8 décembre 2022

Je pense être une personne genderfluide/non binaire et avoir un TDAH et j'ai des difficultés aux niveaux relationnel et professionnel pour lesquels j'aurais besoin de conseils...

TDAH, non binaire, besoin de conseils sur ma situation pro/perso

 

Bonjour,

 

J’ai besoin de conseils concernant ma situation. Je n’ai pas de questions nettes donc je sais que ça va être compliqué de m’apporter une réponse. En gros je vais juste raconter ma vie (désolé.e) et pour chaque sujet ma question sera plus ou moins « pouvez-vous m’aider avec ça ? ».

C’est assez difficile pour moi de penser à tout et d’organiser mes idées et de les exprimer correctement, c’est pourquoi mon messages sera long, confus et ne reflétera pas toute la réalité de ma situation, mais j’essaye de faire au mieux.

Je pense être une personne genderfluide / non binaire et une personne TDAH, mais je ne trouve, en tout cas en France et accessible pour moi, aucun.e psychiatre faisant de diagnostic du TDAH pour les adultes (alors que pour les enfants – et surtout pour les « petits garçons » – c’est si systématique…). Donc je ne sais pas. Mais je constate quand même des difficultés que les autres semblent ne pas connaître, ou de façon beaucoup plus minime.

Notamment des difficultés relationnelles, je ne détaille pas beaucoup ici mais sachez que je n’ai pas d’ami.e.s, que je n’ai jamais eu de relation amoureuse ni sexuelle (pas faute de le vouloir, je fantasme beaucoup sur les relations sexuelles et romantiques mais la réalité c’est autre chose), que j’ai du mal à m’exprimer (je n’ai pas les mots, pas les sujets de conversation, mauvaise articulation) et à comprendre les autres (parfois je n’entends/comprends pas bien et je demande souvent aux autres de répéter), j’ai du mal à maintenir une relation cordiale car j’oublie les noms et les visages et les choses dont on a déjà parlé. Donc je me sens assez seul.e au quotidien, même si j’ai besoin de solitude pour me ressourcer je regrette de n’avoir personne à qui parler de mes problèmes ou avec qui partager mes centres d’intérêt.

J’ai passé beaucoup de temps à me demander si j’étais bi, pan ou autre chose, mais finalement j’ai abandonné l’idée de me définir à ce niveau. A quoi bon s’interroger sur son orientation sexuelle et romantique si finalement on n’a jamais aucune relation ? Pas besoin de faire son coming out car jamais personne à présenter à sa famille et/ou à ses ami.e.s. Voire même en faisant un coming out sur mon orientation iels vont s’attendre à ce que je vive une relation avec quelqu’un un jour, et si ça n’arrive jamais iels auront pitié de moi. Alors que si je ne dis rien, iels ne sauront pas que j’ai bel et bien des ambitions amoureuses, mais que je n’arrive pas les à atteindre.

J’ai récemment intégré une colocation de 6 personnes (toutes cis, neurotypiques et a priori hétéros) pour me pousser à aller vers les autres et me faire des ami.e.s, mais pour l’instant et bien que j’apprécie mes colocataires je n’ai pas beaucoup de liens avec elleux pour les raisons citées plus haut. Aussi parce que j’ai honte de certaines choses, notamment de mon hygiène de vie (qui se traduit par le chaos qui règne dans ma chambre et dans ma partie du frigo) et de mon hygiène corporelle (les gestes comme se doucher, se laver les dents, se laver les cheveux, se coiffer ou faire la lessive sont des tâches que je n’arrive pas à intégrer dans ma routine quotidienne tant elles représentent une corvée), donc je ne permets pas à mes colocs de s’approcher trop près ou de pénétrer dans ma sphère privée. Je ne leur ai pas parlé de mes difficultés car iels me trouveraient juste étrange, bordélique et feignant.e (ce que je pense aussi un peu) sans vraiment comprendre.

J’ai dit à mes colocs que je suis non binaire, du moins j’ai essayé car je ne l’ai pas dit suffisamment clairement et je vois bien qu’iels sont confus à propos de ça même si iels n’osent pas m’en parler. Moi non plus je n’ose pas leur en reparler. Je ne sais pas si iels respectent mon pronom « iel » car forcément en ma présence iels me disent « tu ». Peut-être que la confusion vient aussi du fait que j’ai des cheveux (très) longs et des seins, alors qu’on attend d’une personne non binaire qu’elle essaie d’avoir une apparence plus neutre.

