Comment m'affirmer en tant que personne trans et comment commencer une transition sociale et/ou médicale?

Séré

Bonjour,
J’ai regardé les questions précédente, mais je ne trouve pas réellement de réponses qui conviennent à ma situation, alors je me permet de vous écrire. Alors, voilà, j’ai fais mon coming out à mes parents cet été 2019. Ça c’était mal passé. Mes parents sont en gros déni, me disent toujours que je devrais m’accepter comme je suis, c’est-à-dire une fille et ils me font sentir mal pour tout ce que je fais (essayer de transitionner, porter des vêtements masculins, porter mon binder). Ils m’empêchent aussi de me couper les cheveux. Je suis retourné en doute. «Est-ce que je veux vraiment transitionner? Est-ce que je fais ça pour les bonnes raisons? Est-ce que je suis prêt à souffrir et faire souffrir mon entourage? (car transitionner ne sera pas facile par chez nous)»
Or, je n’ai ces questionnements qu’en présence de mes parents. Lorsque je suis seul, je suis hors de tout doute. Je suis un gars trans de 16 ans. Je m’imagine vivre mon cégep sous le nom de Mark-Olivier. Avec mon imagination débordante, je suis capable de m’imaginer en relation amoureuse autant avec une femme qu’avec un homme… Mais je suis aussi un homme. Je veux être un ami et non une amie, je veux être un copain et non une copine, je veux être un frère et non une soeur. Cependant, j’ai de la difficulté à m’imaginer comme un homme dans ma famille, au travail, à l’école. J’ai peur. Je ne sais pas comment transitionner avec mon entourage.
Je veux crier sur les toits de m’appeler Marko en même temps de vouloir rester dans mon coin et transitionner seul. Je peur d’en parler à mes amis. On dirait que j’attend l’approbation de mes parents pour commencer ma transition, mais je sais que ça va pas être tout de suite, peut-être jamais. Alors, je n’en parle pas et je me réjoui en secret quand on me genre au masculin.
Je travaille dans l’entreprise à mon père depuis mes 13 ans… Je me suis fait plusieurs amis là-bas depuis. J’ai aussi peur de transitionner là-bas et les rendre malaisé. Le rendre embarrassé de travailler avec moi et je sais que mon père n’hésiterait pas à me virer de son entreprise si je transitionne.
Même chose avec ma psychologue. Je la vois à cause de mes parents pour que je règle mon problème et que je revienne normal. Elle ne connait rien sur les transgenres et me dit toujours de prendre mon temps, que je suis trop jeune. Je l’éduque sur le sujet et, bien que je n’ai pas dit clairement que je me sentais garçon, elle continue à me genrer au féminin. Pourtant, je lui ai dit que je ne voyais pas de futur où j’étais une femme, que je me genre au masculin souvent naturellement… J’essaye de me pousser à affirmer mon genre à chaque rencontre, mais je perds courage en arrivant devant elle. Je ne suis pas capable de m’affirmer. De m’imposer, car j’ai toujours cette part de moi qui me met en doute. «Et si c’était juste une phase?»
En gros, avec ma famille, avec mes amis du travail ou d’école, avec ma psy, je me vois mal leur annoncer que je suis un garçon et non une fille. J’ai littéralement pas les couilles. Or, quand je suis tout seul ou que je parle avec des personnes en ligne qui ne connaissent que mon véritable nom, je me sens bien. Je suis moi : un gars. Je vois un futur sans doute avec un torse plat et de la testostérone dans mon corps. Je ne sais pas comment faire. Je ne sais pas comment en parler, comment m’affirmer ou même commencer une transition sociale et/ou médicale.
Je suis perdu. Je suis terrorisé.
– Mark-Olivier
P.S.: Je vous suis sur les réseaux sociaux ainsi que June et vous êtes très inspirants. Vous m’aidez beaucoup ainsi que plusieurs autres personnes. Alors, merci d’être là et de nous écouter. Ayant pas de soutien, ici j’en reçois et je me sens toujours mieux 🙂

 
Bonjour Mark-Olivier!
 
