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28 mars 2024

Je remets constamment en doute ma transitude et j'ai beaucoup de transphobie interiorisée...

Salut,
Alors voilà, depuis quelques temps je me pose beaucoup de questions sur mon genre. J’ai vécu dans le déni très longtemps, mais maintenant je suis ouvert à me poser des questions. Je réfléchis sans cesse. Je suis né fille, mais j’aime bien m’imaginer en garçon. Je sais que je serais jamais autant « fit » que les instagrameurs trans ou etc. Je vais sûrement perdre mes cheveux si je commence un traitement hormonal, mais ça me va. Oui, comme tous les gars, c’est sûr que je trouve ça plate, mais si je veux être un gars faut que j’accepte tout ce qui vient avec non?
Le problème est que je me remet en constamment en doute. Ayant vécu dans un milieu où « la communauté lgbt c’est correct, mais de loin », je crois être un peu homophone/transphobe envers moi-même. Je ne veux pas être trans. Je ne veux pas non-plus être gay, lesbienne, bi, etc (je ne connais pas trop mon orientation sexuelle). Je ne veux pas être reconnu à cause d’une « caractéristique ». Je ne veux pas être fier d’être un gars trans. Par contre, j’aimerais être fier du père que je pourrais être un jour, de l’homme que je serais ou de ma carrière professionnel.
Mes parents ne croient pas aux transgenres et pas aussi tôt (J’ai 16 ans). On me parle constamment de « détransitionneur »/ »détransition » en plus de me parler de biologie (chromosomes) et ça me fait peur. J’ai peur de faire ça pour l’attention. Pour changer de personne, de peau. J’ai peur de ne pas accepter mon orientation sexuelle au point de vouloir changer de genre comme l’ont fait la plupart des « détransitionneur ». Je déteste ce mot. On y a mis tellement de haine chez moi, alors que c’est complètement normal de se poser des questions et faire des expériences. Je le sais et pourtant, j’ai peur. Peur de transitionner pour, finalement, être juste une fille qui ne s’accepte pas.
Je ne déteste pas mon corps complètement. Oui, il y a des jours où je n’aime pas mes attributs féminins, mais il y a d’autres jours où ils me dérangent moins. Je lève souvent souvent mes yeux au ciel lorsque je me change. Ça m’aide. J’ai toujours hâte de mettre mon binder. Dès que je le peux, je le mets. J’adore me sentir plat. Je me sens bien. Et, quand je suis seul, je me mets une paire de bas dans mes sous-vêtements et j’aime le sentiments que ça me fait. Je me sens…moi. Complet.
Par contre, quand le monde m’appelle Jonas, je ressens un petit malaise (il y a juste trois personne qui m’appelle comme ça… et encore là). Peut-être c’est juste parce que je n’ai pas encore trouvé mon véritable nom. J’aimerais ça que mes parents le choisissent… comme si j’étais né garçon. Or, j’aime quand on me parle au masculin. J’aime m’imaginer en homme. J’aime quand je me parle au masculin dans ma tête. Même que, un jour, j’ai vu un gars trans sur les réseaux sociaux qui me faisait à penser à moi si je pourrais transitionner : un peu chubby, barbe, face ronde, lunette, petit, mais bien dans sa peau. J’ai pleuré quand je l’ai vu (ce qui est très rare pour moi étant donné que je ne pleure jamais)
Je n’ai jamais eu de signes avant-coureur et j’agis encore en fille selon certaine situations (je lis beaucoup, je suis fan des chats, etc), comme mes parents me le disent toujours. Plus jeune, par contre, j’étais déjà tomboy. Quand j’ai changé d’école pour aller dans une école privé, en troisième année, je ne portais que le pantalons et, quand il faisait trop chaud, je portais la jupe-short. Jamais la jupe normale. Je ne voulais pas. Je portais des boxers « pour fille » et des casquettes à palette droite. Je grimpais partout. Je ne jouais pas à maman-papa-bébé. Moi, je grimpais sur le poteau de pompier ou les poteaux de balançoire. J’adorais faire travailler mes muscles et j’aime encore.
