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29 mars 2024

J'ai peur d'aimer ma première relation homosexuelle et de n'aimer que les garçons.

Bonjour,
J’ai 19 ans et je veux parler d’un problème que j’ai, j’ai peur de faire une bêtise…
Depuis que j’ai 8 ans, je ressens une véritable excitation dès que je vois un homme ligoté dans un film, je me mets à sa place, et j’adorais ca. Petit à petit, la puberté se faisant, j’ai commencé à « sexualiser » ce fantasme, notamment avec la pornographie. Le truc, c’est que quand on cherche sur internet du porno dans lequel des hommes sont dominés… on ne tombe que sur du porno homosexuel. J’ai donc commencé à regarder ce genre de contenue assez régulièrement (peut-être deux fois par semaine) et, alors que ca n’était pas du tout le cas avant, je ne fantasme plus que sur le fait d’être dominé par un homme. Avant, homme ou femme, peu m’importait, même je préférais légèrement les femmes.
Aujourd’hui, je suis encore puceau, je n’ai jamais pratiqué quelconque activité à caractère sexuel avec un ami non plus, pour la simple et bonne raison que jusqu’à très tard, je n’ai pas eu de relation même amicale avec un garçon. Ceci je le regrette, et il y a deux ans, j’ai rencontrer un garçon [profondément hétérosexuel] vraiment très gentil avec lequel justement je parlais pas mal sexualité. J’ai cru l’aimer, je crois même l’avoir désiré, mais aujourd’hui, on s’est perdu de vue (à cause des études) et je me dis que peut-être c’était une sorte d’émerveillement de trouver enfin quelqu’un de mon sexe à qui parler, bien que c’était peut-être vraiment plus fort qu’une grande amitié… Ce qui m’a le plus surpris est que pendant cette période, eh bien… je n’avais presque plus de libido : chez moi, je ne me masturbais plus, alors qu’en principe, c’est presque une fois par jour, et puis quand j’étais avec lui, tout le désir que j’imaginais se volatilisait. Je me sentais juste bien comme on est bien avec un ami très proche, avec lequel on rit et passe de bons moments.
L’année dernière, je me suis rapproché d’une fille que je connais en fait depuis trois ans, et à laquelle je m’étais confié quand à cette histoire avec ce garçon. Mon ressenti avec elle était très différent : je ne ressentais pas vraiment du désir, mais en revanche, sa personnalité me fascinait : une fille très forte, motivée, qui a des projets. J’aimais beaucoup parler avec elle d’un tas de sujets, et elle est très expansive, ce qui me fait beaucoup rire. J’ai alors essayé de me rapprocher vraiment d’elle, toujours avec le doute que finalement, si je n’ai aucun désir, difficile de construire une relation amoureuse. Je m’étais arrêté de regarder du porno gay, mais j’entretenais encore mon fantasme à travers des vidéos sur youtube qui présentait des hommes attachés, sans connotation sexuelle (scène de films d’action…) Mais finalement, tout s’est évanoui, lorsqu’un jour, elle m’a dit qu’elle me pensait homosexuel à cause de ce qu’il s’était passé l’année précédente avec ce garçon. Coup dur monstrueux pour moi, et c’est à partir de ce moment (il y a trois mois environ) maintenant que les choses ont commencé à aller mal.
En effet, depuis ce jour, je n’arrête pas à me questionner sur mon orientation sexuelle, d’autant que j’ai toujours voulu avoir des enfants, et le fait qu’ils ne soient pas biologiques m’embêtent beaucoup. Ce que je ne comprends pas, c’est qu’avant, je me disais, il arrivera ce qu’il arrivera, homme ou femme, tant que je suis heureux, alors tant mieux ! Et je sais que c’est la seule bonne réponse, d’autant que mon homosexualité serait très bien acceptée dans le cadre familial et amical ! Pour autant, je n’arrive pas à contrôler mes questionnements. Quand je suis dans la rue, je regarde tous les hommes et toutes les femmes, en me demandant : « est-ce qu’il/elle m’excite ? ». Et je me remets à réfléchir. Tout ceci est vraiment tout à fait épuisant et usant, surtout que je fais des études scientifiques, qui demandent toute mon attention !
C’est alors qu’il y a une semaine, je me suis dit que la seule façon efficace de savoir si on est gay ou hétéro, c’est de tester. Je me suis alors inscrit sur un site de rencontre gay, curieux de relations de domination et de soumission, donc tout à fait mon fantasme. Hier, quelqu’un m’a répondu, un garçon qui dit avoir 22 ans, et qui semble très respectueux. On a pris rendez-vous dans un lieu public la semaine prochaine pour parler un peu de ce que je voulais faire avec lui (et pour être sûr qu’il n’y a pas d’entourloupe au niveau du profil!) Mais cette nuit, je n’ai pas dormi de la nuit : je suis très angoissé, et ce pour plusieurs raisons : d’abord, commencer par réaliser un fantasme avec un plan cul alors que je suis encore puceau est bien loin de mon idéal de mon premier acte sexuel. D’autre part, je crois que j’ai peur d’aimer ça, et de n’aimer plus que ça : à la fois les relations sexuelles violentes, et aussi le fait que ce soit avec un homme, et alors, adieu mon voeu ardent d’avoir des enfants…! Dois-je le faire ou annuler …?
Merci beaucoup de l’attention que vous porterez à ce message.
Romain_c

Maxim-e

Bonjour Romain!

