30 juin 2022

Je crois que je suis trans ou non-binaire, mais j'ai peur que ce soit une phase parce que j'aime les trucs féminins...

Je suis Li et j’aurais besoin d’un peu d’aide. Depuis quelques années, je suis initié.e au lgbt, cependant il y a peu j’ai découvert mon identité de genre et j’ai peur que cela soit une phase, que je suive un mouvement, pourtant j’ai l’impression que c’est vrai.

Actuellement je me dis non-binaire penchant autre & aroace. Au début je pensais être trans car ne me sentant jamais très en accord avec mon sexe de naissance. Cependant, après avoir découvert le mot ainsi que la définition de non-binaire, je pense que cela me convient. Je sais que je hais mon corps (et là j’ai l’impression de faire mon intéressante …), cette… poitrine, ses organes genitaux et le fait que j’ai du ventre.

Depuis que j’ai découvert cela, je me sens bien (sauf quand ma mère me megenre, ou le prénom, mais je hais mon prénom pour plusieurs raisons). Le truc c’est que parfois j’ai peur de pas être nb, que c’est une idiotie, parce que je me genre différemment, que j’aime des trucs de « fille » (couture etc. ; je suis né.e dans une famille cishet blanche aux origines catholiques et malgré une certaine « éducation intersexe » je sais que je suis très imprégné.e par les stéréotypes de genre, et cela m’affecte beaucoup)… J’ai un peu peur aussi que cela soit vrai, que je souffre encore pour tout, surtout que quand je ne connaissais pas, je n’avais pas ces problèmes (j’étais, certes, pas très bien et je me sentais souvent « pas très fille » mais il y a d’autres raisons plus personnelles pour lesquelles je vais mal).

Après il y a aussi mon expression de genre qui varie à l’écrit et qui part dans d’étranges tonalités à l’oral quand je tente de l’inclusif… Mais ça c’est un détail. Et puis j’ai besoin de me confier, alors je m’excuse, j’aurais sûrement besoin de voir un psy (et je suppose souffrir de dysphorie de genre, cependant je n’affirme rien hors un profond dégoût qui doit aussi venir de ma puberté «récente» qui provoque un certain choc, non ?)…

Bref, j’arrête de vous embêter, sachant que je n’aurais pas pu coucher grand chose à l’écrit et que mes pensées sont assez emmêlées les unes avec les autres.

Ah si ! Dernière question : à quoi sert et comment faire un coming-out et lutter contre l’homophobie/la transphobie dans ma famille ?

Merci d’avance,
Cordialement,
Li

AlterHéros

Bonjour Li!

