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24 août 2021

Je suis intersexe, mon partenaire est asexuel et je souffre beaucoup de ne pas avoir de relations sexuelles avec lui...

Bien le bonjour à vous,

 

Je viens vers vous afin de pouvoir mettre à l’écrit la situation de mon couple ainsi que ma situation personnelle sur le sujet des relations sexuelles, devenu difficile à supporter pour nous deux. Peut-être pourriez-vous nous éclaircir d’un point de vue extérieur, car en interne, la situation semble complètement bloquée.

 

Premièrement, présentation du sujet principal. Je suis en couple avec un homme trans asexuel depuis 3 ans, sans aucun rapport sexuel, ni préliminaires, et avec de très rares baisers effarouchés. La sensation de ne pas être désiré par son aimé et le manque d’estime de soi par l’absence de ce sujet naturel pour tout autre personne de mon entourage me pèse atrocement.

 

Mais c’est encore pire pour mon aimé: celui-ci a une véritable phobie du sexe, et il se met dans un état dépressif profond de ne pas apporter cette dernière partie à notre couple, parfait sur tous les autres points. Au point de faire des cauchemars où je le force, ou de vouloir se mutiler au niveau génital pour «avoir une bonne excuse».

Pourtant, je tiens à préciser qu’il n’a connu aucun traumatisme ( de type viol ou autre ), et que sa dysphorie est très légère ( aucune transition physique en vue, masturbation personnelle sans problème avec son sexe, et sa poitrine ne le gêne pas au point de se balader sans soucis en t-shirt large sans soutien-gorge ), alors même que son corps est superbe d’un point de vue féminin.

 

Pour ma part, la pression psychologique vient de l’accumulation. Je suis né avec une déformation génitale, avec opération à la naissance pour pouvoir disposer d’un pénis capable d’uriner, au moins. A l’adolescence, j’ai développé des caractères sexuels féminins, et cumulés avec des soucis au niveau dentaires, les médecins ont commencé à soupçonner un syndrome de Klinefelter, sans se louper. J’ai donc suivit un traitement hormonal, et ce fut tout. Si des questionnements sur mon genre se posaient déjà avant, je n’ai eu aucun soucis associés: je suis de base intersexe, je me suis développé en tant qu’homme, et j’ai une attirance pour les corps féminins, malgré de l’expérience dans le sexe entre homme, point.

Malheureusement, mes opérations ne suffirent pas; en développant ma vie sexuelle à l’adolescence, j’ai vite remarqué que je ne pouvais pas avoir d’érection sans douleur, ce qui m’empêchait d’avoir la moindre relation sexuelle. J’ai pourtant eu à cet époque une grande variété d’expériences, mais frustrantes dans leur non-accomplissement. Une fois majeur, j’ai entreprit toutes les démarches pour obtenir une dernière opération: un grand succès! Même si je me retrouve avec un petit engin couturé de partout ( affectueusement appelée ma «zombite» ), il n’en reste pas moins parfaitement fonctionnel et sans douleur.

 

Voilà que ma malédiction continue: mon premier couple après cette opération est avec un trans extrêmement dysphorique. S’il propose de lui-même quelques gâteries, il n’y a aucune possibilité d’aller au-delà, même en anal. Malheureusement, il n’y a également presque aucun sentiment, et un fort sentiment de stagnation sur tous les sujets de notre vie, ce qui sera fatal à notre couple après 2 ans de vie commune.

 

Comme de fait exprès, je tombe follement amoureux peu de temps après d’une véritable pépite; mon aimé actuel. Même si apprendre qu’il s’agissait encore d’un trans m’a grandement repoussé, ce n’était rien face à la superbe histoire que nous vivions, et que nous vivons toujours.

 

Mais me voilà à 26 ans, toujours puceau après 10 ans en couple quasiment sans interruption, grandement frustré par l’accumulation de malchance sur ce sujet.

