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27 octobre 2002

Témoignage orientation sexuelle

Témoignage

Équipe -Pose ta question!-

Par où commencer ? Je ne sais trop. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été attirée par les filles. Nombreux sont les gais et lesbiennes qui vous diront comme moi. On dirait qu’on le sait dès qu’on est en âge de comprendre. Mais qui veut dire comprendre ne veux pas dire acceptation.

D’abord, c’est dans l’inconscient que ça s’est joué. Au cours de mon développement personnel depuis que je suis toute petite, mon côté homosexuel a teinté mes décisions et choix de tous les jours. Que se soit au niveau des fantasmes, des sports, des rêves, des projets, des amitiés, des films qui m’ont marqué, des personnes que j’admirais, des livres, des relations amoureuses. bref, tout y est passé. À ce stade, c’était l’inconscient qui pilotait. Mais ces pulsions sont devenues de plus en plus présentes, au point d’effleurer mon conscient. Je crois que cette étape était inévitable, sinon je serais devenue trop détaché de ma personnalité réelle. De temps en temps, j’avais des désirs inexpliqués, des pensées incohérentes avec mon mode de vie. Mais comme beaucoup, j’ai continué à vivre en ignorant cette partie de moi, ayant été totalement socialisée en tant que femme hétérosexuelle. Mais ces sentiments sont devenus de plus en plus présents, de plus en plus continus et surtout de plus en plus définis. Les vagues sentiments qui surgissaient de temps à autre au gré de mes activités, les fantasmes, désirs et questionnements sont devenus de plus en plus précis. C’était le passage de l’inconscient vers le conscient. C’est le moment à partir duquel ma réalité homosexuelle n’a plus été composée que de brefs épisodes qui retournent s’enfouir dans l’inconscient, mais plutôt d’un long film continu qui ne cessait de défiler dans les méandres de ma petite tête.

Mais même ce passage vers le conscient est loin de l’étape finale. Tout en ayant ce scénario constamment présent dans la tête, j’ai continué de l’ignorer pendant quelques temps. Dans le fin fond, je savais que j’étais probablement gaie, mais je n’osais pas encore y faire face. Je n’osais même pas me dire à moi-même « Wow, cette fille-là m’attire » et encore moins « Je me demande si je suis gaie. » Tout ça se passait en arrière plan, un peu comme une « voix off » dans un film. En fait, la première fois que je me suis dit «ouais bien je suis probablement gaie », je ne me suis même pas sérieusement questionnée. Pourtant, j’avais quand même ouvert une porte très significative, et c’était la première action voulue que je posais en ce sens. Je me suis dit peu de temps après « ouais ben, il faudrait que j’y fasse face parce que ça n’a pas d’allure. » Mais les mots ne prenaient pas tout leur sens dans ma réalité. C’est comme si les mots précédaient la prise de conscience, comme si au début je parlais dans le vide ! Qui a dit qu’on voit seulement ce qu’on veut bien voir !?

Le simple fait de m’être parlé ouvertement à propos de ce sujet avait été le premier pas vers la sortie du placard, la première étape d’une longue prise de conscience. À ce stade, je n’en était même pas à l’acceptation. C’était un petit pas, mais combien difficile. Remettre en question mon identité sexuelle ne m’était jamais encore apparu comme un possibilité. Moi, une fille comme les autres, qui voulait tellement que ça marche en amour avec les hommes ! Moi qui avais des préjugés gros comme le bras (ou en tout cas des peurs) envers les homosexuels ! Moi qui avais été élevée comme une bonne petite fille qui allait se marier, avoir des enfants, tout le kit quoi!
Mais est arrivé un moment, lorsque j’étais en secondaire 4, où j’ai commencé à faire face à la musique. Ce film qui se déroulait dans mes arrières pensés est devenu encore plus présent, au point où il devienne un élément central de mes réflexions de tous les jours. Mais encore une fois, qui veut dire réflexion ne veux pas toujours dire acceptation. À ce moment, je commençais à admette que j’avais une attirance physique pour certaines femmes, mais c’est tout. C’est attirance se manifestait dans mon quotidien, et beaucoup dans mes rêves. Je n’en tirais pas de conclusion.

Étant en pleine recherche d’identité et en quête d’amour, j’essayai de faire comme les autres et d’avoir des « chums » mais je n’étais pas à l’aise avec eux. Je ne cessais d’avoir des pensées amoureuses pour certaines de mes camarades de classe. Mais ces pensées n’étaient que pensées et elle ne pouvaient être autrement. J’étais une épave émotive. Je ne savais plus quoi penser, quoi faire. Je ne savais plus ce que je voulais. J’étais persuadée que je ne serais jamais pleinement heureuse ni avec les hommes, ni avec les femmes. J’ai donc tout laissé de côté pendant un certain temps.

J’ai cessé de me poser des questions. Je me suis mise en quarantaine. À la fin de l’année 98-99, mes questionnements ont resurgi. J’en ai beaucoup parlé avec une amie que je remercie d’ailleurs pour tout le soutient qu’elle m’a porté. En fait, elle m’a adroitement accompagné vers ce destin que je ne voulais pas pour moi, que je n’acceptais pas, qui me faisait peur. Je ne voulais pas être gaie, être marginale. Je ne voulais pas de ce monde ! Ce n’était pas le mien, celui pour lequel j’avais été élevée. Mais pire, j’avais terriblement peur de perdre mes amis(es) et ceux qui m’entouraient. Donc, je gardais cela pour moi.

Autant la prise de conscience avait été pénible et longue, autant l’acceptation s’annonçait difficile. Un jour, je me suis finalement dit qu’il fallait que j’accepte mon « état » et que si les autres ne l’acceptaient pas je ne pouvais rien y faire, que je devais cesser d’attendre une opinion positive de la société avant de faire ma vie. Donc, le jour où je suis sortie de mon patelin pour la ville de Québec, j’ai réussi à annoncer à mes parents mon orientation. « Enfin » fut les premières paroles de ma mère ! Aujourd’hui, plusieurs discutions ont eu lieu entre mes parents et moi sur les filles. Je suis contente de bien m’entendre avec eux.

Un moment donné, une amie m’a demandé LA question à 1 million de dollars : « Si tu pouvais prendre une petite pilule pour devenir hétéro, est-ce que tu le ferais ? » J’avais répondu sans hésitation « OUI ». Le temps a passé, je suis maintenant à l’aise avec moi-même. Je m’assume pleinement, je suis bien dans ma peau, bien dans mon orientation, je suis moi. D’ailleurs pour en revenir à cette fameuse pilule qui rend « straight », je ne la prendrais plus aujourd’hui. J’ai atteint mon équilibre. Je suis ce que je suis, un point c’est tout!

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