D’abord, merci beaucoup d’avoir envoyé ta question à AlterHéros! Je trouve que les questions que tu te poses ressemblent beaucoup à celles que j’avais quand j’ai réalisé que je n’étais pas une fille. Il me fera donc plaisir de te partager mon expérience et de t’aider avec tout ça!
Si je comprends bien, tu te perçois depuis un moment comme une personne non-binaire, mais tu te demandes aussi si tu n’es pas trans. Tu doutes un peu de ton identité, car tu aimes certaines choses qui sont stéréotypiquement liées à ton genre assigné à la naissance. Finalement, tu te demandes pourquoi et comment faire un coming-out. C’est bien ça?
​D’abord, parlons de transitude et de non-binarité. Tu dis qu’initialement, tu considérais être trans, car tu ne t’identifies pas à ton sexe assigné à la naissance, mais qu’ensuite tu as découvert la définition de la non-binarité (ne pas être un garçon ou une fille) et tu trouvais que ça te correspondait bien. En fait, tu n’as pas besoin de choisir entre les deux! Effectivement, il y a beaucoup de personnes non-binaires qui se considèrent trans, et c’est tout à fait logique, car c’est rare que l’on ait été assigné‧e non-binaire à la naissance. Ainsi, les personnes non-binaires ont une identité de genre qui diffère de leur sexe assigné à la naissance, et peuvent se considérer trans. Il y a aussi des personnes non-binaires qui ne considèrent pas qu’elles ont une expérience trans, pour toutes sortes de raisons. Au fond, c’est un choix personnel!
C’est donc tout à fait légitime si tu te sens à la fois trans et non-binaire. Et c’est aussi tout à fait normal de changer les termes qu’on utilise pour décrire son identité à mesure qu’on la comprend mieux. Moi, par exemple, j’ai changé tout plein de fois de façon de décrire mon genre! Ça commence à faire longtemps que j’ai compris que je n’étais pas une fille (déjà huit ans!), mais comprendre comment définir mon identité précisément a pris beaucoup de temps. J’ai commencé par dire que j’étais trans et non-binaire. J’ai aussi utilisé des mots comme demigirl, demiboy, bigenre et genderfluid pour expliquer mon genre. Finalement, récemment, j’ai réalisé que je me sentais beaucoup plus homme que je pensais, et donc maintenant je me décris davantage comme un homme trans genderqueer. Je me sens bien avec ces mots, mais peut-être que ça changera à l’avenir, et ce n’est pas grave!
D’ailleurs, quand tu dis que tu doutes de ta non-binarité parce que tu aimes des choses qui sont codées comme féminines dans notre société. Moi aussi c’était mon cas. Mais en fait, l’identité de genre, soit comment une personne se sent à l’intérieur, n’a pas à concorder avec son expression de genre, soit ce qui est perceptible de l’extérieur et genré par les autres (intérêts, apparence, voix, etc.) Pendant plusieurs années, je me suis forcé à être plus masculin en portant des vêtements du rayon des hommes, en ne portant pas de maquillage, etc. Mais je me suis rendu compte que ça me rendait très malheureux. Alors maintenant je me fiche d’être un homme très féminin. J’adore comme toi la couture et je me fabrique souvent des jupes et des robes. J’aime le vernis à ongle et je me teins parfois les cheveux en rose. Les gens qui ne me connaissent pas me genrent souvent au féminin à cause de cela, et j’avoue que ça me dérange, mais moi, je sais que je suis un garçon. Et puis, le double standard est quand même ahurissant! De plus en plus, les garçons cis (non-trans), revendiquent et assument le droit d’aimer des choses plus féminines, et la société est de plus en plus d’accord qu’ils restent quand même des garçons. Alors pourquoi ce serait différent pour les gens, qui, comme toi et moi, sont assigné‧e‧s filles à la naissance, mais ne sont pas des femmes? Nous avons le droit d’aimer des choses féminines sans que cela remette notre identité de genre en question!
Je te comprends aussi quand tu dis que tu as également peur d’être réellement non-binaire ou trans. Ce n’est pas toujours facile de l’être. Mais dans mon expérience, il vaut toujours mieux savoir pourquoi certaines choses nous font souffrir que de se sentir mal sans savoir pourquoi. Qu’en dis-tu? Si tu souffres par rapport à ton corps, et il me semble que c’est le cas, ne vaut-il pas mieux savoir pourquoi et ainsi avoir des pistes à explorer pour alléger cette souffrance? Tu dis qu’avant d’avoir ces questionnements sur ton identité de genre, tu ne souffrais pas vraiment, mais je crois qu’il faut plutôt considérer l’inverse. Quand tu ne souffrais pas, tu n’avais pas besoin de te poser des questions sur ton identité de genre. Et maintenant que tu es mal à l’aise avec plusieurs éléments, dont les changements entraînés par la puberté, ton prénom, le fait de te faire genrer au féminin, cela t’entraîne à te questionner sur ton identité de genre.
Tu sais, c’est un mythe qu’il faut avoir «toujours su» que quelque chose n’allait pas pour être réellement trans ou non-binaire. Il y a en fait beaucoup de jeunes trans et non-binaires qui ne se sont jamais posé de questions sur leur identité de genre avant leur puberté. En effet, quand nos parents nous donnent une certaine liberté au niveau des attentes genrées, comme il semble que c’est ton cas puisque tu dis que tu as eu une éducation plutôt non-genrée, on n’a pas vraiment de raison de se poser des questions en bas âge. Mais à l’adolescence, souvent, ces attentes se resserrent. On nous dit que maintenant on est une femme alors on doit se comporter comme ci et non comme ça, et quand on entre au collège, on voit que les garçons et les filles forment de plus en plus deux clans distincts et tout le monde s’attend à ce qu’on ne dépasse pas du rang. Mais pour plusieurs jeunes, soudainement rien n’a plus de sens. Pourquoi c’était accepté à l’enfance d’explorer des choses associées à tous les genres, alors que maintenant ce ne l’est plus?
Je ne sais pas pour toi, mais moi je n’y comprenais plus rien. Je suis plus vieux que toi, alors dans mon temps (dit comme ça on dirait que j’ai 80 ans et non 25!), on ne parlait pas du tout des réalités trans et non-binaires. Alors je croyais juste que j’étais un peu fou et que ça allait se régler. Je me disais que tout le monde devait être dans la même incompréhension que moi, que tout le monde détestait la puberté et les attentes genrées. En grandissant, j’ai réalisé qu’en fait, ce n’était pas vraiment le cas. La majorité des filles cis et des garçons cis sont contents des changements qui viennent avec la puberté et l’entrée au collège ou au lycée. Bien sûr, tout ça est un peu gênant pour plusieurs, aucun garçon cis n’aime avoir des érections n’importe quand et aucune fille cis n’est ravie quand ses règles sont irrégulières et tachent ses sous-vêtements. Mais de façons générale, les ados cis sont content de «devenir» un homme ou une femme. Alors le fait de ressentir un profond dégoût par rapport à ce qui se passe avec ton corps n’est pas anodin. Je crois que tu dois te faire confiance: si tu sens que tu n’es pas une fille, si tu sens que tu as de la dysphorie, tu dois t’écouter et te demander, qu’est-ce qui me ferait sentir mieux?
Dans un sens, c’est un peu ce à quoi sert un coming-out: se sentir mieux. En informant les autres de ce que l’on vit, cela nous permet de procéder à certains changements, comme d’essayer d’autres prénoms et pronoms. Mais chaque personne a un parcours différent, et le choix de faire un coming-out (et le choix des personnes à qui on le fait) est tout à fait personnel. Il n’y a aucune obligation dans un parcours trans: il faut d’abord s’écouter et suivre notre instinct. Ça peut beaucoup aider de consulter un‧e intervenant‧e ou un‧e professionnel‧le à ce sujet, ou encore de partager notre expérience avec d’autres personnes qui vivent la même chose. Si tu crois que ça pourrait t’aider, je t’invite à contacter l’association trans la plus près de chez toi afin de connaître les ressources qui sont disponibles pour t’aider avec tes questionnements.
Oh là là ça fait déjà beaucoup d’information, n’est-ce pas? Prends tout le temps dont tu as besoin pour absorber les informations et les expériences que je t’ai partagées. Ensuite, ça pourrait t’aider de parcours les différentes sections de notre site pour trouver plus de conseils sur le coming-outla non-binarité et la fluidité des genres ou encore les démarches de transition. Et bien sûr, n’hésite pas à nous réécrire si tu n’y trouves pas réponse à tes questions.
Je te souhaite bonne chance dans ton exploration!
Séré, intervenant pour AlterHéros

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