Bonjour Alex !
Merci de faire appel à nous et de nous démontrer ta confiance en ces temps plus difficiles.
En couple depuis 7 ans, tu es actuellement en questionnement au sujet de ton orientation sexuelle.
Tu aimerais arrêter de vérifier ta sexualité et vivre de manière plus légère.
C’est normal de se questionner à propos de son orientation sexuelle, comme tu le sais déjà. Tu expliques que tu vis (du moins en partie) ce questionnement tout en ayant des comportements ou pensées homophobes. Je ne crois pas qu’il est possible d’être homophobe « par soi-même », de façon innée – c’est quelque chose qu’on apprend, avec l’influence de certains médias et de nos proches qui ont des comportements ou propos homophobes. Il n’est pas étonnant que tu aies beaucoup de difficulté à vivre ce questionnement si tu as grandi avec l’idée que l’homosexualité, c’est « mal » ou « moins bien » que l’hétérosexualité. Interligne nomme ici d’autres causes pouvant expliquer l’homophobie. Avant que tu commences à lire, je veux te dire que si tu te reconnais dans ces lignes, tu es loin d’être seul. Tu n’as pas à t’auto-flageller – l’objectif ici n’est pas de te rendre honteux ou fâché, mais bien de te faire prendre conscience que l’homophobie ne prend pas racine au milieu de nulle part. D’accord ? Voici donc quelques causes possibles de l’homophobie :
» La méconnaissance de la sexualité en général
La peur de ceux et celles qui sont différents de soi
De fortes croyances à des textes ou mouvements religieux homophobes
L’incapacité à changer des informations reçues durant l’enfance
Une faible estime de soi entraînant le besoin de détester d’autres groupes de personnes
La peur de l’homosexualité
L’incapacité d’accepter sa propre attirance envers le même sexe
Le renforcement du modèle rigide de l’hétérosexualité et des rôles de genre par les agents importants de notre société : la famille, le système d’éducation, le gouvernement, les médias, le système légal, etc.
La présence de sexisme et de la domination masculine
Le sentiment d’aversion qu’une personne hétérosexuelle peut avoir envers l’idée d’avoir une relation avec une personne du même sexe. Comme les relations avec le même sexe ne sont pas un comportement qui vient naturellement chez ces personnes, certaines d’entre elles généralisent ce sentiment à tous et à toutes et concluent qu’il est impossible que l’homosexualité soit vécue positivement par d’autres personnes. »
Maintenant, il faut savoir que l’homophobie n’est pas toujours tournée vers d’autres personnes. On peut vivre de l’homophobie intériorisée. Tu soulignes que tu as pensé que tes comportements ou pensées homophobes provenaient peut-être du fait que tu refoulais le fait d’être gay. Pourtant, pas besoin d’être gay ou bisexuel pour vivre de l’homophobie intériorisée – le simple fait de trouver très confrontant et difficile de se questionner au sujet de son orientation sexuelle peut démontrer de l’homophobie intériorisée, « retournée contre soi ». Selon le livre
« Sains et saufs » du professeur Michel Dorais, l’homophobie intériorisée se définit ainsi:
« Forme de haine de soi-même inspirée par l’homophobie de la société ambiante. »
Ce qui est bien, c’est qu’on peut se défaire de ces réflexes homophobes avec un peu de travail. Tu as fait le premier pas: tu as réalisé que tu avais des comportements ou pensées homophobes lors de ta pause de ta relation avec ta copine. Encore mieux: tu as parlé de tes questionnements à ta copine lorsque vous vous êtes remis en couple et elle a bien réagi, t’a appuyé. C’est génial !
Elle t’a aussi dit de ne pas t’en faire. Malheureusement, comme tu l’as remarqué, même si les gens nous disent de ne pas nous en faire quand on vit du stress ou de l’anxiété, ça ne fonctionne pas vraiment. Ça peut nous soulager pour un moment, mais on n’arrête pas d’avoir des soucis comme par magie, même si on le souhaite très fort et nos proches aussi ! Elle avait de bonnes intentions, j’en suis persuadée – crois-tu qu’elle serait ouverte à t’entendre parler plus ouvertement de tes questionnements ?