Merci d’écrire à AlterHéros, ça fait toujours plaisir d’avoir de tes nouvelles et de t’accompagner dans ton cheminement. Merci aussi pour tes bons mots sur notre organisme, je m’assurerai de les transmettre à toute l’équipe! 🙂
Tu parles dans ta question d’une grande peur de transitionner, en particulier car tes parents n’ont pas bien accueilli ton coming-out. Tu ne sais pas par où commencer pour faire ton coming-out dans d’autres milieux, et tu nommes des problématiques liées à ta psychologue et à ton emploi.
D’abord, je veux te dire que ce que tu vis est malheureusement très commun. Le fait de douter du fait que tu es trans parce que tu ne reçois pas le soutien de tes parents est quelque chose qui arrive à beaucoup de jeunes trans. Ça prend un courage énorme de faire un coming-out, et lorsque notre dévoilement n’est pas reçu de façon bienveillante par notre entourage, ça peut créer un grand vide. Donc je veux dire que je te crois. Si tu ressens que tu es un garçon, tu es un garçon. Il n’y a que toi qui peux savoir cela, et même dans le cas (très rare!) ou tu changerais d’avis par la suite, ça n’invalide en rien ce que tu vis présentement. Et puisque tu dis que tu n’éprouves pas de doute lorsque tu es seul, ça me porte à penser que les doutes que tu as en ce moment n’ont rien à voir avec ton identité, mais plutôt avec la transphobie de la société. De plus, c’est tout à fait normal d’avoir de la difficulté à te projeter en tant qu’homme dans le futur, car tu as été forcé toute ta vie à être identifié comme fille, et cela peut te prendre un peu de temps pour te construire de nouveaux repères.
C’est souvent difficile de se rappeler de cela, mais tu as le droit d’être bien, tu as le droit d’être heureux. Si transitionner te permettrait d’être mieux, alors c’est la seule raison dont tu as besoin pour le faire. Bref, je sais que c’est difficile, mais fais-toi confiance, car tu es le seul à pouvoir savoir qui tu es. 
Ceci étant dit, parlons maintenant de tes parents. Je comprends que ta situation est particulièrement difficile, car tu dépends encore de tes parents sur plusieurs aspects puisque tu es mineur. Dans tous les cas, ta sécurité est toujours la priorité. Tu n’es jamais obligé de démarrer des conversations qui pourraient te mettre en danger, et même si tu restes dans le placard pour cette raison, cela ne te rend pas «moins trans» que si tu avais la possibilité de transitionner. Par ailleurs, il n’est jamais trop tard pour transitionner. Si tu ne peux pas le faire maintenant dans ton milieu, cela ne veut pas dire que tu ne pourras jamais transitionner, ni que tu seras trop vieux pour le faire lorsque tu t’en sortiras.
Sinon, sens-tu qu’un de tes parents a une plus grande ouverture que l’autre sur le sujet? Si c’est le cas, que dirais-tu d’envoyer des ressources et de la documentation à ce parent pour voir s’il ou elle accepterait de s’informer sur le sujet? Je pense entre autres à cette vidéo qui pourrait t’aider à refaire ton coming out et aux ressources que j’ai récemment nommées dans cette réponse à une question d’une mère d’un enfant trans.
Par rapport à ton emploi avec ton père, je veux te dire qu’il est absolument illégal de renvoyer une personne parce qu’elle transitionne. En effet, la Charte des droits et libertés de la personne dit que les employeur.e.s n’ont pas le droit de faire de la discrimination en lien avec l’identité et l’expression de genre dans l’embauche, la promotion ou le renvoi d’une personne. Je sais que c’est délicat dans ta situation, car tu travailles dans une entreprise qui appartient à ton père, mais ça ne lui donne pas plus le droit de te faire perdre ton emploi parce que tu es trans. Si tu veux appuyer tes propos avec de la documentation, tu peux lui faire parvenir ce guide, qui parle de l’inclusion des personnes trans et non-binaires en milieu de travail. 