Concernant mon apparence justement, je varie mon expression de genre au niveau de mon style vestimentaire, mais je n’ai pas de réelle dysphorie par rapport à mon corps en tant que tel, je considère mon corps la plupart du temps comme un simple vaisseau transportant ma personne réelle, je ne lui attribue aucun genre particulier, il n’est à lui seul l’expression ni d’une féminité ni d’une masculinité (contrairement à mes vêtements). Je ne considère pas mes seins et mon sexe comme « féminins » en soi. C’est d’ailleurs cette absence de dysphorie concernant mon corps qui m’a fait douter sur ma transidentité. Ce qui me saoule c’est que contrairement à moi, le reste de l’humanité semble attribuer mon corps au genre féminin. C’est précisément pour cette raison qu’il m’arrive d’utiliser des binders, et d’envisager de me couper court les cheveux. Mais je sais que de toute façon le passing non binaire n’existe pas, qu’aux yeux des inconnus je serais toujours une femme. Mais peut-être que ces quelques changements dans mon apparence permettront aux rares personnes auprès desquelles je suis out de mieux percevoir ma non binarité.

J’ai aussi accompli des choses qui ne sont pas faciles pour toutes les personnes TDAH : j’ai trois diplômes d’études supérieures (j’ai voulu repousser au max mon entrée dans le monde du travail) et j’ai vite trouvé un emploi administratif dans ma branche. J’ai clairement été confronté.e à des difficultés d’apprentissage, de mémorisation et de restitution des connaissances pendant mes formations, mais j’ai malgré tout réussi à chaque fois, non sans mal. Aujourd’hui dans mon travail on attend de moi que je puisse réutiliser mes connaissances acquises alors que j’ai complétement oublié le contenu de mes formations universitaires, qui se sont achevées il y a quelques mois seulement. Mes supérieures et mes collègues ont étés impressionnées par mes diplômes mais du coup elles ont des attentes élevées, je ne peux pas assurer (pour l’instant je fais semblant, je ne sais combien de temps encore je pourrais faire illusion). Je me suis moi-même enfermé.e par mon parcours dans un monde professionnel dans lequel je n’arrive pas à bien travailler. Je ne peux pas travailler 8 heures par jour, impossible. Je ne peux pas me concentrer sur une tâche, j’oublie des choses, je fais des fautes d’inattention, je n’arrive pas à commencer ce que j’ai à faire car je ne suis pas sur.e de comment le faire ni combien de temps ça va me prendre, il y a des tâches que j’ai commencé sans jamais les terminer car j’ai dépassé la durée acceptable de leur accomplissement, etc. Bon, après relecture, j’avoue que j’exagère un peu. J’arrive à me rendre utile et à faire des trucs, seulement chaque chose me prends pas mal de temps et tout n’est pas fait.

Dans mon travail personne ne sait que je suis non binaire. C’est d’ailleurs impossible de dire ça dans ce milieu, non pas parce que je risque de me faire virer (je suis fonctionnaire), mais parce que l’administration française est extrêmement attachée aux conventions, aux normes sociales et aux mentions « Madame, Monsieur ». A la limite, ça serait plus acceptable d’être une personne trans binaire. On m’appelle donc toute la journée par mon prénom féminin (pas trop gênant) et par « Madame » (TRES gênant). Malheureusement il n’existe pas officiellement et usuellement de titre de civilité neutre, et ça c’est un énorme blocage. Ca fait qu’aucune personne non binaire ne peut être out dans l’administration, sauf en acceptant d’être toujours et constamment mégenré.e.

Mais je ne peux pas changer de travail. Qu’est-ce que je pourrais faire d’autre ? Je n’ai pas énormément de compétences dans mon domaine mais c’est le seul pour lequel j’ai été formé.e. Reprendre une formation pour apprendre à faire autre chose est hors de question vu comment j’ai souffert dans mes précédentes études. Et même si je faisais ça, au moment de travailler concrètement mon TDAH serait de toute façon un obstacle.

Pardon pour ce monologue déconstruit et complétement autocentré.

Arri

Bonjour rory,

 

D’abord, merci d’avoir écrit à Alterhéros et de faire confiance à notre équipe.