 

Tout d’abord je tiens à te féliciter pour t’être ouvert à propos de tes questionnements et de tes émotions à travers tout ce qui t’arrive. Trouver les mots pour raconter ce qui nous arrive est souvent la première étape. Si tu me permets, je vais commencer avec un résumé rapide des principaux éléments de ton témoignage :

 

Depuis l’enfance tu t’identifies aux hommes qui se font attacher. À l’adolescence l’idée d’être dominé est devenue un de tes principaux fantasmes sexuels. Tu t’es rapproché d’un garçon de ton âge que tu crois avoir désiré, puis par la suite d’une fille. Ces temps-ci les questionnements à propos de ton orientation sexuelle envahissent tes pensées. Tu viens de rencontrer un jeune homme sur une application et tu hésites donc à avoir ta première relation sexuelle avec celui-ci.

 

En tant qu’étudiant.e en sexologie, j’ai quelques informations sur la diversité des érotismes, les fantasmes et l’exploration de l’identité que j’aimerais te partager. 🙂

 

Premièrement, quand on parle d’orientation sexuelle, on peut différencier quatre composantes : le désir ou l’attirance sexuelle, le comportement sexuel, le sentiment amoureux et l’auto-identification. Ces composantes ne sont pas toujours en accord, une personne pourrait par exemple être attirée sexuellement par les hommes et romantiquement par les femmes, ou encore s’auto-identifier comme bisexuelle tout en n’ayant eu aucune relation romantique ou expérience sexuelle. Il est possible d’être attiré exclusivement, principalement ou occasionnellement par un genre ou un autre, par plusieurs ou par aucun. Au niveau de l’auto-identification, tu peux choisir une étiquette (hétéro, gai bi, ou autre) qui correpond à tes attirances sexuelles et/ou romantiques, mais tu n’as pas l’obligation de te catégoriser non plus. Ces quatre composantes peuvent également être fluides, au sens où elles peuvent changer dans différents contextes à différents moments de la vie. Pour plus de détails je te recommande de consulter cette page.

 

La découverte et l’affirmation de son identité (et de son orientation sexuelle) passent par plusieurs étapes. Par exemple, ce modèle en propose quatre : 1) prise de conscience d’être différent.e, 2) questionnement identitaire, 3) appropriation et 4) synthèse de l’identité. Il semble que tu sois dans la phase de questionnements concernant tes fantasmes et tes attirances. Je te cite cet extrait : 

«Parfois il est difficile de faire la différence entre une forte amitié et un sentiment amoureux, entre de l’admiration et du désir, entre les fantasmes et ce qu’on se sent réellement prêt-e à réaliser… C’est pourquoi cela peut prendre du temps de mettre au clair ce que l’on ressent ! Alors il est bon de le prendre, ce temps, de voir, de ressentir, éventuellement d’essayer… 

Lorsque les attirances se répètent, ou sont très intenses, ou qu’on peut vivre des expériences pour les confirmer, alors la certitude se forme.» 

 

Éventuellement, en poursuivant tes réflexions et ton expérimentation à ton rythme,  il est très probable que tu finisses par trouver si tu es attiré par les autres hommes, les femmes ou les deux. Cela peut prendre du temps, mais ce n’est pas une course. Je veux aussi préciser que tu n’es vraiment pas obligé d’avoir ou même de te forcer à avoir de relation sexuelle ou romantique avec qui que ce soit pour “confirmer” ton orientation. 

 

Tu nommes ta grande crainte de ne pouvoir avoir d’enfants si tu réalises aimer les hommes. Je tiens à te rassurer que l’homoparentalité est une option tout à fait possible et envisageable. De très nombreuses études prouvent que les enfants de couples de même sexe et les enfants de couples hétéros ont les mêmes niveaux de bien-être. Par ailleurs, 52% des personnes LGBT en France aimeraient avoir des enfants au cours de leur vie. Cet article semble bien expliquer les différentes options pour les couples homosexuels en France (adoption, PMA) et les défis légaux. Je te mets aussi le lien vers l’association française des parents et des futurs parents gays et lesbiens. Mais comme tu dis tu es encore aux études, tu as encore quelques années pour penser à tout ça!

