Rôles de l'intervenant - comment parler d'orientation sexuelle avec un groupe de jeunes ?
Comment parler d’orientation sexuelle avec un groupe de jeunes ? Quels sont les rôles de la personne intervenante dans cette situation?
Rôles de l’intervenant
Les principales mesures à prendre pour réduire les facteurs de risque associés au suicide chez les jeunes gais, lesbiennes et bisexuels consistent à briser leur isolement et à les aider à acquérir une attitude positive face à leur orientation sexuelle.
(Ryan, 2000)
Il n’est pas toujours facile de parler d’orientation sexuelle avec un groupe de jeunes. L’intervenant doit d’abord se familiariser avec la question de l’orientation sexuelle, sa diversité, ses enjeux afin d’être plus à l’aise avec le sujet. Plusieurs opportunités lui sont offertes :
Activités de préparation pour l’intervenant
- Examiner ses propres valeurs, ses attitudes et ses croyances en regard de la sexualité et envers les orientations sexuelles et l’homophobie;
- Se documenter sur la réalité gaie, lesbienne et bisexuelle en lisant différents documents – livres, magazines et en regardant des films;
- Inviter les ressources pour jeunes GLB (AlterHéros, Projet 10, Interligne, etc.) à rencontrer les différents intervenants de son milieu;
- Échanger avec d’autres intervenants sur les actions réussies et sur les difficultés rencontrées.
L’intervenant aura à interagir avec les jeunes dans le cadre d’activités planifiées mais aussi de façon ponctuelle dans un corridor, dans la cour d’école, dans une unité, durant la pause, lors d’une sortie de groupe, etc. C’est à l’enseignant ou à l’intervenant de veiller à ce que chacun fasse preuve d’une ouverture d’esprit et de respect de la différence. Cela implique d’être cohérent et conséquent dans ses interventions pour appeler le changement d’attitudes et de comportements.
Valeurs, attitudes et croyances concernant ses propres convictions en regard de la diversité des orientations sexuelles et de l’homophobie
L’intervenant doit se questionner à partir des affirmations suivantes :
- Il est important de contrer l’homophobie;
- Ça ne me dérange pas qu’un de mes collègues soit homosexuel;
- Ça ne me dérange pas d’apprendre qu’un de mes amis est homosexuel;
- Je me sens à l’aise dans un groupe d’homosexuels;
- Lorsque j’entends des commentaires homophobes, j’interviens;
- Je suis à l’aise d’aborder le sujet de l’homosexualité avec des jeunes;
- Ça ne me dérange pas de traverser un quartier à prédominance gaie;
- Tous les élèves ont le droit de se sentir en sécurité à l’école (à la maison de jeunes, au centre jeunesse, etc.);
- Dans mon établissement, les jeunes GLB ne vivent pas de discrimination;
- En tant qu’enseignant ou intervenant, je m’assure que tous les élèves soient traités de la même façon, quelle que soit leur origine ethnoculturelle ou leur orientation sexuelle.
Concrètement, dans ce dossier, le rôle de l’intervenant consiste à:
- Stimuler et encourager les jeunes à verbaliser leurs réflexions, leurs interrogations, leurs craintes et leurs peurs concernant l’orientation sexuelle et ce, dans un langage adéquat et dans le respect;
- Créer un environnement permettant de briser le silence sur les réalités des personnes GLB; être attentif aux difficultés créées par l’invisibilité des personnes homosexuelles et bisexuelles, par l’hétérosexisme et par l’homophobie; cerner toutes leurs implications3;
- S’assurer d’accorder autant de place aux réalités lesbiennes que gaies;
- Accompagner les jeunes vers une prise de conscience des conséquences de l’homophobie et les amener à faire preuve d’ouverture d’esprit, de compréhension face aux personnes quelle que soit leur orientation sexuelle (Durocher et Young, 2000-2001);
- Être disponible pour les jeunes. Le fait de s’afficher en tant qu’allié et de rendre accessible et visible l’information concernant l’homosexualité peut inciter le jeune à s’ouvrir sur ses questionnements et son vécu par rapport à sa sexualité;
- Être prêt à accueillir et à écouter sans juger un jeune qui déciderait de confier ses questionnements face à son orientation sexuelle ou à l’acceptation de celle-ci. Connaître les services offerts aux jeunes GLB de sa région et les référer au besoin;
- Référer, s’il y a lieu, les jeunes GLB à des intervenants psychosociaux;
- Intervenir lors de commentaires ou de comportements hétérosexistes ou homophobes;
- Informer la direction de l’école, du centre jeunesse, de la maison de jeunes, etc. de toute discrimination ou acte de violence, dont la violence homophobe;
- Bien évaluer d’abord les besoins du milieu et des groupes de jeunes afin d’intervenir de façon adéquate et constructive;
- Offrir des modèles positifs. Les intervenants peuvent souligner l’homosexualité de personnalités importantes de l’histoire de l’humanité lorsqu’il est question de celles-ci dans le cadre de leur enseignement.