D’ailleurs, j’aime beaucoup mes épaules, mes bras et mes mains car ils font très homme.
Avant de changer d’école, j’avais pleins d’amis garçons. Après, et bien, j’ai perdu tous mes amis et, à l’école privé, les garçons ne jouaient pas avec les filles. Je me rappelle d’avoir été triste à cause de ça. Je regardais toujours les gars de loin. Je le fais toujours pour essayer de voir qu’est-ce que je pourrais améliorer pour être plus masculin.
Finalement, vers ma sixième année/secondaire un, j’ai changé. J’ai porté une vrai jupe pour la première fois. Bon, j’avais quelques petites choses que je refusais de faire comme porter du maquillage, mais je suis devenu plus fille. C’est là que j’ai commencé à sentir la pression sociale. Toutes les filles portaient déjà du maquillage et pas moi. Je détestais magasiner, alors que les autres adoraient ça. Je me suis donc convaincu que c’était ça que les vrais filles font. J’ai commencé à porter des robes, jupes, collants, shorts courtes (je détestais/déteste les shorts courtes). J’ai eu mon premier copain. Ça n’a pas bien finit. C’était une relation toxique… Peut-être que c’est à cause de ça que je veux être un garçon? De plus, j’ai juste des amies filles et j’ai l’impression que ça me rend… moins valide. Je suis nerveux, maintenant, au tour des garçons. Comme si j’étais pas à ma place. Comme si j’étais un imposteur. (Je ne suis pas out autour de moi. Juste à trois ami/es.)
Finalement, l’année passée, j’ai commencé à me poser des questions en restant dans le déni. Je regardais des gars trans et j’étais comme « Wow, moi aussi je veux un binder. Je suis pas trans, par contre… Mais est-ce que ça veut dire que je suis trans? Naaaah, je veux juste un binder parce que je suis une fille bizarre ». Depuis un peu plus de deux mois, je suis plus sérieux maintenant. Je pense à ça sans être dans le déni. Je fais des expériences (et mes parents le remarquent).
Sexuellement parlant, j’aime m’imaginer comme un gars cisgenre. Comme si j’avais toutes les parties biologiques d’un homme. En fait, j’aime juste ça m’imaginer en garçon. J’ai une grande imagination, alors, je suis capable de pratiquement me convaincre que je suis plat sous mon chandail même quand je ne porte pas mon binder. Je ne suis pas capable de m’imaginer plus vieux, mais je suis capable de m’imaginer à mon bal cette année ou rendu au cégep. Dans tous les cas, j’ai, au moins, une apparence masculine. Ça me rend vraiment triste savoir que je vais devoir porter une robe et tout le tralala à mon bal au lieu d’avoir un complet. Ça me rend triste savoir que je vais commencer mon cégep sous un nom de fille et ressembler à une fille.
Alors, ma question après tout ça, est est-ce que je fais ça pour les bonnes raisons? Est-ce que je veux juste de l’attention alors que je ne veux pas? Est-ce que c’est juste une phase dans mon adolescence parce que mon cerveau n’est pas totalement formé? Est-ce que… je suis juste en déni complet? Est-ce que je fais ça pour être différent?
Je sais que mes questions/réponses et que toute ma période d’affirmation de moi-même va passer par, et bien, moi. Mais savoir que j’ai du soutient et des personnes qui comprennent ainsi qu’avoir des conseils vont sûrement m’aider.
Merci beaucoup (et désolé pour le long message),
Jonas

Claude

Salut,
Alors voilà, depuis quelques temps je me pose beaucoup de questions sur mon genre. J’ai vécu dans le déni très longtemps, mais maintenant je suis ouvert à me poser des questions. Je réfléchis sans cesse. Je suis né fille, mais j’aime bien m’imaginer en garçon. Je sais que je serais jamais autant « fit » que les instagrameurs trans ou etc. Je vais sûrement perdre mes cheveux si je commence un traitement hormonal, mais ça me va. Oui, comme tous les gars, c’est sûr que je trouve ça plate, mais si je veux être un gars faut que j’accepte tout ce qui vient avec non?