Tu sais, c’est correct et valide que tu te poses ces questions, même si elles te causent de l’angoisse. C’est une période difficile, certes, mais tu es en train d’en apprendre beaucoup sur toi-même et je suis certaine que tu sortiras grandi de cette période. Maintenant, comment arrêter de penser à tout cela, arrêter de « vérifier » si tu es attiré envers des hommes et de valider ton hétérosexualité ? Revel and Riot propose les solutions suivantes en anglais, la traduction est mienne et mes ajouts / modifications sont en italique :
Avoir une pensée critique au sujet de l’impact de l’homophobie intériorisée sur sa vie, au lieu de rejeter immédiatement cette notion (ou celle de l’homosexualité).
Lire davantage au sujet de l’homophobie intériorisée. Même s’il y a moins d’écrits à cet effet qu’au sujet du coming-out, il y a beaucoup d’information disponible, particulièrement des témoignages personnels. ( On peut te fournir d’autres références au besoin ! )
Aide des pairs / de la communauté – la présence d’un réseau de soutien est essentielle. L’empathie et le support de personnes LGBQ (lesbiennes, gaies, bisexuelles et queer) et d’allié.e.s hétérosexuel.le.s peut être extrêmement aidante. D’autres personnes vivant un processus pour se défaire de l’homophobie intériorisée peuvent aussi nous accompagner dans nos réflexions et être solidaires.
S’informer sur l’histoire des droits LGBTQ, trouver des modèles positifs dans des moments plus difficiles, constater à quel point la diversité des identités et des orientations sexuelles ont été bénéfiques pour les avancées sociales et juridiques.
Trouver un.e thérapeute qui connaît bien les réalités LGBTQ qui pourra aider à traverser le processus.
S’éloigner des influences toxiques (homophobes) – souvent la partie la plus difficile. Généralement, ces influences proviennent de nos familles, nos ami.e.s, notre lieu de culte… du moins, on peut se permettre de remettre en question certains propos ou comportements homophobes de ces personnes ou institutions.
Si la religion que nous pratiquons est hostile aux personnes LGBTQ, il est possible de la quitter. Sinon, on peut voir ce qui nous fait du bien dans cette religion, cette spiritualité, et en garder les éléments qui nous valident et nous aident à célébrer les moments positifs et à traverser les moments les plus durs. On peut se questionner sur la provenance des éléments homophobes – est-ce la religion vraiment elle-même, l’interprétation de la personne qui livre le message (pasteur, prêtre, imam, célébrant.e, etc.) ou d’autres interprétations des livres saints ?
Clarifier notre position au sujet de l’homophobie (intériorisée ou non) auprès de nos ami.e.s et familles si nous en avons la possibilité, l’envie et si nous sommes en sécurité. La peur peut avoir une grande influence sur nous. Par exemple, une personne qui vit dans une famille très ouverte, qui a plusieurs ami.e.s LGBTQ et des enseignant.e.s ouvert.e.s peut quand même vivre beaucoup d’homophobie intériorisée et de craintes. Qu’on en discute ou non avec nos proches, on peut déterminer notre propre position face à l’homosexualité en essayant de se défaire des préjugés qu’on a appris, qui nous ont été transmis, et essayer de trouver ce qui nous fait peur ou nous rend insécure face à l’homosexualité, nos attirances ou nos questionnements.
Faire preuve d’auto-réflexion et de conscience de soi – prendre conscience de nos réactions et attitudes négatives envers soi et les autres ainsi que de nos jugements. Chaque fois qu’on a de tels jugements, attitudes ou réactions, prendre un moment pour essayer d’en trouver la source.
Si possible et qu’on le souhaite, lorsqu’on est en sécurité, sortir du placard ou parler de nos questionnements avec nos proches.
Tenter de surmonter notre peur du rejet.
Se souvenir que l’homophobie intériorisée ne vient pas de soi. Tu n’es pas malade, tu n’as pas besoin de remède. Ce sentiment de peur, de panique t’a été inculqué par une société homophobe. Tu n’as pas à te sentir coupable ou honteux – petit à petit, tu te libéreras de ce poids qui pèse sur plusieurs personnes, quelle que soit leur orientation sexuelle.