Les intervenants psychosociaux
Les intervenants psychosociaux, tels les travailleurs sociaux, les éducateurs, les psychoéducateurs, les sexologues, etc., devraient être sensibilisés et formés pour faire du counseling auprès des jeunes GLB dans une compréhension globale de leur vécu, de leur questionnement et de leur détresse. Ces mêmes intervenants devraient intervenir afin d’enrayer les comportements négatifs des personnes homophobes. Pour réaliser ces actions, les intervenants peuvent, entre autres, assister à des formations, réfléchir sur leurs propres attitudes et se renseigner par le biais de la littérature.
Les intervenants hétérosexuels
Il n’est pas toujours aisé pour les membres homosexuels du personnel de faire leur coming out en milieu de travail. Les intervenants hétérosexuels peuvent contribuer à un climat ouvert et respectueux en s’affichant en tant qu’allié. Ainsi, ces intervenants sensibilisés aident leurs collègues GLB à mieux vivre leur orientation sexuelle en créant un milieu sécuritaire et favorable et en offrant aux jeunes un modèle positif d’adulte ouvert aux différences.
Existe-t-il un rôle spécifique pour l’intervenant homosexuel en milieu jeunesse ?
Actuellement, peu d’intervenants homosexuels parlent de leur homosexualité, même auprès de leurs collègues. Ce silence s’explique facilement par leur crainte, souvent fondée, des réactions négatives de la part des élèves ou de leurs parents, des collègues et des membres de la direction. Toutefois, ce silence pourrait signifier aux jeunes qu’il est préférable de taire son orientation sexuelle plutôt que de s’affirmer. En fait, divulguer ou non son orientation sexuelle demeure le choix personnel de chaque intervenant. Les questions suivantes peuvent toutefois alimenter la réflexion de chacun :
- Le monde scolaire et les milieux jeunesse ne devraient-ils pas offrir des modèles homosexuels positifs ?
- Quel est l’impact du silence des intervenants homosexuels sur l’image qu’ont les jeunes de l’homosexualité ?
- Pour quel(s) motif(s) un intervenant souhaite-t-il faire son coming out en milieu jeunesse ?
- Quelles seraient les conditions favorables au coming-out d’un intervenant en milieu jeunesse ?
- Ce coming-out ne devrait-il pas être motivé uniquement en fonction du meilleur intérêt de la clientèle desservie?
- Quelles seraient les réactions des collègues de travail, des jeunes et de leurs parents par rapport au coming out d’un intervenant homosexuel en milieu jeunesse ?
Ainsi, chaque intervenant est entièrement libre de référer ou non à sa vie privée dans le cadre de ses relations avec les jeunes. Cette liberté s’étend d’ailleurs à ses collègues, supérieurs et subalternes.
Le vocabulaire
L’intervenant doit prêter une attention toute particulière à son vocabulaire. Lors d’interactions ou de discussions avec des jeunes, des collègues ou des parents, il est important d’utiliser un langage adéquat. « Il faut savoir quels sont les mots et expressions que l’intervenant et les jeunes peuvent utiliser (« gai », « lesbienne », « homosexuel-le », « bisexuel-le ») et quels sont ceux qui entretiennent des préjugés comme « tapette », « fifi », « folle », « gouine », « pédé », etc. » (Durocher et Fortier, 1999, p. 6). De façon générale, il convient d’utiliser des mots positifs : parler d’amour, du respect des autres, d’égalité, de différence, de diversité, de liberté, d’ouverture d’esprit. Il s’agit de faire disparaître le sentiment de malaise ou de honte vécu par certains jeunes gais, lesbiennes ou bisexuels.
Afin de réduire certaines ambiguïtés, il est également suggéré d’utiliser un langage non empreint d’hétérosexisme. Par exemple, le mot « partenaire » est à préconiser au lieu de « chum », « blonde », « conjoint » ou autres, parce qu’il est neutre. L’intervenant peut aussi faire comprendre aux jeunes que le mot « couple » fait autant référence à un homme et une femme qu’à deux hommes ou deux femmes. Le mot « famille », quant à lui, désigne une entité formée par un ou des parents, de sexe opposé ou de même sexe, et de leur(s) enfant(s), que ceux-ci soient biologiques ou adoptés. « Ce genre de nuances dans le langage a l’avantage de limiter les préjugés qui peuvent être véhiculés » (Durocher et Fortier, 1999, p. 6).
Direction de la Santé Publique de Montréal-Centre
Bibliographie
- DUROCHER, L., et M. FORTIER. Programme d’éducation sexuelle des Centres jeunesse de Montréal. Montréal, Le Centre jeunesse de Montréal, 1999, pag. variée.
- DUROCHER, L., et S. YOUNG. Guide de réflexion et d’intégration de la dimension de la sexualité dans l’intervention, Montréal, Le Centre jeunesse de Montréal, 2000-2001, 110 p.
- RYAN, B. « La honte d’être », La revue le Vis-à-vie, vol. 10, no 2, 2000, en ligne : http://www.cam.org/aqs/docs/vav/v10/v10n2-03.html