Si je fais un bref résumé de ta question, tu as besoin d’aide sur différents sujets (diagnostic TDAH, relations amoureuses et amicales, orientation sexuelle, non binarité, ton emploi). Tu ne sais pas trop où te tourner pour trouver de l’aide, c’est bien ça?

D’abord, je tiens à dire que tu as le droit de vouloir être heureux·se, je ne pense pas que tu sois une personne égocentrique, tu semble te soucier beaucoup des autres autour de toi.

Tu dis vivre des difficultés que les autres autour de toi ne vivent pas ou moins que toi et que ça pourrait être dû à un TDAH. Je suis en processus de me faire diagnostiquer moi même, car je pense aussi être TDAH. Je comprends donc que c’est un enjeu assez complexe. J’imagine que ce peut être différent en France, mais ici accéder à de l’aide psychologique au public est très long, sinon il faut payer pour aller au privé, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Tu as dit que tu ne trouvais pas de psychiatre qui faisait des diagnostics, je me demande ce que tu as cherché exactement? As-tu rencontré un psychiatre? C’est un peu difficile de notre côté de trouver les ressources exactes en France, puisque nous sommes situé·e·s au Québec, mais en faisant plusieurs recherches, j’ai trouvé quelques centres, listes et psychiatres qui sont spécialisé·e·s sur le TDAH chez l’adulte. Pour pouvoir obtenir un rdv avec elleux, il faut une référence d’un·e médecin généraliste, penses-tu que c’est quelque chose de possible de ton côté? De plus, si ces ressources ne sont pas dans ton coin ou ne conviennent pas, tu as toujours l’option de demander directement à taon médecin, qui devrait savoir où te référer plus précisément. Voici les psychiatres que j’ai trouvé:

Aussi, si jamais tes recherches ne sont pas fructueuses pour trouver un psychiatre, quelles mesures peux-tu mettre en place dans ta vie qui sont proposées pour les personnes TDAH, mais qui pourraient t’aider même si tu ne l’es pas? Pour moi, l’idéal est de travailler avec ma personnalité au lieu d’essayer de faire comme tout le monde.

Si tu cherches plus de soutien de ce côté, voici quelques ressources qui pourraient t’aider:

Tu mentionnes des difficultés dans tes relations interpersonnelles et le désir d’avoir des gens avec qui partager tes intérêts. Si les gens autour de toi ne partagent pas tes intérêts, peut être qu’il serait avantageux pour toi de trouver des gens en ligne? De nos jours, internet nous permet d’être en contact avec des gens d’un peu partout. Cela dit, je sais que c’est plus facile à dire qu’à faire, je n’ai pas beaucoup d’amis non plus, mais faire des activités qui me passionnent me permet parfois de trouver des gens qui sont aussi passionnés par ces activités.

Aussi, peut être que trouver un groupe lgbtq+ local te permettrait de faire de belles rencontres? Tu dis te questionner sur ton orientation sexuelle et pour moi comparer mon expérience à celle des autres à été une bonne stratégie. Je me suis longtemps questionnée sur mon orientation sexuelle et me questionne encore sur mon orientation romantique. Tu es valide peu importe où tu en es dans ton cheminement. L’orientation est une question d’intérêt plus que de dans quel type de relation tu es. Pour moi par exemple, je ne suis jamais sortie avec une fille et je me considère quand même omnisexuelle.

Tu dis te trouver un peu feignant·e et avoir des enjeux du côté de ton hygiène de vie. Tu le sais peut-être déjà, mais c’est très commun chez les personnes TDAH. Personnellement, quand je suis dans une période très stressante, je fais le strict minimum pour avoir l’air correct.e devant les autres, mais ce n’est pas facile. Je suis certaine que le désordre dans ta chambre doit ressembler au mien! Aussi, pour la majorité des gens se brosser les dents tous les jours semble une évidence, mais pas pour moi. Dernièrement, j’ai arrêté de travailler donc j’ai plus d’énergie pour m’occuper de moi et de mon appartement et je reprends le dessus petit à petit.