Qu’en penses-tu, Alex? Crois-tu que cette lecture pourra t’aider à mieux vivre tes questionnements, à avoir un regard plus empathique sur toi-même, tes réflexions et expérimentations?
Souviens-toi que quoi qu’il en soit, on n’arrête pas d’être attiré par les personnes d’un genre ou d’un autre. Il se peut qu’au fil de ta réflexion, tu en arrives à voir l’attirance envers les hommes comme quelque chose de moins effrayant et que tu réalises que tu éprouves une telle attirance, ou encore que tu n’as aucune attirance envers eux. Dans tous les cas, tu n’arrêteras pas d’être attiré par les femmes – on ne choisit pas l’un ou l’autre, d’abord parce que l’orientation sexuelle n’est pas quelque chose que l’on choisit, et aussi parce qu’il existe une variété infinie de nuances en matière d’orientations sexuelles et romantiques.
Tu es peut-être hétérosexuel. Tu es peut-être bisexuel ou pansexuel. Toutes ces réponses sont valides, et si tu étais homosexuel, ce serait valide également. J’aimerais aussi te rappeler que peu importe notre orientation sexuelle, c’est normal de trouver une autre personne belle, sympathique, intelligente ou sexy – c’est agréable de reconnaître qu’il y a des personnes fantastiques autour de nous, peu importe leur genre ! 🙂
J’aimerais revenir sur un point qui me semble important. Tu expliques en débutant que tu as toujours aimé les femmes, « au point parfois de tromper [ta] copine ». Tu sais, le fait d’être attiré par les femmes n’égale pas avoir beaucoup de libido et encore moins avoir des relations sexuelles avec plusieurs d’entre elles. Je perçois deux aspects dans ce que tu dis: le besoin de démontrer que tu es vraiment attiré par les femmes (je te crois tout à fait !) et le fait que ton entente de fidélité avec ta copine n’a pas été respectée. Le fait d’avoir une sexualité riche et épanouie, c’est aussi établir ses limites et avoir l’espace pour être honnête dans ses relations. Que dirais-tu d’avoir une discussion avec ta copine à ce sujet, si jamais tu as envie d’explorer ta sexualité avec d’autres personnes ?
Puisque la situation semble te causer beaucoup de stress (tu parles de crises de panique, entre autres), je te propose d’aller consulter un.e professionnel.le de la santé. Puisque nous sommes basé.e.s au Québec, il m’est difficile de te donner des ressources spécifiques à ta région. Je peux par contre te suggérer deux associations / organisations qui sauront probablement te rediriger vers un.e professionnel.le qui s’y connaît en matière de questionnements au sujet de l’orientation sexuelle et qui est basé.e plus près de chez toi: ADHEOS et Fil Santé Jeunes.
Je t’invite à lire les réponses suivantes qui traitent de sujets similaires à celui que tu abordes dans ta question:
D’ailleurs, dans cette dernière réponse, ma collègue Ophélie propose des stratégies à mettre en place lorsqu’on vit de l’anxiété envahissante et j’aimerais te les partager en terminant:
« Tu pourrais discuter de tes inquiétudes avec une (des) personne(s) de confiance, ou même simplement les écrire dans un journal. Parfois, le simple fait d’exprimer nos inquiétudes peut nous aider à mieux comprendre ce que l’on ressent et à prendre une certaine distance avec la situation. Si ces méthodes ne t’interpellent pas, je te suggère d’adopter des méthodes de gestion du stress comme la relaxation ou le sport lorsque tes angoisses surgissent. Si tes inquiétudes deviennent trop envahissantes et qu’elles génèrent une trop grande détresse chez toi, je t’invite à te confier à un psychologue. Parfois, quelques séances suffisent pour mettre de l’ordre dans nos idées. »
Voilà, Alex. J’espère que le tout t’est aidant.
N’hésite pas à relire cette réponse autant de fois que tu veux si elle t’a fait du bien. Au besoin, tu peux aussi nous réécrire pour d’autres questions ou encore pour nous donner des nouvelles ; ça fait toujours plaisir !
Bon courage,
Marie-Édith, B.A. sexologie,
AlterHéros