 

Enfin, je tiens à préciser ce dont nous avons déjà discuté, à peu près tous les 6-9 mois, quand le sujet reviens à la charge. Avoir une amante, par exemple, ne règlerait pas la question; premièrement, j’ai beaucoup de mal avec le principe, et ensuite, c’est le fait que je sois sexuellement attiré par mon aimé qui le perturbe, ce qui ne changera pas, même si je n’en fait aucune mention et que mon corps a apprit depuis longtemps à ne pas réagir du tout.

 

Briser notre couple n’est également pas vraiment une option que l’on prend en compte. L’amour est toujours aussi fort, notre vie se combine parfaiteme

 

nt, et même si ce sujet nous perturbe, il reste secondaire face au reste. Sans oublier de mentionner que j’ai une peur bleue que le problème vienne de moi, avec mon passé, et que le futur amant de mon aimé n’ai aucun effort à faire; ça serait dommage de finir avec un double meurtre sur les bras.

 

Tenter de se «désensibiliser», dédramatiser, y aller pas à pas, tout ce qui a rapport avec le fait de «lui devoir faire les efforts» l’énerve. Même des préliminaires, des câlins un peu poussés, ou encore un massage, tout lui fait peur, tout est un risque que ça aille plus loin. Il aurait l’impression de «perdre quelque chose qu’il ne veut pas donner, de se briser, de ne pas être la même personne». Et en parallèle, il se dit à lui-même qu’il aurait pu dès le début s’y mettre de temps en temps ( surtout que j’ai une très faible libido, sans quoi je n’aurai jamais tenu ) , il se sent comme un putain d’égoïste de ne pas faire les efforts alors que je fais tout pour préserver notre couple, il considère qu’il mériterait à la place que je le trompe et/ou le quitte, dans une espèce d’autoflagellation.

 

Je ne sais maintenant ni comment aborder le sujet, ni quoi proposer pour éliminer ce dernier grain de sable entre nous. Je serai particulièrement reconnaissant si vous aviez des idées et solutions à partager.

 

Merci à vous pour votre patience!

Maxim-e

Bien le bonjour!

 

Merci beaucoup de nous avoir fait confiance et d’avoir exposé l’ensemble du contexte de la situation actuelle avec ton aimé (très joli surnom affectueux en passant!). Parfois mettre toutes ces choses ensemble par écrit permet déjà de prendre conscience de certaines choses, tu as bien raison 🙂

 

Voici en résumé ce que j’en comprends, de mon point de vue de personne extérieure : tu es heureux dans ton couple avec un autre homme, mais l’absence de relations sexuelles est difficile à vivre de ton côté. Ton copain est également affecté et a l’impression de ne pas pouvoir te combler. La rupture et la non-monogamie éthique ne sont pas des options auxquelles tu souhaites avoir recours. Tu aimerais donc arriver à poursuivre cette relation avec ton partenaire asexuel, sans compromettre tes propres besoins et désirs.

 

C’est définitivement une situation compliquée avec plusieurs aspects à prendre en compte. Je ne sais pas s’il y a une solution parfaite et facile, mais je peux essayer de réfléchir à quelques pistes avec toi.

 

Alors, ton aimé et toi avez tenté d’y aller tranquillement, étape par étape, mais cela n’a pas fonctionné. Je remarque dans ton explication que les difficultés ont ressurgit lorsqu’il y a eu une tentative de pousser pour aller plus loin. Est-ce que dans ces contextes tu as écouté ton partenaire, respecté ses limites, vérifié comment il se sentait? La communication est cruciale dans ces moments, et ton petit-ami devrait avoir la possibilité d’y aller à son rythme sans se presser. Peut-être que la toute première étape serait d’expérimenter avec l’intimité et la proximité physique/corporelle en explicitant clairement qu’il n’y a aucune attente de relation sexuelle ou de toucher génitaux. Cette première étape pourrait être moins intimidante pour ton copain. Je pense que cela pourrait aussi t’aider à combler tes besoins de contact physique et d’intimité romantique sans qu’il n’y ait de relations pénétratives. 

