Bonjour Laura!
Je suis contente que tu sois venue nous contacter sur Pose ta question! Tu sembles vivre un peu de confusion par rapport à ton orientation sexuelle, notamment en lien avec des souvenirs et, plus récemment, un rêve érotique. Je vais essayer de t’amener quelques éléments de réflexions qui, je l’espère, t’aideront à éclairer un peu ton chemin.
Si je résume rapidement, tu te considères hétérosexuelle puisque tu es attirée par les hommes. Pourtant, récemment, tu as rêvé que tu avais une relation sexuelle avec une femme. Cela semble t’avoir amenée à réfléchir à différents moments de ta vie où tu as ressenti une attirance pour des femmes, ce qui te ramène jusqu’à tes 4 ans. Tu te demandes maintenant tout ce que cela signifie par rapport à ton orientation sexuelle.
Tout d’abord, j’aimerais définir avec toi les facettes de l’orientation sexuelle, soit les désirs, les comportements et l’identité. Les désirs, ce sont nos attirances et envers qui elles se déclarent (est-ce qu’on est plutôt attiré par tel ou tel type de corps, tel ou tel type de personne, qui on aurait envie d’embrasser, etc.). Les comportements, ce sont les actions que l’on pose réellement, à l’inverse des désirs qui renvoient à l’imaginaire (ex : avoir embrassé notre amie, avoir eu une relation sexuelle avec un homme, avoir regardé les fesses d’une personne dans la rue). Finalement, l’identité, c’est l’appropriation et le choix de mots pour se décrire par rapport à notre identité sexuelle (hétéro, lesbienne, pansexuel.le, etc.). Certaiens femmes, par exemple, qui auraient des désirs invariablement de l’identité de genre des personnes qui l’intéressent, mais n’avoir eu des expériences sexuelles qu’avec d’autres femmes, pourraient se définir comme lesbiennes (se basant plutôt sur leurs comportements) ou comme pansexuelles (se basant davantage sur leurs désirs) ou même d’autres termes s’ils lui conviennent mieux! L’identité, c’est vraiment propre à chaque personne, sa façon de se percevoir et son sentiment d’appartenance à une orientation sexuelle plutôt qu’une autre.
Par ailleurs, la sexualité, c’est un concept qui est fluide. Ce que je veux dire par là, c’est que les trois éléments que je viens d’expliquer peuvent se modifier dans le temps. Par exemple, pour ce qui est des désirs, tu pourrais passer plusieurs mois durant lesquels tu es attirée exclusivement pas les garçons, puis éventuellement développer du désir pour des filles de ton entourage. Au niveau des comportements, tu pourrais passer plusieurs années à avoir des relations sexuelles avec des personnes de différents genre, puis éventuellement préférer avoir ce type d’activités uniquement avec des femmes. Enfin, du côté de l’identité, tu pourrais te considérer lesbienne pendant un certain temps, puis préférer te définir comme bisexuelle en raison des fluctuations de tes désirs ou de tes expériences sexuelles, par exemple! Ceci dit, bien que nous ayons du contrôle sur nos comportements et notre manière de nous définir, il n’est pas possible de choisir nos attirances.
Maintenant, que’est-ce que tout cela signifie pour toi? Tu dis être attirée par les hommes, tout en nommant trouver attirant le corps des femmes. Tu nommes aussi t’être imaginée des scénarios en regardant des femmes en lingerie. Comment fais-tu le lien avec les concepts de désirs et de comportements? Tu nommes plus récemment avoir fait un rêve érotique avec une autre femme. Évidemment, les rêves et les pensées relèvent de l’imaginaire et de la fantasmatique, donc plutôt de l’aspect des désirs. Comment t’es-tu sentie après avoir fait ce rêve? Est-ce qu’il t’a excitée? Te sentais-tu heureuse, effrayée? Avais-tu l’impression que c’est quelque chose que tu aimerais vivre ou expérimenter dans la vie réelle? Tu n’es pas obligée d’avoir les réponses à ces questions tout de suite, mais d’y réfléchir peut t’aider y voir un peu plus clair. Peut-être peux-tu comparer tes sentiments à ceux que tu vis lorsque tu penses à des situations semblables avec des hommes puisque tu dis aussi avoir du désir pour eux.
