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9 juin 2021

J'ai l'impression de trahir la communauté LGBT en n'employant pas le terme lesbienne pour me désigner...

Bonjour à toute l’équipe,
Je vous ai écris il y a un long moment et votre réponse m’avait aidée dans mon cheminement pour accepter mon orientation sexuelle et romantique.
En gros merci, pour votre aide de l’époque.
J’ai même pu faire mon coming-out homosexuelle au Lycée. En bref, tout le monde est au courant pour mon orientation, je n’ai plus à la cacher et je peux la vivre librement, ce qui m’a enlevé un poids énorme que je n’arrivais plus à supporter en le vivant dans le secret, mais, j’ai toutefois rencontré quelques difficultés d’acceptation et de rejet à partir où tout le lycée a été au courant.
Du coup, j’ai préféré faire une pause dans mon coming-out et je n’ai pas mis au courant ma famille pour le moment. Je le ferai un jour quand j’aurai rencontré ma première amoureuse sérieuse, j’en suis sûre mais pas maintenant. Je suis avec une fille mais notre relation est seulement au tout début et je ne sais pas ce que ça va donner. car la fille en question ne s’assume pas malgré mon aide, je crois qu’il lui faut du temps, j’ai bon espoir qu’elle finisse par assumer avec moi notre relation.

Je voulais juste donner de mes nouvelles, et le vrai questionnement est que j’ai l’impression de trahir la communauté lgbt en n’employant pas le terme lesbienne pour me désigner.
Je préfère me désigner en tant que homosexuelle et pas lesbienne pour parler de moi à mon entourage ou sur les réseaux sociaux. Je préfère «homosexuelle» parce que je trouve ce mot plus neutre et moins connotée négativement dans ma tête, en plus «homosexuelle» désigne aussi bien une orientation homme et femme, alors que les termes gays et lesbienne, c’est tout de suite genrée et j’ai du mal à les utiliser pour moi mais aussi gay pour désigner des hommes homosexuels, à cause de la connotation négative véhiculée dans les médias.
Est ce normal ? Parce que je vois que les homosexuelles de ma génération utilisent systématiquement «lesbienne» pour parler d’elles sur les réseaux sociaux et faire leur coming-out et moi je n’y arrive pas. Je trouve plus appropriée homosexuelle pour identifier mon orientation par sa neutralité, mais je constate que plus personne n’utilise «homosexuel» ou «homosexuelle», tout le monde utilise gay et lesbienne. Donc je me sens bizarre et à contre-temps en préférant utiliser homosexualité et homosexuelle !!!
Et dernière question : pourquoi lesbienne et gay sont systématiquement utilisées pour désigner les orientations homosexuelles des femmes et hommes par les homosexuel.les elles/eux mêmes, parce que ces termes me semblent encore connotées négativement par les médias ? A moins que c’est moi qui connotent négativement ces termes et qui connote positivement homosexuelle ?

Ange

Marie-Édith Vigneau

Salut Ange !

Merci beaucoup de faire confiance à AlterHéros.

Ça nous fait vraiment plaisir de savoir qu’on a pu te donner un coup de pouce par le passé. Merci de nous donner de tes nouvelles, c’est apprécié ! Je suis désolée d’apprendre que ton coming-out ne s’est pas tout à fait passé comme prévu. Tu as bien fait de t’écouter et de prendre une pause pour prendre soin de toi.

Le coming-out n’est jamais obligatoire et si on choisit de le faire, l’idéal est de pouvoir choisir quand on le fait, à qui on le fait et comment on le fait. La fille avec qui tu es en ce moment a probablement besoin de temps comme tu le dis, et c’est correct ainsi. C’est génial que tu la respectes là-dedans!

Concernant ton questionnement au sujet des mots à utiliser pour te décrire, je veux d’abord te dire que tu es la seule à pouvoir choisir ces mots, à savoir ce qui te convient le mieux, ce qui te fait te sentir le mieux. Je peux toutefois te donner certaines pistes pour répondre à tes questions, dont : « pourquoi lesbienne et gay sont systématiquement utilisées pour désigner les orientations homosexuelles des femmes et hommes par les homosexuel.les elles/eux mêmes, parce que ces termes me semblent encore connotées négativement par les médias ? ». Je vais te parler un peu de moi et de mon entourage en espérant que ça t’aide un peu.

Je me définis moi-même comme lesbienne. Je connais des filles de mon entourage qui se définissent comme homosexuelles et d’autres comme queer (un mot que j’aime bien aussi pour décrire mon identité et ma sexualité – à ce sujet, tu peux consulter la réponse de mon collègue Guillaume : Que signifie être queer?).