Le problème est que je me remet en constamment en doute. Ayant vécu dans un milieu où « la communauté lgbt c’est correct, mais de loin », je crois être un peu homophone/transphobe envers moi-même. Je ne veux pas être trans. Je ne veux pas non-plus être gay, lesbienne, bi, etc (je ne connais pas trop mon orientation sexuelle). Je ne veux pas être reconnu à cause d’une « caractéristique ». Je ne veux pas être fier d’être un gars trans. Par contre, j’aimerais être fier du père que je pourrais être un jour, de l’homme que je serais ou de ma carrière professionnel.
Mes parents ne croient pas aux transgenres et pas aussi tôt (J’ai 16 ans). On me parle constamment de « détransitionneur »/ »détransition » en plus de me parler de biologie (chromosomes) et ça me fait peur. J’ai peur de faire ça pour l’attention. Pour changer de personne, de peau. J’ai peur de ne pas accepter mon orientation sexuelle au point de vouloir changer de genre comme l’ont fait la plupart des « détransitionneur ». Je déteste ce mot. On y a mis tellement de haine chez moi, alors que c’est complètement normal de se poser des questions et faire des expériences. Je le sais et pourtant, j’ai peur. Peur de transitionner pour, finalement, être juste une fille qui ne s’accepte pas.
Je ne déteste pas mon corps complètement. Oui, il y a des jours où je n’aime pas mes attributs féminins, mais il y a d’autres jours où ils me dérangent moins. Je lève souvent souvent mes yeux au ciel lorsque je me change. Ça m’aide. J’ai toujours hâte de mettre mon binder. Dès que je le peux, je le mets. J’adore me sentir plat. Je me sens bien. Et, quand je suis seul, je me mets une paire de bas dans mes sous-vêtements et j’aime le sentiments que ça me fait. Je me sens…moi. Complet.
Par contre, quand le monde m’appelle Jonas, je ressens un petit malaise (il y a juste trois personne qui m’appelle comme ça… et encore là). Peut-être c’est juste parce que je n’ai pas encore trouvé mon véritable nom. J’aimerais ça que mes parents le choisissent… comme si j’étais né garçon. Or, j’aime quand on me parle au masculin. J’aime m’imaginer en homme. J’aime quand je me parle au masculin dans ma tête. Même que, un jour, j’ai vu un gars trans sur les réseaux sociaux qui me faisait à penser à moi si je pourrais transitionner : un peu chubby, barbe, face ronde, lunette, petit, mais bien dans sa peau. J’ai pleuré quand je l’ai vu (ce qui est très rare pour moi étant donné que je ne pleure jamais)
Je n’ai jamais eu de signes avant-coureur et j’agis encore en fille selon certaine situations (je lis beaucoup, je suis fan des chats, etc), comme mes parents me le disent toujours. Plus jeune, par contre, j’étais déjà tomboy. Quand j’ai changé d’école pour aller dans une école privé, en troisième année, je ne portais que le pantalons et, quand il faisait trop chaud, je portais la jupe-short. Jamais la jupe normale. Je ne voulais pas. Je portais des boxers « pour fille » et des casquettes à palette droite. Je grimpais partout. Je ne jouais pas à maman-papa-bébé. Moi, je grimpais sur le poteau de pompier ou les poteaux de balançoire. J’adorais faire travailler mes muscles et j’aime encore.
D’ailleurs, j’aime beaucoup mes épaules, mes bras et mes mains car ils font très homme.
Avant de changer d’école, j’avais pleins d’amis garçons. Après, et bien, j’ai perdu tous mes amis et, à l’école privé, les garçons ne jouaient pas avec les filles. Je me rappelle d’avoir été triste à cause de ça. Je regardais toujours les gars de loin. Je le fais toujours pour essayer de voir qu’est-ce que je pourrais améliorer pour être plus masculin.
