#attirance
#Bisexualité
#jeune
#lacceptation
#parents
#Sexe
6 juillet 2004

Je suis boulversé par l'annonce de l'homosexualité de mon neveu. Aidez-moi.

J’ai 39 ans et je viens d’apprendre que mon neveu de 25 ans est gai…ca m’a fait un tel choc lorsque ma soeur ma fait cette révélation, on aurait dit que je venais de voir un ovni. Je suis restée bouche bé.
J’en ai pleuré c’est incroyable et pourtant ma grande amie m’a avouée l’an passé qu’elle était lesbienne et ca ne m’a pas dérangée je l’ai très bien acceptée.
Mais mon neveu c’est une autre affaire…C’est un garcon modèle, très très bollé, vraiment beau…il avait vraiment toute.
Je me demande si le fait que nous nous en ayons toujours occupé énormément en fait toute la famille on l’adorait et sa mère avait une confiance à tout épreuve envers lui si ca pu jouer sur son orientation sexuel.
Si vous avez des livres à me conseiller pour comprendre j’aimerais beaucoup!

Équipe -Pose ta question!-

Bonjour,

Le plus souvent, ce sont aux préoccupations de jeunes que nous répondons, à ceux et celles qui sont en cheminement vers l’acceptation de leur orientation sexuelle, qui se demandent encore ce qui se passe en elles et eux, et cherchent le pourquoi de toutes ces attirances que la morale et les valeurs sociales réprouvent. Plus que tout, iels se demandent si leurs parents, leurs ami.es,… vont les accepter et continuer à les aimer. Très souvent, ces jeunes, parce qu’on ne leur a pas permis d’envisager l’éventualité qu’iels soient, plus tard, attiré.es par des personnes de leur propre genre, se sont isolé.es, se sentant incompris.es, différent.es, voire anormaux et anormales, et ayant peur de décevoir, de heurter les personnes qui leur sont les plus proches… Iels ont peut-être subi de la discrimination à l’école du fait que les autres les trouvaient différent.es. Bref… Iels ont vécu des difficultés spécifiques qu’il est souvent difficile pour des personnes hétérosexuelles d’imaginer. Avant, un beau jour, de se prendre en main et de s’exprimer, de tenter de chercher une réponse, et plus que tout, d’essayer de vivre comme iels ont le droit de vivre, ce qu’iels ont le droit de vivre : des expériences affectives, sentimentales et sexuelles avec les personnes qui les attirent. Le but d’AlterHéros et d’associations d’entraide et de soutien telles que Jeunesse Lambda est précisément celui-ci : aider ces jeunes à cheminer, en les aidant à démystifier leur différence, en leur apprenant que le bonheur est simple, et qu’être d’orientation homo, bi, etc. ne fait pas d’elles et d’eux des êtres voués au malheur.

Mais ta question nous rappelle que nos proches vivent aussi notre «non-hérétosexualité», qu’iels ont eux aussi à cheminer dans l’acceptation de notre différence, qu’iels ressentent de la douleur et qu’il leur faut du temps pour accepter ce qui pouvait leur paraître inacceptable, tout simplement parce que l’amour et l’affection qu’iels portent à leurs enfants est plus fort que les interdits moraux ou les préjugés inculqués. J’imagine que la déception et le malaise que tu as ressentis en apprenant l’homosexualité de ton neveu est à la mesure du désarroi que ce jeune homme a pu lui-même éprouver en réalisant qu’il était attiré par les garçons. Quand bien même accepter son homosexualité est peut-être, dans certains cas, plus facile, de par l’ouverture d’esprit croissante de notre société, tous les obstacles n’ont pas été surmontés et le chemin est parfois douloureux pour un jeune qui se découvre gai / lesbienne et se questionne sur ses attirances. Pour un parent (au sens large), cela prend également du temps… faire le deuil des espoirs que l’on plaçait dans son enfant. On en avait une image qui semble tout d’un coup fausse et se craqueler, tout simplement parce que l’on apprend qu’il ou elle préfère les personnes de son genre. Les adultes et parents n’ont pas eu non plus l’opportunité de considérer l’homosexualité telle qu’elle est. Les valeurs morales et religieuses nous ont appris à voir l’homosexualité comme un fléau. Nous vivons avec les mythes que l’on se transmet de bouche en bouche, de génération en génération; nous amalgamons l’homosexualité avec la pédophilie, avec la fatalité, une maladie, le malheur, le sida, une perversion… Cela prend une ouverture d’esprit réelle pour accepter d’aller au-delà de ces préjugés dont on a hérité, pour accepter de voir plus loin que les idées reçues que l’on nous donne comme l’horizon limitant de notre pensée. Cela prend donc de l’ouverture d’esprit… mais c’est souvent à la faveur d’une douleur, d’une déchirure que l’on se voit dans l’obligation d’avancer : en étant confronté à la réalité que nos préjugés nous empêchaient de voir.

