23 avril 2016

Témoignage - J'ai eu un passé difficile et j'en bave encore aujourd'hui.

Je m’appelle Edward, j’ai 17 ans, et je suis un garçon transgenre.
Donc ça fait plusieurs fois qu’on me conseille de publier dans la partie témoignage, alors je vais le faire en disant tout, peut-être que ça m’aidera, aussi.

Edward

Bref. Je vis dans une famille trans/homophobe musulmane et le fait que je sois pansexuel + transgenre, ça rend malade ma famille. Je suis le raté. Moi, je suis athée. La religion ne m’intéresse pas et ma mère fait tout pour m’y mettre. Elle me force tout de même à faire le ramadan. Pas le choix.
Et, bref. J’en souffre beaucoup, de tout ça. Disons que j’ai eu un passé de merde. Mais, vraiment. Qu’on veut toujours me rappeler.

Quand j’avais 5 ans, mon père commençait à venir la nuit pour me « câliner ». Plus tard il commençait à aller trop loin mais il disait, « ça sera notre secret ». Il ne m’a jamais pénétré mais toujours les doigts, la langue, et il me forçait à sucer. J’étais petit. Je savais pas. J’avais peur, je voulais que ça s’arrête. Mais je savais pas. Une seule fois j’ai réussi à me défendre et il s’est pris un coup de genou dans le menton, il est parti. Mais il est revenu comme si de rien n’était, les jours d’après.

Et ça a duré, duré, jusqu’à mes 13 ans. J’étais au Liban depuis déjà 2 ans, et mon père était en Belgique, mais à chaque fois qu’il descendait au Liban pour venir nous voir il recommençait. Jusqu’à ce que j’ose enfin en parler à ma meilleure amie. J’avais honte, mais elle m’a rassuré, elle m’a dit que tout allait bien. Et puis, comme un con, j’ai pris confiance, j’ai osé en parler à une de mes prof. Ça a très mal tourné, j’aurais dû me taire. Parce que malgré le fait que je lui ai demandé de n’en parler à personne elle est partie prévenir la proviseur qui a appelé ma mère et lui a dit que j’avais sérieusement besoin d’un traitement psychologique. Fort heureusement quand ma mère est partie la voir –choquée- ma sœur était avec elle, et la proviseur n’a pas osé expliquer ce qu’elle savait. Elle lui a juste expliqué qu’il fallait me parler tout de suite. Alors c’est ce que ma mère a fait. Et je lui ai avoué. « Papa m’a à moitié violé depuis mes 5 ans ».

Et depuis ce jour ma mère a envoyé des livres sur la pédophilie à mon père, des textes religieux, tout ça. Moi, je pensais qu’elle allait l’envoyer en prison. J’ai cru, vraiment, que c’était la fin de la famille. En plus, ma mère et mon père, ils ne se sont jamais aimés devant moi. Ils passaient toujours leur temps à se disputer parce que ce connard laissait 4 gosses sur le dos de maman qui avait déjà un cancer du sein. Je le déteste. Pas pour ce qu’il m’a fait. Pour ce qu’il nous fait. Pour son égoïsme, mais j’en parlerai un peu plus tard.

Bref. Nous sommes revenus en vacances en Belgique pour l’été. Je commençais à lever la voix devant mon père. Je commençais à le haïr de tout mon cœur. Et un matin, je dormais, c’était très tôt, j’ai entendu des sanglots. J’ai ouvert les yeux et il était là, à genoux devant mon lit, il pleurait, disait qu’il était désolé. J’aurai presque eu pitié avant qu’il ne sorte cette phrase, « Maintenant j’ai compris Dieu m’a pardonné ».
« Dégage », que je lui ai dit. Alors il est sorti de la chambre les yeux exorbités. C’est vraiment un idiot, hein. Faut que ma mère lui envoie des livres sur la religion pour qu’il se rende compte que forcer son enfant à faire des choses sexuelles avec lui c’est mal. Putain de con. Bref.

J’ai cru que mon cauchemar était terminé. Qu’enfin j’avais le droit d’être heureux. J’ai décidé de ne pas me livrer à la haine. Quand nous sommes retournés au Liban, je me sentais mieux, le problème c’est que ma mère ouvrait trop souvent le sujet et ça me cassait les pieds, mais en même temps, quand tu sais que ton mari que tu méprises déjà a violé ton enfant dans la chambre juste à côté pendant genre 7 ans et que sans lui la famille peut pas survivre, déjà je la trouvais hyper courageuse, ma maman. Alors je répondais. Et puis je recommençais à parler avec mon père par mail, lui montrant mes dessins, tout fier, je voulais retrouver un père et une mère.
Chose que j’ai regretté plus tard.