Finalement, vers ma sixième année/secondaire un, j’ai changé. J’ai porté une vrai jupe pour la première fois. Bon, j’avais quelques petites choses que je refusais de faire comme porter du maquillage, mais je suis devenu plus fille. C’est là que j’ai commencé à sentir la pression sociale. Toutes les filles portaient déjà du maquillage et pas moi. Je détestais magasiner, alors que les autres adoraient ça. Je me suis donc convaincu que c’était ça que les vrais filles font. J’ai commencé à porter des robes, jupes, collants, shorts courtes (je détestais/déteste les shorts courtes). J’ai eu mon premier copain. Ça n’a pas bien finit. C’était une relation toxique… Peut-être que c’est à cause de ça que je veux être un garçon? De plus, j’ai juste des amies filles et j’ai l’impression que ça me rend… moins valide. Je suis nerveux, maintenant, au tour des garçons. Comme si j’étais pas à ma place. Comme si j’étais un imposteur. (Je ne suis pas out autour de moi. Juste à trois ami/es.)
Finalement, l’année passée, j’ai commencé à me poser des questions en restant dans le déni. Je regardais des gars trans et j’étais comme « Wow, moi aussi je veux un binder. Je suis pas trans, par contre… Mais est-ce que ça veut dire que je suis trans? Naaaah, je veux juste un binder parce que je suis une fille bizarre ». Depuis un peu plus de deux mois, je suis plus sérieux maintenant. Je pense à ça sans être dans le déni. Je fais des expériences (et mes parents le remarquent).
Sexuellement parlant, j’aime m’imaginer comme un gars cisgenre. Comme si j’avais toutes les parties biologiques d’un homme. En fait, j’aime juste ça m’imaginer en garçon. J’ai une grande imagination, alors, je suis capable de pratiquement me convaincre que je suis plat sous mon chandail même quand je ne porte pas mon binder. Je ne suis pas capable de m’imaginer plus vieux, mais je suis capable de m’imaginer à mon bal cette année ou rendu au cégep. Dans tous les cas, j’ai, au moins, une apparence masculine. Ça me rend vraiment triste savoir que je vais devoir porter une robe et tout le tralala à mon bal au lieu d’avoir un complet. Ça me rend triste savoir que je vais commencer mon cégep sous un nom de fille et ressembler à une fille.
Alors, ma question après tout ça, est est-ce que je fais ça pour les bonnes raisons? Est-ce que je veux juste de l’attention alors que je ne veux pas? Est-ce que c’est juste une phase dans mon adolescence parce que mon cerveau n’est pas totalement formé? Est-ce que… je suis juste en déni complet? Est-ce que je fais ça pour être différent?
Je sais que mes questions/réponses et que toute ma période d’affirmation de moi-même va passer par, et bien, moi. Mais savoir que j’ai du soutient et des personnes qui comprennent ainsi qu’avoir des conseils vont sûrement m’aider.
Merci beaucoup (et désolé pour le long message),
Jonas

 
Bonjour Jonas ! 
Tout d’abord, un grand merci de faire confiance à l’équipe d’AlterHéros pour répondre à tes questionnements – ton message est très touchant, et je comprends que tes inquiétudes te préoccupent beaucoup. J’espère que je pourrai ici apporter un peu de clarté à tes réflexions. 
*Puisque tu précises que tu aimes que l’on s’adresse à toi en utilisant le masculin, j’utiliserai moi aussi des pronoms masculins tout au long de mon message.
