Salut Xavier!
Merci de nous écrire, ton message adresse plusieurs sujets très pertinents! Si je commence par essayer de résumer, il y a un certain temps déjà que tu es excité à l’idée de faire une fellation et, depuis un moment, ce fantasme s’est légèrement modifié à l’écoute de vidéos pornographiques, et est devenu très prenant. Tu vis maintenant beaucoup d’anxiété en lien avec l’importance que prend ce fantasme dans ton esprit et tu as l’impression d’être moins excité par les femmes, ce qui te mène à remettre ton orientation sexuelle en question. Tu souhaites donc savoir s’il est normal d’être plus ou moins excité par différentes choses selon le moment, ainsi que s’il est possible de consulter un.e spécialiste autrement qu’en passant par une maison de jeunes.
Puisque, dans ton message, tu nommes croire avoir un “TOC homo”, j’aimerais commencer par citer un extrait d’
une réponse de mon collègue Guillaume à ce sujet :
« Chez AlterHéros, nous sommes généralement très prudent.e.s à aborder le sujet du TOC homo. Pourquoi? Parce qu’il s’agit d’un concept en psychologie utilisé par des thérapeutes professionnel.le.s et qu’il est souvent mal interprété et mal utilisé au quotidien par les internautes. De plus, c’est un concept sur lequel il est possible de trouver une tonne d’informations fausses sur Internet. En effet, ce concept est trop souvent utilisé afin d’invalider des questionnements sains et normaux dans le développement identitaire d’une personne. Ceci peut donc contribuer à une forme d’homophobie intériorisée en offrant la prémisse que les questionnements sur l’orientation sexuelle sont liés à un trouble psychologique et non pas à un développement psychologique normal. Alors avant d’approfondir la question du TOC homo, rappelons-nous ces quelques éléments :
- Il est complètement sain d’avoir des questionnements sur son orientation sexuelle. Il n’y a pas d’âge ou de moments précis pour avoir des questionnements, des réflexions ou des idées érotiques au sujet de l’orientation sexuelle.
- Toutes les orientations sexuelles sont aussi belles les une que les autres. Aucune orientation sexuelle n’est meilleure ou inférieure à l’autre.
- Les orientations sexuelles ne sont pas limitées à l’hétérosexualité ou l’homosexualité, mais que les personnes bisexuelles, pansexuelles et asexuelles existent. Il est donc possible que nos désirs et comportements ne s’inscrivent pas dans une case précise.
- Les orientations sexuelles comprennent plusieurs composantes liées aux attirances physiques et aux attirances romantiques. Il est donc possible d’être romantiquement attiré par un type de personnes et sexuellement attiré vers plusieurs types de personnes.
- La sexualité est quelque chose de fluide : nos préférences, besoins, intérêts, désirs et libido peuvent varier avec le temps, selon les contextes et selon les rencontres que nous faisons.
- Ce n’est pas parce que quelqu’un a eu une idée, une attirance, un questionnement ou un fantasme homosexuel que cela nie son hétérosexualité. »
En bref, il faut faire attention à ne pas confondre un diagnostic officiel de trouble obsessionnel compulsif émis par un.e professionnel.le et un questionnement sur son orientation sexuelle, ce qui est on ne peut plus sain et normal! Il n’y a rien de mal à s’interroger, tout comme il n’y a rien de mal à ressentir de l’attirance pour différents types de personnes. D’ailleurs, tu dis t’être souvent demandé si tu pourrais être avec un homme et en être arrivé à la conclusion que tu n’es pas attiré par eux et que tu ne te vois qu’avec une femme dans le futur. Sache que c’est absolument légitime et correct, mais il peut arriver que l’on n’arrive à s’imaginer un futur qu’en couple “hétéro” parce que c’est le (seul) modèle social qui nous est présenté. C’est ce qu’on appelle l’hétérocentrisme, soit le fait de représenter l’hétérosexualité comme modèle social par excellence, au détriment des autres orientations sexuelles. Ça ne veut pas dire que c’est ton cas, mais si jamais tu t’empêchais de vivre une expérience amoureuse ou sexuelle pour cette raison, sache tu as tous les droits de ressentir du désir envers les hommes. Il n’y a aucun mal à ça. Le bonheur n’est pas réservé qu’aux hétéros 😉
Ensuite, en ce qui a trait à ton fantasme en tant que tel, je trouve que tu as une très belle introspection à ce sujet! À travers ton message, tu nommes que ton fantasme de fellation et celui où tu t’imagines à la place d’une femme (particulièrement faisant une fellation) lorsque tu regardes de la porno ne sont probablement pas des désirs à prendre littéralement. Bien que ces fantasmes puissent être à prendre au pied de la lettre, j’allais justement te demander quelle est la composante excitante pour toi dans ces scénarios? À cette question, tu avais déjà avancé une piste de réponse : le rapport de domination et la fellation en tant que tel. Puisque tu sembles avoir mis le doigt sur ce qui t’excite dans ces scénarios, permets-moi de te dire qu’ils sont tout à fait compatibles avec l’hétérosexualité. Rien n’empêche de laisser une partenaire prendre le contrôle lors d’une relation sexuelle! Et il est aussi possible, si tu te sens à l’aise d’en parler avec une potentielle partenaire, d’utiliser des jouets érotiques dans ta vie sexuelle, comme un dildo ou un godemichet, donc un pénis en silicone que ta partenaire pourrait porter, rendant ainsi une fellation possible. (Sans oublier que le fait d’avoir un pénis n’est pas exclusif aux hommes puisque certaines femmes trans gardent le leur.) Il y a plusieurs moyens pour intégrer tes fantasmes comme il te plaît dans tes éventuelles pratiques sexuelles, tout comme dans tes sessions de masturbation!