En Décembre 2014, j’ai découvert que j’étais transgenre. J’ai un peu la flemme d’expliquer mais, depuis que j’étais petit, je m’identifiais toujours à des rôles masculins. Je me sentais garçon mais je n’avais aucune idée qu’il était possible de changer de sexe. Ça m’est venu comme une apparition. C’était beau. Je l’ai dit à mes amis. Une d’elle m’a avoué qu’elle commençait à ressentir quelque chose pour moi. Et cette fille, ça faisait 6 mois que j’en étais amoureux, 6 mois que je la voulais. Même si c’était sur internet. Je l’aimais fort de tout mon cœur et quand elle m’a dit ça, c’était je crois le plus beau de tous les moments de ma vie tellement pourrie. On est sorti ensembles. On était bien. Entretemps je m’étais coupé les cheveux et ma mère était au courant pour le fait que je sois transgenre mais ne me prenait pas vraiment au sérieux. En plus je m’étais fait une amie au lycée, une vraie amie.
C’était les meilleurs moments de ma vie. Mais jamais jamais je n’aurai cru que ça allait déraper aussi vite, aussi brutalement.

J’étais toujours amoureux de cette fille, on était toujours ensemble. Mais en fait, je ressentais comme un manque brutal physique. J’avais envie de l’embrasser et de la câliner. Mais comme je ne l’avais pas sous la main, j’ai dérapé et j’ai embrassé mon amie. C’était la première fois que j’embrassais pour de vrai parce que les baisers de mon père ça ne comptait évidemment pas. La première fois que je prenais un plaisir fou comme ça. Il n’y a rien eu de sexuel. C’était juste tout doux. Pourtant je n’étais pas amoureux de cette fille. Et j’avais honte de penser à ma petite amie en l’embrassant puisque cette fille que je tenais dans mes bras, elle était vraiment amoureuse de moi. On était proches, comme un grand frère qui protège sa petite sœur. Je ne la laissais jamais tomber. Elle aussi, elle avait été victime de viol, par son grand-père. Alors on était proches parce qu’on savait, on connaissait la même dure épreuve qu’on avait subi. Je l’ai aidée, pour tout. Elle est passé en première grâce à moi, parce que j’ai demandé à ce qu’on la défende du mieux possible au conseil. J’ai tout fait pour elle. Tout. Voire trop.

Mais malheureusement, ses parents ont découvert qu’elle était amoureuse d’un transgenre. Ils ont porté plainte. J’oublierai jamais ce jour. Ils ont porté plainte et puis ils m’ont mise dans la merde. Elle ne répondait plus. Je savais pas encore qu’ils avaient porté plainte. Comme un idiot j’ai insulté.
J’ai menacé.
Alors ils ont reporté plainte. La première pour harcèlement sexuel et la seconde pour menace de mort.
Ma mère m’a battu.
Mon père m’a insulté.

On m’a tout enlevé. Internet, donc mes amis. On a jeté par la fenêtre mon gilet préféré pour me forcer à me travestir en fille. On m’a rebattu, on m’a forcé à lire le coran. Une fois, j’ai refusé. Ma mère l’a cafté à mon père qui m’a appelé pour m’insulter de tous les noms. De chienne. Il m’a insulté de chienne.
A partir de ce moment plus jamais je ne l’ai aimé.
Je ne mangeais plus, je ne dormais plus, je ne riais plus. J’étais en train de pourrir dans mon lit toute la journée et ma mère m’en blâmait.

Mais j’ai réussi à m’en sortir. Mon père a négocié avec le père de mon –ex- amie et je m’en suis sorti sans peine sur le dos, mais avec interdiction de l’approcher pendant 10 ans.
J’ai réussi à m’en sortir vivant. C’était le principal.
Récupérer mes affaires et mon ordinateur c’était très compliqué, au début. J’ai fini par réussir. Ma copine m’avait manqué. Voire trop manqué. J’aurai voulu l’embrasser à pleine bouche et lui dire mille fois je t’aime au creux de l’oreille si elle avait été là. Je crois qu’elle était heureuse aussi de me retrouver. Mais ma mère ne me fait plus confiance. Tant mieux. Je n’ai pas confiance en elle non plus. Petit à petit j’ai recommencé à sourire et à allait pas trop mal.