Tu te questionnes beaucoup sur ton genre – le sexe qu’on t’a assigné à la naissance est le féminin, mais cela ne semble pas réellement correspondre à la manière dont tu te perçois, au genre dans lequel tu souhaiterais vivre. Le terme « trans » te fait réagir, et tu as l’impression qu’il ne te représente pas. Tu aimerais te sentir homme, à l’intérieur comme à l’extérieur, et tu ressens beaucoup de tristesse à l’idée de « devoir » te conformer aux standards considérés comme féminins. De plus, tu mentionnes avoir grandi dans un environnement plutôt intolérant à la diversité sexuelle, et tu as l’impression que cela a peut-être affecté ta manière de considérer ton identité de genre. Tous ces éléments te font douter des raisons pour lesquelles tu ressens le besoin de vivre dans un autre genre, et c’est ce qui t’amène à nous écrire. Ce portrait te semble-t-il juste?  
 Tout d’abord, j’aimerais te demander si tu es familier avec les concepts de « genre », « identité de genre » et d’« expression de genre »? Il s’agit de beaucoup de mots, et puisque je risque fort de les utiliser souvent au fil de ma réponse, je vais t’en faire un bref résumé pour que tu puisses t’y retrouver un peu mieux 😉 
Le genre s’appuie sur les comportements et les caractéristiques que la société attribue au « masculin » et au « féminin » – c’est donc ce que l’on appelle une « construction sociale ». Le genre a presque toujours été divisé en deux catégories seulement : homme ou femme. On appelle cela la binarité des genres. Le genre n’a pas besoin de correspondre au sexe assigné à la naissance – en effet, puisque les comportements associés aux genres ont été décidés il y a très longtemps par la société et la culture, ils ne sont pas ancrés dans notre ADN, ce qui signifie que nous pouvons tout à fait vivre dans notre genre ressenti et choisir quels comportements ou attitudes on souhaite adopter. De façon plus générale, on dit des personnes dont le genre vécu correspond au sexe assigné à la naissance qu’iels sont cisgenres  alors que les personnes dont le genre vécu ne correspond pas au sexe assigné à la naissance sont  trans  – cela étant dit, personne n’est tenu d’adopter une étiquette à tout prix! En effet, « […] l’identité de genre est une sensation ou un sentiment que nous avons tous concernant le fait d’être homme, femme, ni un ni l’autre, ou les deux. Si les normes habituelles nous enseignent qu’il n’y a que deux options (c’est-à-dire, les catégories binaires de genre homme/femme), dans les faits, les gens vivent et expriment leur genre de façons beaucoup plus variées et complexes ». 
 « L’expression  de genre est l’apparence de ce que notre société qualifie de féminin ou de masculin (vêtements, coiffure, maquillage, langage corporel, etc.), sans égard au genre de la personne. Les deux pôles de cet axe correspondent aux représentations stéréotypées du féminin et du masculin telles que les véhiculent nos sociétés. Entre ces deux pôles, on retrouve toutes les possibilités de l’expression de genre. L’expression de genre n’est pas nécessairement la manifestation de l’identité de genre de la personne et peut varier chez une même personne » (cette définition est tirée du lexique « LGBTQI2SNBA+ : les mots de la diversité liée au sexe, au genre et à l’orientation sexuelle », qui est disponible en ligne). 
Je crois comprendre qu’une grande partie de tes inquiétudes est en lien avec la peur de te « tromper », de ne pas réellement désirer être un homme, et de ne vouloir faire ce changement que pour attirer l’attention. Tu sembles déjà en avoir pris conscience, mais je tiens tout de même à te mentionner que toutes ces questions et ces craintes sont entièrement valide – il est naturel de se remettre en question, et cela veut simplement dire que tu te respectes, et que tu souhaites faire ce qui te convient réellement. De plus, tu n’es pas le seul à ressentir ce genre d’incertitudes : en effet, beaucoup d’autres jeunes comme toi nous écrivent pour des raisons bien semblables aux tiennes. Nous vivons dans une société qui valorise encore beaucoup la cisnormativité, c’est-à-dire qu’on a malheureusement tendance à prendre pour acquis que la majorité des gens est confortable avec le genre qu’on leur a assigné à la naissance (donc, « cisgenre »)… et cette façon de voir les choses peut souvent nous mener à diminuer l’importance que l’on accorde aux questionnements en lien avec l’identité de genre. Or, tu possèdes une grande capacité de réflexion, et tu as déjà entamé une très bonne partie de ta démarche – d’ailleurs, je t’en félicite!   