Pour ce qui est des relations avec tes colocataires, j’aimerais en savoir un peu plus pour t’aider. Est-ce que tu assumes qu’ils te trouvent bizarre ou bien certains t’ont fait des commentaires? As- tu essayé de leur parler de tes difficultés? Je sais que ça peut être très difficile comme conversation mais si tu te sens à l’aise d’en parler avec juste une ou un de tes coloc, la plupart des gens sont empathiques et veulent aider lorsqu’ils sont face à quelqu’un qui a besoin d’aide, il faut juste qu’ils sachent que tu as besoin d’aide. Le fait de discuter des enjeux que tu vis avec tes colocs, ça pourrait te permettre d’avoir un coup de pouce dans l’organisation de certaines tâches ou de certaines choses à se rappeler, que ce soit en créant un tableau de distribution de tâches, en leur mentionnant de faire preuve de transparence envers toi en te rappelant lorsqu’il est temps de faire une tâche, etc. Je tiens à te rassurer sur ce point, même si tu penses être très différent·e de tes colocs qui sont cis, hétéros et neurotypiques, ça ne veut pas dire qu’iels te voient comme une personne étrange! Neurodivergent·e·s ou pas, nous avons toustes une personnalité différente et vivons dans notre espace de diverses manières. C’est pourquoi le respect mutuel et la communication sont des choses importantes au sein d’une colocation.

 Tu as aussi parlé d’enjeux face à ta transidentité. Tu ne dois l’androgynie à personne. Tu es pleinement valide dans ta non binarité même si tu as une présentation plutôt féminine. Il est malheureux que ce soit un sujet sur lequel les gens sont peu éduqués et j’espère que ça changera dans les prochaines années. Je suis moi-même une personne non-binaire assignée fille à la naissance et je n’ai pas envie de passer mon temps à éduquer les gens autour de moi!

Si tu as instagram, j’aime beaucoup le contenu de @symptothermie_nonbinaire, iel partage parfois du contenu sur sa transidentité, mais ce n’est pas son sujet principal. 

Sinon sur Facebook il existe un groupe d’échange “NB Francophone : Non-Binaire Queer Androgyne Gendrefluid Agenre Xénogenre”

Et quelques sites internet:

Pour ce qui est du fait de te faire mégenrer au travail, tu n’es aucunement dans l’obligation d’être « out », mais puisque la civilité « madame » te rend mal à l’aise (et avec raison), il existe d’autres termes qui pourraient être utilisés, comme mix (Mx), qui est déjà d’usage en anglais. Sinon, il y a aussi menestre, monestre et mondame. Voici une page de Wikitrans qui en parle brièvement. Ce ne sont pas encore, en effet, des termes qui sont considérés comme officiels, mais peut-être qu’en discuter avec un·e supérieur·e et demander qu’ils soient utilisés pour référer à toi, ça pourrait être utile?

Tu parles de problèmes reliés à ton emploi et tes études. D’abord, laisse moi te féliciter pour tes trois diplômes! Ce n’est pas rien! Par contre, je sens que le domaine d’étude que tu as choisis n’est pas nécessairement celui qui te passionne le plus, est-ce que je me trompe? Pour une personne TDAH, il est très difficile de se motiver lorsque ce que la personne fait une tâche qui ne l’intéresse pas. Cela pourrait expliquer ta difficulté à travailler 8h par jour et ta difficulté à t’organiser. Sens-tu que c’est le cas? Il pourrait aussi y avoir d’autres raisons. Commencer un nouvel emploi est très stressant et le stress peut faire oublier beaucoup. Un certain temps d’adaptation peut être nécessaire. D’ici là, peut être que tu peux te concentrer sur ce que tu es capable de faire dans les tâches qui te sont demandées et y aller une étape à la fois? Parfois réussir à faire une tâche, aussi petite soit-elle, peut nous donner la motivation de faire la prochaine. Aussi, il y a toujours une différence entre ce qu’on apprend à l’école et comment on utilise ce qu’on apprend sur le marché du travail. Les gens avec qui tu travailles en sont probablement conscients. Si tu as des problèmes avec tes collègues, tu peux probablement en parler avec taon supérieur.e ou les ressources humaines de la ou tu travailles. As-tu une personne avec qui tu te sens à l’aise d’en parler sur ton lieu de travail? Tu peux peut-être aussi avoir des mesures adaptées, comme un horaire plus flexible ou bien plus d’accompagnement pour t’aider à t’organiser dans tes tâches?

J’ai essayé de répondre à tous les points que tu as posés mais je n’ai sûrement pas répondu à tout. N’hésite pas à réécrire à alter héro si tu as d’autres questions, ou bien simplement pour nous tenir au courant. Je te souhaite de rencontrer des gens merveilleux qui pourront t’appuyer dans le futur.

 

Arri (il, elle, iel), bénévole à AlterHéros

 

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