Plus tard j’ai appris que pendant que je hurlais à ma mère que mon amie n’y était pour rien alors que j’étais en danger et que je risquais la prison –au Liban-, elle, elle m’a traité de malade mental. Elle a dit que c’était moi qui la draguais depuis le début. Que c’était que de ma faute. Rien que de ma faute. Elle m’avait complètement lâché. Elle m’avait complètement lâché et ses parents m’ont poignardé dans le dos parce qu’au lieu de foutre le grand père pedobear en prison, c’est moi qu’ils ont essayé de mettre derrière les barreaux, un gamin de 16 ans, sous prétexte que je n’ai pas de bite, en fait. Ironique hein. Ils ont complètement ignoré tout ce que j’ai fait pour elle.
Autrement dit, elle et sa famille, ils m’ont utilisé et m’ont jeté dès la première opportunité.

Je l’ai revue au Lycée, à la fin de l’été. Elle m’ignorait complètement. Je déprimais dans mon coin. J’ai essayé de lui parler, un mercredi soir. Elle m’a snobé. Détourner la tête. La récré d’après, j’avais craqué. Je m’étais enfermé dans les toilettes et j’ai pleuré. Pleurer encore et encore, et en retournant en cours, j’étais calme. Je souriais. Elle m’avait fait mal, eh bah j’en avais plus rien à foutre. Pour moi c’était plus qu’une salope qui s’était jouée de moi. En voyant mon visage, parce que ça se voyait que j’avais pleuré, je l’ai vu se crisper. J’ai ignoré. Plus rien à foutre. Cependant le jour d’après elle est revenue me voir. Je rigolais de nouveau, j’étais plus triste du tout j’étais heureux. Je me sentais libre. Mais elle est revenue me voir. Elle m’a demandé qu’est ce que je voulais lui dire.
J’étais amusé, tout d’un coup. J’avais envie de la taquiner et de me foutre de sa gueule.

Au lieu de ça, j’ai dit, « Tu me détestes ? ». Et elle a baissé la tête, elle a fait, « non.. je te déteste pas.. ». Notre discussion a duré 1 minute. 1 minute que je n’oublierai jamais.
Je lui ai fait, « Dis-moi juste.. tes parents t’ont frappé ? Dis-moi qu’ils ne t’ont pas frappé ! »
« Mais non, ils ne m’ont pas frappé ! »
J’ai ri. J’étais soulagé.
« Et toi ? »
Je lui ai souri en toute réponse. Elle savait que j’étais battu quand je faisais des erreurs. Elle a fait, en souriant nerveusement, « Ah, ok.. ». J’ai souri et puis je lui ai dit qu’il fallait y aller. Qu’on ne devait plus traîner ensemble, évidemment. Elle a hoché la tête, elle souriait aussi. Son sourire m’a fait du bien, j’avoue. J’ai lancé à la dernière minute, « Et t’as grandi hein ! », et elle a ri. Parce que ça nous faisait rire, je suis plutôt petit, du coup, tout le monde aime bien se moquer de moi parce que ça me fait rager. J’ai souri. Elle m’avait pas oublié.

Les jours d’après, je sentais son regard sur moi, en cours. Et elle devait sentir le mien sur elle. Parce qu’on n’a pas arrêté de se regarder, doucement, comme avant, comme deux amis. Ça me suffisait. Je la détesterai jamais. Impossible. Et.. je voyais qu’elle ne me détestait pas non plus. Parfois au CDI on avait des petits moments de folie où on se lâchait et on discutait vraiment en rigolant ensemble. Parfois. C’était génial.