Tu te demandes si tu ne serais pas « juste une fille qui ne s’accepte pas »; évidemment, je ne peux pas répondre à cette question pour toi… par contre, il m’est possible de te communiquer mes impressions. De mon côté, je ne crois pas que tout ce cheminement que tu as fait ne soit qu’une façade pour attirer l’attention. Pour répondre un peu plus clairement à l’une de tes interrogations : ne t’en fais pas, ta remise en question n’a pas de lien avec le développement de ton cerveau! Il s’agit d’une croyance erronée et plutôt vieille, mais qui semble malheureusement persister encore aujourd’hui. Cependant, on comprend maintenant un peu mieux que tous les êtres humains sont différents – et ce, autant dans leurs caractéristiques physiques, sociales, émotionnelles et psychologiques que dans leurs caractéristiques romantiques et sexuelles 🙂 Donc, même si elles peuvent être conflictuelles, toutes les émotions que tu ressens sont réelles et tout à fait valides. Ce passage durant lequel tu racontes comment tu as subitement eu envie de pleurer en voyant sur Internet un jeune trans qui te ressemble est très touchant – il témoigne de tes sentiments à toi, de tes besoins et de tes désirs, et il est normal de vouloir y répondre. 
Le fait que tu ne « déteste pas complètement ton corps » semble être un élément qui contribue à ton questionnement. Souviens-toi que chacun d’entre nous évolue selon un parcours différent; les personnes trans ou non-binaires ne ressentent pas systématiquement d’émotions très négatives (dégoût, colère, haine) à l’égard de leur corps ou de leur apparence. Pour certains, il peut plutôt s’agir d’une impression de non-concordance, un sentiment d’inconfort – tout cela ne doit pas t’être étranger, et donc je ne t’apprends peut-être rien de nouveau, mais je voulais simplement attirer ton attention sur le fait que « ne pas détester son corps » n’est pas nécessairement un indicateur que ton identité de genre correspond à celle que l’on t’a assigné à ta naissance. 
Tu dis avoir grandi dans une famille qui ne comprend pas très bien la diversité sexuelle, et tu fais toi-même un lien très pertinent entre ton environnement familial et les sentiments plus négatifs que tu peux ressentir envers l’homosexualité et les transidentités. Il s’agit d’un phénomène bien réel qu’on appelle « homophobie intériorisée ». Il se pourrait en effet que la perception de ta famille ait influencé ta manière de considérer ton identité de genre. À ce sujet, je ne peux que te conseiller de prendre le temps de te questionner sur tes valeurs à toi – je sais que ce n’est pas chose facile, surtout lorsqu’il s’agit de quelque chose qui nous est appris depuis notre plus jeune âge, mais il faut te souvenir que tu es le seul à pouvoir définir qui tu es, et que tu n’as pas à te justifier à qui que ce soit. Tu es absolument libre d’explorer, d’expérimenter, et même de te tromper – ton cheminement t’appartient, et tu peux procéder à ton rythme. J’aimerais ici citer un de mes collègues, qui a répondu à un.e autre jeune qui, comme toi, avait peur de la « détransition » : « Il est vrai que certaines personnes vont, après coup, effectuer un parcours de « détransition ». Toutefois, est-ce que ces personnes regrettent nécessairement de s’être autorisées à explorer leur genre? L’exploration de son genre peut être une expérience magnifique lorsqu’on s’autorise des essais-erreurs, des expérimentations où notre bien-être est constamment au centre. […] Il est vrai que pour certaines personnes, cette exploration de leur genre leur permet de démêler leur ressenti par rapport à leur identité de genre et leur expression de genre : en d’autres mots, c’est parfois cette exploration de leur genre qui leur permet de mieux définir leur identité de genre ». 