Par contre, tu sembles dire que tu n’es plus à l’aise avec ce fantasme, qu’il t’effraie. En quoi t’effraie-t-il exactement? Est-ce parce que tu as l’impression que c’est la seule chose qui t’excite désormais? Est-ce parce que la possibilité d’être attiré par les hommes te fait peur? Si c’est le cas, qu’est-ce qui te ferait peur à cette idée? Tu mentionnes aussi qu’après avoir ressenti de l’excitation en t’imaginant faire une fellation, tu ressens du dégoût à cette pensée. Quelle est l’origine de ce dégoût, selon toi? Est-ce à nouveau l’idée d’être attiré par les hommes? Est-ce un élément précis du scénario pornographique auquel tu sembles faire référence, qui est parfois dégradant ou violent envers la femme? Je t’invite à prendre un moment pour te poser des questions en lien avec les émotions négatives que te font vivre ces fantasmes que tu as, sans jugement, pour adresser ce qui te tracasse. Par ailleurs, petite parenthèse à propos de la consommation de pornographie puisque tu posais des questions à ce propos! En soi, la consommation de pornographie n’est pas problématique (bien que techniquement illégale pour les
mineur.es), tant que tu gardes en tête qu’il s’agit de fiction. Les corps ne ressemblent pas à ceux de la plupart des gens, il y a des retouches, des “effets spéciaux” pour rendre les orgasmes plus impressionnants, des réactions exagérées, et comporte souvent des scènes violentes ou dégradantes, particulièrement envers les femmes. Il faut alors garder l’esprit critique pour ne pas se créer de fausses attentes par rapport à la sexualité dans la vie réelle, mais il n’y a rien de mal à s’en servir pour alimenter notre imaginaire érotique!
Parlant d’imaginaire érotique, tu as déjà une belle compréhension de quoi il relève. Comme tu le mentionnais dans ton message, les fantasmes sont des pensées qui créent de l’excitation, que l’on peut souhaiter reproduire, ou non, dans la réalité. Ainsi, il est possible que le fait de t’imaginer faire une fellation à un homme t’excite, mais que tu ne souhaites pas avoir de relation sexuelle avec un homme dans la réalité! Ou bien que tu imagines être une femme lors d’une session de masturbation, mais que tu ne t’identifies pas comme une femme pour autant dans la vie de tous les jours. C’est d’ailleurs pourquoi je voulais t’amener à réfléchir aux composantes excitantes de tes fantasmes que tu pourrais vouloir amener dans ta vie sexuelle avec un.e partenaire.
Ceci dit, pour en venir à ta question principale, à savoir s’il est possible d’avoir des périodes où certaines choses nous excitent plus que d’autres, la réponse courte est oui! La sexualité est un concept fluide. C’est-à-dire que nos désirs, nos envies, nos besoins et nos attirances peuvent varier dans le temps et selon les contextes. Ainsi, il est tout à fait normal d’avoir davantage de fantasmes exploratoires ou impliquant des hommes lorsque tu es célibataire, alors que lorsque tu es en amour avec une fille, tu penses plutôt à elle ou à des scénarios romantiques par exemple! Les désirs varient et fluctuent chez toute personne, c’est le propre de la sexualité. L’important, c’est de ne pas juger tes fantasmes : ils ne font pas de mal, simplement te permettre de te découvrir sur le plan sexuel et t’amener de l’excitation!
Finalement, si tu vis beaucoup de détresse ou d’anxiété par rapport à tes questionnements, tes fantasmes et la découverte de la sexualité, il n’y a rien de mal à consulter un.e psychologue ou un.e sexologue! Ce n’est pas toujours facile d’y voir clair, alors avoir une personne professionnelle et objective pour nous accompagner dans nos réflexions peut faire beaucoup de bien et il n’y a pas à en avoir honte. Il est vrai que tu peux avoir accès à des ressources dans les maisons de jeunes ou à l’école, mais si ça te gêne, il est aussi possible de rencontrer des spécialistes en bureau privé. Certain.es, comme tu le demandes, proposent parfois des rencontres à distance, par vidéoconférence (Skype, Zoom ou autre). N’hésite pas à te renseigner si tu crois que ça te ferait du bien!
Voilà, j’espère que tu auras réussi à me lire jusqu’au bout et que cela t’aura aidé à enlever un peu de poids de tes épaules. Rappelle-toi que tes fantasmes t’appartiennent et qu’il n’y a rien de mal aux scénarios que tu imagines, pour autant qu’ils te fassent du bien. Je t’invite à t’interroger sur ce qu’ils te font vivre et sur les éléments que tu pourrais souhaiter intégrer dans ta vie sexuelle réelle pour te les approprier. Rappelle-toi aussi que la sexualité est fluide et que nos désirs varient dans le temps et selon les contextes et qu’elle devrait d’abord et avant tout être source de plaisir. Si ce n’est pas le cas, n’hésite pas à consulter un.e professionnel.le pour t’aider à faire le point sur ce qui te crée un mal-être. Sur ce, sache qu’il nous fera toujours plaisir de répondre à de futures questions ou d’avoir de tes nouvelles, alors n’hésite pas! D’ici là, prends soin de toi!