Mais ça n’a pas duré puisque j’ai dû retourner en Belgique en plein milieu du premier trimestre. Le cancer de ma mère s’aggravait. Fallait rentrer. C’est le cœur brisé pendant les vacances de la toussaint que j’annonce sur le groupe de ma classe, « Je quitte le Liban ». Elle a été la première à réagir. « Hein ? ». J’ai pleuré. Je l’ai répété. Elle a dit, « Quand ? ». J’ai dit, « Dimanche, juste avant la rentrée ». Même pas possible de leur dire au revoir, de lui dire au revoir. Et plus jamais on ne s’est reparlé. Mais j’voulais pas partir comme ça. Surtout pas. Alors j’ai griffouillé sur un papier un dessin, de nos mains entrelacées, parce qu’à l’époque, en cours, on se tenait la main en cachette sur la table. Et j’ai écrit, « Je ne t’oublierai jamais ». J’suis parti voir un pote et je lui ai confié la mission de lui donner l’enveloppe qui renfermait le dessin.

Une semaine plus tard il m’a dit qu’il lui avait donné. Il m’a expliqué qu’elle était troublée et qu’elle était partie aux toilettes l’ouvrir.
Que quand elle était revenue elle n’arrivait plus à manger.
J’aurai tellement voulu savoir ce qu’elle pensait à ce moment-là. J’aurai tellement voulu.
Aujourd’hui, j’ai 17 ans, donc. Je suis en Belgique pour le moment et j’attends de terminer ma première pour savoir quoi faire. Parce que ma mère et mes frères vont retourner au Liban, et je suis tiraillé. Y aller avec eux ou pas ? Parce que si j’y vais, j’ai peur d’avoir des problèmes de nouveau. Évidemment, je ne ressemble pas du tout à une fille, je n’ai pas un comportement de fille. Et ça, au Liban, les transgenres, autant vous dire que c’est pas vraiment apprécié. Que peut-être ma mère va vouloir encore une fois essayer de me travestir et au Liban, contacter des assos’ pour m’aider, ça va être ha ha, COMPLIQUÉ. Et si jamais il y a encore un problème ça va être catastrophique. Je ne veux pas gâcher la vie de ma mère et de mes frères. Enfin, de mes frères surtout. Ils n’ont rien à voir avec tout ça.

Aujourd’hui, je souffre des remarques constantes de ma mère. Je vois un psy mais ça ne m’aide pas. Parce que tout le monde dit que si je suis transgenre aujourd’hui c’est à cause de ce que mon père m’a fait subir étant petit, et j’avoue que c’est particulièrement casse-couille quand c’est juste que je suis pas dans le bon corps et que ça n’a genre, AUCUN rapport pour moi. Ma mère pète un câble dès que j’ai une amie fille parce qu’elle dit « ah tu vas recommencer ah tu vas recommencer ». C’est insupportable. Concernant mon père, je le déteste, mais je suis correct avec lui. Il tente de faire ami-ami avec moi mais je lui fous de ces vents mmmpfff. Il est ridicule et il culpabilise et déprime et fait sa victime et vous savez quoi, j’en ai rien à branler. C’pas mon père pour moi.
Bref.

Je suis toujours vivant et j’ai toujours envie de vivre.
Tout ça pour dire que même si vous avez une vie de merde, avec un passé souillé et même dans le présent ça va pas du tout, faut pas abandonner. Actuellement, je suis en dépression. J’ai le sentiment que tous mes amis m’abandonnent et que je suis seul, je supporte de moins en moins mon corps actuel et j’hésite à contacter des assos pour faire bouger les choses.

Mais c’pas grave. Je peux pas être heureux toute ma vie. Y’a forcément des moments où je serai déprimé. J’ai pas envie d’abandonner. Pas encore du moins. Même si je suis perdu, même si je pleure toutes les nuits en me disant que c’est foutu, évidemment que c’pas foutu puisque je suis encore en vie.
Faut garder espoir. Faut pas abandonner. C’est bateau ce que je dis là. Mais, je m’en fiche. Je veux pas abandonner. J’ai envie de vivre de ma BD, de faire de l’animation, j’ai envie de retourner en France, pouvoir enlacer mon ex qui me donne tellement de nouvelles chances , lui dire que je l’aime, la faire tomber amoureuse de moi de nouveau, l’embrasser et lui faire l’amour et être heureux comme tous les humains qui le mériteraient. J’ai envie de vivre. Je suis fatigué. Mais, vraiment. Fatigué de me battre pour mon identité, fatigué de supporter ma mère, fatigué.
Mais franchement, avec tout ce que j’ai eu en l’espace de 17 ans, ce serait con d’abandonner maintenant. Vraiment. Ça n’aurait servi à rien.

Voilà voilà. Oulah, c’est long mmpfff !

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