Comme je le mentionnais, nous n’avons pas de contrôle sur ce qui relève des désirs, mais nous pouvons choisir si et comment nous souhaitons agir en conséquence de ceux-ci. Par contre, je ne te conseille pas d’agir contre eux pour essayer de les changer. Ce que je veux dire par là, c’est que si tu réalisais que tu n’éprouves finalement du désir que pour les femmes, par exemple, mais que tu choisissais de n’avoir de relations amoureuses et sexuelles qu’avec des hommes parce que tu as peur d’être lesbienne, ça ne changerait pas tes attirances. Ça pourrait toutefois te rendre malheureuse à long terme.
Dans ton message, tu mentionnes parfois regarder des femmes que tu trouves belle et détourner le regard parce que tu en as honte. D’après toi, d’où vient cette honte? As-tu peur de découvrir que tu es attirée par les femmes? Si oui, qu’est-ce qui te ferait peur? Souvent, les gens qui nous écrivent nous disent ne pas avoir de problème avec les personnes gaies ou bi, mais semblent tout de même avoir peur de l’être. Est-ce que tu te reconnais là-dedans? Il est possible que tu ressentes de l’attirance pour les femmes et désires des rapprochements physiques avec elles, mais que cela te fasse peur ou que tu en aies honte. Cette peur et cette honte peuvent s’ancrer dans ce qu’on appelle de l’homophobie intériorisée. C’est lorsque l’on intègre les préjugés et la peur qui sont transmis par la société par rapport à l’homosexualité, sans nécessairement en être conscient.e. Ça peut se traduire par la peur de « ne pas être normal.e », des émotions négatives envers soi, etc. C’est insidieux parce que c’est lié à nos émotions. Du coup, il est tout à fait possible que, rationnellement, on comprenne que toutes les orientations sexuelles sont aussi acceptables ou normales, que l’on sache que nos fantasmes ne reflètent pas toujours nos désirs dans la vie réelle et que l’on souhaite que tout le monde ait le droit au mariage, quelle que soit leur orientation sexuelle, par exemple. Pourtant, il est possible d’en même temps ressentir toutes ces émotions négatives et d’entretenir des craintes face à l’idée de ne pas être hétéro. Certaines craintes, malheureusement, peuvent être fondées, comme la peur de vivre de l’incompréhension ou de l’hostilité de la part de notre entourage. Par contre, le fait d’avoir une orientation sexuelle qui n’est pas celle de la majorité n’a rien de mal en soi et ne devrait pas nous faire sentir mal. Il est tout à fait possible de vivre une vie heureuse sans être hétéro! Évidemment, c’est plus facile à dire qu’à faire, mais ça vaut la peine de faire une introspection. S’interroger sur les préjugés et les fausses croyances que l’on peut entretenir afin de les démystifier est un bon moyen d’avancer sur le chemin de l’acceptation de soi et, par conséquent, d’un plus grand sentiment de paix et de bien-être.
En bref, je t’invite à te poser des questions sur tes attirances et sur les expériences amoureuses et sexuelles que tu aimerais vivre pour mieux cerner ce que tu ressens et pouvoir choisir un terme qui te convient pour définir ton orientation sexuelle. Essaie de ne pas poser de jugement sur les constatations que tu feras, qu’elles t’amènent à réaliser que tu es bien hétérosexuelle ou qu’elles t’amènent à te considérer lesbienne, bi, pan ou autre. Toutes les orientations sexuelles sont belles et ont toutes le potentiel de te rendre heureuse! C’est en s’interrogeant sur tes pensées, tes croyances, tes désirs, tes fantasmes et tes aspirations que tu pourras mieux te connaître.
J’espère qu’à défaut de t’avoir donné une réponse fixe, j’aurai pu t’amener à te poser les questions qui te permettront de mieux te comprendre et de pousser ta réflexion plus loin. Je t’invite à nous recontacter si tu as des questions supplémentaires, que tu souhaites des précisions, que tu veux adresser des inquiétudes ou pour tout autre chose. Ça nous fera toujours très plaisir d’avoir de tes nouvelles!
Prends soin de toi,
Marion