je croise tous les doigts de mon corps à ce que la suite des choses se fasse tout en douceur pour toi.

Un petit rappel qu’il est possible de lire cette réponse de maon collègue Séré, iel-même non-binaire, juste ici : Comment faire mon coming-out non-binaire à ma famille?

Au plaisir,

Guillaume, pour AlterHéros

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