 

Si c’est l’aspect de la pénétration qui pose problème, il y a différentes façons de la contourner. Un jour, éventuellement, il serait peut-être possible pour vous de vous masturber côte à côte sans vous toucher. Si l’inconfort de ton partenaire se situe dans ses organes génitaux, possiblement en lien avec une certaine dysphorie, il existe des jouets sexuels (des harnais pouvant soutenir des dildos par exemple) qui permettent de couvrir complètement les organes génitaux en plus d’explorer, d’affirmer et d’exprimer son genre. Encore une fois, j’insiste sur la communication, cela doit être au centre de vos tentatives et de vos décisions. À te lire, votre communication est déjà plutôt bonne, je vous encourage donc à continuer de pratiquer et d’améliorer vos compétences conversationnelles 🙂

 

Un autre élément sur lequel j’accroche est que ton petit-ami craint de donner ou de perdre quelque chose qu’il ne pourrait pas reprendre, de ne plus être lui-même par la suite. Est-ce qu’il est question ici de sa “virginité”? La virginité est un concept important pour plusieurs personnes, associé à la pureté ou à une plus grande force morale, alors que la première relation sexuelle pénétrative est vue comme particulièrement importante et significative. Cette vision peut mettre beaucoup de pression pour attendre le moment, le contexte et le partenaire parfait. Je pense qu’il est possible de travailler à analyser les facteurs sociétaux de cette idéalisation, afin de parvenir à la déconstruire et à recadrer l’importance que l’on accorde au sexe. Ce n’est pas quelque chose que tu peux faire à sa place, tu peux lui en parler ou lui conseiller de nous écrire ou de consulter un·e spécialiste, mais au final la décision d’essayer et les efforts sont sur ses épaules, pas les tiennes. J’entends aussi qu’il semble vivre énormément de culpabilité et d’anxiété vis-à-vis toute cette situation. Cela peut être un obstacle majeur à se laisser aller, et le soutien d’un·e professionnel·le peut être très aidant pour certain·e·s personnes.

 

Toutefois, j’ai un peu l’impression que cette vision embellie et exagérée de la première fois, et la pression que cela apporte, est présente de ton côté aussi. Un peu comme si la sexualité serait cette précieuse pierre angulaire qui viendrait tout régler. Votre relation semble déjà saine, plaisante, excitante et enrichissante sur de nombreux plans, même sans génitalité. La vision du sexe comme fondamentalement nécessaire et unique se reflète aussi dans ton rejet d’avoir recours à un·e autre partenaire. Généralement, les gens ont plus qu’un·e ami·e à la fois, on ne demande pas à une personne de subvenir à absolument tous nos besoins sociaux, et avoir plusieur·e·s ami·e·s en même temps ne signifie pas que certaines amitiés sont moins importantes, moins profondes ou moins significatives. Pour certain·e·s, l’amour et la sexualité peuvent fonctionner d’une façon semblable. Pas pour toustes non plus, et c’est vraiment correct si tu ne veux pas ouvrir ton couple, mais dans tous les cas je crois qu’il peut être utile de revoir l’importance unique que l’on accorde implicitement aux pratiques sexuelles.

 

Bref, à te lire il me semble que tu as une très bonne conscience de la situation présente et des différents enjeux en cause. Je crois qu’une discussion avec ton aimé serait possible, au cours de laquelle tu pourrais aborder ton point de vue et tes émotions tout en écoutant les siennes sans le juger ou le pousser. Vous avez déjà eu ces conversations dans le passé, il est possible de construire sur celles-ci tout en allant plus loin. Peut-être pourriez-vous finir par avoir recours à un accompagnement thérapeutique professionnel, de façon individuelle ou en couple, si oui grand bien vous fasse, et sinon il a toujours d’autres options..

 

En espérant que mes quelques petits paragraphes aient pu allumer quelque chose en toi. Meilleure des chances pour la suite des choses,

 

Maxime, intervenant·e pour AlterHéros

Iel/they/them, accords neutres

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