J’aime le mot lesbienne parce qu’il est court, il est clair, il est utilisé par d’autres militantes qui me ressemblent ou que j’admire, et franchement je trouve que ça sonne badass ! J’aime moins le mot « homosexuel.le » parce qu’il a longtemps servi à diagnostiquer les personnes qui ne sont pas hétéro d’un problème de santé mentale. J’aime aussi que « lesbienne » même lorsqu’on le prononce, signifie que l’on parle surtout de femmes (alors que « homosexuel.le », au masculin ou au féminin, c’est la même chose à l’oral). J’aime sa spécificité !

Je t’explique : les professionnel.le.s de la santé derrière le DSM (Diagnostic and Statistic Manual of Mental Disorders), surtout utilisé en Amérique et la CIM (Classification Internationale des Maladies), surtout utilisée en Europe, ont gardé ce diagnostic jusqu’en 1973 et 1991, respectivement. L’homosexualité n’a plus été un diagnostic dans ces deux grands livres utilisés par plusieurs professionnel.le.s en 1980 pour le DSM et en 1992 pour la CIM.

C’est correct de vivre avec des troubles de santé mentale ! Simplement, l’homosexualité n’en est pas un. Je trouve ça terrible que ce mot ait été utilisé pour faire vivre des « traitements » non consentis à certaines personnes et c’est une des raisons pour lesquelles je l’aime moins.

Je n’ai pas choisi d’être lesbienne, mais je choisis ce mot-là pour décrire une des facettes de qui je suis maintenant. Par contre, comme je te disais, certaines filles autour de moi préfèrent le mot « gaie ». D’autres utilisent « homosexuelle ». Elles l’utilisent parce qu’elles le trouvent plus clair, plus universel, plus neutre que « lesbienne » et aussi moins associé à la pornographie. Certaines trouvent que « lesbienne » fait trop « militantisme », « défense des droits », ou, comme toi avec le mot « gay », que ça a une connotation négative, surtout dans les médias.

Même si on ne nomme pas notre sexualité de la même façon, on s’entend bien et on s’aime bien, ces personnes-là et moi ! On vit des réalités similaires, mais on choisit de les nommer autrement. Tu n’es pas à contre-temps, ni bizarre.

Tu connais l’histoire du mot « queer » ? À la base, « queer » veut dire bizarre ou étrange, en anglais. C’est un mot qui a longtemps été utilisé pour insulter les personnes qui sortaient de la norme, qui ne répondaient pas aux attentes de la société en matière de genre et de sexualité (et d’autres normes aussi!).  À la fin des années 80, des militant.e.s ont décidé qu’iels allaient utiliser ce mot pour se définir iels-mêmes d’une manière positive. C’est comme si l’insulte perdait son « pouvoir négatif » à ce moment-là : « Ah oui ? Tu me dis que je suis queer ? En effet ! Je suis queer et fier de l’être ! ». Depuis ce moment, de plus en plus de personnes se définissent comme queer. Cependant, pour d’autres personnes, ce mot a encore une connotation négative et est plutôt perçu comme une insulte.

On peut donc dire que « queer », comme « homosexuel.le », est vu comme un terme à connotation négative par certain.e.s, alors qu’il est vu comme neutre ou positif par d’autres, pour différentes raisons. C’est d’ailleurs la même chose pour « gay » et « lesbienne ». Il n’y a pas de mot parfait et qui fait complètement l’unanimité pour décrire nos identités, nos sexualités ou nos comportements.

Comme tu peux voir, les mots choisis pour se définir peuvent être complexe. Il y a même parfois des tiraillements à ce sujet au sein des communautés. C’est bon signe : nous réfléchissons à des mots qui nous font du bien, qui ont un sens positif pour nous, pour nous décrire. Les désaccords ou différences nous permettent d’ouvrir le dialogue à ce sujet et d’en apprendre plus sur les réalités des autres. Je trouve tout ça très sain !

En complément, je te suggère cet article : Le terme «homosexuel» ou «homosexuelle» est presque derrière nous, d’Aude Lorriaux, publié sur Slate FR. Il n’est pas parfait mais il a le mérite de bien expliquer que les mots qu’on utilise pour parler de nous peuvent nous faire discuter trèèèès longtemps !

N’hésite surtout pas à nous réécrire si tu en ressens le besoin. On est là pour toi.

Bonne journée,

Marie-Édith (elle/she), B.A. sexologie, pour AlterHéros

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