 

Maintenant, parlons de domination et de soumission. 🙂 Le BDSM (bondage, domination, soumission, masochisme) implique une diversité de pratiques érotiques et sexuelles. Le bondage est d’ailleurs le terme qui fait référence à la pratique de ligoter son partenaire. Les fantasmes liés à la domination, la soumission et la violence ne sont pas aussi rares que tu pourrais le croire. Une étude québécoise souvent citée démontre qu’en fait très peu de fantasmes sont rares ou atypiques et que 50-60% des hommes et des femmes ont des fantasmes “kinky” et sado-masochistes. Et je t’assure qu’il n’y pas que les Québécois.e.s qui sont coquin.es! L’étude fait une distinction entre les fantasmes que les participant.e.s désirent réaliser et ceux que ces dernier.ère.s préfèrent garder dans leur imagination. Il n’y a rien de mal à fantasmer sur une pratique sans la réaliser. Qui plus est, ta consommation de pornographie ne m’apparait pas dangereuse ou anormale. Si tu veux explorer cet aspect de ta sexualité, je t’encourage à t’informer sur le modèle RACK (Risk-Aware Consensual Kink), par exemple avec ce joli guide, afin que ton expérience demeure sécuritaire, plaisante et excitante. 

 

Concernant l’exploration des pratiques BDSM, mon collègue Guillaume, lui-même membre des communautés BDSM de Montréal, écrit dans cette réponse une recommandation importante :  «Si tu t’apprêtes à explorer certains fétiches et certaines pratiques BDSM, j’aimerais te rappeler ce petit élément – qui s’applique également à n’importe quelle forme de sexualité! – : le consentement doit constamment être au coeur de chaque pratique sexuelle. L’écoute des désirs, limites et des préférences de chaque partenaire est importante. En étant moi-même membre des communautés BDSM au Canada, je tiens souvent le discours que la personne en position de soumission – bottom – est souvent la personne avec le plus de pouvoir, car c’est elle qui a le pouvoir de décider le rythme, les modalités et la fin d’une activité sexuelle. Il est par exemple possible de déterminer un safe word, c’est-à-dire un mot préalablement discuté avec ton ou ta partenaire que, où l’activité sexuelle prend fin lorsqu’il est prononcé. Il est aussi possible d’établir un code de couleur. Par exemple : vert (continue, tu peux aller plus fort!), jaune (tu peux ralentir un peu?) et rouge (ouf, j’ai besoin d’une pause! On arrête?).» Conséquemment, si tu t’apprêtes à t’initier à ce type de pratique, assure-toi de bien choisir ton partenaire afin de t’assurer de ta sécurité et d’avoir une entente claire sur chacune des modalités de l’expérience intime. La pratique du bondage repose sur une confiance mutuelle.

 

Tu dis aussi que la seule porno qui met en scène des hommes en position de soumission que tu arrives à trouver est homosexuelle. Je pense bien qu’il existe de la porno bi ou hetéro avec des femmes et/ou des personnes trans qui adoptent le rôle de domination. 😉

 

Voici quelques réponses de mes collègues sur des questionnements semblables, parfois avoir plus d’un point de vue sur la question peut aider!

J’ai le fantasme d’être soumis, mais je n’ose pas en parler à ma copine…

J’aimerais avoir des pratiques BDSM, mais je ne sais pas pas où me renseigner et où trouver des endroits où il y a des pratiques SM…

Où pratiquer le BDSM en France?

Et puis, si tu t’intéresses au bondage en tant qu’art, pratique sociale ou pratique méditative (car oui, ce n’est pas nécessairement sexuel…!), je t’invite à t’informer des différentes classes de Shibari (technique de bondage traditionnelle japonaise) ou des différentes soirées de performance de Shibari ouvertes au public autour de chez toi. Cela peut être une façon de rencontrer des adeptes du bondage qui ont à coeur les principes de sécurité, de consentement et de communautés. Pour un petit guide sur les mesures de sécurité à prendre en cas de bondage, clique ici! Et petit ajout, fais particulièrement attention à demeurer à l’écoute de ton corps lorsque tu te fais attacher. Tu ne sens plus une partie de tes membres? Tes mains ou bien n’ont plus de circulation? Tu as des pertes de sensations à l’intérieur de tes paumes de main? Met sur pause l’activité afin de t’éviter d’avoir des impacts sur ta santé, comme c’est le cas pour les compressions de nerf. Ton corps connaît ses propres limites. 

 

Finalement, tu te retrouves dans une sorte d’ultimatum où tu hésites à avoir ta première expérience sexuelle avec un partenaire potentiel que tu viens de rencontrer. Je ne peux pas te dire ce que tu dois faire sans l’ombre d’un doute. Je peux te dire que l’option d’avoir cette liaison et l’option de décider d’attendre sont toutes les deux valides. Je peux aussi souligner que la suggestion de le rencontrer dans un lieu public en premier lieu et de discuter au préalable de tes attentes est aussi très sécuritaire. Tu mentionnes quelques fois qu’il s’agirait de ta première relation sexuelle et de l’importance que cela a pour toi.  La “virginité” est un mythe. Ce qui compte réellement est le consentement et la communication au niveau des préférences et des limites. Tant que cela est présent et que tu te sentes bien avec la personne ça devrait bien aller. Et si tu ne te sens pas encore prêt et que tu préfères continuer de réfléchir c’est correct aussi.

 

Fais confiance à ton instinct et à ton intuition. C’est toi l’expert de ce que tu veux et ce dont tu as besoin. 🙂

 

N’hésite pas à écrire à AlterHéros si tu as d’autres questions!

 

Maxime, stagiaire pour AlterHéros

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