Maintenant, tu nommes être mal à l’aise face à ta psychologue qui te dis de prendre ton temps et qui continue de te genrer au féminin. Cela est en effet très peu professionnel de sa part, car il est totalement faux de dire qu’à 16 ans, on est trop jeune pour savoir que l’on est trans. En fait, des études démontrent que l’identité de genre est aussi forte chez les enfants transgenres que chez les enfants cisgenres. Si tu n’es pas capable de lui affirmer ton identité de genre en personne, tu pourrais lui écrire une lettre lui expliquant qu’elle doit te genrer au masculin et respecter ton identité de genre. 
À 16 ans, tu as droit au secret professionnel de la part de ta psychologue. Entre autres, cela veut dire qu’elle ne peut pas communiquer avec tes parents sur ce qui se passe entre vous durant vos visites, ni même de leur dire si tu a cessé de la consulter. Considérant cela, tu as tout à fait le droit de cesser de voir ta psychologue si son approche te cause plus de bien que de mal. C’est également une option de changer de psychologue si tu veux consulter une personne qui respecte ton identité et comprends les enjeux que tu vis. Penses-tu que ce serait quelque chose qui serait possible pour toi? J’ai vérifié sur une liste de psychologues transaffirmatif.ve.s du Québec et j’en ai trouvé deux en Mauricie-Centre-du-Québec, une à Nicolet et une à Drummondville
L’organisme Trans Mauricie/Centre-du-Québec pourrait également t’aider à trouver un.e psychologue transaffirmatif.ve. Tu peux les contacter via la messagerie instantanée sur leur site, par courriel ou bien par téléphone. 
Tu dis également dans ta question que tu as peur de parler à tes ami.e.s de ton identité de genre et que tu vis dans l’attente que tes parents donnent leur approbation à ta ta transition avant de commencer à t’affirmer. À ça, j’aimerais te répondre qu’une transition n’a pas besoin d’être un processus linéaire. Tu peux transitionner différemment à différents endroits. 
Par exemple, l’organisme Trans Mauricie/Centre-du-Québec offre des rencontres pour les personnes trans à Trois-Rivières et à Drummondville. Là-bas, tu pourrais rencontrer d’autres personnes trans et non-binaires avec qui tu pourrais partager tes expériences. Ce pourrait être une bonne première étape pour pratiquer ton affirmation du genre afin de te sentir par la suite plus confortable de t’identifier comme garçon dans d’autres milieux. Par la suite, tu aurais un peu de pratique pour en parler à tes ami.e.s. Qu’en dis-tu? Si tu n’as pas la possibilité de te rendre sur place, tu peux aussi les appeler, ou bien appeler la ligne d’écoute d’Interligne afin de te pratiquer à affirmer ton identité de genre à voix haute.
Tu pourrais également identifier un.e adulte de confiance à ton école afin de lui confier ton besoin de commencer à entreprendre une transition sociale à l’école. Ton école a l’obligation de t’accompagner dans cette démarche en te permettant d’utiliser le prénom et les pronoms de ton choix. Puisque tu as plus de 14 ans, tu as droit à la confidentialité, et tu peux spécifier aux intervenant.e.s de ton école qu’ils ne doivent pas parler de ta transition à tes parents. Je crois également que les intervenant.e.s de Trans Mauricie/Centre-du-Québec pourraient t’accompagner dans tes démarches auprès de ton école, si tu en éprouves le besoin. L’organisme Enfants Transgenres Canada pourrait également t’accompagner dans certaines de tes démarches, notamment auprès de tes parents ou de ton école, je t’invite donc à les contacter par courriel à info@enfantstransgenres.ca.
J’espère que ma réponse t’aide à y voir un peu plus clair. Si tu veux parler plus en profondeur d’un des sujets dont j’ai parlé ou de quoi que ce soit d’autre, n’hésite surtout pas à nous recontacter. 
Je t’envoie beaucoup de courage et de solidarité trans,
Séré, intervenant pour AlterHéros

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