Tu écris que tu avais le sentiment d’être face à un ovni lorsque tu as appris l’homosexualité de ton neveu. Effectivement, il est d’une orientation sexuelle qui est encore pour toi le tout autre, la grande inconnue, voir l’aberration. Il ne t’a pas encore été donné de la penser, de la comprendre. C’est donc tout en ton honneur que de vouloir aller de l’avant, de prendre les informations nécessaires et d’apprendre sur l’homosexualité, afin de mieux comprendre ce que vit et a vécu ton neveu. Cela dénote une ouverture d’esprit que, malheureusement, tous les parents n’ont pas. Ce que tu vas réaliser en lisant des ouvrages sur l’homosexualité, c’est qu’il te faut désapprendre toutes les fausses idées qui nous ont été transmises.

– Que l’homosexualité n’est pas une maladie mais une manière d’être

– Que le fait que l’homosexualité ne soit pas l’orientation majoritaire de la population ne la rend pas illégitime ou anormale

– Que l’homosexualité n’est pas contre nature, ni une malédiction divine

– Que l’hétérosexualité n’est pas la seule orientation sexuelle, et que, naturellement une personne peut être attiré.e émotionnellement, sexuellement et affectivement par une personne du même genre qu’elle

– Que notre orientation sexuelle n’est pas nécessairement fixée une fois pour toute, que l’homosexualité n’est pas une déviance, mais une voie d’expression de la sexualité

– Que le désir n’est pas fondé sur la peur ou l’interdit : qu’il est donc vain de penser qu’une personne homosexuelle peut, par un effort de volonté, changer son orientation sexuelle et «redevenir» attiré.e par les personnes de «l’autre genre»

– Que l’homosexualité n’est pas synonyme de malheur ou de fatalité, que si un.e jeune a de la difficulté à vivre sa différence, c’est en raison des barrières morales et de l’incompréhension de toutes les personnes qui l’entourent.

Il me semble, dans le choix de tes mots, que tu considères l’homosexualité de ton neveu sous l’angle de la fatalité. Une de tes amies était lesbienne mais c’était différent, puisqu’elle n’est pas de ta famille. Et tu es resté bouche bée de voir qu’un membre de ta famille, un jeune homme beau qui avait tout pour réussir, a été frappé d’une sorte de malédiction. Les autres, c’était les autres… Lorsqu’une maladie touche un de nos proches, c’est différent. Mais, encore une fois, l’homosexualité n’est pas une maladie.

Peu importe que l’on soit beau, laid, grand, maigre, fille, garçon, asiatique, chauve ou autre… Ton neveu est homosexuel parce qu’environ 10% de la population est homosexuelle, et que l’homosexualité est une façon possible et envisageable d’être, de désirer, de se sentir, de vivre sa sexualité, une éventualité que l’on devrait présenter aux adolescent.es, non pas pour en faire la promotion (ce qui serait inutile de toute façon puisque l’homosexualité n’est ni contagieuse, ni susceptible d’être transmise, ni un choix), mais qu’iels sachent, s’iels découvrent qu’iels sont attiré.es pas des personnes de leur genre, que ce n’est pas anormal.

Il est aussi vain de rechercher une cause à l’homosexualité de ton neveu. Peu importe l’attitude de sa mère ou du reste de sa famille… peu importe s’il a joué avec des poupées plutôt qu’avec des jouets de guerre dans sa jeunesse… personne n’est responsable de l’homosexualité d’un individu. L’homosexualité ne se transmet pas, ne se cause pas, ne s’enseigne pas. Je précise également que c’est à la fois normal, dans le sens de «courant», et injustifié de ressentir le sentiment d’étrangeté qui a été le tien lorsque tu as appris l’homosexualité de ton neveu. Son orientation sexuelle n’est qu’une part de sa personnalité. Il n’est ni plus ni moins celui que tu as connu, et cette nouvelle facette de son être sera, j’en suis sûr, l’occasion pour vous de partager davantage, de développer une relation de confiance encore plus prononcée que celle qui pouvait exister entre vous, auparavant. Ce n’est pas lui qui est différent de celui que tu le croyais être, c’est plutôt un voile qui se lève sur tes yeux. La lumière te brûle, tout comme ses parents, tu vas apprendre à apprécier cette clarté nouvelle sur laquelle a été levé un voile de non-dit.

Voici un livre qui te permettra, j’en suis sûr, de mieux comprendre l’homosexualité et la sexualité en général, mais aussi les difficultés spécifiques qu’ont à vivre un nombre encore trop grand de jeunes qui se questionnent. (ndlr : il y avait, en 2004, un lien vers une liste de livre, mais ce lien est expiré)

– Mort ou fif, par Michel Dorais : un ouvrage majeur sur le lien entre le taux de suicide chez les jeunes gais et la stigmatisation de l’homosexualité dans notre société

Mais… plus que tout, je t’encourage à parler avec ton neveu. C’est en communiquant avec lui, en l’accompagnant sans le juger, que tu pourras le comprendre et comprendre le phénomène complexe de la sexualité, beaucoup plus complexe qu’on voudrait nous le faire croire.

Je te souhaite bon courage dans ton processus d’acceptation de l’homosexualité de ton neveu. Merci de cette ouverture d’esprit de ta part, dont témoigne ta requête. C’est grâce à elle que la douleur et l’incompréhension que tu ressens pour l’instant vont laisser place à une relation plus profonde avec ce jeune homme dont le bonheur t’importe plus que tout.

David Bertet

Président de Jeunesse Lambda 2004

pour AlterHéros

Similaire