Je crois comprendre que tu explores déjà certaines façons d’altérer tes caractéristiques physiques (mettre un binder, par exemple). C’est une très bonne idée! Tu mentionnes également que tu « fais des expériences » que ton entourage peut remarquer. Déjà, le fait que tu te permettes ces expérimentations montre que tu te respectes et que tu te connais bien. Il peut s’agir de quelque chose de confrontant, mais c’est également l’une des meilleures manières de mieux comprendre son identité de genre. J’ai cru lire dans ton message qu’en grandissant, tu as choisi un peu malgré toi de te conformer aux « standards » vestimentaires féminins, mais que cela ne te convient pas vraiment. As-tu déjà réfléchi aux diverses manières de « jouer » avec ton expression de genre? Par exemple, beaucoup de gens aiment  changer de style vestimentaire, essayer de nouvelles coupes de cheveux, ou varier les accessoires qu’ils ajoutent à leur tenue… est-ce qu’il s’agit de quelque chose que tu te sentirais confortable d’essayer dans ta vie de tous les jours – par exemple, porter plus souvent le pantalon, t’habiller avec des chandails plus amples, ou encore sélectionner un ensemble pantalon-chemise et un nœud papillon lors un évènement au lieu de porter une jupe (comme pour un bal de finissant.e.s, par exemple!) ? Tu écris que tu es vraiment triste de « devoir » porter une robe à ton bal des finissants; y a-t-il une raison pour laquelle tu te sens obligé de choisir une robe? Est-ce parce que tu crains les réactions de ton entourage? Des membres de ta famille? Je réalise bien que d’opter pour un style complètement différent, surtout lors d’un évènement important, n’est pas toujours d’une transition facile… Pour certains, il ne s’agit que d’un vêtement, mais pour toi, cela peut représenter beaucoup. Je ne veux pas te pousser à adopter des comportements qui ne te conviennent pas, ou à faire des changements pour lesquels tu ne te sens pas prêt. Cependant, je peux te proposer de réfléchir aux possibilités qui s’offrent à toi. Tu dis t’être confié à quelques ami.e.s de confiance; peut-être ces ami.e.s peuvent-ils/elles t’accompagner dans tes réflexions? Iels auraient peut-être des suggestions à te proposer pour améliorer un peu ta tenue de bal afin qu’elle te représente mieux – et ce, tout en s’assurant que tu sois confortable de la porter. N’oublie pas que ton bal de finissant.e.s, c’est quelque chose qui t’appartient à toi. C’est ton moment de célébration. Tu peux choisir d’y participer ou non, tu peux aussi choisir comment t’y habiller. 🙂
Il n’y a pas de « bonne » ou de « mauvaise » manière de vivre le genre dans lequel on se sent confortable; chaque individu possède sa propre façon de se représenter, et chacune de ces façons est valable. Ainsi, souviens-toi que ton identité de genre t’appartiennent, et c’est à toi – et seulement toi- qu’il revient de définir qui tu es, comment tu souhaites t’habiller, et à quel.s genre.s tu t’identifies (ou pas!).  L’important reste de te placer toi-même au centre du processus, et de faire ce qui te rend heureux et confortable. 

Finalement, je vois que tu habites dans la région de la Mauricie, au Québec. As-tu déjà entendu parlé de l’organisation communautaire Trans Mauricie-Centre-du-Québec ? Il s’agit d’un groupe par et pour les personnes trans et non-binaires. Si tu ressens le besoin de rencontrer d’autres personnes vivant ou ayant vécu une situation similaire à la tienne, cette association peut être une belle porte d’entrée pour rencontrer d’autres personnes près de chez toi.

Voilà, alors j’espère avoir pu contribuer à tes réflexions, et t’avoir apporté un peu de support. Souviens-toi que, si tu en ressens le besoin, tu peux toujours nous réécrire, ne serait-ce que parce que tu as besoin d’encore un peu de soutien – notre porte est grande ouverte! 
Prends soin de toi, 
Claude
Baccalauréat en sexologie, UQAM

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